Rechercher dans ce blogue

dimanche 29 juillet 2018

Dieu, le Prince des Amoureux, Celui qui ne sait faire qu’aimer..., selon Antonio de Guevara, 1573


Le texte suivant sera présenté :
1) dans une version modernisée et plus facilement compréhensible ;
2) dans la version originale : l'orthographe et la ponctuation seront, certes, modernisés, des mots ajoutés entre crochets ([...]) ainsi que des expressions plus modernes ([=...]), et ce afin de faciliter la compréhension de ce texte rédigé dans une français assez ancien (XVIe siècle). 

Le Retour du fils prodigue, par Rembrandt, vers 1668


1) Version modernisée

Poursuivons donc notre propos, le Seigneur disant : « Ego ostendam tibi omne bonum [Moi, Je te montrerai tout bien] » [Exode 33, 19].

Et semblablement, ce serait la même chose que de dire à Moïse qu’Il lui montrerait Sa bonté car il n’y a pas autre chose par quoi Dieu manifeste plus Sa bonté qu’en voulant nous communiquer Sa bonté même. Et pour cela, Dieu envoya son Fils au monde afin qu’Il communiquât la bonté que Son Père avait, là, au Ciel ; si bien que, dès l’heure où Il décida de nous donner Son Fils, Il vida, dès cette heure là, tout Son trésor.

Donc, par ces mots, Jésus Christ dit, à la fin, à Dieu, dans le grand discours qu’Il prêcha pendant Sa dernière Cène : « Pater, manifestavi Nomen Tuum hominibus [Père, j’ai révélé Ton Nom aux hommes ; Jean 17, 6] ». « Mon Père — dit-Il — souviens-Toi que J’ai manifesté Ton Nom au monde, et ce, en leur révélant ce nom de Trinité qu’ils ignoraient et la grandeur de Ta bonté qu’ ils ne connaissaient pas. Car, avant Ma venue, les hommes ne connaissaient que Ta puissance dans le cadre de la création. Mais, désormais, ils connaîtront pareillement Ta bonté par Ma rédemption. »

Ceci présuppose d’ailleurs que Dieu n’estime en Lui-même rien au dessus de Sa bonté et qu’Il n’a voulu envoyer Son Fils au monde que pour nous la communiquer. C’est la raison pour laquelle, il me semble, il faudrait savoir pourquoi nous L’envoie-t-Il et ce que nous devons faire d’elle. Car le trésor est bon dès lors que celui qui le possède, sait en faire bon usage.

À ceci je réponds que la bonté de Dieu est si bonne [sic] qu’elle n’est pas pénible, c’est pourquoi on ne doit pas la fuir, ni parce c'est à grand coût qu’il faudrait la conserver durablement, ni parce qu’il faudrait supporter l’ennui dont elle serait la cause, ni parce qu’elle aurait des désirs ambitieux à contenter. Mais le Seigneur veut que, de bon cœur, nous L’aimions et qu’avec ce peu de force que nous avons, nous Le servions.

Il n’y a de bonté entière qui ne veuille d’amour parfait, ni d’amour parfait qui ne veuille de volonté parfaite, ni de volonté parfaite qui ne veuille être bien employée. D’où l’on peut déduire que, puisqu’en notre Dieu, il existe une immense bonté, un amour infini et une volonté parfaite et qu’Il ne demande rien sinon d’être aimé, Il doit être familier de l’amour. Et certes, Il est sujet à la loi d’amour, Celui qui ne sait faire qu’aimer, qui commande d’aimer, qui ne veut qu’aimer, et qui ne s’occupe pas d'autre chose que d'aimer. Et ce qui est le plus fort, c’est que du même amour qu’Il S’aime Lui-même, Il m’aime, moi. Il est bien vrai que, parfois, c’est de ma faute si je ne suis pas aimé, parce que je ne le mérite pas. Mais Lui ne peut jamais cesser d’aimer, car les mérites, en Lui, ne peuvent jamais faire défaut.

Nous nous contenterons d’avoir prouvé que l’amour et Dieu, Dieu et l’amour renvoient à la même chose et sont du même genre. 

Mais nous voulons, de la même manière, prouver que Dieu se loue d’être amoureux — amoureux, dis-je — le plus ancien du monde, afin que tous ceux qui s’occupent de l’amour sachent qu’Il est le Premier des amoureux. Et si les anciens philosophes ont cherché avec soin des inventeurs du marteau, de la scie, du ciseau et de la cognée pour tailler le bois, à plus forte raison, devrait-on chercher le premier inventeur de l’office d’aimer. Car si la scie, et aussi la cognée, coupent le bois, l’amour, certes, scie et découpe les entrailles. J’ai appris de mon père Adam la désobéissance ; de ma mère Ève la gloutonnerie ; de mon frère Caïn l’homicide ; du peuple hébreu l’idolâtrie ; du roi David l’adultère ; du roi Sennachérib à blasphémer ; de saint Pierre à pleurer. Et de Toi, mon bon Jésus, j’ai appris à aimer : et par le moyen de cet amour, Tu T’es fait homme et moi, Dieu. Telle est l’école où nous étudions, telle est la science que nous apprenons. Cela, je le dis pour moi, car en l’école du monde, je n’ai appris qu’à être fou ; en celle de Satan, je n’ai appris qu’à vouloir ce qui est mal ; en celle de la chair, je n’ai appris qu’à pécher ; et en celle des hommes, je n’ai appris qu’à haïr. Mais en la tienne, ô mon Dieu, je n’ai appris qu’à aimer. D’où l’on peut déduire que, puisque, dans les écoles de Dieu, l’amour que l’on apprend est si pur, il n’est pas raisonnable que vivent loin de l’amour ceux qui les fréquentent.

« Ego diligentes me diligo, et qui mane vigilant ad me invenient me [Moi, J’aime ceux qui M’aiment et ceux qui, dès le matin, s’éveillent pour Moi, me trouveront ; Proverbes 8, 17] » dit le Seigneur, parlant généralement à tous, comme s’Il voulait dire : « J’aime ceux qui M’aiment, je cherche ceux qui Me cherchent, et Je Me donne à ceux qui, à Moi, se donnent. Et ainsi, celui qui M’aime ne parviendra certainement pas à aimer mieux, ni plus fidèlement que moi. Car Je suis constant à aimer celui que J’aime, et si attentif qu’à ses portes il Me prend la nuit et que, dans son cœur, il Me trouve au point du jour. »

Ô propos amoureux tel qu’on n’en a jamais entendu, ô amour tel qu’on a en jamais vu de semblable. C’est cela, dis-je, qui, par ces paroles, nous montre Jésus Christ. Car ce n’est pas autre chose que de dire qu’Il se lève le premier ou plus tôt pour nous aimer, et de dire qu’Il nous aime le premier avant que nous L’aimions, et qu’Il nous cherche avant que nous Le cherchions, même si le plus tôt que nous avons commencé à l’aimer, ce pût être dès notre naissance. Mais notre Seigneur Dieu, plus pressé, nous aime avant que nous fussions nés. 

C’est bien vrai ce que Tu dis, Seigneur : « Quod qui mane vigilant ad me, invenient me. »

D’autant que si on Te demande ce que Tu faisais avant de créer le monde, Tu répondras : « Je ne faisais qu’aimer ». Si on T’interroges sur ce qui T’as poussé à créer le monde, Tu répondras : « L’amour ». Si on Te demande ce que Tu fais, Tu répondras : « J’aime ». Et si on Te demande ce que Tu aimes, Tu répondras : « Je n’aime que l’amour », de manière à ce que, avant que soit le jour, c’est Toi que Tu aimes et que, dès le matin, c’est moi que Tu aimes.

Ô bon Jésus, ô combien est différent ton amour par rapport au mien, puisque Toi, comme un amoureux plein de sollicitude, Tu Te lèves de si bon matin pour m’aimer, et moi, comme un grand pécheur, je veille pour t’offenser, en sorte que, puisque Tu es Dieu, Tu m’aimes, et moi, puisque je suis homme, je t’offense. C’est habituel chez l’amoureux fameux que la nuit ne le trouve au logis, ni que l’aube du jour ne le surprenne au lit, mais qu’il veille pour qui le fait veiller et qu’il se réveille pour qui lui donne de la peine.

Or, je veux dire par ce qui a été dit que nous devons nous acheminer à servir Dieu dès le matin de la jeunesse et que nous n’oubliions ni ne cessions de Le servir dans la nuit de la vieillesse, car la flamme de la chandelle ne luit pas tant avec éclat quand on l’allume que quand elle s’en va déjà, presque morte.

Dieu seul dit : « Qui mane vigilant ad me, invenient me. »


2) Version originale :    

Poursuivant [=Poursuivons] donc notre propos, le Seigneur disant : « Ego ostendam tibi omne bonum [Moi, Je te montrerai tout bien] » [Exode 33, 19].

Et semblablement autant que lui [à Moïse] dire [=ce serait la même chose que de lui dire] qu’Il lui montrerait Sa bonté car il n’y a [pas autre] chose en [=par] quoi Dieu manifeste plus Sa bonté qu’en nous voulant communiquer Sa même bonté [=Sa bonté même]. Et pour cela, envoya Dieu [=Dieu envoya] son Fils au monde à ce [=afin] qu’Il communiquât la bonté que Son Père avait, là, au Ciel ; si que [=si bien que], dès l’heure qu’Il détermina [=décida de] nous donner Son Fils, Il mit, dès cette heure là, à sac tout Son trésor [=il vida tout Son trésor].

Donc, à ces propos [=par ces mots], dit Jésus Christ [=Jésus Christ dit], en dernier [=à la fin], à Dieu, du grand sermon [dans le grand discours] qu’Il prêcha en [=pendant] Sa dernière Cène : « Pater manifestavi Nomen Tuum hominibus [Père, j’ai révélé Ton Nom aux hommes ; Jean 17, 6] ». « Mon Père — dit-Il — qu’il Te souvienne [=souviens-Toi] que J’ai manifesté Ton Nom au monde, et ce, [en] leur déclarant [=révélant] ce nom de Trinité qu’ils ignoraient et la hauteur [=grandeur] de Ta bonté laquelle [=qu’] ils ne connaissaient [pas]. Car, avant Mon avènement [=Ma venue], les hommes ne connaissaient que Ta puissance pour [=dans le cadre de] la création. Donc, à cette heure [=désormais], ils connaîtront semblablement [=pareillement] Ta bonté pour [=par] Ma rédemption. »

Ceci présuppose et puis [=d’ailleurs] que Dieu ne se prise [n’estime en Lui-même, n’apprécie en lui-même] de chose plus que [rien au dessus] de Sa bonté et qu’Il n’a voulu envoyer Son Fils au monde que pour nous communiquer Sa bonté. Raison serait [=C’est la raison pour laquelle], ce me semble [=il me semble], savoir [=il faudrait savoir] pourquoi est-ce qu’Il nous L’envoie et qu’est-ce [=ce] que [nous] devons faire d’elle. Car lors [c'est alors qu'] est bon le trésor, quand celui qui l’a, le sait employer [=sait en faire usage].

À ceci je réponds que la bonté de Dieu est si bonne [sic] qu’elle n’est [pas] importune [=fâcheuse, pénible], [c’est] pourquoi on la doive fuir [=on ne doit la fuir] ni de coûtange entretenir, ennuyeuse à souffrir, ni moins ambitieuse à contenter [=ni parce c'est à grand coût qu’il faudrait la conserver durablement, ni parce qu’il faudrait supporter l’ennui dont elle serait la cause, ni parce qu’elle aurait des désirs ambitieux à contenter]. Ains [=Mais] le Seigneur veut que, de bon cœur, [nous] L’aimions et qu’avec ce peu de force que [nous] avons, nous Le servions.

Il n’y [de] bonté entière qu’elle [=qui] ne veuille [d']amour parfait, ni [d']amour parfait qui ne veuille [de] volonté parfaite, ni [de] volonté parfaite qui ne veuille être bien employée. De quoi se peut inférer [=D'où l'on peut déduire] que, puisqu’en notre Dieu, en y a [=il y a] [une] bonté immense, [un] amour infini et [une] volonté parfaite et qu’Il ne demande [rien] fors [sinon d’] être aimé, Il doit être sujet à [=familier de] l’amour. Et certes, Il est sujet à la loi d’amour, Celui qui ne sait faire qu’aimer, qui commande [d’]aimer, qui ne veut que aimer [=qu’aimer], ni moins s’occupe qu’ à [et qui ne s’occupe pas d'autre chose que d'] aimer. Et ce qui est le plus [fort], [c’est] que du même amour qu’Il S’aime à Soi [=qu’Il S’aime Lui-même], Il m’aime à moi [=Il m’aime, moi]. Bien est vrai [=Il est bien vrai] que, parfois, je suis en cause de n’être aimé [=c’est de ma faute si je ne suis pas aimé], parce que je ne le mérite [pas]. Mais Lui ne se peut jamais laisser [=ne peut jamais cesser] d’aimer, ne pouvant en Lui faillir mérites [=car les mérites, en Lui, ne peuvent jamais faire défaut].

Nous nous contenterons d’avoir prouvé que l’amour et Dieu, Dieu et l’amour apportent même devise [=renvoient à la même chose] et sont de même pâture [=sont du même genre]. 

Mais [nous] voulons semblablement [=de la même manière] prouver que Dieu se loue d’être amoureux [=enclin à l’amour] — amoureux, dis-je — le plus ancien du monde, afin que sachent tous ceux qui traitent d’amour [=qui s’occupent de l’amour] qu’Il est le Prince [=le Premier] des amoureux. Et si les anciens philosophes ont cherché en diligence [=avec soin et application] des inventeurs du marteau, de la scie, du ciseau et de la cognée pour charpenter au [=couper, tailler] du bois, à plus grande [=forte] raison, son devrait-on [=devrait-on] chercher le premier inventeur de l’office [=la fonction, le rôle] d’aimer. Car si la scie, et aussi la cognée, coupent le bois, l’amour, certes, scie et détranche [=découpe] les entrailles. J’ai appris de mon père Adam la désobéissance ; de ma mère Ève la gourmandise [=gloutonnerie] ; de mon frère Caïn l’homicide ; du peuple hébreu l’idolâtrie ; du roi David l’adultère ; du roi Sennachérib à blasphémer ; de saint Pierre à pleurer. Et de Toi, mon bon Jésus, [j’]ai appris à aimer : moyennant lequel amour [ et par le moyen de cet amour], Tu T’es fait homme et moi, Dieu. Quelle [=Telle] est l’école où nous étudions, telle est la science que nous apprenons. Ce [=Cela], dis-je [je le dis] pour moi, car en l’école du monde, je n’ai appris qu’à folâtrer [=être fou] ; en celle de Satan, je n’ai appris que mal vouloir [=qu’à vouloir ce qui est mal] ; en celle de la chair, je n’ai appris qu’à pécher ; et en celle des hommes, je n’ai appris qu’à haïr. Mais en la tienne, ô mon Dieu, je n’ai appris qu’à aimer. De quoi se peut inférer [=D'où l'on peut déduire] que, puisqu’aux académies [=dans les écoles] de Dieu, est si chaste [=pur moralement] l’amour qui se lit [=que l’on apprend], ne sera raisonnable que soient éloignés d’amour [=il n’est pas raisonnable que vivent loin de l’amour] ceux qui la [=les] fréquentent.

« Ego diligentes me diligo, et quod [qui] mane vigilant ad me [in]venient me [Moi, J’aime ceux qui M’aiment et ceux qui s’éveillent dès le matin pour Moi me trouveront ; Proverbes 8, 17] » dit le Seigneur, parlant généralement à tous, comme s’Il voulait dire : « J’aime ceux qui M’aiment, je quiers [=cherche] ceux qui Me quièrent [=cherchent], et Me donne à ceux qui, à Moi, se donnent. Et si [=ainsi] personne [=celui] qui M’aime ne gagnera jà le prix de [=ne parviendra certes pas à] mieux, ni plus fidèlement aimer que moi. Car Je suis tant continuel [=constant] en l’amour de ce que [=à aimer celui que] J’aime, et si songneux [=attentif] qu’à ses portes [il] Me prend la nuit et [que] dans son cœur, [il] Me trouve au point du jour. » Ô propos amoureux oncq’ tels ne furent ouïs [=tel qu’on n’en a jamais entendu], ô amour onc semblable ne fut vu [tels qu’on a en jamais vu de semblable]. Cestui [=C’est cela], dis-je, lequel [=qui], par ces paroles, nous montre Jésus Christ. Car n’est autre chose [=ce n’est pas autre chose que] de dire qu’Il se lève le premier ou plus matin [=plus tôt] à [=pour] nous aimer, sinon [et de dire] qu’Il nous aime [le] premier [=avant que] nous L’aim[i]ons, et [qu’]Il nous cherche avant que [nous] le cherch[i]ons, si que [=même si] le plus ancien commencement que [nous] pourrions avoir [=le plus tôt que nous avons commencé] à le aimer [=à l’aimer], ce pourra[it] [=pût] être dès notre naissance, dont [=mais] notre Seigneur Dieu, comme plus matinier [=étant plus pressé], Il nous aime devant [=avant] que nous fussions nés. 

Que bien vrai [=C’est bien vrai ce que ] Tu dis, Seigneur : « Quod qui mane vigilant ad me, invenient me. »

D’autant que si on Te demande qu’est-ce [=ce que] Tu faisais avant que [=avant de] créer le monde, Tu répondras qu’aimer [: « Je ne faisais qu’aimer »]. Si on T’interroges [sur ce] qui T’as ému [=poussé] à créer le monde, [Tu] répondras : « L’amour ». Si on Te demande qu’est-ce [=ce que] Tu fais, [Tu] répondras : « Aimer » [= « J’aime »]. Et si on Te demande qu’est ce que [=ce que] Tu aimes, Tu répondras qu’amour [: « Je n’aime que l’amour »], de manière [à ce] que devant jour [=avant que soit le jour] tu aimes à Toi [=c’est Toi que Tu aimes] et que, dès le matin, tu m’aimes à Moi [=c’est moi que Tu aimes].

Ô bon Jésus, et [=ô] combien est différent ton amour et le [par rapport au] mien, puisque Toi, comme solliciteux amoureux [=un amoureux plein de sollicitude], [Tu] Te lèves si matin [=de si bon matin, si tôt] à [pour] m’aimer, et moi, comme comme [un] grand pécheur, je veille pour t’offenser, tellement [=en sorte] que dès que [=puisque] Tu es Dieu, Tu m’aimes, et moi, dès que [=puisque] [je] suis homme, je t’offense. C’est coutume [=habituel] du [=chez le] fameux amoureux que la nuit ne le prenne [=le trouve] au logis, ni [que] l’aube du jour [ne] le surprenne au lit, ains [=mais] qu’il veille à [=pour] qui le fait veiller et réveiller [=qu’il se réveille] à [=pour] qui lui donne peine.

Or, je veux dire par ce qu’a [=qui a] été dit que nous nous devons acheminer [=nous devons nous acheminer] à servir Dieu en la matinée de la jeunesse [=dès le matin de la jeunesse] et que ne nous oublions [=nous n’oubliions pas] ni laissions à [=ni ne cessions] à [=de] Le servir en [=dans] la nuit de la vieillesse, car la flamme de la chandelle ne reluit [=ne luit] pas tant quand on l’allume que quand elle s’en va jà [=déjà], presque morte. 

Dieu seul dit : « qui mane vigilant ad me, invenient me. »

Source

Don Antoine de Guevare [=Antonio de Guevara], o.m., (évêque de Mondoñedo, 1481-1545), Les Epistres dorees et discours salutaires, livre II, trad. franç. de l’espagnol : Jean de Guterry (+1581), docteur en médecine, Jean Ruelle, Paris, 1573, p. 165-167.

jeudi 26 juillet 2018

Le Seigneur est bon à ceux qui espèrent en lui 


Église de Mielno (Pologne)
Saint Pierre sauvé des eaux

Si nous n’avons point été perdus entièrement, c’est l’effet des miséricordes du Seigneur ; 

C’est parce que nous avons trouvé en lui un fonds de bonté inépuisable.

Vous me faites tous les jours de nouvelles grâces. 
Ô Seigneur !  
Que vous êtes fidèle dans vos promesses !

Le Seigneur est mon partage, dit mon âme en elle-même  ; 

C’est pour cela que je l’attendrai.

Le Seigneur est bon à ceux qui espèrent en lui  ; 

Il est bon à l’âme qui le cherche.

Il est bon d’attendre en silence le salut que Dieu nous promet.

Il est bon à l’homme de porter le joug dès sa jeunesse.

Il s’assiéra, il se tiendra solitaire, et il se taira, parce qu’il a mis ce joug sur lui.
Il mettra sa bouche dans la poussière, pour concevoir ainsi quelque espérance.
Il tendra la joue à celui qui le frappera; il se rassasiera d’opprobres.

Car le Seigneur ne nous rejettera pas pour jamais.
S’il nous a rejetés, il aura aussi compassion de nous selon la multitude de ses miséricordes.
Son cœur ne se porte pas volontiers à humilier et à rejeter les enfants des hommes.

(...)

 J’ai invoqué votre nom, ô Seigneur , du plus profond de l’abîme.
Vous avez entendu ma voix ; 

Ne détournez point votre oreille de mes gémissements et de mes cris.
Vous vous êtes approché de moi au jour où je vous ai invoqué ;

Vous m ’avez dit : « Ne craignez point. »

Ô Seigneur ! 
Vous avez pris la défense de la cause de mon âme,
Vous qui êtes le Rédempteur de ma vie.


Lamentations 3, 22-33.55-58
selon la version de Louis Isaac Le Maistre de Sacy

Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer



Le Bon Pasteur, par Ph. de Champaigne
vers 1650
Psaume de David. 

C’est le Seigneur qui me conduit : rien ne pourra me manquer.
Il m’a établi dans un lieu abondant en pâturages ;
Il m’a élevé près d’une eau fortifiante.
Il a fait revenir mon âme ;
Il m’a conduit par les sentiers de la justice, pour la gloire de son nom.

Car quand même je marcherais au milieu de l’ombre de la mort,
Je ne craindrai aucuns maux,
Parce que Vous êtes avec moi. 
Votre houlette et votre bâton ont été le sujet de ma consolation.

Vous avez préparé une table devant moi contre ceux qui me persécutent ; 
Vous avez oint ma tête avec une huile de parfums . 
Que mon calice qui a la force d’enivrer, est admirable ! 
Et votre miséricorde me suivra dans tous les jours de ma vie ; 
Afin que j’habite éternellement dans la maison du Seigneur.



Psaume 22, selon version de Louis Isaac Le Maistre de Sacy, prêtre.

mercredi 25 juillet 2018

Dieu veut faire Sa demeure avec les hommes et vivre avec eux dans la familiarité la plus intime, selon L. I. Le Maistre de Sacy, 1703




Le Christ revenant du Temple avec ses parents, par Rembrandt, 1654, The Sylmaris Collection
 

[Apocalypse chap. 21,] v. 1 jusqu’au 9. (…) Qui est-ce qui pourrait exprimer ou comprendre avec quel excès de bonté Dieu veut se communiquer aux hommes ? Saint Jean « entend une grande voix qui venait du trône » de Dieu qui réside dans le Ciel. Cette voix, par sa grandeur, marque l’importance de la chose que Dieu veut faire savoir ; et ce qu’Il déclare, c’est qu’Il veut faire Sa demeure avec les hommes et vivre avec eux dans la familiarité la plus intime.

Il y a une distance infinie entre Dieu et la créature ; et toutefois, dans le siècle [=monde, temps, vie] à venir, Dieu sera avec les hommes ; et quoiqu’ Il soit leur Dieu, Il ne laissera pas [=ne cessera pas] d’être Lui-même avec eux et habitera avec eux comme ceux qui vivent ensemble dans une même tente, ce qui marque une conversation [=fréquentation, compagnie, manière de vivre ensemble] beaucoup plus familière que d’être seulement dans une même ville ou dans un même palais. Car dans une même tente, on se voit toujours, et l’on vit sans défiance [=méfiance] les uns des autres et sans réserve [=prudence qui retient de dire ou de faire].

Mais cette privauté [=grande familiarité], si on peut s’exprimer ainsi, et cette familiarité de Dieu avec Ses saints, ne servira qu’à leur faire mieux connaître la majesté [=grandeur suscitant le respect] de Dieu : ils L’adoreront sans cesse et s’offriront sans cesse à Lui comme Ses prêtres et Ses victimes.

Cette union intime que Dieu aura avec les bienheureux dans le Ciel est figurée par celle qu’Il a, dans cette vie, avec Ses fidèles serviteurs ; et celle-ci était figurée par le Tabernacle [=Tente, lieu où était déposée l’arche d’alliance et où se manifestait la Présence de Dieu au désert], par le moyen duquel il protestait [=promettait fortement, assurait publiquement, déclarait solennellement] qu’Il voulait faire Sa demeure au milieu de Son peuple, qu’Il marcherait parmi eux, qu’Il serait leur Dieu et qu’ils seraient Son peuple » (Lévitique 26, 11-12). C’est aussi ce qu’Il promettait par son prophète : « Mon Tabernacle sera avec eux, je serai leur Dieu et ils seront Mon peuple » (Ézéchiel 37, 27), c’est-à-dire : ils vivront en sûreté et en repos, sous Ma protection. Mais les fidèles qui ont reçu la grâce du nouveau Testament [=de la nouvelle Alliance], en qui Il habite par la charité et qu’Il remplit de son Saint-Esprit, sont eux-mêmes Son Tabernacle et son Temple : « Ne savez-vous pas — dit saint Paul — que vous êtes le Temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous (1 Corinthiens 6, 16) ? » « Vous êtes — dit-il encore ailleurs — le Temple du Dieu vivant, comme Dieu dit Lui-même — dans l’Écriture (Jérémie 31, 33 — : “J’habiterai en eux et je m’y promènerai : je serai leur Dieu et ils seront Mon peuple (2 Corinthiens 6, 16)”. »

C’est ce qui se vérifiera encore bien plus lorsqu’après la résurrection générale, Jésus Christ aura reçu Ses élus sans la Gloire éternelle, et « que Dieu sera tout en tous » (1 Corinthiens 15, 28). Ce sera dans cette Demeure bienheureuse que Son amour pour Ses élus s’épanchera sans réserve. Sa tendresse pour eux sera si grande qu’il fera à leur égard ce que les mères et les nourrices font à l’égard de leur nourrissons. Car, comme elles essuient leurs larmes et qu’elles en peuvent pas supporter qu’ils souffrent aucun mal qui les inquiète, de même Dieu remplira les cœurs de Ses chers enfants de tant de douceurs et de consolations qu’ils oublieront aisément toutes les afflictions qu’ils auront endurées dans cette vie mortelle. Ainsi l’on peut s’écrier avec le prophète roi [David] : « Combien grande est l’abondance de Vos douceurs que Vous avez réservées pour ceux qui Vous craignent (Psaume 30, 20) ! »

Tous les maux seront éternellement bannis de cette sainte et heureuse société ; on ne s’en souviendra plus, comme le péché en sera entièrement exclu. La mort et les autres misères qui sont la solde [le salaire] et le paiement du péché (cf. Romains 6, 23) seront entièrement détruites et les saints qui en seront affranchis verront avec un tressaillement de joie ce renouvellement de toutes choses qui sera le dernier ouvrage [=la dernière œuvre] de Dieu. Le ciel et la terre et les corps des élus seront renouvelés ; une vie éternelle succédera à une vie mortelle, une vie bienheureuse à une vie sujette à toutes sortes de misères.

La vue de ces grands avantages sont bien capables de relever le courage de ceux qui combattent encore ici-bas. C’est pourquoi Dieu ordonne à saint Jean de les écrire et de rendre témoignage à la certitude de Ses promesses. Qui n’excitera [=n’animera, n’encouragera] donc pas sa foi, son espérance et son amour en les entendant puisque c’est pour cet effet que Dieu commande de les écrire et nous assure de leur vérité ? Il commande ici-bas l’ouvrage [=la mise en œuvre] du salut de Ses élus par les grâces qu’Il leur communique, par les épreuves et les afflictions avec lesquelles Il les purifie.

Mais lorsqu’Il les aura conduits à la Gloire qu’Il leur a destinée,  « tout [sera] accompli » (Jean 19, 30) et il n’y a aura plus rien à faire ni à désirer pour eux. Dieu qui est « le commencement et la fin » (Apocalypse 21, 6) peut bien Se rendre garant de cet accomplissement puisque toutes choses dépendent de Lui, que c’est de Lui qu’elles tirent leur origine, que c’est par Lui qu’elles ont leur accroissement et leur perfection.

Heureux — s’écrit le prophète royal [David] — « heureux l’homme que Vous avez choisi et que vous avez pris à Vous ; il habitera dans Votre Palais (Psaume 64, 5). C’est là que vos élus « seront enivrés de l’abondance de Votre maison et que Vous les ferez boire du torrent de vos délices, car la source de la Vie est en Vous » (Psaume 35, 9-10). Un autre prophète prédisant le bonheur du Règne de Jésus Christ, invite toutes les nations à embrasser la doctrine de l’Évangile et à rechercher Jésus Christ qui est la source de la Vie :

Vous tous qui avez soif, venez aux eaux [ ; vous qui n’avez point d’argent, hâtez-vous, achetez et mangez : venez, achetez sans argent et sans aucun échange le vin et le lait.] (Isaïe 55, 1).

Mais il faut remarquer que Dieu n’invite aux eaux de Sa grâce que ceux qui en sont altérés. Cette soif est un ardent désir d’une âme qui connaît sa disette [=misère] et son besoin. Il renvoie vides ceux qui se croient riches et répand ses richesses sur ceux qui reconnaissent leur indigence [=manque, pauvreté]. « Heureux ceux qui sont affamés et altérés de la justice parce qu’ils seront rassasiés (Matthieu 5, 6). » Le Sauveur dit encore ailleurs : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à Moi et qu’il boive (Jean 7, 57). » Ceux donc qui désirent être rassasiés et désaltérés et jouir enfin de la Gloire dans le Ciel, il faut qu’ils soient altérés de la justice dans cette vie, c’est-à-dire qu’ils la recherchent avec ardeur et qu’ils aiment Dieu par-dessus [=au-dessus de] toutes choses.

Ce sont ceux-là à qui Il promet ici de « donner à boire de la source d’eau vive » qui désaltère pour toujours : « car celui qui boira de l’eau que Je lui donnerai — dit Jésus Christ — n’aura jamais soif, mais cette eau deviendra dans [=en] lui une fontaine d’eau qui rejaillira dans la Vie éternelle (Jean 4, 13-14). »

Mais afin que nul ne s’imagine pouvoir l’acquérir par ses propres mérites ou par ses propres forces, le Seigneur promet de donner « à boire de cette eau vive gratuitement » et comme dit le prophète, « sans argent et sans aucun échange » (Isaïe 55, 1) ; car personne ne mérite la Gloire éternelle qu’il n’ait auparavant reçu la grâce de Dieu pour la mériter. « La vie éternelle est une grâce de Dieu » (Romains 6, 1 »), dit l’apôtre [=saint Paul] et quoique nous la méritions, en effet, par nos bonnes œuvres, ces mérites et ces bonnes œuvres sont encore des dons de la grâce de Celui qui « nous applique à toute bonne œuvre afin que nous fassions Sa volonté, Lui-même faisant en nous ce qui Lui est agréable par Jésus Christ (Hébreux 13, 21).

Mais ce n’est pas assez de reconnaître que nous n’obtenons point la vie éternelle ni par nos mérites, ni par nos propres forces ; il faut aussi se persuader que nous n’y arriverons point sans beaucoup de vigueur [=force pour agir] et de courage [=fermeté qui fait endurer les souffrances et le difficultés]. Le bonheur de l’autre vie n’est point pour les âmes lâches [=qui manque de force pour agir, d’activité, et de fermeté dans les épreuves] et paresseuse [=qui évite l’action] : la vie d’un chrétien est une guerre continuelle qu’il faut soutenir contre des ennemis puissants qui sont toujours occupés [=qui songent et travaillent à] aux moyens de nous perdre. Nous ne pouvons leur résister qu’en nous revêtant des armes de Dieu que l’apôtre [=saint Paul] nous représente sous la figure des armes ordinaires des soldats. Ces armes sont la vérité, la justice, la foi, l’espérance et la parole de Dieu :

[C’est pourquoi prenez toutes les armes de Dieu, afin qu’étant munis de tout, vous puissiez au jour mauvais résister et demeurer fermes. Soyez donc fermes : que la vérité soit la ceinture de vos reins, que la justice soit votre cuirasse ; que vos pieds aient pour chaussure la préparation à suivre l’Évangile de paix. Servez-vous surtout du bouclier de la foi, pour pouvoir éteindre tous les traits enflammés du malin esprit . Prenez encore le casque du salut, et l’épée spirituelle qui est la parole de Dieu ; invoquant Dieu en esprit et en tout temps, par toute sorte de supplications et de prières, et vous employant avec une vigilance et une persévérance continuelle à prier pour tous les saints .] (Éphésiens 6, 13-18)

Comme ces ennemis ne nous donnent ni trêve ni relâche, nous devons aussi être toujours préparés à résister avec ces armes : si nous combattons généreusement avec une foi ferme et persévérante, avec une espérance pleine de confiance en Dieu et un amour fervent qui nous fasse préférer sa volonté à toutes les caresses et les menaces du monde, nous remporterons une heureuse victoire qui nous mettra en possession de tous ces biens ineffables que Dieu réserve à ses enfants ; et en cette qualité, nous deviendrons héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus Christ.

Source

Louis Isaac Le Maistre de Sacy, L’Apocalypse de S. Jean traduite en françois avec l’explication du sens littéral et du sens spirituel tirée des SS. Peres et des Auteurs Ecclesiastiques, dernière édition, Eugène Henry Fricx, 1703, p. 349-354.

L’orthographe et la ponctuation ont été modernisés par l’auteur de ce blogue. Les références scripturaires ont été quelquefois rajoutées quand elles manquaient dans le texte original.


Psaume de David, lorsqu’il était dans le désert de l’Idumée.

Ô Dieu ! ô mon Dieu ! je veille et j’aspire vers vous dès que la lumière paraît  :
mon âme brûle d’une soif ardente pour vous  ;
et en combien de manières ma chair se sent-elle aussi pressée de cette ardeur  !

Dans cette terre déserte où je me trouve, et où il n’y a ni chemin, ni eau,
je me suis présenté devant vous comme dans votre sanctuaire,
pour contempler votre puissance et votre gloire.

Car votre miséricorde m’est plus précieuse que la vie :
mes lèvres seront occupées à vous louer.
Ainsi je vous bénirai tant que je vivrai ;
et je lèverai mes mains vers le ciel en invoquant votre nom.

Que mon âme soit remplie, et comme rassasiée et engraissée,
et ma bouche vous louera dans de saints transports de joie.
Si je me suis souvenu de vous étant sur mon lit,
je serai occupé le matin de la méditation de votre grandeur.

Car vous avez pris ma défense ; et je me réjouirai à l’ombre de vos ailes.
Mon âme s’est attachée à vous suivre ; et votre droite m’a soutenu.

Psaume 62
(traduction par Louis Isaac Le Maistre de Sacy)

Le Christ Lui-même fait dans et par le fidèle ce qui est agréable au Père et lui ouvre le Ciel, par L. I. Le Maistre de Sacy, 1703

Louis Isaac Lemaistre de Sacy, par Philippe de Champaigne

[Apocalypse chap. 14,] v. 13 jusqu’à la fin. « Alors j’entendis une voix qui me dit du Ciel : “Écrivez : ‘Heureux sont les morts qui meurent dans le Seigneur.’” »

Ceci doit être, pour les fidèles, un sujet de grande consolation. Le saint prophète [saint Jean] reçoit ordre d’écrire cette sentence comme une vérité certaine et indubitable à laquelle on doit faire beaucoup d’attention. 

« Heureux — dit-il — ceux qui meurent dans le Seigneur », c’est-à-dire qui meurent dans le profession de sa foi et dans l’unité de son Corps. Cela regarde en général tous les saints, et en particulier tous les saints martyrs qui meurent pour l’amour de Lui. 
 
Après avoir montré quel est le sort funeste de ceux qui, renonçant à leur foi, préfèrent un reste de vie périssable à une mort glorieuse qui fait entrer dans la Vie éternelle, il déclare ici, au contraire, que ceux qui demeurent attachés à Jésus Christ et qui meurent dans cette sainte disposition, seront heureux. Et au lieu que ceux-là seront éternellement tourmentés dans le feu et dans le souffre (Apocalypse 20, 9-10 : « Mais Dieu fit descendre du ciel un feu qui les dévora ; et le diable qui les séduisait, fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, où la bête et le faux prophète seront tourmentés jour et nuit dans les siècles des siècles. »), ceux-ci jouiront dans le Ciel d’un parfait repos après quelques peines passagères.

Il est vrai — dit le sage — « qu’ils ont paru morts aux yeux des insensés, (…) mais cependant ils sont en paix » (Sagesse 3, 2-3) : parce que leurs bonnes œuvres les suivent et les accompagnent inséparablement en sortant de cette vie. Les biens de ce monde, les parents et les amis nous abandonnent à la mort ; il n’y a que nos bonnes œuvres qui nous suivent. 

Et l’Esprit de Dieu assure que c’est « dès maintenant », c’est-à-dire que le bonheur des saints n’est point retardé jusqu’à la fin des siècles, mais que les âmes purifiées de leurs tâches jouissent aussitôt de la Gloire dans le Ciel. 

Néanmoins, comme il n’y entre rien de souillé, ceux qui meurent dans une profession sincère de la foi chrétienne sans avoir achevé de se purifier de leurs souillures, souffrent encore les peines du Purgatoire, selon la doctrine de l’ Église, pour être en état de paraître devant Dieu et de Le voir toute l’éternité. 

Pour ce qui regarde les martyrs, ils entrent incontinent [=sans attendre, tout de suite] dans la Gloire et c’est leur faire injure, comme disent les Pères, que de prier pour eux.

On peut ici remarquer que la récompense est donnée aux mérites des bonnes œuvres. Car, quoique nos mérites soient des dons de la grâce de Dieu, Il ne laisse pas de [=Il ne manque pas de] nous les imputer [=attribuer à, mettre au compte de, donner la responsabilité de] comme étant de nous, bien que ce soit Lui-même qui nous « applique à toute bonne œuvre (...) faisant en nous ce qui Lui est agréable par Jésus Christ. »

Que le Dieu de la paix qui a ressuscité d’entre les morts Jésus Christ notre Seigneur qui, par le sang du Testament [=Alliance, Pacte] éternel, est devenu le grand Pasteur des brebis, vous rende disposés à toute bonne œuvre, afin que vous fassiez sa volonté, Lui-même faisant en vous ce qui Lui est agréable par Jésus Christ, Auquel soit la gloire dans tous les siècles des siècles. Amen. (Hébreux 13, 20-21)

Source

Louis Isaac Le Maistre de Sacy, L’Apocalypse de S. Jean traduite en françois avec l’explication du sens littéral et du sens spirituel tirée des SS. Peres et des Auteurs Ecclesiastiques, dernière édition, Eugène Henry Fricx, 1703, p. 218-219.

samedi 21 juillet 2018

L'amour que Dieu nous porte et le mystère de notre rédemption par la Passion du Christ, selon L. I. Le Maistre de Sacy, 1703


Louis Isaac Lemaistre de Sacy, par Philippe de Champaigne

Saint Paul dit que Dieu « nous a élus avant la création du monde, et nous a prédestinés par l’amour qu’Il nous a porté, et par un pur effet de Sa bonne volonté (Éphésiens 1, 4-5) »; et ailleurs : « Ceux qu’Il a connus dans Sa prescience, Il les aussi prédestinés. »

C’est ce que le prince des Apôtres [saint Pierre] dit aussi de ceux à qui il écrit, qu’ils « sont élus selon la prescience ou la prédestination de Dieu le Père (1 Pierre 1, 2). » Cette élection ne s’entend pas de tous les particuliers, mais de leurs saintes assemblées, qui étaient composées des principaux membres que « Dieu a choisis dans Sa prescience (Romains 11, 2). » Cette prescience signifie prédilection, qui exclut l’idée de quelque mérite que ce soit qui prévienne l’élection de notre part.

Saint Paul dit que nous avons été choisis par cet amour tout gratuit, « afin que nous fussions saints (Éphésiens 1, 4). » Et ailleurs en parlant aux Thessaloniciens : « Il vous a choisis dès le commencement pour vous sauver par la sanctification de l’Esprit. (2 Thessaloniciens 1, 13). »

Ce sont les mêmes termes dont use saint Pierre : « pour recevoir la sanctification du Saint-Esprit (1 Pierre 1, 2) », c’est-à-dire l’Esprit qui sanctifie, « pour obéir à la foi, et être arrosés du sang de Jésus Christ (Ibid.) . »

Saint Paul dit de même, qu’il a été choisi apôtre (Romains 1, 5) « pour faire obéir à la foi », et que ceux qui n’obéissent point à l’Évangile de notre Seigneur Jésus Christ, souffriront la peine d’une éternelle damnation. 

Le mystère de notre rédemption est ici exprimé par l’aspersion du sang de Jésus Christ sur eux, c’est-à-dire par l’application des mérites de Sa mort et par la vertu très efficace de ce précieux sang, pour nettoyer leurs âmes des souillures de leurs péchés. Nul ne peut être purifié de ses péchés s’il n’est arrosé de ce sang, et si le mérite de la passion de Jésus-Christ ne lui est appliqué, parce qu’Il est cet « Agneau sans tâche et sans défaut (1 Pierre 1, 19) », que « Dieu a proposé pour être la victime de réconciliation par la foi que les hommes auraient eue en Son sang  (Romains 3, 25). » C’est de cette aspersion dont parle le prophète Isaïe, en ces termes : « Il arrosera [de Son sang] la multitude des nations (Isaïe 52, 15). » Cette aspersion est figurée par celles qui se faisaient du sang des victimes de l’Ancienne Loi ; mais saint Pierre a principalement en vue celle dont il est fait mention [en] Exode 24 et que nous expliquerons encore par les propres paroles de saint Paul. Il dit donc que « Moïse ayant récité devant tout le peuple toutes les ordonnances de la loi, prit du sang des veaux et des boucs (…) et en jeta sur le Livre même et sur le peuple, en disant : “C’est le sang du Testament et de l’Alliance que Dieu a faite en votre faveur.” Il jeta encore du sang sur le Tabernacle et sur les vases qui servaient au culte de Dieu. Et selon la Loi, presque tout se purifie avec le sang et les péchés ne sont point remis sans effusion de sang (Hébreux 9, 19-22). » « Que si — dit-il un peu auparavant — le sang des boucs et des taureaux et l’aspersion de l’eau mêlée avec la cendre d’une génisse, sanctifie ceux qui ont été souillés, en leur donnant une pureté extérieure et charnelle, combien plus le sang de Jésus Christ qui s’est offert lui-même à Dieu par le Saint-Esprit comme une victime sans tâche, purifiera-t-Il notre conscience des œuvres mortes, pour nous faire rendre un vrai culte au Dieu vivant  (Hébreux 9, 13-14) ? »

Voilà comment ces deux grands apôtres qui étaient si unis dans le gouvernement de l’Église, se sont si bien accordés dans l’interprétation de ces mystères.

Les interprètes remarquent ici que les trois Personnes divines conspirent au salut des élus : le Père comme le principe de leur élection par Sa prescience éternelle et Son amour tout gratuit ; le Fils comme la victime de leurs péchés et la source de tous leurs mérites ; le Saint-Esprit comme l’esprit d’adoption et d’amour qui leur donne la naissance, les anime, les sanctifie, les fait agir et les conduit à la gloire.

Ce bienfait est si grand que ce saint apôtre, tout plein de reconnaissance, commence son épître par des actions de grâces à Dieu de cette ineffable bonté qu’Il a pour Ses élus (1 Pierre 1, 3). C’est ce que fait aussi saint Paul au commencement de sa seconde épître aux Corinthiens [« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, (…). (2 Corinthiens 1, 3) »] et de celle aux Éphésiens en même terme : « Béni soit Dieu le Père de notre Seigneur Jésus Christ (Éphésiens 1, 3). » Dieu est de toute éternité par sa nature Père de Jésus-Christ quant à sa divinité ; mais Il l’est encore quant à l’humanité que Dieu en trois Personnes a formée dans le sein de la bienheureuse Vierge Marie par l’opération du Saint-Esprit. Dans l’Ancien Testament, Dieu s’appelait le Dieu d’Abraham pour se distinguer par cette marque de toutes les fausses divinités ; mais depuis qu’Il s’est manifesté au monde dans Jésus Christ, il ne veut plus être connu que dans ce « Fils bien-aimé en qui Il a mis toute [Son] affection (Matthieu 17, 5) ».

Ainsi les apôtres usent de cette expression pour nous remplir du souvenir de « ce grand mystère de la piété [où Dieu] a paru revêtu de chair (1 Timothée 3, 16) », pour procurer aux hommes le salut éternel. Quand saint Paul parle de ce mystère, il ne trouve point de termes pour en concevoir l’excellence et le mérite : « afin — dit-il en parlant aux Éphésiens — que vous puissiez comprendre quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de ce mystère ; et connaître l’amour de Jésus Christ envers nous qui surpasse toute connaissance. »

Mais saint Pierre en parle aussi avec une majesté bien digne de la gravité du prince des apôtres : c’est — dit-il — par la pur motif de Sa miséricorde infinie qu’Il a voulu réparer le malheur de notre première naissance en Adam par une nouvelle naissance plus heureuse, et « nous a régénérés par la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts (1 Pierre 1, 3). » On peut voir ce qui a été dit de cette régénération sur le v[erset] 18 du ch[apitre] 1 de l’épître de saint Jacques [: « De Sa propre volonté, Il nous a engendrés par la parole de la vérité, afin que nous soyons comme les prémices de Ses créatures. »].

Mais comment est-ce plutôt par la résurrection de Jésus Christ que par Sa passion que nous avons été régénérés ? C’est — dit saint Paul — « qu’Il a été livré à la mort pour nos péchés ; mais qu’Il est ressuscité pour notre justification (Romains 4, 25). » Ce n’était pas assez de mourir pour effacer nos péchés ; il fallait aussi qu’Il triomphât de la mort par Sa résurrection ; et comme « notre vieil homme a été crucifié avec lui (Romains 6, 6) », afin que, « comme Il est ressuscité d’entre les morts par la gloire de Son Père, nous marchassions aussi dans une nouvelle vie. Car si nous avons été entés en lui par la ressemblance de Sa mort, nous y serons aussi par la ressemblance de Sa résurrection (Romains 6, 4b-5). » Les membres doivent suivre leur chef ; ainsi nous devons être animés d’une espérance vive qui nous donne une grande confiance que nous arriverons à la vie éternelle où Il nous a précédés.

Cette espérance de la part de Dieu est aussi certaine que l’est Sa fidélité même et Sa vérité sainte, qui ne peut point se démentir. C’est ce qui fait dire à saint Paul que « nous avons entrée par la foi à cette grâce dans laquelle nous demeurons fermes et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire des enfants de Dieu (Romains 5, 2). » Il en parle même comme d’une chose faite et qui est déjà arrivé : « Il nous a ressuscités avec lui et nous a fait asseoir dans le Ciel avec Jésus Christ (Éphésiens 2, 6) » dit ce saint apôtre ; et pour arrhes de cette assurance, Il nous a donné Son Esprit Saint qui « rend lui-même témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Que si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus Christ (Romains 8, 16-17). »

 
Source

Louis Isaac Le Maistre de Sacy, prêtre, Epistres catholiques traduites en françois, avec une explication tirée des SS. Peres et des Auteurs ecclésiastiques, Guillaume Desprez, Paris, 1703, p. 166-171.

L’orthographe et la ponctuation ont été modernisés par l’auteur de ce blogue. Les références scripturaires ont été quelquefois rajoutées quand elles manquaient dans le texte original.

mardi 17 juillet 2018

Le droit et le devoir de surveillance et de contrôle des parents vis-à-vis de leur enfant


Le droit de surveillance permet, et impose également aux parents de surveiller les fréquentations de leur enfant, qu’elles soient physiques ou virtuelles. 

Quel que soit l’âge de celui-ci, on ne saurait invoquer le droit à la vie privée du mineur pour empêcher cette surveillance qui peut tout à fait consister à surveiller les relations de l’enfant qu’elles soient téléphoniques, par Internet ou physiques

Ce droit de surveillance donne ainsi, au moins en théorie, au parent le droit d’interdire au mineur d’avoir des relations sexuelles, et ce même s’il a plus de 15 ans (1). 

Par ailleurs, le Code pénal réprime l’atteinte sexuelle sans violence sur mineurs de moins de quinze ans (art. 227-25 du Code pénal) et lorsqu’elles sont commises sur des mineurs de plus de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur le mineur (art. 227-26 du Code pénal) ([Adeline] Gouttenoire, 2011, p. 431). 

Selon la jurisprudence, exercent notamment un oncle par alliance de la victime à qui celle-ci avait été confiée par ses parents, le mari d’une institutrice assistant celle-ci dans ses fonctions, le concubin de la mère qui partage avec elle son habitation, le directeur d’un centre d’accueil pour jeune en difficulté. 

Un parent peut interdire et dénoncer les relations sexuelles qu’un adulte entretiendrait avec son enfant lorsqu’elles s’inscrivent dans une des hypothèses visées par le Code pénal. On peut même considérer qu’il s’agit pour eux d’une obligation.

Note

(1) Le fait que le Code pénal ne réprime que les relations sexuelles d’un mineur de moins de quinze ans avec un majeur n’exclut pas le droit des parents de surveiller les relations sexuelles de l’enfant même âgé de plus de quinze ans.

Source

Hélène Romano, (dir .), « La protection de l’enfant par ses parents », in Accompagner en justice l'enfant victime de maltraitance ou d'accident, coll. « Enfances », Dunod, janvier 2017, p. 35-36.


Rappel de l'article 371-1 du Code Civil

L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant.

Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.

Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.