Le texte suivant sera présenté :
1) dans une version modernisée et plus facilement compréhensible ;
2) dans la version originale : l'orthographe et la ponctuation seront, certes, modernisés, des mots ajoutés entre
crochets ([...]) ainsi que des expressions plus modernes ([=...]), et ce afin
de faciliter la compréhension de ce texte rédigé dans une français assez ancien (XVIe siècle).
Le Retour du fils prodigue, par Rembrandt, vers 1668 |
1) Version modernisée
Poursuivons
donc notre propos, le Seigneur disant : « Ego
ostendam tibi omne bonum [Moi,
Je
te montrerai tout bien] » [Exode 33, 19].
Et
semblablement, ce serait la même chose que de dire à Moïse qu’Il
lui montrerait Sa bonté car il n’y a pas autre chose par quoi Dieu
manifeste plus Sa bonté qu’en voulant nous communiquer Sa bonté
même. Et pour cela, Dieu envoya son Fils au monde afin qu’Il
communiquât la bonté que Son Père avait, là, au Ciel ; si
bien que, dès l’heure où Il décida de nous donner Son Fils, Il
vida, dès cette heure là, tout Son trésor.
Donc,
par ces mots, Jésus Christ dit, à la fin, à Dieu, dans le grand
discours qu’Il prêcha pendant Sa dernière Cène : « Pater,
manifestavi Nomen Tuum hominibus [Père, j’ai révélé Ton Nom
aux hommes ; Jean 17, 6] ». « Mon Père — dit-Il —
souviens-Toi que J’ai manifesté Ton Nom au monde, et ce, en leur
révélant ce nom de Trinité qu’ils ignoraient et la grandeur de
Ta bonté qu’ ils ne connaissaient pas. Car, avant Ma venue, les
hommes ne connaissaient que Ta puissance dans le cadre de la
création. Mais, désormais, ils connaîtront pareillement Ta bonté
par Ma rédemption. »
Ceci
présuppose d’ailleurs que Dieu n’estime en Lui-même
rien au dessus de Sa bonté et qu’Il n’a voulu envoyer Son Fils
au monde que pour nous la communiquer. C’est la
raison pour laquelle, il me semble, il faudrait savoir pourquoi nous
L’envoie-t-Il et ce que nous devons faire d’elle. Car le trésor
est bon dès lors que celui qui le possède, sait en faire bon usage.
À
ceci je réponds que la bonté de Dieu est si bonne [sic]
qu’elle n’est pas pénible, c’est pourquoi on ne doit pas la
fuir, ni parce c'est à grand coût qu’il faudrait la conserver
durablement, ni parce qu’il faudrait supporter l’ennui dont elle
serait la cause, ni parce qu’elle aurait des désirs ambitieux à
contenter. Mais le Seigneur veut que, de bon cœur, nous L’aimions
et qu’avec ce peu de force que nous avons, nous Le servions.
Il
n’y a de bonté entière qui ne veuille d’amour parfait, ni d’amour
parfait qui ne veuille de volonté parfaite, ni de volonté parfaite
qui ne veuille être bien employée. D’où l’on peut déduire
que, puisqu’en notre Dieu, il existe une immense
bonté, un amour infini et une volonté parfaite et qu’Il ne
demande rien sinon d’être aimé, Il doit être familier de
l’amour. Et certes, Il est sujet à la loi d’amour, Celui
qui ne sait faire qu’aimer, qui commande d’aimer, qui ne veut
qu’aimer, et qui ne s’occupe pas d'autre chose que d'aimer. Et
ce qui est le plus fort, c’est que du même amour qu’Il S’aime
Lui-même, Il m’aime, moi. Il est bien vrai que, parfois, c’est
de ma faute si je ne suis pas aimé, parce que je ne le mérite pas.
Mais Lui ne peut jamais cesser d’aimer, car les mérites, en
Lui, ne peuvent jamais faire défaut.
Nous
nous contenterons d’avoir prouvé que l’amour et Dieu, Dieu et
l’amour renvoient à la même chose et sont du même genre.
Mais
nous voulons, de la même manière, prouver que Dieu se loue d’être
amoureux — amoureux, dis-je — le plus ancien du monde, afin
que tous ceux qui s’occupent de l’amour sachent qu’Il est le
Premier des amoureux. Et si les anciens philosophes ont cherché
avec soin des inventeurs du marteau, de la scie, du ciseau et de la
cognée pour tailler le bois, à plus forte raison, devrait-on
chercher le premier inventeur de l’office d’aimer. Car si la
scie, et aussi la cognée, coupent le bois, l’amour, certes,
scie et découpe les entrailles. J’ai appris de
mon père Adam la désobéissance ; de ma mère Ève la
gloutonnerie ; de mon frère Caïn l’homicide ; du peuple
hébreu l’idolâtrie ; du roi David l’adultère ; du
roi Sennachérib à blasphémer ; de saint Pierre à pleurer. Et
de Toi, mon bon Jésus, j’ai appris à aimer :
et par le moyen de cet amour, Tu T’es fait homme et
moi, Dieu. Telle est l’école où nous étudions, telle est la
science que nous apprenons. Cela, je le dis pour moi, car en l’école
du monde, je n’ai appris qu’à être fou ; en celle de
Satan, je n’ai appris qu’à vouloir ce qui est mal ; en
celle de la chair, je n’ai appris qu’à pécher ; et en
celle des hommes, je n’ai appris qu’à haïr. Mais en la
tienne, ô mon Dieu, je n’ai appris qu’à aimer. D’où l’on
peut déduire que, puisque, dans les écoles de Dieu, l’amour que
l’on apprend est si pur, il n’est pas raisonnable que vivent loin
de l’amour ceux qui les fréquentent.
« Ego
diligentes me diligo, et qui mane vigilant ad me invenient me
[Moi, J’aime ceux qui M’aiment et ceux qui, dès
le matin, s’éveillent pour Moi, me trouveront ; Proverbes 8, 17] » dit le
Seigneur, parlant généralement à tous, comme s’Il voulait dire :
« J’aime ceux qui M’aiment, je cherche ceux qui Me
cherchent, et Je Me donne à ceux qui, à Moi, se
donnent. Et ainsi, celui qui M’aime ne parviendra certainement
pas à aimer mieux, ni plus fidèlement que moi. Car Je suis constant
à aimer celui que J’aime, et si attentif qu’à ses portes il Me
prend la nuit et que, dans son cœur, il Me trouve au point du
jour. »
Ô
propos
amoureux
tel qu’on n’en a jamais entendu, ô amour tel qu’on a en jamais
vu de semblable. C’est
cela,
dis-je, qui, par ces paroles, nous montre Jésus Christ. Car ce n’est
pas autre chose que de dire qu’Il se lève le premier ou plus tôt
pour nous aimer, et
de dire qu’Il nous aime le premier avant que nous
L’aimions, et qu’Il nous cherche avant que nous Le
cherchions, même si le plus tôt que nous avons commencé à
l’aimer, ce pût
être dès notre naissance. Mais
notre Seigneur Dieu, plus pressé,
nous aime avant que nous fussions nés.
C’est
bien vrai ce que Tu dis, Seigneur : « Quod qui mane vigilant
ad me, invenient me. »
D’autant
que si on Te demande ce que Tu faisais avant de créer le monde,
Tu répondras : « Je ne faisais qu’aimer ». Si on
T’interroges sur ce qui T’as poussé à créer le monde, Tu
répondras : « L’amour ». Si on Te demande ce
que Tu fais, Tu répondras : « J’aime ». Et si on
Te demande ce que Tu aimes, Tu répondras : « Je n’aime
que l’amour », de manière à ce que, avant que soit le jour,
c’est Toi que Tu aimes et que, dès le matin, c’est moi que Tu
aimes.
Ô
bon Jésus, ô combien est différent ton amour par rapport au mien,
puisque Toi, comme un amoureux plein de sollicitude, Tu
Te lèves de si bon matin pour m’aimer, et moi, comme un grand
pécheur, je veille pour t’offenser, en sorte que, puisque
Tu es Dieu, Tu m’aimes, et moi, puisque je suis homme, je
t’offense. C’est habituel chez l’amoureux fameux que la
nuit ne le trouve au logis, ni que l’aube du jour ne le surprenne
au lit, mais qu’il veille pour qui le fait veiller et qu’il se
réveille pour qui lui donne de la peine.
Or,
je veux dire par ce qui a été dit que nous devons nous acheminer à
servir Dieu dès le matin de la jeunesse et que nous n’oubliions ni ne cessions de Le servir dans la nuit de la vieillesse, car la
flamme de la chandelle ne luit pas tant avec éclat quand on l’allume
que quand elle s’en va déjà, presque morte.
Dieu
seul dit : « Qui mane vigilant ad me, invenient
me. »
2) Version originale :
Poursuivant [=Poursuivons]
donc notre propos, le Seigneur disant : « Ego ostendam
tibi omne bonum [Moi, Je te montrerai tout bien] » [Exode
33, 19].
Et
semblablement autant que lui [à Moïse] dire [=ce serait la même chose que de lui dire] qu’Il lui montrerait Sa bonté car il n’y a [pas autre]
chose en [=par] quoi Dieu manifeste plus Sa bonté qu’en nous
voulant communiquer Sa même bonté [=Sa bonté même]. Et pour cela,
envoya Dieu [=Dieu envoya] son Fils au monde à ce [=afin] qu’Il
communiquât la bonté que Son Père avait, là, au Ciel ; si
que [=si bien que], dès l’heure qu’Il détermina [=décida de]
nous donner Son Fils, Il mit, dès cette heure là, à sac tout Son
trésor [=il vida tout Son trésor].
Donc,
à ces propos [=par ces mots], dit Jésus Christ [=Jésus Christ dit], en dernier [=à la
fin], à Dieu, du grand sermon [dans le grand
discours] qu’Il prêcha en [=pendant] Sa dernière Cène :
« Pater manifestavi Nomen Tuum hominibus [Père, j’ai
révélé Ton Nom aux hommes ; Jean 17, 6] ». « Mon Père
— dit-Il — qu’il Te souvienne [=souviens-Toi] que J’ai
manifesté Ton Nom au monde, et ce, [en] leur déclarant [=révélant]
ce nom de Trinité qu’ils ignoraient et la hauteur [=grandeur] de
Ta bonté laquelle [=qu’] ils ne connaissaient [pas]. Car, avant
Mon avènement [=Ma venue], les hommes ne connaissaient que Ta
puissance pour [=dans le cadre de] la création. Donc, à cette heure
[=désormais], ils connaîtront semblablement [=pareillement] Ta
bonté pour [=par] Ma rédemption. »
Ceci
présuppose et puis [=d’ailleurs] que Dieu ne se prise
[n’estime en Lui-même, n’apprécie en lui-même] de chose plus
que [rien au dessus] de Sa bonté et qu’Il n’a voulu envoyer Son
Fils au monde que pour nous communiquer Sa bonté. Raison serait
[=C’est la raison pour laquelle], ce me semble [=il me semble],
savoir [=il faudrait savoir] pourquoi est-ce qu’Il nous L’envoie
et qu’est-ce [=ce] que [nous] devons faire d’elle. Car lors
[c'est alors qu'] est bon le trésor, quand celui qui l’a, le sait employer
[=sait en faire usage].
À
ceci je réponds que la bonté de Dieu est si bonne [sic]
qu’elle n’est [pas] importune [=fâcheuse, pénible], [c’est]
pourquoi on la doive fuir [=on ne doit la fuir] ni de coûtange
entretenir, ennuyeuse à souffrir, ni moins ambitieuse à contenter
[=ni parce c'est à grand coût qu’il faudrait la conserver durablement, ni
parce qu’il faudrait supporter l’ennui dont elle serait la cause, ni parce
qu’elle aurait des désirs ambitieux à contenter]. Ains
[=Mais] le Seigneur veut que, de bon cœur, [nous] L’aimions et
qu’avec ce peu de force que [nous] avons, nous Le servions.
Il
n’y [de] bonté entière qu’elle [=qui] ne veuille [d']amour parfait,
ni [d']amour parfait qui ne veuille [de] volonté parfaite, ni [de] volonté
parfaite qui ne veuille être bien employée. De quoi se peut inférer
[=D'où l'on peut déduire] que, puisqu’en notre Dieu, en y a [=il
y a] [une] bonté immense, [un] amour infini et [une] volonté
parfaite et qu’Il ne demande [rien] fors [sinon d’] être aimé,
Il doit être sujet à [=familier de] l’amour. Et certes, Il est
sujet à la loi d’amour, Celui qui ne sait faire qu’aimer, qui
commande [d’]aimer, qui ne veut que aimer [=qu’aimer], ni moins
s’occupe qu’ à [et qui ne s’occupe pas d'autre chose que d'] aimer. Et ce qui
est le plus [fort], [c’est] que du même amour qu’Il S’aime à
Soi [=qu’Il S’aime Lui-même], Il m’aime à moi [=Il m’aime,
moi]. Bien est vrai [=Il est bien vrai] que, parfois, je suis en
cause de n’être aimé [=c’est de ma faute si je ne suis pas
aimé], parce que je ne le mérite [pas]. Mais Lui ne se peut jamais
laisser [=ne peut jamais cesser] d’aimer, ne pouvant en Lui faillir
mérites [=car les mérites, en Lui, ne peuvent jamais faire défaut].
Nous
nous contenterons d’avoir prouvé que l’amour et Dieu, Dieu et
l’amour apportent même devise [=renvoient à la même chose] et
sont de même pâture [=sont du même genre].
Mais [nous] voulons
semblablement [=de la même manière] prouver que Dieu se loue d’être
amoureux [=enclin à l’amour] — amoureux, dis-je — le plus
ancien du monde, afin que sachent tous ceux qui traitent d’amour
[=qui s’occupent de l’amour] qu’Il est le Prince [=le Premier]
des amoureux. Et si les anciens philosophes ont cherché en diligence
[=avec soin et application] des inventeurs du marteau, de la scie, du
ciseau et de la cognée pour charpenter au [=couper, tailler] du
bois, à plus grande [=forte] raison, son devrait-on [=devrait-on]
chercher le premier inventeur de l’office [=la fonction, le rôle]
d’aimer. Car si la scie, et aussi la cognée, coupent le bois,
l’amour, certes, scie et détranche [=découpe] les entrailles. J’ai
appris de mon père Adam la désobéissance ; de ma mère Ève
la gourmandise [=gloutonnerie] ; de mon frère Caïn l’homicide ;
du peuple hébreu l’idolâtrie ; du roi David l’adultère ;
du roi Sennachérib à blasphémer ; de saint Pierre à pleurer.
Et de Toi, mon bon Jésus, [j’]ai appris à aimer : moyennant
lequel amour [ et par le moyen de cet amour], Tu T’es fait homme et
moi, Dieu. Quelle [=Telle] est l’école où nous étudions, telle
est la science que nous apprenons. Ce [=Cela], dis-je [je le dis]
pour moi, car en l’école du monde, je n’ai appris qu’à
folâtrer [=être fou] ; en celle de Satan, je n’ai appris
que mal vouloir [=qu’à vouloir ce qui est mal] ; en celle de
la chair, je n’ai appris qu’à pécher ; et en celle des
hommes, je n’ai appris qu’à haïr. Mais en la tienne, ô mon
Dieu, je n’ai appris qu’à aimer. De quoi se peut inférer [=D'où l'on peut déduire] que, puisqu’aux académies [=dans les
écoles] de Dieu, est si chaste [=pur moralement] l’amour qui se
lit [=que l’on apprend], ne sera raisonnable que soient éloignés
d’amour [=il n’est pas raisonnable que vivent loin de l’amour]
ceux qui la [=les] fréquentent.
« Ego
diligentes me diligo, et quod [qui]
mane vigilant ad me [in]venient me [Moi,
J’aime ceux qui M’aiment et ceux qui s’éveillent dès le matin
pour Moi me trouveront ; Proverbes 8, 17] » dit le Seigneur,
parlant généralement à tous, comme s’Il voulait dire :
« J’aime ceux qui M’aiment, je quiers [=cherche] ceux qui
Me quièrent [=cherchent], et Me donne à ceux qui, à Moi, se
donnent. Et si [=ainsi] personne [=celui] qui M’aime ne gagnera jà
le prix de [=ne parviendra certes pas à] mieux, ni plus fidèlement
aimer que moi. Car Je suis tant continuel [=constant] en l’amour de
ce que [=à aimer celui que] J’aime, et si songneux [=attentif]
qu’à ses portes [il] Me prend la nuit et [que] dans son cœur, [il] Me trouve
au point du jour. » Ô propos amoureux oncq’ tels ne furent ouïs
[=tel qu’on n’en a jamais entendu], ô amour onc semblable ne
fut vu [tels qu’on a en jamais vu de semblable]. Cestui
[=C’est cela], dis-je, lequel [=qui], par ces paroles, nous
montre Jésus Christ. Car n’est autre chose [=ce n’est pas autre
chose que] de dire qu’Il se lève le premier ou plus matin [=plus
tôt] à [=pour] nous aimer, sinon [et de dire] qu’Il nous aime
[le] premier [=avant que] nous L’aim[i]ons, et [qu’]Il nous cherche
avant que [nous] le cherch[i]ons, si que [=même si] le plus ancien
commencement que [nous] pourrions avoir [=le plus tôt que nous avons
commencé] à le aimer [=à l’aimer], ce pourra[it] [=pût] être
dès notre naissance, dont [=mais] notre Seigneur Dieu, comme plus
matinier [=étant plus pressé], Il nous aime devant [=avant] que
nous fussions nés.
Que bien vrai [=C’est bien vrai ce que ] Tu
dis, Seigneur : « Quod qui mane vigilant ad me, invenient
me. »
D’autant
que si on Te demande qu’est-ce [=ce que] Tu faisais avant que
[=avant de] créer le monde, Tu répondras qu’aimer [: « Je
ne faisais qu’aimer »]. Si on T’interroges [sur ce]
qui T’as ému [=poussé] à créer le monde, [Tu] répondras :
« L’amour ». Si on Te demande qu’est-ce [=ce
que] Tu fais, [Tu] répondras : « Aimer »
[= « J’aime »]. Et si on Te demande qu’est
ce que [=ce que] Tu aimes, Tu répondras qu’amour [: « Je
n’aime que l’amour »], de manière [à ce] que devant jour
[=avant que soit le jour] tu aimes à Toi [=c’est Toi que Tu aimes] et
que, dès le matin, tu m’aimes à Moi [=c’est moi que Tu aimes].
Ô
bon Jésus, et [=ô] combien est différent ton amour et le [par
rapport au] mien, puisque Toi, comme solliciteux amoureux [=un amoureux
plein de sollicitude], [Tu] Te lèves si matin [=de si bon matin, si
tôt] à [pour] m’aimer, et moi, comme comme [un] grand pécheur, je
veille pour t’offenser, tellement [=en sorte] que dès que
[=puisque] Tu es Dieu, Tu m’aimes, et moi, dès que [=puisque] [je]
suis homme, je t’offense. C’est coutume [=habituel] du [=chez le]
fameux amoureux que la nuit ne le prenne [=le trouve] au logis, ni
[que] l’aube du jour [ne] le surprenne au lit, ains [=mais] qu’il
veille à [=pour] qui le fait veiller et réveiller [=qu’il se
réveille] à [=pour] qui lui donne peine.
Or,
je veux dire par ce qu’a [=qui a] été dit que nous nous devons
acheminer [=nous devons nous acheminer] à servir Dieu en la matinée
de la jeunesse [=dès le matin de la jeunesse] et que ne nous
oublions [=nous n’oubliions pas] ni laissions à [=ni ne cessions]
à [=de] Le servir en [=dans] la nuit de la vieillesse, car la flamme
de la chandelle ne reluit [=ne luit] pas tant quand on l’allume que
quand elle s’en va jà [=déjà], presque morte.
Dieu seul dit :
« qui mane vigilant ad me, invenient me. »
Source
Don
Antoine de Guevare [=Antonio de Guevara], o.m.,
(évêque de Mondoñedo,
1481-1545), Les Epistres
dorees
et discours salutaires, livre II, trad. franç.
de l’espagnol : Jean de Guterry (+1581), docteur en médecine, Jean
Ruelle, Paris, 1573, p.
165-167.