Ce texte, traduit du latin par l'auteur de ce blog, développe le point de vue de la théologie morale catholique romaine (du XVIIIe siècle) sur les pratiques sexuelles considérées comme contre nature : pratiques homosexuelles, zoophiles, et nécrophiles rassemblées dans un même article. On s'y intéresse même aux relations sexuelles avec un démon. Charles René Billuart (1685-1747) était un théologien français, provincial dominicain, qui publia un Cours de théologie d'après S. Thomas d'Aquin en 19 volumes. Le texte latin est en noir, la version française est en bleu.
ARTICULUS X. De bestialitate et sodomia.
Circa bestialitatem et sodomiam pauca occurrunt dicenda quæ breviter perstringam.
Quantum ad bestialitatem.
Imprimis hujus sceleris atrocitatem probant pœnæ in illud latæ. Levit. 20, jubetur ut bestia et bestialitatem committens simul interficiantur; apud christianos flammis addicuntur.
Article X. De la bestialité et de la sodomie.
Autour de la bestialité et de la sodomie, il y a peu de choses à dire, [choses] que j’effleurerai brièvement.
En ce qui concerne la bestialité.
Avant tout, les peines en vigueur [qui] lui [sont] liées, prouvent la monstruosité de ce crime. Au Lévitique 20, il est ordonné que l’animal et celui qui commet [l’acte de] bestialité soient tués ensemble ; chez les chrétiens, ils sont voués aux flammes.
Quando concubitus fit cum dæmone, præter malitiam bestialitatis, habet etiam malitiam superstitionis, quatenus includit societatem cum dæmone, Dei et nostri hoste infensissimo, quod ideo debet explicari in confessione. Item attendendum sub qua forma appareat dæmon: si sub forma bruti, nihil addit; si sub forma humana, vel sub forma viri ad virum, vel mulieris ad mulierem, et sic contrahit secundum affectum malitiam sodomiæ si sub forma alterius conjugis diversi sexus, malitiam adulterii; si sub forma monialis, malitiam sacrilegii; et sic de cæteris. Et hæc sunt in confessione explicanda.
Quand le coït se fait avec le démon, outre le mal de bestialité, il y a aussi le mal de superstition, puisqu’il inclut l’association avec le démon, l’ennemi très hostile de notre Dieu, ce qui doit, pour cette raison, être précisé en confession. De même, il faut prendre garde à la forme sous laquelle le démon apparaît : si c’est sous la forme d’une bête, cela n’ajoute rien ; si c’est sous forme humaine, soit sous la forme d’un homme pour un homme, soit d’une femme pour un femme, alors il s’y joint suivant la situation, le mal de sodomie, si [c’est] sous la forme d’un [partenaire] autre que le conjoint [et] de l’autre sexe, [il s’y joint] le mal d’adultère ; si [c’est] sous la forme d’une religieuse, [il s’y joint] le mal de sacrilège ; et ainsi de suite. Et cela doit être précisé en confession.
Petes 1° utrum in confessione debeat explicari utrum dæmon fuerit incubus aut succubus ?
Question 1. Est-ce que, en confession, doit être précisé [le fait de savoir] si le démon était incube ou succube [= a eu une relation sexuelle en étant dessus ou dessous] ?
R. negative. Hæc enim circumstantia non est mutans speciem, neque multum aggravans; non enim peccatum viri incumbentis est diversæ speciei a peccato mulieris succubæ, nec multum gravius.
Non: En effet, cette position ne change pas la classe [morale], ni ne l’aggrave de beaucoup ; en effet, le péché d’un homme incube n’est pas d’une espèce différente de celui d’une femme succube, ni beaucoup plus grave.
Petes 2° utrum sit necesse explicare speciem bestiæ ?
Question 2. Est-ce qu’il est nécessaire de préciser l’espèce de l’animal ?
R. negalive. Quia id non mutat speciem in genere moris nec multum aggravat. Ita Sylvius, Chapeauville, Bonac. et alii.
Non. Parce que cela ne change pas la classe en matière de morale, ni ne l’aggrave de beaucoup. Ainsi, [vois] Sylvius, Chapeauville, Bonac, et alii.
Petes 3° utrum si non sit seminatio intra vas, bestialitas sit casus reservatus, ubi reservatur ?
Question 3. Est-ce que, si l’éjaculation n’a pas lieu dans le vase [et que] la bestialité est un cas réservé, dans quel cas est-il réservé ?
R. negative. Quia cum reservatio sit odiosa, non cadit nisi supra actum consummatum, ut iterum dicam de sodomia.
Non. Parce que, étant donné que la réserve est odieuse, elle se rapporte seulement à un acte consommé, comme je le dirai de nouveau au sujet de la sodomie.
Petes 4°ad quam speciem vitii contra naturam pertinet coitus viri cum fœmina mortua ?
Question 4. À quelle espèce de vice contre nature appartient le coït avec une femme morte ?
R. Quidam reducunt ad bestialitatem, quia fœmina mortua non est amplius fœmina et specie differt a viro vivente. Non est tamen, inquiunt, proprie bestialitas; quia bestialitas stricte intelligitur de concubitu viventium diversæ speciei: alii reducunt ad fornicationem, quia fœmina mortua dicitur adhuc licet æquivoce fœmina, sicut oculus mortuus dicitur æquivoce oculus : nec tamen inquiunt, est proprie fornicatio, quia fornicatio proprie est inter personas ejusdem speciei. Alii tandem reducunt ad pollutionem, sicut qui coiret cum pictura aut statua. Forte participat aliquid de istis omnibus secundum rem : secundum autem affectum multiplicatur malitia secundum diversas conditiones quas concumbens apprehendit in illa muliere et quas habebat dum viveret, scilicet adulterii si fuerit conjugata, incestus si fuerit consanguinea, et sic de cæteris, quia ista copula procedit ex affectu quem habebat ad illam viventem.
Réponse. Certains le réduisent à la bestialité, parce qu’une femme morte n’est pas une femme de plus et diffère par l’espèce d’un homme vivant. Ce n’est pas, cependant, disent-ils, proprement de la bestialité ; parce que la bestialité s’entend strictement du coït d’[êtres] vivants d’espèces différentes : les autres le réduisent à la fornication, parce qu’une femme morte est encore appelée jusqu’à présent femme avec équivoque, tout comme un œil mort est appelé œil avec équivoque : et cependant, il ne disent pas qu’[il s’agit] proprement de fornication, parce que la fornication a lieu proprement entre personnes de même espèce. Les autres, enfin, la réduisent à la masturbation, comme [dans le cas de] celui qui aurait un coït avec une image ou une statue. D’aventure, il fait participer quelque autre [mal], selon la chose, à tout cela : et [c'est] selon la situation] que le mal est augmenté, et suivant les diverses conditions dans lesquelles se trouve celui qui a une relation sexuelle, vis-à-vis de cette femme et dans lesquelles elle se trouvait lorsqu'elle vivait [encore], à savoir, [le mal] d’adultère, si elle était mariée, le [mal] d’inceste, si elle était consanguine, et ainsi de suite, parce que ce coït procède de la situation dans lequel il était vis-à-vis de celle-ci quand elle vivait [encore].
Q. 154. a. 11. o.—Quantum ad sodomiam, est, ut jam dixi, concubitus ad indebitum sexum. Ubi vides S. Thomam totam malitiam sodomiæ repetere a sexu indebito, nullatenus a vase indebito sexus debiti, ut quidam ipsi perperam tribuunt, indeque volunt id ultimum esse sodomiam saltem imperfectam; cum e contra S. Doctor hoc ultimum expresse — Ibid. — reponat in altera specie, nimirum, modi innaturalis concumbendi.
S. Thomas d’Aquin, Somme théologique, deuxième partie de la deuxième partie, question 154, article 11, Objections. — Quant à la sodomie, il s’agit, comme je l’ai déjà dit, du coït avec le sexe indu [ = avec lequel on doit pas coïter]. Dans [cet article], tu peux voir que S. Thomas ramène tout le mal de sodomie au sexe indu, [et] nullement au vase indu du sexe dû [=l’anus et le rectum d’une personne de sexe opposé], comme certains même l’impute de travers, et de là, ils veulent que ce dernier point soit au moins [appelé] sodomie imparfaite ; lorsque, au contraire, le S. docteur replace clairement ce dernier point— au même article — assurément, dans une autre classe de manières non-naturelles d’avoir des relations sexuelles.
Ex quo inferes, virum cœuntem cum muliere in vase præpostero, nullatenus secundum S. Thomam esse sodomitam; et e contra mulieres cœuntes in vase naturali esse vere sodomitas, quia est indebitus sexus. Ita Cajetanus, Sylvester, Bonac, et alii. Quia tamen usus invaluit apud majorem partem theologorum, ut coitus in vase indebito sexus debiti dicatur sodomia imperfecta, morem usui gerentes, loquemur cum multis, censebimus cum paucis.
De cela tu infères, qu’un homme qui couche avec une femme dans le vase contre nature n’est nullement sodomite, selon S. Thomas ; et au contraire, que des femmes couchant ensemble dans le vase naturel [= la vulve et le vagin] sont vraiment sodomites, parce qu’il s’agit du sexe indû. Ainsi, [vois] Cajetan, Sylvester, Bonac, et alli. Parce que, cependant, l’usage a prévalu chez la majeure partie des théologiens, [de dire] que le coït dans le vase indu du sexe dû est appelé sodomie imparfaite, [et] complaisant à l’usage, nous parlerons avec les plus nombreux, nous seront de l’avis des plus rares.
Hoc autem peccatum esse execrandum, patet 1° ex ejus notione, quod ita sit contra naturam, ut ipsam et bruta illud regulariter abhorreant; 2° ex igne quem Deus pluit in Sodomam et Gomorrham; 3° ex Epist. Rom. 1, ubi Apostolus dicit, gentilium sapientes propter suam idolatriam esse traditos in reprobum sensum et in hanc passionem ignominiosam, ut fœminæ mutarent naturalem usum et masculi in masculos exarserint; 4° ex pœnis in illud statutis: jure civili plectitur pœna ignis, C. lib. 9, tit. 7; jure canonico antiquo, clericus sodomita, depositus, detrudebatur in monasterium ad pœnitentiam agendam; jure novo Pii V, bulla Horrendum illud scelus, clericus exercens sodomiam, privatus omni privilegio clericali, officio, beneficio, dignitate et gradu dejectus, sæculari potestati traditur.
Et donc, il est clair que ce péché doit être maudit, 1° à cause de son concept [même], qui est d’être contre nature, à tel point que les bêtes éprouvent régulièrement de la répugnance pour lui ; 2° à cause du feu que Dieu fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe ; 3° à cause de l’Épître aux Romains, chapitre 1, où l’Apôtre dit que les sages des nations, du fait de leur idolâtrie, ont été livrés à leur sens réprouvé et à cette passion honteuse, telle que les femmes ont changé l’usage naturel et que les hommes se sont enflammés pour des hommes ; 4°à cause des peines établies contre lui [ce péché] : la peine du feu est infligée par le droit civil, [selon] le Code de Justinien, livre 9 , titre 7 ; selon le droit canonique antique, le clerc sodomite, déposé, est retranché dans un monastère, pour y faire pénitence ; selon le droit moderne de Pie V, la bulle Horrendum illud scelus, le clerc pratiquant la sodomie, privé de tout privilège clérical, de tout office, bénéfice, dignité et dégradé, est livré au pouvoir séculier.
Sed hæ pœnæ requirunt sententiam judicis. Advertunt etiam auctores, eum qui semel aut iterum committit sodomiam, his pœnis constitutionis Pianæ non esse subjiciendum, quia loquitur de clerico qui exercet sodomiam; aliquis autem dicitur aliquid exercere quod illud non semel aut bis, sed frequenter facit, sicut dicitur mercaturam exercere qui illi frequenter addicitur.
Mais ces peines requièrent une sentence du juge. Les auteurs remarquent aussi que celui qui commet la sodomie une fois et une seconde fois, ne doit pas être soumis à ces peines de la constitution de Pie [V], parce qu’on y parle [seulement] du clerc qui pratique la sodomie ; Or quelqu’un est dit pratiquer quelque chose parce qu’il le fait non pas un fois, ni deux, mais fréquemment, comme il est dit qu’il exerce le métier de marchand, celui qui s’y adonne fréquemment.
Petes 1° utrum sodomita seminans extra vas, sive tentaverit illud penetrare , aut etiam penetraverit et se retraxerit, sive non, incurrat pœnas latas et reservationem, ubi sodomia est reservata ?
Question 1. Est-ce que le sodomite éjaculant en dehors du vase, soit qu’il ait essayé de le pénétrer, et même qu’il l’ait pénétré et s’en soit retiré, soit [qu’il n’ait] pas [essayé], encourt les peines en vigueur et la réserve, dans le cas où la sodomie a été réservée ?
R. negative. Ita communiter; quia cum pœna et reservatio sint odiosa, non intelliguntur afficere nisi peccatum consummatum; consummatur autem sodomia per seminationem intra vas.
Non. [C’est] ainsi en général ; parce que, étant donné que la peine et la réserve sont odieuses, elles ne sont pas censées s’appliquer si le péché n’est pas consommé ; or la sodomie est consommée par l’éjaculation dans le vase.
Petes 2° utrum sodomita debeat explicare in confessione an fuerit agens aut patiens?
Question 2. Est-ce que le sodomite doit préciser en confession s’il a été actif ou passif ?
R. Mihi probabile est quod non. Ita Loth et alii quos citat; quia hæc circumstantia non mutat speciem, nec videtur notabiliter aggravare; sicut in fornicatione peccatum masculi agentis non est alterius speciei nec multum gravius peccato fœminæ patientis. Si dicas in sodomia agentem seminare, non patientem : respondeo etiam in fornicatione fœminam non semper seminare, nec tamen inde videtur multum minui ejus peccatum, neque aggravari peccatum masculi, sic, ut talis circumstantia sit explicanda. Insuper, raro, ut puto, contingit patientem in his immunditiis non seminare. Si iterum opponas peccatum agentis esse gravius et gravius puniri: esto, sed id non probat esse notabiliter gravius, sic, ut oporteat confiteri.
R. Selon moi, il est probable que non. Ainsi, [vois] Loth et alii, qu’il cite ; parce que cette position ne change pas la classe [morale], et n’est pas perçue comme l’aggravant nettement ; comme dans la fornication, le péché de l’homme actif n’est pas d’une autre espèce ni beaucoup plus grave que le péché de la femme passive. Si tu dis, que dans la sodomie, l’actif a éjaculé, et non le passif : je réponds que, même dans la fornication, la femme ne procrée [seminatio : éjaculation ; seminare : éjaculer, procréer] pas toujours, et cependant, à partir de là, on ne considère pas son péché comme beaucoup moins grave, ni que le péché de l’homme [en] est aggravé, et ainsi, cela ne nécessite pas qu'une telle position soit précisée. En outre, c’est rarement, je pense, que le patient n’éjacule pas, en [pratiquant] ses impuretés. Si une seconde fois, tu opposes que le péché de l’actif est plus grave et est puni plus gravement, soit !, mais cela ne prouve pas qu’il soit clairement plus grave, de façon telle qu’il convienne d’être confessé.
Petes 3° utrum, dum sodomia exercetur inter consanguineos aut affines, conjugatos, voto adstrictos, etc, contrahat malitiam incestus, adulterii, sacrilegii, etc.
Question 3. Est-ce que, lorsque la sodomie est pratiquée entre consanguins ou entre parents par alliance, conjoints, personnes liées par un vœu, etc., s’y ajoute le mal d’inceste, d’adultère, de sacrilège, etc. ?
R. affirmative; eo tamen sensu quo dixi supra, art. præcedenti, prima conclusione, sub finem. Scio quosdam id negare de consanguineis aut affinibus in gradibus solo jure positivo prohibitis. Sed vide quæ ad hoc respondi art. hujus dissert. in fine.
Oui ; cependant en ce sens que j’ai dit ci-dessus, à l’article précédent, dans la première conclusion avant la fin. Je sais que certains le nie, seul le droit positif prohibant les degrés de consanguinité ou d’affinité [parenté par alliance]. Mais vois les choses que j’ai répondues à l’article final de cette dissertation.
Référence.
F. Charles René Billuart, Summa Sancti Thomæ hodiernis academiarum moribus accomodata, sive cursus theologiæ juxta mentem Divi Thomæ [Somme de Saint Thomas, accommodée aux usages actuels des académies, ou cours de théologie selon l’esprit de Saint Thomas], nouvelle édition augmentée, tome VII, Tractatus de temperantia, Pelagaud et Lesne, Lyon, 1839, p. 168-169.
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