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Raymond-Marie Rouleau (1866-1931) |
Frère
Raymond Marie Rouleau, de l'Ordre des Frères Prêcheurs,
Cardinal-Prêtre de la Sainte Église Romaine du titre de
Saint-Pierre in Montorio, par la miséricorde de Dieu et la grâce du
Siège Apostolique Archevêque de Québec.
Au
clergé séculier et régulier, aux communautés religieuses et aux
fidèles de Notre diocèse, Salut et Bénédiction en Notre-Seigneur.
Nos
très chers Frères,
Dès
l'origine de l’Église, l'apôtre saint Paul rappelait aux
chrétiens de son temps le grand devoir de la modestie : « Je
veux, dit-il, que les femmes avec une tenue décente se parent
honnêtement et sagement, non pas de vêtements coûteux, mais de
bonnes œuvres, comme il sied à des femmes qui professent la crainte
de Dieu. » « Mulieres in habita ornato cum verecundia
et sobrietate ornantes se, etc. » (1 Tim. 2, 9). Cette
direction de la première heure établissait pour toujours une
distinction manifeste entre les disciples du Christ et les sectateurs
des fausses divinités.
Aux
fidèles elle enseignait à fuir les recherches et les extravagances
du luxe pour observer dans l'habillement la mesure indiquée par une
raison droite et prescrite par l'idéal de perfection apporté par le
Christianisme. Si les excès dans la toilette et l'attache
désordonnée à ces vanités sont une cause de péché et un
principe de corruption sociale, la modestie qui s'accompagne
d'humilité, de modération et de simplicité, est une source de
vertus en même temps qu'un modèle achevé de bon goût et
d'élégante distinction.
Au
cours des siècles, l'écho des paroles inspirées de l'Apôtre a
retenti sur les lèvres des Pontifes protestant contre le luxe
déshonnête des femmes et les dangers qu'il entraîne. N'ont -ils
pas répété, avec l'Esprit-Saint, que la femme forte, si elle se
couvre de pourpre et de lin, est avant tout ornée d'une parure
morale supérieure à ses vêtements d'apparat, puisqu'elle est
revêtue de force et de mystique beauté. « Fortitudo et
decor indumentum ejus [La force et la grâce sont sa parure] » (Prov. 31, 25).
À
leur tour les plus grands docteurs ont enseigné qu'une parure sobre
et modérée n'est point interdite aux femmes, mais que les habits
doivent être les gardiens de la pudeur.
Ce
qui est donc proscrit, ce sont les ornements superflus, sans retenue,
qui sont portés par un coupable désir de plaire. (S. Thomas
d'Aquin, Somme théologique, IIa
IIae, question 169).
« Ce
qui était pour la nécessité, le monde l'a fait servir à la
luxure », déclare hardiment saint Jean Chrysostome. Que de
fois un saint Cyprien, un saint Ambroise, un saint Augustin n'ont-ils
pas dénoncé les vêtements immodestes qui livrent les âmes aux
étreintes du démon !
« L'idole
de la vaine gloire et la passion du plaisir, voilà ce qui ruine la
modestie et entraîne à l'impureté », s'écrie Bossuet.
À
ces causes perpétuelles de corruption s'ajoute de nos jours, à la
suite de la grande guerre, la frénésie des jouissances qui a
enfiévré le monde. Il en est résulté un honteux déséquilibre
des âmes, lequel a été encore aggravé par l'audace des modes
féminines.
Ne
dirait-on pas qu'une conjuration des forces du mal s'est appliquée à
introduire insolemment dans la société chrétienne les mœurs
profanes et les habitudes voluptueuses ? Hélas ! elles ont recruté
trop de malheureuses victimes !
Il
semble même que l'on ait parfois tenté de concilier ce qui est
inconciliable : l'esprit du Christ et l'esprit de Satan. Quel
lamentable spectacle pour des âmes vivant leur foi que le mélange
sacrilège de pratiques pieuses et d'actes scandaleux qui s'étalait
à leur regard ! Des chrétiennes, convives du Christ, le matin, à
la Table sainte, s'affichaient, le soir, en esclaves du démon au
théâtre et dans les réunions mondaines. Oublieuses de leurs
engagements sacrés, elles obéissaient servilement aux maximes des
ennemis de la Croix du Christ.
Si
grand a été le mal que les Papes ont dû à plusieurs reprises
dénoncer ces habitudes païennes et réprouver avec vigueur le
scandale des vêtements adoptés par un grand nombre de femmes
baptisées. Benoît XV écrivait « qu'il ne suffit pas à la
femme d'être honnête et vertueuse, mais qu'elle doit encore le
paraître dans sa toilette. »
Comme
son prédécesseur, le Souverain Pontife glorieusement régnant [Pie
XI] a redit avec insistance aux mères et aux jeunes filles
catholiques les préceptes de la morale de l’Évangile.
Chargée
de maintenir la discipline dans le peuple fidèle, cette Congrégation
romaine rappelle d'abord les règles fondamentales de la modestie et
les efforts énergiques de Sa Sainteté Pie XI pour combattre la
licence des habits féminins. Puis, au nom du Saint-Siège, elle
exhorte les pasteurs, les prédicateurs, les parents et les
éducateurs à lutter d'un commun effort contre l'indécence des
toilettes, jusqu'à ce qu'une conception plus chrétienne ait réformé
les mœurs et fait disparaître les égarements que nous déplorons
de nos jours. L'Instruction indique enfin les sanctions à prendre
dans les cas qui les exigeront.
Le
document pontifical prescrit donc aux curés et aux missionnaires de
saisir toutes les occasions favorables d'avertir les femmes de la
grave obligation qu'elles ont de ne porter que des vêtements
modestes, et de renoncer à ces déshabillés aussi nuisibles à la
santé du corps que funestes à la vertu des âmes (N° I).
En
effet, n'ont-elles pas le devoir impérieux de fuir ces modes
meurtrières, causes de tant de maladies souvent incurables, et de
favoriser par une irréprochable tenue l'honnêteté des mœurs
publiques ?
Que
les prédicateurs exposent avec puissance et clarté à leurs
auditoires que les femmes sous prétexte d'élégance ne peuvent ni
ruiner leurs forces, ni devenir une occasion de péché pour leur
prochain ; qu'il y a telles mises extérieures qui sont vraiment
provocantes, encore que celles qui les portent ne s'en rendent pas un
compte bien exact.
Mais
averties avec autorité par la hiérarchie des pasteurs, depuis le
Pape jusqu'au plus humble prêtre, elles ne pourront invoquer comme
excuse de leur conduite l'ignorance des péchés qu'elles font
commettre.
Qu'elles
sachent donc que le monde entier est sous la domination du Mauvais,
et que par suite des engagements de leur baptême, elles ne peuvent
favoriser son règne sans renier de solennelles promesses faites à
la face du ciel et de la terre. Par conséquent, personne, quel que
soit son sexe ou sa condition, ne peut, en semant le scandale,
restreindre le règne de Jésus-Christ et étendre celui du démon.
Or,
une longue expérience enseigne à l’Église que parmi les moyens
d'attirer les hommes au péché et de causer leur ruine spirituelle,
il faut placer les vêtements indécents.
Que
si l'on demande en quoi consiste un habit modeste et décent pour une
chrétienne, on comprendra que c'est celui qui couvre la poitrine et
les bras d'étoffes non transparentes, qui descend au moins à
mi-jambe, et dont la coupe d'une ampleur convenable protège la
pudeur en dissimulant les lignes du corps.
Selon
l'expression de Bossuet : « Il doit cacher fidèlement ce qu'il
ne doit pas laisser paraître. » Ainsi, un vêtement qui par sa
nature, ou dans la pensée de qui le porte, provoque les passions
mauvaises, est un vêtement immodeste et doit être mis de côté par
toute personne qui fait profession d'être disciple de Jésus-Christ.
De
plus, l'Instruction pontificale demande que les prédicateurs
rappellent ces points de doctrine en toutes les circonstances
opportunes, spécialement à l'occasion des fêtes de la Très Sainte
Vierge Marie ou des réunions des sociétés pieuses, comme celles
des Dames de Sainte Anne, des Enfants de Marie ou des Tertiaires.
Une
prescription spéciale regarde la fête de l' Immaculée-Conception.
En cette solennité les prêtres insisteront d'une façon toute
particulière pour inculquer au peuple l'amour de la modestie
chrétienne. Afin d'obtenir cette grâce de la bonté de Dieu par la
médiation de la Vierge bénie, dans toutes les églises et chapelles
du diocèse, après la messe principale on récitera les litanies de
la Sainte Vierge, dites litanies de Lorette, et à la bénédiction
du Très Saint Sacrement on chantera l'antienne Tota pulchra es,
Maria, et macula originalis non est in Te.
Une
autre recommandation est adressée aux pasteurs. Ils n'omettront pas
d'éclairer les pères et mères de famille sur le devoir qui leur
incombe d'interdire à leurs filles de porter des vêtements qui ne
sont pas convenables (N° I).
Le
clergé ne peut être seul à combattre l'indécence des costumes
modernes. Les parents ont aussi la très sérieuse obligation de
donner à leurs enfants une solide éducation morale et religieuse. À
eux de faire en sorte que dès leur bas âge, les filles en
particulier reçoivent l'empreinte profonde de l'enseignement
chrétien.
N'est-il
pas déplorable que des fillettes, par le port de robes trop courtes,
soient comme habituées inconsciemment aux livrées de l'immodestie,
et toutes préparées à devenir les esclaves des modes perverses !
Par
vos paroles et vos exemples, parents chrétiens, engagez vos enfants
au respect de la pudeur et à l'amour de la chasteté. Vos belles
familles, efforcez-vous de les gouverner à l'imitation de la sainte
Famille de Nazareth. En tous vos actes présentez à vos fils un
modèle vivant et efficace des vertus qui sont l'ornement d'un
baptisé (N° II).
Les
parents éloigneront leurs filles des exercices et des concours
publics de gymnastique. Le développement du corps et de la santé ne
va pas jusqu'à autoriser ces dangereuses exhibitions (N° III).
Quant
aux supérieures de nos institutions enseignantes, aux directrices
d'écoles et à toutes les personnes qui président à l'éducation
des filles, elles devront amener les enfants qui leur sont confiées
à aimer et à pratiquer les règles de la modestie chrétienne dans
le vêtement (N° IV).
Les
religieuses ne pourront admettre ni tolérer dans leurs maisons,
leurs classes, leurs oratoires et leurs salles de récréation, des
élèves qui ne porteraient pas un costume décent. Que ces pieuses
maîtresses s'efforcent de développer chez ces enfants le culte et
le goût de la sainte pudeur (N° VI).
La
Sacrée Congrégation du Concile demande aussi de créer ou de
perfectionner de pieuses associations de femmes dont le but
moralisateur sera spécialement de lutter par la parole, l'exemple et
l'action opportune, contre les répugnants abus introduits dans
l'habillement des femmes, et de promouvoir avec la décence du
costume la pureté des mœurs (N° VII).
Déjà
parmi nous, N. T. C. F. [Nos très chers frères], la Ligue
Catholique Féminine s'est occupée très efficacement de combattre
le fléau des modes honteuses et de favoriser la modestie dans la
mise extérieure. Ces cercles existent et accomplissent un travail
méritoire autant qu'actif dans un bon nombre de paroisses. Il est à
désirer qu'ils se multiplient dans tous les milieux où ils pourront
exercer une salutaire influence : c'est dire que partout cette
croisade de salubrité publique doit être organisée.
Le
Conseil de Vigilance du diocèse, établi selon les prescriptions de
l'Encyclique Pascendi, devra désormais se réunir au moins
une fois chaque année. Pas n'est besoin qu'une dénonciation lui ait
été explicitement adressée, mais de lui-même, par exemple à
l'époque de la première retraite ecclésiastique, il délibérera
spécialement sur les moyens les plus aptes à promouvoir chez les
femmes la modestie dans les vêtements (N° XI).
Enfin,
dans le but d'assurer à ces mesures salutaires un résultat plus
certain, chaque évêque adressera tous les trois ans à la susdite
Congrégation du Concile un rapport sur la façon dont les femmes
sont vêtues dans son diocèse, et sur les dispositions prises pour
assurer l'accomplissement de la présente Instruction. Ce rapport
sera joint à celui qui est prescrit par le Motu proprio Orbem
Catholicum, du 21 juin 1923, sur l'instruction religieuse des
fidèles (N° XII).
Voici
maintenant les sanctions précises portées par la Sacrée
Congrégation contre les personnes qui n'obéiraient pas aux
directions plus haut énumérées.
Dans
les écoles, couvents et maisons d'éducation pour jeunes filles, les
directrices, maîtresses ainsi que les religieuses ne recevront que
des enfants honnêtement vêtues. Les élèves qui ne se
conformeraient pas à ces règles seront renvoyées. Même les mères
de ces enfants ne seront admises dans ces établissements que si
elles portent une toilette décente (N° V).
Dans
les pieuses associations de femmes on n'admettra que des personnes
habillées selon les exigences de la modestie chrétienne. Si
quelques membres manquaient à leurs devoirs, après avertissement
infructueux, on les renverrait de l'association (N° VIII).
Les
personnes du sexe qui ne porteraient pas un costume conforme aux
règles de l'honnêteté, seront privées de la Sainte Communion, du
droit d'être marraines dans les sacrements de Baptême et de
Confirmation. Si le cas le comporte on leur interdira même l'entrée
de l'église (N° IX).
Ces
graves avertissements nous disent assez haut, N. T. C. F., l'estime
de la sainte Église de Dieu pour la délicate vertu de modestie, et
ses maternelles alarmes à la vue des dangers qui la menacent.
Nous
n'en doutons pas, votre filiale piété envers le Père commun de nos
âmes, non moins que le sentiment surnaturel de votre devoir, éveillé
sur ce point de discipline morale, vous engageront tous à vous
conformer avec une édifiante fidélité aux préceptes qui nous
rappellent des obligations parfois oubliées ou négligées, mais
toujours existantes.
Pasteurs
et prédicateurs, pères et mères de famille, jeunes personnes et
éducatrices, tous, d'un commun effort travailleront à faire
disparaître un genre détestable de vêtement. Selon le conseil de
saint Paul, nous qui avons été baptisés dans le Christ, nous
devons revêtir le Christ et mépriser les désirs de la chair :
''Induimini Dominum Jesum Christum et carnis curam ne feceritis in
desidenis" (Rom. 13, 14).
Qu'est-ce
donc que revêtir le Christ, si ce n'est imiter le Christ dans ses
pensées, ses paroles et ses actions ? De même que le vêtement
n'offre aux regards que sa forme et sa couleur, et enveloppe le corps
qui disparaît sous ses plis, ainsi le vrai croyant, revêtu du
Christ, ne présente plus à ses frères que des actes qui reflètent
la beauté morale de son Maître et de son Rédempteur.
Trêve
donc de prétextes plus ou moins spécieux pour légitimer des usages
que réprouve la conscience d'un catholique éclairé. Que l'on ait
la fierté de s'arracher à la tyrannie des modes malsaines ; que
l'on ait le courage d'exiger des couturiers et des fournisseurs des
modèles qui respectent à la fois la vertu et le bon goût.
À
ce régime les âmes croîtront en grâce et en mérite. Notre
peuple, fidèle à la loi de Dieu, grandira dans une atmosphère de
lumière et de pureté capable de favoriser l'épanouissement des
qualités que lui a prodiguées la munificence de l’Éternel.
Si
l'on invoque pour persévérer dans le désordre dénoncé avec tant
d'énergie, un certain souci de vogue ou de beauté ou encore des
préoccupations financières, nous ne pouvons oublier qu'aucun
progrès artistique ou matériel ne peut être une compensation
suffisante pour le mal opéré par la décadence des mœurs.
Sous
un vernis plus ou moins brillant se cache alors le ver rongeur qui
prépare la ruine prochaine des races amollies. Aux nations les plus
vaillantes cette civilisation mensongère enlève rapidement les
austères vertus qui sont le généreux ferment de leur force et de
leur grandeur.
De
ce malheur Dieu préserve un peuple auquel II a témoigné tant de
miséricorde, et qui Lui doit de demeurer à jamais dans son amour
par l'observance de ses commandements ! Tel est le souhait qui
s'échappe de Notre cœur pour Nos très chers Diocésains à
rapproche des solennités de Noël et du Nouvel An, et que Nous
confions aux bénédictions du doux Enfant, Sauveur du monde.
Sera
le présent mandement lu le premier dimanche après sa réception,
dans toutes les églises du diocèse et en chapitre dans les
communautés religieuses.
Donné
à Québec, sous Notre seing et le sceau du diocèse, en la fête de
l'Immaculée-Conception, le huitième jour de décembre mil neuf cent
trente.
+
Fr.[ère] Raymond Marie Card.[inal] Rouleau, o. p.,
Archev.[êque]
de Québec.
Par
mandement de Son Éminence,
Jules
Laberge, ptre. [prêtre], chanc.[elier]
Référence
Frère
Raymond-Marie Rouleau, archevêque de Québec, « Sur les modes
indécentes », mandement du 8 décembre 1930, paru dans
Mandements, lettres pastorales
et circulaires des évêques de Québec,
Supplément n°36, p. 41, 9e
vol. de la nouvelle série, 13e
vol. de la collection, Québec, 1925.