CANON
de la messe en français.
Les
faux zélateurs des rits anciens souhaiteraient ardemment qu'on
célébrât la messe en français ; du moins est-il sûr qu'ils
prennent des voies obliques qui conduisent à ce but.
Ils
font imprimer et ils répandent un nombre inconcevable de petits
livres de dévotion, tant à Paris, que dans les provinces, où la
messe en français est insérée. Ils font même de nouvelles
éditions de livres composés par des hommes qu'ils n'aiment guère
(par exemple, de L'Imitation de J. C. traduite par le
P. Gonnelieu) et ces éditions nouvelles sont augmentées d'un
Ordinaire et du Canon de la messe.
Ils
espèrent, sans doute, que cette lecture de l'Ordinaire et du Canon,
étant devenue commune, portera bien des personnes à dire comme eux
; « qu'il faudrait que le prêtre célébrât aussi la messe en
français, que par-là on s'entendrait, et que cela augmenterait la
dévotion », etc.
Outre
ces éditions, outre le Missel entier traduit en français, outre le
pernicieux ouvrage de Le Tourneux, intitulé L'Année
chrétienne, où ce missel est inséré, ils ont
encore fait imprimer séparément l'Ordinaire de la Messe, le Canon
de la messe ; et pour rendre ces livrets plus utiles , ils y ont
ajouté des prières tirées de différents livres, surtout de S.
Augustin ; car il faut bien qu'ils citent à toute occasion ce saint
Docteur, pour faire croire aux imbéciles qu'ils en sont les
disciples.
En
attendant que cet extravagant dessein (de dire la messe en français)
puisse réussir, ils exécutent par eux-mêmes celui de dire la messe
entière et le Canon même à voix haute et intelligible aux
assistants. Ils prétendent, par cette pratique, favoriser le peuple
et l’accoutumer peu à peu au sacerdoce auquel ils veulent bien lui
donner part.
C'est
dans cette vue qu'ils firent autrefois imprimer le missel de Meaux,
de façon que le mot « Amen », toutes les fois
qu'il se trouve dans le Canon, était précédé d'un R. en lettre
rouge, et que ce même mot ainsi précédé, était ajouté aux
paroles de la Consécration et de la Communion du prêtre, pour
signifier que dans ces endroits , c'est au peuple à répondre
« Amen », et à ratifier ce qui a été dit ou
fait par le prêtre. Ils avaient aussi expliqué ces paroles :
«submissa voce [à voix basse]», par celles-
ci : « id est, sine cantu [c’est-à-dire,
non chanté] ».
Toutes
entreprises scandaleuses, qui furent réprimées par un mandement de
M. de Bissy, évêque de Meaux, du 22 janvier 1710, où il est
« ordonné à tous les prêtres de prononcer d'une voix qui ne
puisse être entendue du peuple, le Canon de la sainte messe, aussi
bien que les autres endroits que les rubriques marquent de dire à
voix basse ».
Et
en effet tel est l'esprit de l'Église, Le concile de Trente a
anathématisé ceux qui blâmeraient la coutume de prononcer à voix
basse une partie du Canon et les paroles de la Consécration, ou qui
disent que la messe ne doit être célébrée qu'en langue vulgaire.
Et Innocent III (livre 3, chapitre 1, De sacro altaris mysterio),
assure que ce qui a porté l'Église à défendre de réciter tout
haut le Canon du Sacrifice de la messe, « c'est pour empêcher
l'abus et la profanation de ces paroles sacrées, ce qui arrivait
lorsqu'on les prononçait haut et que chacun [laïques et femmes] les
savait ».
On
doit donc se défier aujourd'hui de tout prêtre qui prononce à voix
intelligible aux assistants, le Canon de la sainte messe et les
paroles de la Consécration. On doit se défier même de tout livre
où l'on trouve l'Ordinaire de la Messe avec le Canon, en français,
et faire réflexion que la condamnation portée par le clergé, en
France, contre la traduction du missel, ne peut manquer de s'étendre
sur la partie essentielle de cet ouvrage, qui est la traduction du
Canon de la messe.
Aussi
plusieurs prélats ont-ils condamné en particulier cette partie du
missel traduit en langue vulgaire, entre autres l'évêque-prince de
Liège, qui défendit , le 15 d’avril 1704, « à tous et un
chacun , de lire le Canon en français, et de le retenir dans leurs
maisons ». Le motif qu'il en apporte, est qu'il y a
excommunication portée par Alexandre VII dans sa Bulle du 12
janvier 1661 contre ceux, qui sacrosancti
ritus majestatem latinis
vocibus comprehensam, dejicere et
proterere, ac sacrorum mysteriorum
dignitatem vulgo exponere temerario conatu tentaverint [qui
auront tenté d’abaisser et d’écraser la majesté des
sacro-saints rites saisie par la langue latine et d’exposer au
commun des hommes par une entreprise inconsidérée, la dignité des
mystères sacrés].
On
peut voir ci-après, sous la lettre M. l’article traduit en
français par Voisin, et ce qui y est dit sur les traductions en
langue vulgaire.
(…)
MISSEL
romain traduit en français par M. Voisin, docteur en théologie,
1660.
L’Assemblée
du clergé de France défendit en 1660, sous peine d’excommunication,
cette traduction française du Missel romain et, non contente de
cela, elle écrivit à tous les évêques du Royaume, pour les prier
d’en faire autant, chacun dans leur diocèse, et sous les mêmes
peines.
L’année
suivante, ces mêmes évêques écrivirent au pape le 7 janvier et le
prièrent d’appuyer leur décision de l’autorité apostolique.
Ils disent, dans leur Lettre, que si, d’une part, il n’y a
rien de meilleur et de plus utile que la Parole de Dieu, de l’autre,
il n’y a rien de plus dangereux à cause du mauvais usage qu’on
en peut faire. « D’où l’on doit conclure, Saint Père,
ajoutent-ils, que la lecture de (…) la messe donne la vie aux uns
et la mort aux autres, et il ne convient nullement que le Missel ou
le Livre Sacerdotal, qui se garde religieusement dans nos églises,
sous la clef et sous le sceau sacré, soit mis indifféremment entre
les mains de tout le monde. »
Après
cette décision, l’Assemblée s’adressa au roi, et en obtint le
16 un arrêt du Conseil pour faire supprimer le Missel français et
en défendre le débit [=la distribution].
Le
pape Alexandre VII le condamna le 12 janvier 1661. Il qualifie cette
traduction française d’ »entreprise folle, contraire aux
lois et à la pratique de l’Église, propre à avilir les sacrés
mystères ». Ce Bref, fut suivie d’une Lettre
de ce même Souverain Pontife, du 7 février 1661 par laquelle il
réitère la défense de la défense de la traduction du Missel, sur
la demande qui lui en avait été faite par le clergé.
Cette
même traduction fut censurée le 1er avril et le 2e
jour de mai par la faculté de théologie de Paris.
Toutes
ces défenses ne purent empêcher le sieur Le Tourneux de l’insérer
dans son Année chrétienne, qui eut le même sort (…).
Référence
Dominique
de Colonia (1660-1741), s.j., Dictionnaire
des
livres
jansénistes,
ou
qui
favorisent
le
jansénisme,
Jean-Baptiste Versussen, Anvers, 1755, tome 1, p. 211-215 ;
tome
3, p. 131-132.
Note
L’orthographe
et la ponctuation ont été modernisés par l’auteur de ce blogue.
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