MARI, s. m. (Jurisprudence) est
celui qui est joint et uni à une femme par un lien qui de sa nature
est indissoluble.
Cette première idée que nous donnons
d'abord de la qualité de mari, est relative au mariage en général,
considéré selon le droit des gens, et tel qu'il est en usage chez
tous les peuples.
Parmi les chrétiens, un mari est celui
qui est uni à une femme par un contrat civil, et avec les cérémonies
de l’Église.
Le mari est considéré comme le chef
de sa femme, c'est-à-dire comme le maître de la société
conjugale.
Cette puissance du mari sur sa femme
est la plus ancienne de toutes, puisqu'elle a nécessairement précédé
la puissance paternelle, celle des maîtres sur leurs serviteurs, et
celle des princes sur leurs sujets.
Elle est fondée sur le droit divin ;
car on lit dans la Genèse, chap. III, que Dieu dit à la
femme qu'elle serait sous la puissance de son mari : « sub
viri potestate eris, et ipse dominabitur tui ».
On lit aussi dans Esther, chap.
I, qu'Assuérus ayant ordonné à ses eunuques d'amener devant lui
Vasthi, et celle-ci ayant refusé et méprisé le commandement du roi
son mari, Assuérus, grandement courroucé du mépris qu'elle avait
fait de son invitation et de son autorité, interrogea les sages qui,
suivant la coutume, étaient toujours auprès de lui, et par le
conseil desquels il faisait toutes choses, parce qu'ils avaient la
connaissance des lois et des coutumes des anciens. De ce nombre
étaient sept princes qui gouvernaient les provinces des Perses et
des Mèdes. Leur avant demandé quel jugement on devait prononcer
contre Vasthi, l'un d'eux répondit, en présence du roi et de toute
la Cour, que non-seulement Vasthi avait offensé le roi, mais aussi
tous les princes et peuples qui étaient soumis à l'empire
d'Assuérus ; que la conduite de la reine serait un exemple
dangereux pour toutes les autres femmes, lesquelles ne tiendraient
compte d'obéir à leurs maris ; que le roi devait rendre un
édit qui serait déposé entre les lois du royaume, et qu'il ne
serait pas permis de transgresser, portant que Vasthi serait
répudiée, et la dignité de reine transférée à une autre qui en
serait plus digne ; que ce jugement serait publié par tout l'empire,
afin que toutes les femmes des grands, comme des petits, portassent
honneur à leurs maris. Ce conseil fut goûté du roi et de toute la
cour, et Assuérus fit écrire des lettres en diverses sortes de
langues et de caractères, dans toutes les provinces de son empire,
afin que tous ses sujets pussent les lire et les entendre, portant
que les maris étaient chacun princes et seigneurs dans leurs
maisons. Vasthi fut répudiée, et Esther mise à sa place.
Les constitutions apostoliques ont
renouvelé le même principe. S. Paul dans sa Première [épître]
aux Corinthiens, chap. XI, dit que le mari est le chef de la
femme : « caput est mulieris vir ». Il ajoute
que l'homme n'est pas venu de la femme, mais la femme de l'homme, et
que celui-ci n'a pas été créé pour la femme, mais bien la femme
pour l'homme, comme en effet il est dit en la Genèse :
« faciamus ei adjutorium simile sibi ».
S. Pierre, dans son Épître I, chap.
III, ordonne pareillement aux femmes d'être soumises à leurs maris:
« mulieres subdita sint viris suis ». Il leur
rappelle, à ce propos, l'exemple des saintes femmes qui se
conformaient à cette loi, entre autres celui de Sara, qui obéissait
à Abraham, et l’appelait son seigneur.
Plusieurs canons s'expliquent à peu
près de même, soit sur la dignité, ou sur la puissance du mari.
Ce n'est pas seulement suivant le droit
divin que cette prérogative est accordée au mari ; la même chose
est établie par le droit des gens, si ce n'est chez quelques peuples
barbares où l'on tirait au sort qui devait être le maître du mari
ou de la femme, comme cela se pratiquait chez certains peuples de
Scythie, dont parle Élien, où il était d'usage que celui qui
voulait épouser une fille, se battait auparavant avec elle. Si la
fille était la plus forte, elle l’emmenait comme son captif, et
était la maîtresse pendant le mariage. Si l'homme était le
vainqueur, il était le maître. Ainsi c’était la loi du plus fort
qui décidait.
Chez les Romains, suivant une loi que
Denys d'Halicarnasse attribue à Romulus, et qui fut insérée dans
le code papyrien, lorsqu'une femme mariée s’était rendue coupable
d’adultère, ou de quelque autre crime tendant au libertinage, son
mari était son juge, et pouvait la punir lui-même, après en avoir
délibéré avec ses parents, au lieu que la femme n’avait
cependant pas seulement droit de mettre la main sur son mari,
quoiqu'il fût convaincu d’adultère.
Il était pareillement permis à un
mari de tuer sa femme, lorsqu'il s'apercevait qu'elle avait bu du
vin.
La rigueur de ces lois fut depuis
adoucie par la loi des Douze Tables. Voyez Adultère et
Divorce, loi Cornelia
de adulteriis,
loi Cornelia de sicariis.
César, dans ses commentaires De
bello gallico [La guerre des Gaules], rapporte que les Gaulois
avoient aussi droit de vie et de mort sur leurs femmes comme sur
leurs enfants.
En France, la puissance maritale est
reconnue dans nos plus anciennes coutumes, telles que celles de
Toulouse, de Berry et autres. Mais cette puissance ne s'étend qu'à
des actes légitimes.
La puissance maritale a plusieurs
effets. Le premier, que la femme doit obéir à son mari, lui [l']
aider en toutes choses, et que tout ce qui provient de son travail
est acquis au mari, soit parce que le tout est présumé provenir des
biens et du fait du mari, soit parce que c'est au mari à acquitter
les charges du mariage. C'est aussi la raison pour laquelle le mari
est le maître de la dot. Il ne peut pourtant l'aliéner sans le
consentement de sa femme ; il a seulement la jouissance des
revenus et, en conséquence, est le maître des actions mobilières
et possessoires de sa femme. Il faut excepter les paraphernaux, dont
la femme a la libre administration.
Quand les conjoints sont communs en
biens, le mari est le maître de la communauté, il peut disposer
seul de tous les biens, pourvu que ce soit sans fraude: il oblige
même sa femme jusqu'à concurrence de ce qu'elle ou ses héritiers
amendent de la communauté, à moins qu'ils n'y renoncent.
Le second effet de la puissance
maritale est que la femme est sujette à correction de la part de son
mari, comme le décide le canon placuit 33. quæstio 2.
mais cette correction doit être modérée, et fondée en raison.
Le troisième effet est que c'est au
mari à défendre en jugement les droits de sa femme.
Le quatrième est que la femme doit
suivre son mari lorsqu'il le lui ordonne, en quelque lieu qu'il
aille, à moins qu'il ne voulût la faire vaguer çà et là sans
raison.
Le cinquième effet est qu'en matière
civile, la femme ne peut ester en jugement, sans être autorisée de
son mari, ou par justice, à son refus.
Enfin le sixième effet est que la
femme ne peut s'obliger sans l'autorisation de son mari.
Au reste, quelque bien établie que
soit la puissance maritale, elle ne doit point excéder les bornes
d'un pouvoir légitime; car, si l’Écriture sainte ordonne à la
femme d'obéir à son mari, elle ordonne aussi au mari d'aimer sa
femme et de l'honorer; il doit la regarder comme sa compagne, et non
comme un esclave. Et comme il n'est permis à personne d'abuser de
son droit, si le mari administre mal les biens de sa femme, elle peut
se faire séparer de biens; s'il la maltraite sans sujet, ou même
qu'ayant reçu d'elle quelque sujet de mécontentement, il use envers
elle de sévices et mauvais traitements qui excédent les bornes
d'une correction modérée, ce qui devient plus ou moins grave, selon
la condition des personnes, en ce cas, la femme peut demander sa
séparation de corps et de biens. Voyez Séparation.
La femme participe aux titres, honneurs
et privilèges de son mari. Celui-ci participe aussi à certains
droits de sa femme : par exemple, il peut se dire seigneur des terres
qui appartiennent à sa femme ; il fait aussi la foi et hommage pour
elle : pour ce qui est de la souveraineté appartenant à la femme de
son chef, le mari n'y a communément point de part. On peut voir à
ce sujet la dissertation de Jean-Philippe Palthen, professeur de
droit à Grypswald, De marito reginæ.
À défaut d'héritiers, le mari
succédé à sa femme, en vertu du titre unde vir et uxor.
Voyez Succession.
Le mari n'est point obligé de porter
le deuil de sa femme, si ce n'est dans quelques coutumes singulières,
comme dans le ressort du parlement de Dijon, dans lequel aussi les
héritiers de la femme doivent fournir au mari des habits de deuil.
Voyez Autorisation , Dot, Deuil, Femme, Mariage, Obligation,
Paraphernal (A)
Référence
D. DIDEROT, J. LE ROND D'ALEMBERT
(dir.), Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des
arts et des métiers, Tome XXI, Sociétés typographiques,
Lausanne et Berne, 1780, p. 68-70.
L'orthographe et la ponctuation ont été modernisées par l'auteur de ce blog.
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