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mercredi 7 mars 2018

Le tabernacle liturgique, d'après l'abbé Robert Lesage, 1935


Tabernacle en forme d'arche d'alliance, Séminaire de S. Sulpice
Au début de l'ère chrétienne il n'y avait pas de tabernacle . L'idée de conserver le Saint-Sacrement dans les églises ne put venir aux chrétiens qu'après la période des persécutions. Aux époques troublées, les fidèles emportaient chez eux les saintes Espèces et les cachaient dans leurs maisons.

Lorsque l’Église put, sans danger de profanation, avoir une Réserve eucharistique en chacun de ses sanctuaires, elle le fit avec la plus maternelle charité en faveur des malades et des prisonniers.

Sans doute, le lieu et la disposition du coffre où elle conserva ce précieux dépôt varia au cours des siècles. On connut de modestes niches creusées dans le mur de l'abside ou du chœur, l'armarium sacré aux formes diverses ; la tour eucharistique, isolée dans une nef ; la colombe d'or ou d argent qui est encore en usage à Solesmes, à Saint-Julien-le-Pauvre de Paris et en quelques autres sanctuaires. Mais la discipline actuelle [1935] exige que le tabernacle soit scellé au milieu d 'un autel.

Pour la forme et la matière, les artistes jouissent d'une très grande liberté. Le tabernacle peut être carré, rond, hexagonal, octogonal, en forme de tente ou de coffre, d armoire ou d'arche d'alliance, de tour ou de façade d'église. Il peut être de bois — qui est le matériau traditionnel — de pierre ou de marbre, d'or ou d'argent, de bronze ou de tout autre métal. Toute matière solide peut être employée, pourvu qu'elle soit digne de l'Hôte divin. Fermé de tous côtés, sans autre ouverture que la porte, il suffit que le regard ne puisse pénétrer à l'intérieur.

À côté de cette extrême liberté de construction, l’Église demande toutefois de respecter certains principes qui lui sont chers. Il convient que l'artiste les connaisse. Le bon sens et la tradition chrétienne les justifient pleinement ; les livres liturgiques et les décrets de la Congrégation des Rites les ont nettement promulgués.

1° - Il n’y a qu’un tabernacle par église.

Le besoin des malades, pour lesquels l’Église conserve l'Eucharistie après la Messe, n'exige qu'un tabernacle par édifice religieux. Toute paroisse doit avoir cette sainte Réserve, mais en un seul endroit. Bien que les autels secondaires se soient multipliés depuis le Moyen-Âge, afin de faciliter les messes privées, l'unité de l'autel n'en demeure pas moins un principe liturgique. Les Orientaux l'ont jalousement gardé jusqu'à nos jours et la plupart de leurs églises ne possèdent qu'un autel unique. Chez nous, un autel principal occupe toujours le centre de l'église, parce que le Saint-Sacrifice est le centre du culte catholique.

La Réserve étant la prolongation du Sacrifice opéré sur l'autel-majeur, il convient qu'un lieu particulier soit consacré à l'Eucharistie conservée. D'où la distinction de deux autels : le maître-autel où s'accomplit la Messe ; et l'autel de la Sainte Réserve où se prolonge la Messe.

Quant à placer des tabernacles sur d'autres autels, surtout lorsqu'on est certain qu'ils ne serviront jamais, c'est un abus qui vient de l'ignorance. On a cru, à force d'en construire, que le tabernacle était une partie essentielle de l'autel, que celui-ci comme nous l'avons vu dans un ouvrage de vulgarisation, était destiné à supporter celui-là.

Dans une petite église de village, nous avons même compté neuf autels, surmontés d'autant de tabernacles. Or, le curé a toujours été seul, il ne se sert que de l'autel-majeur, et, au prêtre de passage qui lui demande de célébrer dans son église, il n'en offre pas d'autre. Ne pouvons-nous pas conclure que sept autels et sept tabernacles au moins sont absolument inutiles ?

Il va sans dire que certaines circonstances peuvent autoriser à conserver l'Eucharistie à l'autel principal, mais alors, (la loi est formelle), elle ne peut être gardée nulle part ailleurs. Il serait certainement mieux de ne célébrer jamais sans nécessité en présence de la Sainte Réserve.

« Le cérémonial dressé par les papes, dit Mgr de Cormy, nous atteste qu'on a même évité pendant longtemps de célébrer aux autels où la Réserve se trouvait enfermée et il approuve que l'on demeure fidèle à cette délicatesse ».

Dans toutes les cérémonies présidées par un évêque, les règles liturgiques veulent aussi que le Saint-Sacrement ne demeure pas au tabernacle, fût-il habituellement au maître-autel. Dès son arrivée, on conduit le prélat à l'autel de la Sainte Réserve, où il fait quelques instants d'adoration avec ses assistants. Il n'est introduit au chœur qu'après cette pieuse visite.

Le nombre des tabernacles est donc limité dans une même église. On évitera surtout d'en placer sur des autels qui ne servent jamais ; on se gardera encore davantage d'en simuler par un bloc de pierre ou de bois, comme si le milieu de l’ autel devait nécessairement être marqué par une élévation.

L'autel chrétien est une table qui n'a nul besoin de gradins et de tabernacle. Lorsque celui-ci est nécessaire, il doit être bas afin de souligner la ligne horizontale de la table d'autel.

2° - Le tabernacle est un coffre et non un support.

Le respect dû à cette armoire précieuse exige qu'elle ne serve jamais de support à quoi que ce soit. Il est vrai que le ciborium qui couvrait autrefois nos autels et même le baldaquin qui, en France, l'a souvent remplacé, n'existe plus guère. Son usage est tombé en désuétude, bien que les lois liturgiques en aient conservé l'obligation, au moins pour l'autel où se conserve le Saint-Sacrement. Pour exposer solennellement celui-ci, il a donc fallu dresser sur l'autel un trône d'exposition, afin qu'il fût abrité. Rien de plus normal, dans ces conditions, de placer ce trône sur le tabernacle, s'il y en a un. N'est-ce pas le même Seigneur que l'on sort soigneusement du coffre sacré et que l'on dispose plus haut, afin de donner aux fidèles la satisfaction de voir les Apparences sous lesquelles Il se cache ?

Mais il est absolument défendu de laisser ce trône en permanence ; autrement dit, on doit le retirer dès que l'exposition est achevée. Les artistes ne le feront par conséquent jamais de pierre, de marbre ou de toute autre matière lourde. Ils s'efforceront de le construire aussi léger que possible, afin que les clercs ou les employés chargés de le placer et de le retirer puissent accomplir aisément leur fonction et que la loi du moindre effort, que nous connaissons tous, n'y fasse point obstacle.

Le tabernacle n'est pas un support et l’Église défend formellement d'y placer des tableaux, images ou statues, des candélabres, des vases de fleurs, des reliques et même celle de la vraie croix.

Le crucifix, qui doit dominer l'autel et en occuper le centre, doit régulièrement être placé derrière le tabernacle et non dessus. Les deux exemples qui illustrent cet article montrent clairement la position de cette croix d'autel. Tel est l’esprit des lois liturgiques, sinon une prescription formelle. Mais il est interdit d'une façon absolue de placer la croix sous le trône d'exposition, car l'image du divin Crucifié ne peut recevoir les mêmes hommages que sa personne. Or, nous la croyons présente réellement dans l'Eucharistie et l'expositoire amovible lui est spécialement consacrée.

3° - Le tabernacle doit être entièrement voilé.

Tabernacle, église Saint-Julien-le-Pauvre, Paris

Tous les peuples ont employé et emploient des parasols, pavillons et dais portatifs, sous une forme ou sous une autre, pour couvrir et protéger les personnes et certains objets qu'ils reconnaissent dignes de respect et qu'ils veulent honorer.

Le ciborium, auquel nous faisions allusion plus haut, n'avait pas d'autre but : il couvrait l'autel du sacrifice. N'est-il pas naturel d'abriter également le coffre qui contient le Souverain Maître du Temple catholique ? Cela convient d'autant plus que le dit ciborium ou dais est souvent absent.

Le tabernacle a, d'ailleurs, une forme bien particulière, qui ne ressemble en rien aux monuments lourds et pesants qu'on décore aujourd'hui de ce nom. Il suffit qu'ils aient un peu plus de la hauteur des ciboires qu'on veut y conserver.

Certains tabernacles modernes sont d’une hauteur exagérée : ils écrasent la table d’autel et nuisent à sa ligne, nécessairement horizontale, par une élévation massive. Quand nous délivrera-t-on de ces disgracieux blocs de pierre, encastrés dans d'épais gradins ?

Un retour à la conception du tabernacle sera l'unique solution. Une tente, de guerre ou de voyage, est en proportion de ceux qu'elle abrite. Or le tabernacle est avant tout une tente. Le mot tentorium que l'on donne au voile qui l'enveloppe, le mot pavillon, que certains auteurs emploient comme synonyme de conopée, ne prêtent pas à une autre interprétation.

Cette étoffe n'est-elle pas la tente elle-même et le tabernacle, primitivement de bois, n'en est-il pas le bâti, le simple support ?

Toute notre attention devrait donc se porter sur cette tenture, qui fait honneur à celui qu'elle abrite et qui cache aux regards des fidèles le vase sacré ? C'est une loi générale de voiler ainsi tous les vases destinés à recevoir l'Eucharistie : calice, ciboire, etc... L'ostensoir lui-même, qui n'est pourtant pas un vase sacré proprement dit, doit être recouvert d'un rectangle de soie blanche, lorsqu'il ne contient pas les saintes Espèces.

Le conopée est donc le manteau royal de notre Maître. Qui donc oserait l'en priver? On le met dès qu'on dépose la sainte hostie dans le tabernacle et on le retire lorsque celle-ci en est ôtée. Il sera le signe authentique, le seul signe de la présence réelle. Beaucoup mieux que les lampes, dont reliques, statues et icônes saintes peuvent recevoir l'honneur, le conopée marquera avec certitude que l'Hôte divin est là.

L'obligation de cette enveloppe ne peut faire aucun doute, puisque plusieurs décrets de la Congrégation des Rites l'ont expressément rappelée. L'usage contraire ne peut être conservé. Aucune décoration, même précieuse, ne peut en dispenser, et, comme ce conopée peut aussi bien être de lin ou de chanvre que de soie, de laine ou de coton que de drap d'or ou d'argent, la pauvreté de l'église ne peut être invoquée pour s'en exempter.

Un orfèvre sans religion pourrait sans doute regretter que son œuvre fut ainsi vouée à une obscurité définitive. Nous ne saurions le blâmer. Mais l'artiste chrétien, qui croit en la présence du Prisonnier volontaire, se réjouit au contraire d'avoir œuvré, pour Lui seul, une demeure précieuse. Pour lui, ce manteau d'honneur qui le cache aux yeux de la foule et que soutient le marbre immaculé fouillé par son ciseau ; pour Lui seul, ces ornements de bronze ou d'or qui courent autour du pavillon royal ; pour Lui seul, cette porte ciselée, martelée, où triomphe le monogramme du Christ ; pour Lui seul, cette étoffe de soie blanche ou ces panneaux dorés qui ornent l'intérieur de son petit palais.

Référence

Abbé Robert Lesage, « Le Tabernacle liturgique », in L’Art sacré, n°1, juillet 1935, p. 26-27.

L'auteur était le cérémoniaire du cardinal-archevêque de Paris, Jean Verdier (1929-1940).

samedi 16 décembre 2017

La célébration de l'Eucharistie, selon le Bienheureux Paul VI, 1977


Le Bienheureux Paul VI - Portrait officiel


(...) 

Nous devons également encourager votre vigilance et votre fermeté

La liturgie catholique doit demeurer théocentrique. C’est sa nature même. C’est l’esprit de la rénovation accomplie par le Concile. 

Permettez-nous de nous arrêter un instant à la célébration de l’Eucharistie. 

Elle se situe bien au-delà d’une rencontre fraternelle et d’un partage de vie. Saint Paul ne craignait pas de la rappeler aux chrétiens de Corinthe (1 Corinthiens 11, 22). 

L’Eucharistie est essentiellement la réitération du sacrifice rédempteur du Christ

C’est une réalité dont aucun ministre, aucun laïc n’est propriétaire. C’est un mystère sacré qui requiert une atmosphère de gravité et de dignité, et ne supporte pas la médiocrité ou le laisser-aller du lieu, de la tenue vestimentaire, des objets du culte. Simplicité, oui ! Désinvolture, jamais ! 

Nous félicitons et stimulons les diocèses qui, de diverses manières, proposent aux fidèles une formation liturgique digne de ce nom. Un tel travail, loin des inventions faciles, permettra au culte catholique de conserver son identité, d’exprimer et de nourrir la foi du Peuple des baptisés.

(...)

Référence

Bienheureux Paul VI, Discours aux évêques de la région Sud-Ouest de France en visite ad limina apostolorum, lundi 18 avril 1977.



dimanche 19 novembre 2017

Remobiliser la jeunesse et réenchanter la liturgie de l'Église catholique, 1912


Enfant de chœur, par Julius Scholtz, 1854
Je vais peut-être en surprendre beaucoup, mais je le dirai comme je le pense : il faut tendre à replacer les jeunes gens dans le chœur de l'église, non pas en assistants désœuvrés, mais en figurants actifs et occupés, et à reconstituer toute la hiérarchie, d'ailleurs charmante, des enfants de chœur, acolytes, thuriféraires, maîtrisiens, chantres, etc.

Eh ! oui, il faudra cela, non seulement à la campagne, mais à la ville.

Autrefois, les clergés étaient très nombreux, même dans les moindres paroisses, et ils se suffisaient à toutes les cérémonies; il existait d'ailleurs plus qu'aujourd'hui, quant à la place à occuper dans les édifices religieux, une différence considérable entre les prêtres et les laïques.

En effet, le chœur, le sanctuaire était ordinairement séparé des nefs par des grilles, par des panneaux, par des jubés cloisonnés. L'office, dans sa partie la plus solennelle, se poursuivait en dehors du peuple, lequel rentrait dans l'église même moins comme dans le temple de Dieu que comme dans sa propre maison à lui-même. On sait assez que les cathédrales, autrefois, prêtaient leurs vastes édifices à mille usages qui n'étaient point religieux.

Le sanctuaire n'en était que plus strictement réservé et n'y entraient que ceux qui étaient ou se préparaient à être reçus dans les différents ordres sacrés.

Les cathédrales, et même de plus modestes églises, abritaient alors, de façon continue, tout un peuple qui leur appartenait déjà en propre, qu'elles employaient et qui vivaient d'elles.

Elles ne faisaient guère appel, alors, à un personnel mouvant et momentané qui serait venu, à certaines heures seulement, revêtir un surplis d'emprunt pour chanter, contre bons deniers comptants, les prières et les psaumes.

De ce fait, les offices étaient sans contredit plus beaux, plus hiératiques, plus dignes, mais le peuple, en beaucoup d'endroits, y participait moins effectivement.

Cependant, il devint bientôt impossible, sauf dans les chapitres et dans les abbayes, de maintenir partout cet état de choses, et de bonne heure, sous le nom de confréries de tout vocable et de tout attribut, les laïques furent admis plus ou moins directement à participer aux cérémonies dans le chœur de l'église.

Chaque église, en effet, voulut imiter de plus ou moins près les offices de la métropole, mais elle n'avait point le personnel sacré suffisant, elle dut y suppléer, et le chœur se peupla d'enfants, de jeunes gens, d'hommes et de vieillards qui fournirent une figuration variée aux offices divins.

Il semble bien que partout, au début du moins, ces fonctions furent regardées comme des plus honorables et restèrent honorifiques. Chacun se sentait trop honoré de chanter les louanges de Dieu dans les stalles, auparavant destinées aux seuls clercs et aux moines, pour réclamer d'autres... honoraires.

Mais avec le temps, dans les villes tout au moins, le recrutement des enfants de chœur, des chantres, ne se maintint pas au même niveau. Les hauts bourgeois restèrent marguilliers, mais ils ne revêtirent plus le surplis ; la fonction de chantre paraissant désormais moins honorable par elle-même, commença d'être plus... honorée pécuniairement et, en même temps, ceux-là mêmes qui auraient dû se sentir heureux et réclamer comme un privilège de chanter au chœur, laissèrent même en certains chapitres, si l'on en croit Boileau, à des chantres gagés le soin de louer Dieu.

De plus en plus, au cours des âges, la fonction devenant mercenaire se recruta, en ville surtout, dans un milieu social moins élevé.

Il convient d'ailleurs de dire que, même en beaucoup de villes, un assez grand nombre de fonctions d'enfants de chœur, de thuriféraires et même de chantres restèrent gratuites. En tout cas, le fait se produisit et persiste encore dans la presque totalité des paroisses rurales... où il y a des chantres.

Là, les habitudes d'autrefois ont survécu ; là, l'église est encore un centre d'activité ; là, de père en fils, on se transmet le tome noté et on se succède devant l'aigle doré du lutrin ; là, toute une hiérarchie de chantres, jaloux de leurs droits, et disputant volontiers sur les préséances, remplit les stalles et assure gratuitement le service des offices.

Ces chantres-là, non seulement ne touchent aucun salaire, mais, le plus souvent, s'ils reçoivent du curé leur livre de plain-chant, doivent s'offrir leur soutane et pourvoir au blanchissage de leur surplis ; il en résulte bien des disparates fâcheux dans les costumes et des insuffisances dans la dignité de la tenue, mais il ne ferait pas bon que le curé voulût se mêler de rectifier un pli ou de modifier l'intonation traditionnelle autant qu'inharmonique d'un psaume, les chantres ne tarderaient pas à rendre leur livre avec une dignité que rien ne ferait céder.

Mais cet hommage rendu, comme il convenait, à leur désintéressement, il faut bien convenir que le recrutement des chantres, dans la plupart des paroisses, ne donne point toute garantie au point de vue artistique et même, en certaines régions, au point de vue de la sobriété. N'y a-t-il pas un dicton insolent qui dit : « Ton âne sait-y point boire, fais-en un chantre, il boira ! »

La préparation artistique fait défaut, en tout cas ; les chantres ont des traditions de musique ; ils n'ont guère de méthodes de chant, tous s'arrêteront aux passages où s'arrêtaient les anciens, coupant aussi barbarement les mots, martelant les notes, comme ils battraient du fer sur l'enclume, grinçant les mots latins les plus harmonieux.

En certaines paroisses d'ailleurs, les chantres trop nombreux n'ont même plus la ressource des aveugles se soutenant entre eux tant bien que mal, et alors quelques vieux, demeurant plus fidèles que solides au poste, c'est le massacre abominable de l'office, des cris rauques et éperdus et toute la désharmonisation de la belle liturgie catholique.

Il aurait fallu une réaction énergique contre certains abus, il aurait fallu une énergique action en propagande pour relever le niveau du recrutement.

Car il est bien certain qu'à l'heure actuelle quelqu'un qui dans la bourgeoisie croit se respecter ne voudrait jamais être chantre, ne voudrait même pas laisser ses enfants être enfants de chœur, si ce n'est peut-être en quelques chapelles privilégiées, et il faut convenir que si les gens distingués ont eu tort de déserter le chœur des églises, ils n'y sauraient guère rentrer maintenant sans se commettre avec de braves gens, certes, mais d'une éducation insuffisante.

Les événements se sont chargés, comme presque toujours, mais comme presque toujours aussi brutalement, de solutionner le problème en faisant table rase du passé. L'Église s'est vue dépouillée injustement de ses ressources ; en beaucoup d'endroits, elle a vu, du même coup, disparaître la majeure partie de ses chantres gagés, lesquels ne faisaient qu'exercer un métier dont tout le monde avait perdu le sens comme eux-mêmes.

Si, en certaines régions plus pieuses, plus traditionalistes, les chantres non payés avant la Séparation [de l’Église et de l’État, en 1905] sont restés après, parce que rien n'était changé dans leur situation matérielle, en beaucoup d'autres le chœur des églises s'est vidé, les stalles sont devenues muettes, les chants liturgiques ont cessé en majeure partie. Le curé est resté à peu près seul, dans l'impossibilité de poursuivre l'office chanté et a été obligé de se contenter de célébrer une messe basse et de supprimer processions et cortèges.

(…)

Si donc le clergé ne trouve plus de chantres tout faits, il faut qu'il en fasse lui-même, il faut qu'il en forme. Or, il n'en pourra trouver que parmi les jeunes gens et comme, parmi les jeunes gens, il ne trouvera rien qui soit même ébauché, il pourra les former comme il voudra, d'après les meilleures méthodes, et, instruit par l'expérience des abus qui peuvent se glisser dans les plus sages institutions, au point de vue artistique et à tout autre, il avisera mieux au moyen de les garder dans un sens exact de l'art et de la bonne tenue.

Les jeunes gens des patronages, nous l'avons dit, peuvent et doivent devenir les meilleurs auxiliaires des curés dans les paroisses ; (…).

(…)

Mais il faudra que l'expérience du passé serve à quelque chose. Le service de l'autel, la participation effective aux cérémonies, le chant liturgique, tout cela devra être présenté et apparaître vraiment comme un honneur qu'il faut savoir apprécier et qui se paie par lui-même, sans autre émolument. Ce n'est pas par l'appât du gain qu'il faut ramener la jeunesse à reprendre l'aube de lin des lévites.

(…)

Il faudra donc — ce ne sera que justice et bon goût — rompre résolument avec des accoutrements presque burlesques, soutanes trop courtes, d'où sortent de longs bras étirés et de longues jambes, surplis bossus, cottes mal tirées. Tout ce travestissement qui sent la misère et que l'on n'ose exhiber au soleil. Il faudra rompre aussi avec la désinvolture ou la gaucherie des attitudes, avec ces contorsions du ventre qui constituent le salut de trop d'enfants de chœur.

Il faudra rompre avec ces criailleries nasillardes ou avec ces airs d'opéra qui forment toutes les extrémités des insuffisances liturgiques de nos jours.

Il faudra harmoniser toutes choses, les attitudes, les gestes, les évolutions, les chants, la démarche.

(…)

Aujourd'hui, en beaucoup d'églises, ou c'est le chant liturgique horriblement massacré ou le remplacement du chant liturgique par je ne sais quels motets, quels airs d'opéra plus ou moins déguisés.

C'est l'Ave Maria de Gounod devenu insipide et horripilant, parce qu'il n'est pas une messe de mariage ou une cérémonie soi-disant solennelle où une demoiselle ne vienne le minauder et le miauler sans même le comprendre.

On s'ingénie, semblerait-il, à dérouter les fidèles, à donner des entorses aux chants qui s'imposent et qui s'adaptent à la cérémonie.

On oublie que l'Église a des chants pour chaque fête et qui en rappellent l'origine, le but, le sens, les applications, et on se casse la tête pour composer des programmes pseudo-artistiques où n'entrera pas un seul chant qui y serait à sa place

« Saint-Père, demandait assez naïvement un bon directeur de maîtrise à Pie X, que convient-il de chanter pendant l'office ? » Et Pie X, finement, de lui répondre : « Pendant l'office, mon fils, ce qu'il convient de chanter, c'est l'office ! »

Que de gens ont été renversés à cette révélation. Adieu donc les fantaisies, les cantiques sur des airs de chevaux de bois, les rengaines qui se sifflent aussi bien sur le trottoir que dans l'église. C'est à ne plus s'y reconnaître.

(…)

Le recrutement mérite du soin : il doit se fournir dans l'élite, parmi ceux qui comprennent et qui doivent former le noyau rayonnant de l'art et de la piété. C'est dans la mesure aussi où ce recrutement sera sérieux et même sévère qu'il pourra, au bout d'un certain temps, devenir fécond.

(…) Les chantres, les enfants de chœur n'ont pas une bonne presse : on les juge mal. Si donc on veut ramener au chœur des jeunes gens d'une éducation meilleure, si on veut faire au Christ une cour plus prochaine, qui soit moins indigne de lui, il faut composer le chœur non pas avec les épaves, mais avec la fleur de la paroisse, et on n'y parviendra qu'en tenant fortement la main à une tenue irréprochable et on n'obtiendra cette tenue que par une éducation méthodique de la jeunesse des patronages et par sa formation en vue de la fonction, sublime après tout, qu'on lui destine.

La famille elle-même sera donc intéressée au recrutement : elle tiendra de nouveau à honneur de voir ses enfants et ses jeunes gens revêtir, momentanément tout au moins, les vêtements sacrés.

» Le résultat, on le devine. L'Église deviendra plus intéressante pour tous : les offices seront mieux suivis, mieux vus et mieux compris. L'assiduité pourra être exigée plus strictement par le prêtre et elle sera consentie plus facilement par les jeunes gens : leur fonction et leur piété les appelleront
simultanément auprès du Maître.

(…)

Certes, on ne saurait voir se rénover d'un coup la face de la terre ; mais n'y a-t-il pas quelque chose à tenter sérieusement ?

L'Église et la jeunesse sont faites pour s'entendre, toutes les deux ont des aspirations généreuses, les robustes espérances, la foi en la Beauté et en l'Amour.

Mais, pour s'entendre, il faut qu'elles se fréquentent et qu'elles se rencontrent. La jeunesse a déserté l'Église, l'Église est en train de reconquérir la jeunesse ; elle va vers elle ; mais il faut que ce soit pour la ramener à elle, pour lui faire reprendre le chemin des temples trop déserts, c'est pour que, de nouveau, aux grandes fêtes, toutes les deux puissent chanter ensemble et d'accord l’Alléluia vainqueur.


Référence

Edward Montier, « Les jeunes gens et la liturgie », in La Vie au patronage, 15 juillet 1912, p. 461-465, cité par Les Questions liturgiques et paroissiales, 2e année, 1911-1912, Abbaye du Mont-César, Louvain, p. 473-481.

vendredi 17 novembre 2017

La réalité de la messe paroissiale en France, en 1945, d'après Dom L. Beauduin



Messe solennelle aux Pays-Bas (date inconnue)


(...) quel est aujourd'hui l'état d'esprit et la pratique actuelle au sujet de la messe paroissiale. Une enquête sommaire permet d'établir quatre groupes.

1) Plusieurs paroisses ont abandonné ou à peu près la grand'messe. Je ne parle pas des dessertes ; mais des paroisses normales. Sauf à quelques très grandes fêtes la grand'messe n'existe plus. Quelquefois on donne le change par des auditions musicales et des chants pendant une messe basse ; ou bien le prêtre chante à sa fantaisie quelques pièces : Préface, Pater..., mais en réalité, la grand'messe a disparu.

Les prétextes ne manquent pas : réduction successive du personnel : organistes, chantres, enfants de chœur ; nécessité, dans les villes surtout, d'assurer le rythme régulier des messes basses, plus nécessaires pour l'obligation que la grand'messe ; nécessité plus grande de la prédication qu'il faudrait écourter à une grand'messe, etc.

Quelquefois la grand'messe a été avancée pour permettre aux fidèles d'y assister et de communier : initiative très louable en soi, mais qui pourrait amener, si l'on n'y prend garde, une regrettable réduction et même une insensible suppression de la messe solennelle.

Une sévère et rapide réaction est nécessaire ; sans quoi infailliblement ces paroisses perdront toute vie liturgique.

2) La catégorie des paroisses où la grand'messe se célèbre selon une respectable routine : tous, clergé, chantres, acolytes, fidèles, donnent l'impression d'être en service commandé : assistance muette et ennuyée ; acolytes distraits et dissipés ; aucun élan vivifiant : l'âme a déserté cette assemblée.

Cette fidélité machinale est méritoire sans doute. Grâce à elle, ce cadre cultuel est matériellement conservé.

(…)

3) Dans un nombre assez considérable de paroisses on trouve le louable souci de solenniser le dimanche ; mais les méthodes employées ne sont pas irréprochables. 

Au lieu de mettre en valeur la messe solennelle par les moyens authentiques et efficaces de l'Église et de respecter fidèlement les règles établies, on utilise de préférence les procédés modernes : programmes musicaux annoncés à l'instar de concerts avec le concours d'artistes profanes ; prédicateurs à la mode ; rites nouveaux ; assistance choisie ; bref, toute une action sans aucun rapport avec une assemblée liturgique.

Pour d'autres, d'ailleurs bien disposés, l'effort consiste à grouper dans le chœur, autour d'un harmonium et sous la direction d'une religieuse, une schola de jeunes filles. C'est admissible comme procédé d'initiation et d'entraînement ; mais souvent le système devient définitif, et c'est le pensionnat qui monopolise la participation. La liturgie tombe en quenouille ; la nef masculine surtout est plus silencieuse que jamais et, une fois de plus, la religion passe pour une occupation de femmes.

4) Enfin les paroisses de plus en plus nombreuses, qui utilisent la liturgie telle que l'Église nous la donne aujourd'hui, pour donner à la vie paroissiale et avant tout à la synaxe solennelle du dimanche son maximum de rendement spirituel. Sans attendre des réformes problématiques et assurément encore lointaines, ils-mettent en valeur, sans plus attendre, le missel actuel, avec la conviction que, tel quel, il renferme tant de trésors ignorés « et de richesses assimilables au peuple chrétien qu'un immense et très fécond travail peut et doit s'accomplir. Plusieurs paroisses ont été transformées par ces efforts persévérants : puissent-elles se multiplier encore !

Référence

Dom Lambert Beauduin, « La messe chantée, sommet de la vie paroissiale », in La Maison-Dieu, n°4, Éditions du Cerf, 1945, p. 120-122

jeudi 16 novembre 2017

La messe dialoguée, une description de 1945, par le chanoine Michaud



Messe dans la forme extraordinaire du rite romain (2009)


Il s'agit d'abord de définir avec précision ce que l'on entend par messe dialoguée, car il y en a plusieurs : la vraie messe dialoguée, c'est la messe solennelle chantée, celle où fidèles et schola jouent un rôle actif. À parler rigoureusement, c'est la seule vraie messe dialoguée dont il soit question dans le « Ritus celebrandi [in celebratione missæ] ».

Or ce n'est pas de celle-là qu'il s'agit. Il s’agit de l’extension à la messe basse d’une certaine participation des fidèles à la grand-messe.

Trois formes sont possibles :

a) La foule chrétienne, ou un groupe, tient la place du servant de messe quant aux répons. Il faut remarquer que jamais les prières du début de la messe n'ont été alternées avec le peuple, pour la simple et bonne raison qu'elles ne sont dans le missel que depuis saint Pie V. C'est une prière de préparation personnelle du prêtre qu'auparavant on récitait le plus souvent à la sacristie. On peut tolérer cet usage entièrement nouveau. Pour les autres répons, avec un peu de bonne volonté, on peut dire que ce dialogue non chanté est supposé par les rubriques du Missel (1).

b) En plus de ce qui précède (a), la foule chrétienne dit avec le prêtre Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei. C'est en effet la foule qui chante ces prières à la grand'messe. Rien de cela n'est prévu, dans le « Ritus celebrandi », pour la messe basse.

c) Dans certaines communautés, en plus de a) et de b), la communauté dit avec le prêtre — toujours à la messe basse — les prières de la grand'messe réservées au chœur ou aux chantres de la schola, à savoir l'Introït, le Graduel, l'Offertoire et la Communion. La plupart des auteurs ne sont pas favorables à cette extension de la messe dialoguée, car « ces formules d'exécution plus difficile reviennent sans doute aux fidèles, mais considérés comme scholistes, non comme foule ; il ne semble donc pas qu'il y ait lieu de les faire réciter par les assistants dans la messe basse dialoguée » (cf. Dubosq, Le Guide de l'autel, [ou directoire pratique pour toujours bien célébrer la messe, Desclée et Cie, 1938], p. 53). En fait, la chose est en usage dans certaines communautés... Et ce n'est pas du tout prévu pour la messe basse, dans le « Ritus ». Est-il besoin de le dire ? (cf. Cimetier, Consultations [de droit canonique, Vitte, 1942-1944, pp. 90-98).

(…)

On se borne ici à rappeler succinctement la réponse de la Congrégation (cf. Dubosq, Le Guide de l'autel, pp. 55-56). Elle réclame pour la messe dialoguée trois choses :

a) Que l'assistance soit apte à prendre part au dialogue, afin que les réponses collectives se fassent avec ordre et dignité.

b) Que les réponses n'apportent aucun trouble au prêtre qui célèbre et à ceux qui célébreraient dans la même église.

c) Que cette méthode soit autorisée par l'Ordinaire (réponse du 4 août 1922, Acta [Apostolicæ Sedis, vol. 14, Rome, 1922, p. 505).


Notes

(1) Voir sur cette question Dom Antoine Coehlò, « La messe dialoguée », dans Opus Dei, reproduit dans le Bulletin paroissial liturgique, 1933, pp. 200-301.

Référence

M. Michaud (chanoine), « La célébration de la messe face au peuple », in Maison-Dieu, n°2, Éditions du Cerf, 1945, p. 107-108

samedi 4 novembre 2017

Les jansénistes, partisans de la messe en français, par D. de Colonia, 1755


CANON de la messe en français.


Les faux zélateurs des rits anciens souhaiteraient ardemment qu'on célébrât la messe en français ; du moins est-il sûr qu'ils prennent des voies obliques qui conduisent à ce but.

Ils font imprimer et ils répandent un nombre inconcevable de petits livres de dévotion, tant à Paris, que dans les provinces, où la messe en français est insérée. Ils font même de nouvelles éditions de livres composés par des hommes qu'ils n'aiment guère (par exemple, de L'Imitation de J. C. traduite par le P. Gonnelieu) et ces éditions nouvelles sont augmentées d'un Ordinaire et du Canon de la messe.

Ils espèrent, sans doute, que cette lecture de l'Ordinaire et du Canon, étant devenue commune, portera bien des personnes à dire comme eux ; « qu'il faudrait que le prêtre célébrât aussi la messe en français, que par-là on s'entendrait, et que cela augmenterait la dévotion », etc.

Outre ces éditions, outre le Missel entier traduit en français, outre le pernicieux ouvrage de Le Tourneux, intitulé L'Année chrétienne, où ce missel est inséré, ils ont encore fait imprimer séparément l'Ordinaire de la Messe, le Canon de la messe ; et pour rendre ces livrets plus utiles , ils y ont ajouté des prières tirées de différents livres, surtout de S. Augustin ; car il faut bien qu'ils citent à toute occasion ce saint Docteur, pour faire croire aux imbéciles qu'ils en sont les disciples.

En attendant que cet extravagant dessein (de dire la messe en français) puisse réussir, ils exécutent par eux-mêmes celui de dire la messe entière et le Canon même à voix haute et intelligible aux assistants. Ils prétendent, par cette pratique, favoriser le peuple et l’accoutumer peu à peu au sacerdoce auquel ils veulent bien lui donner part.

C'est dans cette vue qu'ils firent autrefois imprimer le missel de Meaux, de façon que le mot « Amen », toutes les fois qu'il se trouve dans le Canon, était précédé d'un R. en lettre rouge, et que ce même mot ainsi précédé, était ajouté aux paroles de la Consécration et de la Communion du prêtre, pour signifier que dans ces endroits , c'est au peuple à répondre « Amen », et à ratifier ce qui a été dit ou fait par le prêtre. Ils avaient aussi expliqué ces paroles : «submissa voce [à voix basse]», par celles- ci : « id est, sine cantu [c’est-à-dire, non chanté] ».

Toutes entreprises scandaleuses, qui furent réprimées par un mandement de M. de Bissy, évêque de Meaux, du 22 janvier 1710, où il est « ordonné à tous les prêtres de prononcer d'une voix qui ne puisse être entendue du peuple, le Canon de la sainte messe, aussi bien que les autres endroits que les rubriques marquent de dire à voix basse ».

Et en effet tel est l'esprit de l'Église, Le concile de Trente a anathématisé ceux qui blâmeraient la coutume de prononcer à voix basse une partie du Canon et les paroles de la Consécration, ou qui disent que la messe ne doit être célébrée qu'en langue vulgaire. Et Innocent III (livre 3, chapitre 1, De sacro altaris mysterio), assure que ce qui a porté l'Église à défendre de réciter tout haut le Canon du Sacrifice de la messe, « c'est pour empêcher l'abus et la profanation de ces paroles sacrées, ce qui arrivait lorsqu'on les prononçait haut et que chacun [laïques et femmes] les savait ».

On doit donc se défier aujourd'hui de tout prêtre qui prononce à voix intelligible aux assistants, le Canon de la sainte messe et les paroles de la Consécration. On doit se défier même de tout livre où l'on trouve l'Ordinaire de la Messe avec le Canon, en français, et faire réflexion que la condamnation portée par le clergé, en France, contre la traduction du missel, ne peut manquer de s'étendre sur la partie essentielle de cet ouvrage, qui est la traduction du Canon de la messe.

Aussi plusieurs prélats ont-ils condamné en particulier cette partie du missel traduit en langue vulgaire, entre autres l'évêque-prince de Liège, qui défendit , le 15 d’avril 1704, « à tous et un chacun , de lire le Canon en français, et de le retenir dans leurs maisons ». Le motif qu'il en apporte, est qu'il y a excommunication portée par Alexandre VII dans sa Bulle du 12 janvier 1661 contre ceux, qui sacrosancti ritus majestatem latinis vocibus comprehensam, dejicere et proterere, ac sacrorum mysteriorum dignitatem vulgo exponere temerario conatu tentaverint [qui auront tenté d’abaisser et d’écraser la majesté des sacro-saints rites saisie par la langue latine et d’exposer au commun des hommes par une entreprise inconsidérée, la dignité des mystères sacrés].

On peut voir ci-après, sous la lettre M. l’article traduit en français par Voisin, et ce qui y est dit sur les traductions en langue vulgaire.

(…)


MISSEL romain traduit en français par M. Voisin, docteur en théologie, 1660.


L’Assemblée du clergé de France défendit en 1660, sous peine d’excommunication, cette traduction française du Missel romain et, non contente de cela, elle écrivit à tous les évêques du Royaume, pour les prier d’en faire autant, chacun dans leur diocèse, et sous les mêmes peines.

L’année suivante, ces mêmes évêques écrivirent au pape le 7 janvier et le prièrent d’appuyer leur décision de l’autorité apostolique. Ils disent, dans leur Lettre, que si, d’une part, il n’y a rien de meilleur et de plus utile que la Parole de Dieu, de l’autre, il n’y a rien de plus dangereux à cause du mauvais usage qu’on en peut faire. « D’où l’on doit conclure, Saint Père, ajoutent-ils, que la lecture de (…) la messe donne la vie aux uns et la mort aux autres, et il ne convient nullement que le Missel ou le Livre Sacerdotal, qui se garde religieusement dans nos églises, sous la clef et sous le sceau sacré, soit mis indifféremment entre les mains de tout le monde. »

Après cette décision, l’Assemblée s’adressa au roi, et en obtint le 16 un arrêt du Conseil pour faire supprimer le Missel français et en défendre le débit [=la distribution].

Le pape Alexandre VII le condamna le 12 janvier 1661. Il qualifie cette traduction française d’ »entreprise folle, contraire aux lois et à la pratique de l’Église, propre à avilir les sacrés mystères ». Ce Bref, fut suivie d’une Lettre de ce même Souverain Pontife, du 7 février 1661 par laquelle il réitère la défense de la défense de la traduction du Missel, sur la demande qui lui en avait été faite par le clergé.

Cette même traduction fut censurée le 1er avril et le 2e jour de mai par la faculté de théologie de Paris.

Toutes ces défenses ne purent empêcher le sieur Le Tourneux de l’insérer dans son Année chrétienne, qui eut le même sort (…).

Référence

Dominique de Colonia (1660-1741), s.j., Dictionnaire des livres jansénistes, ou qui favorisent le jansénisme, Jean-Baptiste Versussen, Anvers, 1755, tome 1, p. 211-215 ; tome 3, p. 131-132.

Note

L’orthographe et la ponctuation ont été modernisés par l’auteur de ce blogue.