Les psychologues du
développement se sont intéressés à la façon dont les parents ont
de l'influence sur le développement des capacités sociales et
instrumentales des enfants, depuis, au moins, les années 1920. L'une
des approches les plus solides en ce domaine est l'étude de ce que
l'on a appelé le « style parental » (''parenting
style'').
Cette synthèse définit
le style parental, en explore les quatre types et examine les
conséquences, pour les enfants, de ces différents styles.
Définition du style
parental
L'investissement parental
(''parenting'') est une activité complexe incluant nombre de
comportements spécifiques qui œuvrent, tous et chacun, à
influencer le devenir de l'enfant. Bien que des comportements
parentaux spécifiques, tels que la fessée ou la lecture à voix
haute, puissent influencer le développement de l'enfant, le fait de
se concentrer seulement sur tel comportement particulier peut être
trompeur. Beaucoup d'auteurs ont noté que les pratiques parentales
particulières sont moins importantes pour prédire le bien-être de
l'enfant que le schéma général de l'investissement parental. La
plupart des chercheurs qui tentent de décrire le milieu parental
général s'appuient sur le concept de Diana Baumrind, le style
parental. Ce concept de style parental est utilisé pour saisir les
façons variables et ordinaires dont les parents tentent de contrôler
et socialiser leurs enfants (Baumrind, 1991). Deux point sont
cruciaux dans la compréhension de cette définition.
Premièrement, le style
parental est censé décrire les variations normales de
l'investissement parental. Autrement dit, la typologie des styles
parentaux que Baumrind a développée n'est pas censée inclure
l'investissement parental déviant, tel qu'il peut être observé
dans les familles abusives ou négligentes.
Deuxièmement, Baumrind
admet que l'investissement parental normal tourne autour des
problèmes de contrôle. Bien que les parents puissent
différer par la manière dont ils contrôlent ou socialisent leurs
enfants et par la mesure avec laquelle ils le font, il est admis que
le rôle premier de tous les parents est d'influencer, éduquer et
contrôler leurs enfants.
Le style parental
comprend deux éléments importants de l'investissement parental :
la réceptivité (''responsiveness'')
parentale et l'exigence (''demandingness'')
parentale (Maccoby et Martin, 1983).
La réceptivité
parentale (également appelée chaleur ou soutien parental) fait
référence à « la mesure avec laquelle les parents
encouragent intentionnellement l'individualité, l'autorégulation et
l'affirmation de soi, en se montrant à l'écoute, en soutenant et
consentant aux besoins et demandes particulières des enfants »
(Baumrind, 1991, p. 62).
L'exigence parentale
(également appelée contrôle comportemental) fait référence aux
appels que les parents lancent aux enfants afin qu'ils s'intègrent à
la famille toute entière, par leurs exigences en matière de
maturité, leur surveillance, les efforts de discipline et la volonté
d'affronter l'enfant désobéissant » (Baumrind, 1991, p. 61-62).
Quatre styles
parentaux
Vouloir catégoriser les
parents selon leur niveau bas ou élevé d'exigence et de réceptivité
conduit à créer une typologie de quatre styles parentaux : le
style indulgent, le style autoritaire, le style usant d'autorité, et
le style non engagé (Maccoby et Martin, 1983). Chacun de ces styles
parentaux reflète différents schémas, émergeant naturellement, de
valeurs, de pratiques et et comportements parentaux (Baumrind, 1991)
et un équilibre précis de réceptivité et d'exigence.
●
Les
parents indulgents (appelés
également « permissifs » ou « non-directifs »
« sont plus réceptif qu'ils ne sont exigeants. Ils ne sont pas
traditionnels et se montrent tolérants, ils n'exigent pas un
comportement de maturité, permettent une large autorégulation et
évitent l'affrontement » (Baumrind, 1991, p. 62). Les parents
indulgents peuvent être, de plus, partagés en deux types :
▪ les parents démocrates
qui, bien que tolérants, sont plus conscients, plus impliqués, et
plus orientés vers l'enfant
▪ et les parents
non-directifs.
●
Les
parents autoritaires
(''authoritarian'') sont très exigeants et directifs, mais ne sont pas réceptifs. «
Ils sont tournés vers l'obéissance et le statut, et s'attendent à
ce que leurs ordres soient suivis sans explication » (Baumrind,
1991, p. 62). Ces parents organisent des environnements ordonnés et
structurés, présentant des règles clairement établis. Les parent
autoritaires peuvent être partagés en deux types :
▪ les parents
non-autoritaires et directifs, qui sont directifs mais ne se
montrent pas envahissants ou autocrates dans l'usage de leur pouvoir,
▪ et les parents
autoritaires et directifs, qui se montrent très envahissants.
●
Les
parents usant d'autorité
(''authoritative'') sont à la fois exigeants et réceptifs. « Ils surveillent et
transmettent des normes claires de conduite à leurs enfants. Ils se
montrent assurés, mais ne sont ni envahissants, ni restrictifs.
Leurs méthodes de discipline favorisent le soutien plutôt que la
punition. Ils veulent que leurs enfants se montrent assurés autant
que socialement responsables, autorégulés autant que coopérants.
●
Les
parents non engagés
sont peu réceptifs et peu exigeants. Dans les cas extrêmes, ce
style parental peut englober à la fois des parents
rejetant-négligents
et des parents
négligents,
même si la plupart des parents de ce type appartiennent au type
normal.
Parce
que le style parental est une typologie plutôt qu'une combinaison
linéaire de réceptivité et d'exigence, chaque style parental est à
la fois plus que la somme de ses parties et différent de cette même
somme (Baumrind, 1991). En plus de différer par la réceptivité et
l'exigence, les styles parentaux varient quant à la mesure selon
laquelle ils intègrent une troisième dimension : le contrôle
psychologique.
Le
contrôle psychologique
« fait référence aux tentatives de contrôle qui s'immiscent
dans le développement psychologique et émotionnel de l'enfant »
(Barber 1996, p. 3296), au travers de pratiques comme l'induction
de culpabilité, le retrait d'amour ou le fait de faire honte. L'une
des clés de différenciation entre l'investissement parental
autoritaire et celui qui use d'autorité est celle du contrôle
psychologique.
Les
parents autoritaires et ceux qui usent d'autorité, pareillement,
exigent beaucoup de leurs enfants ; ils s'attendent à ce qu'ils
se comportent d'une façon convenable et qu'ils obéissent aux règles
parentales. Cependant, les parents autoritaires, attendent également
de leurs enfants qu'ils acceptent leurs jugements, leurs valeurs et
leurs objectifs, sans poser de question. À l'opposé, les parents
usant d'autorité, sont plus ouverts au fait de donner et de
recevoir, dans leurs rapports avec leurs enfants ; ils
fournissent souvent des explications. Ainsi, bien que les parents
usant d'autorité et les parents autoritaires favorisent également
un haut contrôle
comportemental,
les parents usant d'autorité utilisent peu le contrôle
psychologique,
tandis que les parents autoritaires le font beaucoup.
Les
conséquences pour les enfants
Il a été montré que le style
parental permet de prédire le bien-être de l'enfant en matière de
capacités sociales, de résultats scolaires, de développement
psychosocial et de problèmes de comportement. Les recherches basées
sur les entretiens avec les parents, les déclarations des enfants et
l'observation des parents ont systématiquement montré que :
● Les
enfants et les adolescents dont les parents usent
d'autorité
se considèrent eux-mêmes et sont classés par les évaluations
objectives comme plus capables socialement et instrumentalement que
ceux dont les parents n'usent pas d'autorité (Baumrind,
1991; Weiss et Schwarz, 1996; Miller et al., 1993).
● Les
enfants et les adolescents dont les parents sont non-engagés
se comportent plus mal dans tous les domaines.
En général, la réceptivité
parentale permet de prédire des capacités sociales et un bon
fonctionnement psychosocial, tandis que l'exigence parentale est
corrélée aux capacités instrumentales et au contrôle
comportemental (c'est-à-dire résultat scolaires et déviance).
Ces résultats indiquent que :
● Les
enfants et les adolescents issus de familles autoritaires
(exigence importante mais faible réceptivité) ont tendance à
réussir d'une manière modérée à l'école et à ne pas montrer de
problèmes de comportement, mais ils ont des aptitudes sociales plus
pauvres, une estime d'eux-mêmes plus basse et de hauts niveaux de
dépression.
● Les
enfants et les adolescents issus de familles indulgentes (réceptivité
importante, faible exigence) sont plus susceptibles de montrer des
problèmes de comportements et de moins bien réussir à l'école,
mais ils ont une plus haute estime d'eux-mêmes, de meilleures
aptitudes sociales et des niveaux plus bas de dépression.
En parcourant la littérature
sur le style parental, l'on est frappé par la constance avec
laquelle l'éducation usant d'autorité est corrélée à la fois à
des capacités instrumentales et sociales et à de plus bas niveaux
de problèmes comportementaux, chez les filles et les garçons, et à
toutes les étapes du développement.
Les bénéfices de
l'investissement parental usant d'autorité et les effets délétères
de l'investissement parental non-engagé sont évidents dès les
années préscolaires et continuent tout au long de l'adolescence,
jusqu'à l'âge jeune adulte.
Bien que l'on puisse trouver
des différences de détail dans les capacités mises en œuvre par
chaque groupe, les plus grandes différences sont celles détectées
entre les enfants dont les parents sont non-engagés et ceux dont les
parents sont plus impliqués.
Les différences entre les
enfants issus de familles usant d'autorité et les autres enfants
sont également constantes, mais un peu plus minces (Weiss et
Schwarz, 1996). De la même façon que les parents usant d'autorité
semblent être capables d'équilibrer leurs exigences de conformisme
avec le respect de l'individualité de leurs enfants, les enfants
issus de familles usant d'autorité semblent être capables
d'équilibrer les demandes de conformisme extérieur et les exigences
de réussite avec leurs besoins d'individualisation et d'autonomie.
Les enfants présentant un
T.D.A.H. [trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité] ou
un T.O.P [trouble oppositionnel avec provocation], ainsi que d'autres
troubles du comportements sont particulièrement vulnérables à une
basse estime d'eux-mêmes. Ils ont fréquemment des problèmes
scolaires, ont du mal à se faire des amis et restent à la traîne
de leur pairs du point de vue du développement psychosocial. Ils
sont plus susceptibles que les autres enfants de malmener et d'être
malmenés. Les parents d'enfants présentant des problèmes de
comportement éprouvent de plus hauts niveaux stress liés à
l'éducation des enfants, et il peut alors être plus difficile pour
eux d'être réceptifs à leurs enfants de façon positive, constante
et soutenante.
L'influence
du sexe, de l'ethnie et du type de famille
Il est important
de distinguer les différences dans la distribution des corrélats du
style parental dans les différentes sous-populations. Bien qu'aux
États-Unis, l'investissement parental usant d'autorité soit le plus
répandu parmi les familles intactes de classe moyenne et
d'ascendance européenne, la relation entre l'autorité et le devenir
de l'enfant est assez similaire parmi tous les groupes. Il existe,
cependant, des exceptions à cette affirmation générale :
1°) l'exigence
semble moins crucial pour le bien-être des filles que pour celui des
garçons (Weiss et Schwarz, 1996), et
2°)
l'investissement parental usant d'autorité permet de prédire un bon
devenir psychosocial et des problèmes de comportement chez les
adolescents de tous les groupes ethniques étudiés (Américains
d'origine africaine, asiatique, européenne et hispanique) ;
mais il est associé à la réussite scolaire seulement chez les
Américains d'origine européenne, et dans une moindre mesure, chez
les Américains d'origine hispanique (Steinberg, Dornbusch et Brown,
1992 ; Steinberg, Darling et Fletcher, 1995). Chao (1994) et
d'autres (Darling et Steinberg, 1993) ont donné comme argument le
fait que les différences ethniques observées dans l'association
entre le style parental et le devenir de l'enfant peuvent être dues
aux différences de contexte social, de pratiques parentales ou au
sens culturel que revêtent les dimensions spécifiques du style
parental.
Conclusion
Le style parental
fournit un indicateur solide du fonctionnement parental permettant de
prédire le bien-être de l'enfant à travers un large spectre
d'environnements et parmi diverses communautés d'enfants.
La réceptivité
parental et l'exigence parentale sont, tous deux, des composants
importants d'un bon investissement parental.
L'investissement
parental usant d'autorité et faisant l'équilibre entre des
exigences parentales élevées et claires, une réceptivité
émotionnelle et la reconnaissance de l'autonomie de l'enfant
constitue l'un des indicateur familial les plus constants de
capacité, de la petite enfance à l'adolescence.
Cependant, malgré
la longue et solide tradition de recherche sur le thème du style
parental, un certain nombre de problèmes restent en suspens. Les
plus important d'entre eux sont des problèmes de définition, les
changement développementaux de la manifestation et des corrélats
des styles parentaux, et les processus sous-jacents des bénéfices
de l'investissement parental usant d'autorité (Cf. Schwarz et al.,
1985; Darling et Steinberg, 1993; Baumrind, 1991; et Barber, 1996).
Pour
plus d'information
B.
K. BARBER, « Parental psychological control : Revisiting a
neglected construct », in Child
Development, n°
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Référence
Nancy DARLING (Ph.D., M.S.), « Parenting Style and its Correlates », Eric Digest, ERIC Clearinghouse on Elementary and Early Childhood Education, Champaign (Illinois), mars 1999. La version française de ce texte est le fait de l'auteur de ce blog.
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