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lundi 6 février 2012

L'amour, selon Proclus, Ve siècle ap. J.-C.


 Mais Proclus innove véritablement sur l'amour. 

Si l'amour n'est le plus souvent pour lui, comme pour ses devanciers, que le sentiment du beau, il est aussi quelquefois un sentiment d'une autre nature, ce que nous appelons la charité. N'est-ce pas lui qui unit tous les hommes dans la divinité ? N'est-il pas une vertu bienfaisante, qui aide ceux qui veulent être sauvés ; qui inspire l'intelligence et la vie selon l'intelligence ; qui, en un mot, fait des hommes vertueux la providence de ceux qui sont moins parfaits ? Ne court-il pas après ceux qui s'égarent pour les ramener dans la droite voie, comme Socrate était sans cesse à la piste d'Alcibiade ? Ne les suit-il pas tranquillement et en silence, jusqu'à ce que le moment soit venu de leur ouvrir les yeux, et de les détourner doucement des abîmes où ils allaient trébucher, faute de guide et de lumière ? On ne peut le nier, voilà la charité dans son expression la plus haute et la plus pure. L'amour est doux, patient, discret et plein d'une bienveillance à toute épreuve, parce qu'il est désintéressé; il supporte doucement le mépris de l'objet aimé, parce qu'il est sur de sa conquête , ou tout au moins du bien qu'il veut faire.

Mais comment Proclus conciliait-il cette théorie de l'amour avec l'ancienne théorie platonicienne, qui le définissait le sentiment de la beauté ? Le voici : Proclus considère l'amour comme une chaîne immense qui, descendant du ciel à la terre , unit les êtres supérieurs aux êtres inférieurs et réciproquement.

« Les êtres supérieurs, dit-il, aiment les inférieurs, non parce que ceux-ci sont beaux et par suite aimables, mais par providence. Les êtres inférieurs, au contraire, aiment les supérieurs, non par providence (car quel bien pourraient-ils faire à ceux qui sont meilleurs et plus parfaits qu'eux ?), mais parce qu'ils trouvent dans les êtres supérieurs le modèle vers lequel ils peuvent se tourner. Ainsi la bienfaisance et la bonté dans les êtres supérieurs, et dans les êtres moins bons, le sentiment de leur propre indigence et l'admiration des natures qui sont au-dessus d'eux, voilà les deux grandes manifestations et comme le double courant de l'amour. »

C'est de cette manière ingénieuse et profonde, que Proclus concilie la théorie platonicienne de l'amour et la théorie stoïque et chrétienne de la charité (*).

(*) Commentaire sur l’Alcibiade, I , p. 52, 64, 68, 70, 86, 88, 96, 102, 112, 114, 118, 132, 134, 138, 142, 148, 150, 152, 156, 164, 166, 170, 172,210.


Référence.

J. Denis, Histoires des théories et des idées morales dans l’Antiquité, tome 2, Auguste Durand, Paris, 1856, p.403-404

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