Ceux qui ont parlé des
épithètes, demeurent d'accord que les rois s'appelaient
anciennement Monseigneur ou
Monsieur. Cela se justifie par un titre du roi Philippe III, dit
le Hardi, de l'an 1271 qui est à la Chambre des Comptes, et par deux
autres des années 1329 et 1330, du roi Philippe VI, dit de Valois,
dans l'un desquels il traite le roi Charles IV, dit le Bel, son
prédécesseur, de Monseigneur le roi, et dans l'autre de
Monsieur.
Le mot de Sire
dont on se sert pour parler ou pour écrire aux rois, est ancien : il
en est fait mention dans le Roman de la Rose de Jean Chapinel,
lequel parlant des amours de Thibaut, roi de Navarre, comte de
Champagne et de Brie, l'appelle Grand Sire.
Ce terme de sire
est pris pour « seigneur », comme il se voit par ce
proverbe qui est commun en Picardie pour la maison des barons de
Coucy, comtes de Soissons.
Je ne suis Roy ny
Prince aussi,
Je suis le Sire de
Coucy.
Les grands seigneurs de
fief s'intitulaient Sires, comme les barons de Montmorency, de
Pons, de Ferrières, et tous les autres Grands du Royaume.
Le mot de sire, en
fait de seigneurie, surpassait celui de seigneur, et de sieur,
le mettant immédiatement après le nom et le surnom, devant la
seigneurie.
Quelques-uns
dérivent le mot de sire de herus [maître,
maître de maison, époux, propriétaire, souverain], en
latin, ou de Herr [monsieur,
seigneur, maître] en allemand.
Christophe Butkens,
prieur de Saint Sauveur d'Anvers, en ses Trophées
de Brabant, parle de Geofroy de Brabant Sire de
Vierson en Berry, de Henry de Louvain Sire de Herstal, de
Vautier de Berthout Sire de Malines, de Girard Sire de
Marbais, d'Arnoul Sire de Diest.
Loiseau croit que Messire
se dit pour mon sire. Robert Estienne l'explique
demi-sire, comme s'il se disait pour Missire.
Le titre de Messire
convient aux chevaliers, suivant l'édit de Philippe II, roi
d'Espagne, de l'an 1595 pour les provinces des Pays-Bas.
Vassal qu'on
oppose à seigneur et à sire, vient de vassus [lat.
médiéval : jeune homme, adolescent, esclave, serviteur].
Vassi étaient des hommes
de grande valeur, et vasselage signifie vaillance ; de forte que
vassal est pris pour un vaillant homme.
Les rois n'ont pas
seulement le nom de Sire, dont les Anglais et les Italiens ont
fait leur Sir ; mais ils ont encore le titre de Majesté,
qui est fort ancien dans les écrits. Le roi Philippe le Bel se
qualifie Notre Majesté Royale, parlant des forfaitures
dans une commission datée de Compiègne, le vendredi après la [fête
de S.] Madeleine l'an 1314 donnée au bailli de Caen pour la garde
des passages de Flandres.
Néanmoins, cette qualité
de Majesté n'a été particulièrement en usage en parlant
aux rois, qu'au retour du traité de paix que la France fit avec
l'Espagne l'an 1559 dans l'abbaye d'Orcam, sous le règne de Henri
II. Voici ce qu'en dit Guy du Faur de Pibrac :
On ne parle à la Cour
qui de Sa Majesté,
Elle va, elle vient,
elle est, elle a esté
Les rois ont pris
anciennement le titre d'Excellence. Thibaut, roi de Navarre,
comte de Champagne, le prenait l'an 1239.
Le mot de King est
la qualité que les Anglais donnent à leur roi. Il vient du terme
saxon Koning, qui signifie pouvoir et connaissance.
Rotrou de Warvich,
archevêque de Rouen, donne le titre d'Excellence à Henry dit
le Jeune, couronné roi d'Angleterre, soulevé contre Henry II, dit
le Vieil, son père, roi du même Royaume, lui écrivant en
ces termes : « Excellentiæ tuæ, quæsumus, non
sit oneri si te deprecamur ut dominum, hortamur ut regem, docemus ut
filium ; nec enim alligatum est in ore nostro verbum Dei. [Que
cela, nous le demandons, ne soit pas un fardeau pour ton Excellence,
si, en tant que seigneur, nous te demandons avec insistance, en tant
que roi, nous t' encourageons, en tant que fils, nous t' enseignons ;
et qu'en effet, la parole de Dieu n'est pas liée à notre bouche.] »
Les Anglais ont aussi
donné à Henry IV, leur roi, et autres ses prédécesseurs, le titre
de Votre Grâce ; à Henry VI la qualité d'Excellente
Grâce, puis celle de Sir ; et enfin celle de Majesté,
et de Majesté Sacrée. Les Allemands s'adressant aux
empereurs, disent Sacrée Majesté ; et les Espagnols de même,
Sacra Catholica et Real Majestad [Majesté
Sacrée, Catholique et Royale].
J'ai vu une charte donnée
à Crémone, l'an 1226, en juillet, 14e indiction,
dans laquelle Fréderic II, empereur des Romains, roi de Jérusalem
et de Sicile, est qualifié d'Excellence Impériale.
Le
nom d'Altesse a été pris par quelques rois, et depuis par
les ducs souverains ; et enfin par tous ceux qui viennent de maison
souveraine. Quelques-uns même qui n'en viennent que de bien loin par
les femmes, l'ont reçu de ceux qui leur voulaient applaudir.
La qualité de Prince
ne se prenait que par des souverains ; et par les plus
proches du sang des rois.
Les princes qui ont pris
autrefois le titre d'Excellence, l'ont quitté, et depuis
qu'on l'a donné à ceux qui ont de grands emplois, et que les
Italiens l'ont profané en l'attribuant indifféremment à toute
forte de conditions.
Le pape Benoît XII par
la bulle de l'an 1340, indiction 8, en avril, qualifie Seigneur de
Grande Noblesse Manfroy, marquis de Malespina ; et il parle de
Magnifiques et Excellents Seigneurs Albert et Mastin de
Lescalle, frères.
L'épithète de
Sérénissime est ancienne, et en usage dans plusieurs États.
Les empereurs, et les rois d'Angleterre l'ont prise des
premiers. On voit une charte de Henri IV, empereur des Romains, roi
de Bohême, de l'an 1350, dans laquelle il est qualifié Sérenissime
Prince ; et Rodolphe, duc de Saxe y est traité d'Illustre et
Archi-Maréchal du S. Empire.
Le titre de
Monsieur ou de Monseigneur, que l'on mettait tantôt
devant le nom et le surnom, tantôt aussi entre les deux, était plus
honorable mis devant, que non pas au milieu. Car au milieu, ce titre
se donnait quelquefois à des princes, qui n'étaient pas encore
apanagés, et auxquels, par conséquent, on n'attribuait point aucune
seigneurie.
Les seuls bannerets,
bacheliers et chevaliers, prenaient le nom de Monsieur et de
Monseigneur, et non les écuyers qui n'étaient nommés que
par leurs noms, sans autre qualité ; de quoi étaient exceptés les
écuyers de très grande et très ancienne maison, qui avaient ce
privilège avant qu'ils fussent faits chevaliers.
Comme les rois ont pris
les qualités de Très Hauts, de Très Puissants, et de Très
Excellents Princes, leurs sujets ont pris les;titres de Nobles
et Puissants Seigneurs, de Hauts et puissants Seigneurs,
quelques-uns y ajoutant
le superlatif. Quelques inférieurs s'attribuent simplement le titre
de Noble Seigneur. D'autres
se contentent du titre de Messire, qui est commun à tous les
chevaliers.
En Angleterre, les
seigneurs s'appellent Lord ou Milord, qualité qui
équipolle à Dominus, ou « Seigneur ».
Quant aux anciens
officiers qui rendaient la justice, et qui assemblaient les nobles,
Turnèbe au livre vingt-huitième de ses Observations, dérive
le terme de sénéchal
de senex et de
caballus : « Senescalli, quasi senes caballi. »
Bailli
veut dire « gardien » ou « légitime
administrateur, car les baillis étaient baillés ou envoyés comme
conservateurs ou gardiens du peuple, quasi missi Dominici
[pour ainsi dire, les envoyés du Seigneur]. D'autres
veulent que ballivus soit dit de bajulus
[porteur, messager, celui qu porte les morts] qui est pris
pour « un nourricier ».
II y
a d'autres officiers qui ont un degré de juridiction inférieure,
appelés vicomtes,
parce qu'ils sont comitum vicem gerentes [se
comportant à la manière des comtes] ; prévôts,
quasi, præpositi juri dicundo [en
quelque sorte, préposés devant dire le droit]; viguiers,
quasi, vicarii [en
quelque sorte, remplaçants] ; châtelains,
quasi, castrorum custides [en
quelque sorte, gardiens des châteaux]. Ces officiers
sont appelés aux affaires de la justice, et du domaine dont ils
étaient receveurs avec les baillis. On les appelle vicomtes en
Normandie ; prévôts en France, Picardie, Anjou, Champagne et
Bourgogne ; viguiers en Languedoc, Provence et Dauphiné ; et
châtelains en Poitou.
Ces officiers avaient
sous eux des sergents,
dont le nom vient de serviens [servant].
Le nom de maire
vient de major
[plus grand], qui
a été retenu par ceux qui gouvernent les villes et communautés. Le
maire du Palais était autrefois le premier officier de
France.
Tous ces officiers
prenaient souvent le titre de Sage et d'Honorable,
comme il se lit du bailli de Cotentin dans un titre du
vingt-deuxième juillet 1340.
Référence
Gilles
André de La Roque, Traité
de la Noblesse,
Étienne Michallet, Paris, 1678, p. 308 et suiv. L'orthographe et la
ponctuation ont été modernisées par l'auteur de ce blog. Ce
dernier a également ajouté ce qui se situe entre crochets ([...]).
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