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dimanche 8 juin 2014

Le mari, selon l'Encyclopédie, 1780


MARI, s. m. (Jurisprudence) est celui qui est joint et uni à une femme par un lien qui de sa nature est indissoluble.
Cette première idée que nous donnons d'abord de la qualité de mari, est relative au mariage en général, considéré selon le droit des gens, et tel qu'il est en usage chez tous les peuples.
Parmi les chrétiens, un mari est celui qui est uni à une femme par un contrat civil, et avec les cérémonies de l’Église. 
Le mari est considéré comme le chef de sa femme, c'est-à-dire comme le maître de la société conjugale.
Cette puissance du mari sur sa femme est la plus ancienne de toutes, puisqu'elle a nécessairement précédé la puissance paternelle, celle des maîtres sur leurs serviteurs, et celle des princes sur leurs sujets.
Elle est fondée sur le droit divin ; car on lit dans la Genèse, chap. III, que Dieu dit à la femme qu'elle serait sous la puissance de son mari : « sub viri potestate eris, et ipse dominabitur tui ».
On lit aussi dans Esther, chap. I, qu'Assuérus ayant ordonné à ses eunuques d'amener devant lui Vasthi, et celle-ci ayant refusé et méprisé le commandement du roi son mari, Assuérus, grandement courroucé du mépris qu'elle avait fait de son invitation et de son autorité, interrogea les sages qui, suivant la coutume, étaient toujours auprès de lui, et par le conseil desquels il faisait toutes choses, parce qu'ils avaient la connaissance des lois et des coutumes des anciens. De ce nombre étaient sept princes qui gouvernaient les provinces des Perses et des Mèdes. Leur avant demandé quel jugement on devait prononcer contre Vasthi, l'un d'eux répondit, en présence du roi et de toute la Cour, que non-seulement Vasthi avait offensé le roi, mais aussi tous les princes et peuples qui étaient soumis à l'empire d'Assuérus ; que la conduite de la reine serait un exemple dangereux pour toutes les autres femmes, lesquelles ne tiendraient compte d'obéir à leurs maris ; que le roi devait rendre un édit qui serait déposé entre les lois du royaume, et qu'il ne serait pas permis de transgresser, portant que Vasthi serait répudiée, et la dignité de reine transférée à une autre qui en serait plus digne ; que ce jugement serait publié par tout l'empire, afin que toutes les femmes des grands, comme des petits, portassent honneur à leurs maris. Ce conseil fut goûté du roi et de toute la cour, et Assuérus fit écrire des lettres en diverses sortes de langues et de caractères, dans toutes les provinces de son empire, afin que tous ses sujets pussent les lire et les entendre, portant que les maris étaient chacun princes et seigneurs dans leurs maisons. Vasthi fut répudiée, et Esther mise à sa place.
Les constitutions apostoliques ont renouvelé le même principe. S. Paul dans sa Première [épître] aux Corinthiens, chap. XI, dit que le mari est le chef de la femme : « caput est mulieris vir ». Il ajoute que l'homme n'est pas venu de la femme, mais la femme de l'homme, et que celui-ci n'a pas été créé pour la femme, mais bien la femme pour l'homme, comme en effet il est dit en la Genèse : « faciamus ei adjutorium simile sibi ».
S. Pierre, dans son Épître I, chap. III, ordonne pareillement aux femmes d'être soumises à leurs maris: « mulieres subdita sint viris suis ». Il leur rappelle, à ce propos, l'exemple des saintes femmes qui se conformaient à cette loi, entre autres celui de Sara, qui obéissait à Abraham, et l’appelait son seigneur.
Plusieurs canons s'expliquent à peu près de même, soit sur la dignité, ou sur la puissance du mari.
Ce n'est pas seulement suivant le droit divin que cette prérogative est accordée au mari ; la même chose est établie par le droit des gens, si ce n'est chez quelques peuples barbares où l'on tirait au sort qui devait être le maître du mari ou de la femme, comme cela se pratiquait chez certains peuples de Scythie, dont parle Élien, où il était d'usage que celui qui voulait épouser une fille, se battait auparavant avec elle. Si la fille était la plus forte, elle l’emmenait comme son captif, et était la maîtresse pendant le mariage. Si l'homme était le vainqueur, il était le maître. Ainsi c’était la loi du plus fort qui décidait.
Chez les Romains, suivant une loi que Denys d'Halicarnasse attribue à Romulus, et qui fut insérée dans le code papyrien, lorsqu'une femme mariée s’était rendue coupable d’adultère, ou de quelque autre crime tendant au libertinage, son mari était son juge, et pouvait la punir lui-même, après en avoir délibéré avec ses parents, au lieu que la femme n’avait cependant pas seulement droit de mettre la main sur son mari, quoiqu'il fût convaincu d’adultère.
Il était pareillement permis à un mari de tuer sa femme, lorsqu'il s'apercevait qu'elle avait bu du vin.
La rigueur de ces lois fut depuis adoucie par la loi des Douze Tables. Voyez Adultère et Divorce, loi Cornelia de adulteriis, loi Cornelia de sicariis.
César, dans ses commentaires De bello gallico [La guerre des Gaules], rapporte que les Gaulois avoient aussi droit de vie et de mort sur leurs femmes comme sur leurs enfants.
En France, la puissance maritale est reconnue dans nos plus anciennes coutumes, telles que celles de Toulouse, de Berry et autres. Mais cette puissance ne s'étend qu'à des actes légitimes.
La puissance maritale a plusieurs effets. Le premier, que la femme doit obéir à son mari, lui [l'] aider en toutes choses, et que tout ce qui provient de son travail est acquis au mari, soit parce que le tout est présumé provenir des biens et du fait du mari, soit parce que c'est au mari à acquitter les charges du mariage. C'est aussi la raison pour laquelle le mari est le maître de la dot. Il ne peut pourtant l'aliéner sans le consentement de sa femme ; il a seulement la jouissance des revenus et, en conséquence, est le maître des actions mobilières et possessoires de sa femme. Il faut excepter les paraphernaux, dont la femme a la libre administration.
Quand les conjoints sont communs en biens, le mari est le maître de la communauté, il peut disposer seul de tous les biens, pourvu que ce soit sans fraude: il oblige même sa femme jusqu'à concurrence de ce qu'elle ou ses héritiers amendent de la communauté, à moins qu'ils n'y renoncent.
Le second effet de la puissance maritale est que la femme est sujette à correction de la part de son mari, comme le décide le canon placuit 33. quæstio 2. mais cette correction doit être modérée, et fondée en raison.
Le troisième effet est que c'est au mari à défendre en jugement les droits de sa femme.
Le quatrième est que la femme doit suivre son mari lorsqu'il le lui ordonne, en quelque lieu qu'il aille, à moins qu'il ne voulût la faire vaguer çà et là sans raison.
Le cinquième effet est qu'en matière civile, la femme ne peut ester en jugement, sans être autorisée de son mari, ou par justice, à son refus.
Enfin le sixième effet est que la femme ne peut s'obliger sans l'autorisation de son mari.
Au reste, quelque bien établie que soit la puissance maritale, elle ne doit point excéder les bornes d'un pouvoir légitime; car, si l’Écriture sainte ordonne à la femme d'obéir à son mari, elle ordonne aussi au mari d'aimer sa femme et de l'honorer; il doit la regarder comme sa compagne, et non comme un esclave. Et comme il n'est permis à personne d'abuser de son droit, si le mari administre mal les biens de sa femme, elle peut se faire séparer de biens; s'il la maltraite sans sujet, ou même qu'ayant reçu d'elle quelque sujet de mécontentement, il use envers elle de sévices et mauvais traitements qui excédent les bornes d'une correction modérée, ce qui devient plus ou moins grave, selon la condition des personnes, en ce cas, la femme peut demander sa séparation de corps et de biens. Voyez Séparation.
La femme participe aux titres, honneurs et privilèges de son mari. Celui-ci participe aussi à certains droits de sa femme : par exemple, il peut se dire seigneur des terres qui appartiennent à sa femme ; il fait aussi la foi et hommage pour elle : pour ce qui est de la souveraineté appartenant à la femme de son chef, le mari n'y a communément point de part. On peut voir à ce sujet la dissertation de Jean-Philippe Palthen, professeur de droit à Grypswald, De marito reginæ
À défaut d'héritiers, le mari succédé à sa femme, en vertu du titre unde vir et uxor. Voyez Succession.
Le mari n'est point obligé de porter le deuil de sa femme, si ce n'est dans quelques coutumes singulières, comme dans le ressort du parlement de Dijon, dans lequel aussi les héritiers de la femme doivent fournir au mari des habits de deuil. Voyez Autorisation , Dot, Deuil, Femme, Mariage, Obligation, Paraphernal (A)


Référence

D. DIDEROT, J. LE ROND D'ALEMBERT (dir.), Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Tome XXI, Sociétés typographiques, Lausanne et Berne, 1780, p. 68-70.

L'orthographe et la ponctuation ont été modernisées par l'auteur de ce blog.

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