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mercredi 25 juillet 2018

Dieu veut faire Sa demeure avec les hommes et vivre avec eux dans la familiarité la plus intime, selon L. I. Le Maistre de Sacy, 1703




Le Christ revenant du Temple avec ses parents, par Rembrandt, 1654, The Sylmaris Collection
 

[Apocalypse chap. 21,] v. 1 jusqu’au 9. (…) Qui est-ce qui pourrait exprimer ou comprendre avec quel excès de bonté Dieu veut se communiquer aux hommes ? Saint Jean « entend une grande voix qui venait du trône » de Dieu qui réside dans le Ciel. Cette voix, par sa grandeur, marque l’importance de la chose que Dieu veut faire savoir ; et ce qu’Il déclare, c’est qu’Il veut faire Sa demeure avec les hommes et vivre avec eux dans la familiarité la plus intime.

Il y a une distance infinie entre Dieu et la créature ; et toutefois, dans le siècle [=monde, temps, vie] à venir, Dieu sera avec les hommes ; et quoiqu’ Il soit leur Dieu, Il ne laissera pas [=ne cessera pas] d’être Lui-même avec eux et habitera avec eux comme ceux qui vivent ensemble dans une même tente, ce qui marque une conversation [=fréquentation, compagnie, manière de vivre ensemble] beaucoup plus familière que d’être seulement dans une même ville ou dans un même palais. Car dans une même tente, on se voit toujours, et l’on vit sans défiance [=méfiance] les uns des autres et sans réserve [=prudence qui retient de dire ou de faire].

Mais cette privauté [=grande familiarité], si on peut s’exprimer ainsi, et cette familiarité de Dieu avec Ses saints, ne servira qu’à leur faire mieux connaître la majesté [=grandeur suscitant le respect] de Dieu : ils L’adoreront sans cesse et s’offriront sans cesse à Lui comme Ses prêtres et Ses victimes.

Cette union intime que Dieu aura avec les bienheureux dans le Ciel est figurée par celle qu’Il a, dans cette vie, avec Ses fidèles serviteurs ; et celle-ci était figurée par le Tabernacle [=Tente, lieu où était déposée l’arche d’alliance et où se manifestait la Présence de Dieu au désert], par le moyen duquel il protestait [=promettait fortement, assurait publiquement, déclarait solennellement] qu’Il voulait faire Sa demeure au milieu de Son peuple, qu’Il marcherait parmi eux, qu’Il serait leur Dieu et qu’ils seraient Son peuple » (Lévitique 26, 11-12). C’est aussi ce qu’Il promettait par son prophète : « Mon Tabernacle sera avec eux, je serai leur Dieu et ils seront Mon peuple » (Ézéchiel 37, 27), c’est-à-dire : ils vivront en sûreté et en repos, sous Ma protection. Mais les fidèles qui ont reçu la grâce du nouveau Testament [=de la nouvelle Alliance], en qui Il habite par la charité et qu’Il remplit de son Saint-Esprit, sont eux-mêmes Son Tabernacle et son Temple : « Ne savez-vous pas — dit saint Paul — que vous êtes le Temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous (1 Corinthiens 6, 16) ? » « Vous êtes — dit-il encore ailleurs — le Temple du Dieu vivant, comme Dieu dit Lui-même — dans l’Écriture (Jérémie 31, 33 — : “J’habiterai en eux et je m’y promènerai : je serai leur Dieu et ils seront Mon peuple (2 Corinthiens 6, 16)”. »

C’est ce qui se vérifiera encore bien plus lorsqu’après la résurrection générale, Jésus Christ aura reçu Ses élus sans la Gloire éternelle, et « que Dieu sera tout en tous » (1 Corinthiens 15, 28). Ce sera dans cette Demeure bienheureuse que Son amour pour Ses élus s’épanchera sans réserve. Sa tendresse pour eux sera si grande qu’il fera à leur égard ce que les mères et les nourrices font à l’égard de leur nourrissons. Car, comme elles essuient leurs larmes et qu’elles en peuvent pas supporter qu’ils souffrent aucun mal qui les inquiète, de même Dieu remplira les cœurs de Ses chers enfants de tant de douceurs et de consolations qu’ils oublieront aisément toutes les afflictions qu’ils auront endurées dans cette vie mortelle. Ainsi l’on peut s’écrier avec le prophète roi [David] : « Combien grande est l’abondance de Vos douceurs que Vous avez réservées pour ceux qui Vous craignent (Psaume 30, 20) ! »

Tous les maux seront éternellement bannis de cette sainte et heureuse société ; on ne s’en souviendra plus, comme le péché en sera entièrement exclu. La mort et les autres misères qui sont la solde [le salaire] et le paiement du péché (cf. Romains 6, 23) seront entièrement détruites et les saints qui en seront affranchis verront avec un tressaillement de joie ce renouvellement de toutes choses qui sera le dernier ouvrage [=la dernière œuvre] de Dieu. Le ciel et la terre et les corps des élus seront renouvelés ; une vie éternelle succédera à une vie mortelle, une vie bienheureuse à une vie sujette à toutes sortes de misères.

La vue de ces grands avantages sont bien capables de relever le courage de ceux qui combattent encore ici-bas. C’est pourquoi Dieu ordonne à saint Jean de les écrire et de rendre témoignage à la certitude de Ses promesses. Qui n’excitera [=n’animera, n’encouragera] donc pas sa foi, son espérance et son amour en les entendant puisque c’est pour cet effet que Dieu commande de les écrire et nous assure de leur vérité ? Il commande ici-bas l’ouvrage [=la mise en œuvre] du salut de Ses élus par les grâces qu’Il leur communique, par les épreuves et les afflictions avec lesquelles Il les purifie.

Mais lorsqu’Il les aura conduits à la Gloire qu’Il leur a destinée,  « tout [sera] accompli » (Jean 19, 30) et il n’y a aura plus rien à faire ni à désirer pour eux. Dieu qui est « le commencement et la fin » (Apocalypse 21, 6) peut bien Se rendre garant de cet accomplissement puisque toutes choses dépendent de Lui, que c’est de Lui qu’elles tirent leur origine, que c’est par Lui qu’elles ont leur accroissement et leur perfection.

Heureux — s’écrit le prophète royal [David] — « heureux l’homme que Vous avez choisi et que vous avez pris à Vous ; il habitera dans Votre Palais (Psaume 64, 5). C’est là que vos élus « seront enivrés de l’abondance de Votre maison et que Vous les ferez boire du torrent de vos délices, car la source de la Vie est en Vous » (Psaume 35, 9-10). Un autre prophète prédisant le bonheur du Règne de Jésus Christ, invite toutes les nations à embrasser la doctrine de l’Évangile et à rechercher Jésus Christ qui est la source de la Vie :

Vous tous qui avez soif, venez aux eaux [ ; vous qui n’avez point d’argent, hâtez-vous, achetez et mangez : venez, achetez sans argent et sans aucun échange le vin et le lait.] (Isaïe 55, 1).

Mais il faut remarquer que Dieu n’invite aux eaux de Sa grâce que ceux qui en sont altérés. Cette soif est un ardent désir d’une âme qui connaît sa disette [=misère] et son besoin. Il renvoie vides ceux qui se croient riches et répand ses richesses sur ceux qui reconnaissent leur indigence [=manque, pauvreté]. « Heureux ceux qui sont affamés et altérés de la justice parce qu’ils seront rassasiés (Matthieu 5, 6). » Le Sauveur dit encore ailleurs : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à Moi et qu’il boive (Jean 7, 57). » Ceux donc qui désirent être rassasiés et désaltérés et jouir enfin de la Gloire dans le Ciel, il faut qu’ils soient altérés de la justice dans cette vie, c’est-à-dire qu’ils la recherchent avec ardeur et qu’ils aiment Dieu par-dessus [=au-dessus de] toutes choses.

Ce sont ceux-là à qui Il promet ici de « donner à boire de la source d’eau vive » qui désaltère pour toujours : « car celui qui boira de l’eau que Je lui donnerai — dit Jésus Christ — n’aura jamais soif, mais cette eau deviendra dans [=en] lui une fontaine d’eau qui rejaillira dans la Vie éternelle (Jean 4, 13-14). »

Mais afin que nul ne s’imagine pouvoir l’acquérir par ses propres mérites ou par ses propres forces, le Seigneur promet de donner « à boire de cette eau vive gratuitement » et comme dit le prophète, « sans argent et sans aucun échange » (Isaïe 55, 1) ; car personne ne mérite la Gloire éternelle qu’il n’ait auparavant reçu la grâce de Dieu pour la mériter. « La vie éternelle est une grâce de Dieu » (Romains 6, 1 »), dit l’apôtre [=saint Paul] et quoique nous la méritions, en effet, par nos bonnes œuvres, ces mérites et ces bonnes œuvres sont encore des dons de la grâce de Celui qui « nous applique à toute bonne œuvre afin que nous fassions Sa volonté, Lui-même faisant en nous ce qui Lui est agréable par Jésus Christ (Hébreux 13, 21).

Mais ce n’est pas assez de reconnaître que nous n’obtenons point la vie éternelle ni par nos mérites, ni par nos propres forces ; il faut aussi se persuader que nous n’y arriverons point sans beaucoup de vigueur [=force pour agir] et de courage [=fermeté qui fait endurer les souffrances et le difficultés]. Le bonheur de l’autre vie n’est point pour les âmes lâches [=qui manque de force pour agir, d’activité, et de fermeté dans les épreuves] et paresseuse [=qui évite l’action] : la vie d’un chrétien est une guerre continuelle qu’il faut soutenir contre des ennemis puissants qui sont toujours occupés [=qui songent et travaillent à] aux moyens de nous perdre. Nous ne pouvons leur résister qu’en nous revêtant des armes de Dieu que l’apôtre [=saint Paul] nous représente sous la figure des armes ordinaires des soldats. Ces armes sont la vérité, la justice, la foi, l’espérance et la parole de Dieu :

[C’est pourquoi prenez toutes les armes de Dieu, afin qu’étant munis de tout, vous puissiez au jour mauvais résister et demeurer fermes. Soyez donc fermes : que la vérité soit la ceinture de vos reins, que la justice soit votre cuirasse ; que vos pieds aient pour chaussure la préparation à suivre l’Évangile de paix. Servez-vous surtout du bouclier de la foi, pour pouvoir éteindre tous les traits enflammés du malin esprit . Prenez encore le casque du salut, et l’épée spirituelle qui est la parole de Dieu ; invoquant Dieu en esprit et en tout temps, par toute sorte de supplications et de prières, et vous employant avec une vigilance et une persévérance continuelle à prier pour tous les saints .] (Éphésiens 6, 13-18)

Comme ces ennemis ne nous donnent ni trêve ni relâche, nous devons aussi être toujours préparés à résister avec ces armes : si nous combattons généreusement avec une foi ferme et persévérante, avec une espérance pleine de confiance en Dieu et un amour fervent qui nous fasse préférer sa volonté à toutes les caresses et les menaces du monde, nous remporterons une heureuse victoire qui nous mettra en possession de tous ces biens ineffables que Dieu réserve à ses enfants ; et en cette qualité, nous deviendrons héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus Christ.

Source

Louis Isaac Le Maistre de Sacy, L’Apocalypse de S. Jean traduite en françois avec l’explication du sens littéral et du sens spirituel tirée des SS. Peres et des Auteurs Ecclesiastiques, dernière édition, Eugène Henry Fricx, 1703, p. 349-354.

L’orthographe et la ponctuation ont été modernisés par l’auteur de ce blogue. Les références scripturaires ont été quelquefois rajoutées quand elles manquaient dans le texte original.


Psaume de David, lorsqu’il était dans le désert de l’Idumée.

Ô Dieu ! ô mon Dieu ! je veille et j’aspire vers vous dès que la lumière paraît  :
mon âme brûle d’une soif ardente pour vous  ;
et en combien de manières ma chair se sent-elle aussi pressée de cette ardeur  !

Dans cette terre déserte où je me trouve, et où il n’y a ni chemin, ni eau,
je me suis présenté devant vous comme dans votre sanctuaire,
pour contempler votre puissance et votre gloire.

Car votre miséricorde m’est plus précieuse que la vie :
mes lèvres seront occupées à vous louer.
Ainsi je vous bénirai tant que je vivrai ;
et je lèverai mes mains vers le ciel en invoquant votre nom.

Que mon âme soit remplie, et comme rassasiée et engraissée,
et ma bouche vous louera dans de saints transports de joie.
Si je me suis souvenu de vous étant sur mon lit,
je serai occupé le matin de la méditation de votre grandeur.

Car vous avez pris ma défense ; et je me réjouirai à l’ombre de vos ailes.
Mon âme s’est attachée à vous suivre ; et votre droite m’a soutenu.

Psaume 62
(traduction par Louis Isaac Le Maistre de Sacy)

Le Christ Lui-même fait dans et par le fidèle ce qui est agréable au Père et lui ouvre le Ciel, par L. I. Le Maistre de Sacy, 1703

Louis Isaac Lemaistre de Sacy, par Philippe de Champaigne

[Apocalypse chap. 14,] v. 13 jusqu’à la fin. « Alors j’entendis une voix qui me dit du Ciel : “Écrivez : ‘Heureux sont les morts qui meurent dans le Seigneur.’” »

Ceci doit être, pour les fidèles, un sujet de grande consolation. Le saint prophète [saint Jean] reçoit ordre d’écrire cette sentence comme une vérité certaine et indubitable à laquelle on doit faire beaucoup d’attention. 

« Heureux — dit-il — ceux qui meurent dans le Seigneur », c’est-à-dire qui meurent dans le profession de sa foi et dans l’unité de son Corps. Cela regarde en général tous les saints, et en particulier tous les saints martyrs qui meurent pour l’amour de Lui. 
 
Après avoir montré quel est le sort funeste de ceux qui, renonçant à leur foi, préfèrent un reste de vie périssable à une mort glorieuse qui fait entrer dans la Vie éternelle, il déclare ici, au contraire, que ceux qui demeurent attachés à Jésus Christ et qui meurent dans cette sainte disposition, seront heureux. Et au lieu que ceux-là seront éternellement tourmentés dans le feu et dans le souffre (Apocalypse 20, 9-10 : « Mais Dieu fit descendre du ciel un feu qui les dévora ; et le diable qui les séduisait, fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, où la bête et le faux prophète seront tourmentés jour et nuit dans les siècles des siècles. »), ceux-ci jouiront dans le Ciel d’un parfait repos après quelques peines passagères.

Il est vrai — dit le sage — « qu’ils ont paru morts aux yeux des insensés, (…) mais cependant ils sont en paix » (Sagesse 3, 2-3) : parce que leurs bonnes œuvres les suivent et les accompagnent inséparablement en sortant de cette vie. Les biens de ce monde, les parents et les amis nous abandonnent à la mort ; il n’y a que nos bonnes œuvres qui nous suivent. 

Et l’Esprit de Dieu assure que c’est « dès maintenant », c’est-à-dire que le bonheur des saints n’est point retardé jusqu’à la fin des siècles, mais que les âmes purifiées de leurs tâches jouissent aussitôt de la Gloire dans le Ciel. 

Néanmoins, comme il n’y entre rien de souillé, ceux qui meurent dans une profession sincère de la foi chrétienne sans avoir achevé de se purifier de leurs souillures, souffrent encore les peines du Purgatoire, selon la doctrine de l’ Église, pour être en état de paraître devant Dieu et de Le voir toute l’éternité. 

Pour ce qui regarde les martyrs, ils entrent incontinent [=sans attendre, tout de suite] dans la Gloire et c’est leur faire injure, comme disent les Pères, que de prier pour eux.

On peut ici remarquer que la récompense est donnée aux mérites des bonnes œuvres. Car, quoique nos mérites soient des dons de la grâce de Dieu, Il ne laisse pas de [=Il ne manque pas de] nous les imputer [=attribuer à, mettre au compte de, donner la responsabilité de] comme étant de nous, bien que ce soit Lui-même qui nous « applique à toute bonne œuvre (...) faisant en nous ce qui Lui est agréable par Jésus Christ. »

Que le Dieu de la paix qui a ressuscité d’entre les morts Jésus Christ notre Seigneur qui, par le sang du Testament [=Alliance, Pacte] éternel, est devenu le grand Pasteur des brebis, vous rende disposés à toute bonne œuvre, afin que vous fassiez sa volonté, Lui-même faisant en vous ce qui Lui est agréable par Jésus Christ, Auquel soit la gloire dans tous les siècles des siècles. Amen. (Hébreux 13, 20-21)

Source

Louis Isaac Le Maistre de Sacy, L’Apocalypse de S. Jean traduite en françois avec l’explication du sens littéral et du sens spirituel tirée des SS. Peres et des Auteurs Ecclesiastiques, dernière édition, Eugène Henry Fricx, 1703, p. 218-219.

samedi 21 juillet 2018

L'amour que Dieu nous porte et le mystère de notre rédemption par la Passion du Christ, selon L. I. Le Maistre de Sacy, 1703


Louis Isaac Lemaistre de Sacy, par Philippe de Champaigne

Saint Paul dit que Dieu « nous a élus avant la création du monde, et nous a prédestinés par l’amour qu’Il nous a porté, et par un pur effet de Sa bonne volonté (Éphésiens 1, 4-5) »; et ailleurs : « Ceux qu’Il a connus dans Sa prescience, Il les aussi prédestinés. »

C’est ce que le prince des Apôtres [saint Pierre] dit aussi de ceux à qui il écrit, qu’ils « sont élus selon la prescience ou la prédestination de Dieu le Père (1 Pierre 1, 2). » Cette élection ne s’entend pas de tous les particuliers, mais de leurs saintes assemblées, qui étaient composées des principaux membres que « Dieu a choisis dans Sa prescience (Romains 11, 2). » Cette prescience signifie prédilection, qui exclut l’idée de quelque mérite que ce soit qui prévienne l’élection de notre part.

Saint Paul dit que nous avons été choisis par cet amour tout gratuit, « afin que nous fussions saints (Éphésiens 1, 4). » Et ailleurs en parlant aux Thessaloniciens : « Il vous a choisis dès le commencement pour vous sauver par la sanctification de l’Esprit. (2 Thessaloniciens 1, 13). »

Ce sont les mêmes termes dont use saint Pierre : « pour recevoir la sanctification du Saint-Esprit (1 Pierre 1, 2) », c’est-à-dire l’Esprit qui sanctifie, « pour obéir à la foi, et être arrosés du sang de Jésus Christ (Ibid.) . »

Saint Paul dit de même, qu’il a été choisi apôtre (Romains 1, 5) « pour faire obéir à la foi », et que ceux qui n’obéissent point à l’Évangile de notre Seigneur Jésus Christ, souffriront la peine d’une éternelle damnation. 

Le mystère de notre rédemption est ici exprimé par l’aspersion du sang de Jésus Christ sur eux, c’est-à-dire par l’application des mérites de Sa mort et par la vertu très efficace de ce précieux sang, pour nettoyer leurs âmes des souillures de leurs péchés. Nul ne peut être purifié de ses péchés s’il n’est arrosé de ce sang, et si le mérite de la passion de Jésus-Christ ne lui est appliqué, parce qu’Il est cet « Agneau sans tâche et sans défaut (1 Pierre 1, 19) », que « Dieu a proposé pour être la victime de réconciliation par la foi que les hommes auraient eue en Son sang  (Romains 3, 25). » C’est de cette aspersion dont parle le prophète Isaïe, en ces termes : « Il arrosera [de Son sang] la multitude des nations (Isaïe 52, 15). » Cette aspersion est figurée par celles qui se faisaient du sang des victimes de l’Ancienne Loi ; mais saint Pierre a principalement en vue celle dont il est fait mention [en] Exode 24 et que nous expliquerons encore par les propres paroles de saint Paul. Il dit donc que « Moïse ayant récité devant tout le peuple toutes les ordonnances de la loi, prit du sang des veaux et des boucs (…) et en jeta sur le Livre même et sur le peuple, en disant : “C’est le sang du Testament et de l’Alliance que Dieu a faite en votre faveur.” Il jeta encore du sang sur le Tabernacle et sur les vases qui servaient au culte de Dieu. Et selon la Loi, presque tout se purifie avec le sang et les péchés ne sont point remis sans effusion de sang (Hébreux 9, 19-22). » « Que si — dit-il un peu auparavant — le sang des boucs et des taureaux et l’aspersion de l’eau mêlée avec la cendre d’une génisse, sanctifie ceux qui ont été souillés, en leur donnant une pureté extérieure et charnelle, combien plus le sang de Jésus Christ qui s’est offert lui-même à Dieu par le Saint-Esprit comme une victime sans tâche, purifiera-t-Il notre conscience des œuvres mortes, pour nous faire rendre un vrai culte au Dieu vivant  (Hébreux 9, 13-14) ? »

Voilà comment ces deux grands apôtres qui étaient si unis dans le gouvernement de l’Église, se sont si bien accordés dans l’interprétation de ces mystères.

Les interprètes remarquent ici que les trois Personnes divines conspirent au salut des élus : le Père comme le principe de leur élection par Sa prescience éternelle et Son amour tout gratuit ; le Fils comme la victime de leurs péchés et la source de tous leurs mérites ; le Saint-Esprit comme l’esprit d’adoption et d’amour qui leur donne la naissance, les anime, les sanctifie, les fait agir et les conduit à la gloire.

Ce bienfait est si grand que ce saint apôtre, tout plein de reconnaissance, commence son épître par des actions de grâces à Dieu de cette ineffable bonté qu’Il a pour Ses élus (1 Pierre 1, 3). C’est ce que fait aussi saint Paul au commencement de sa seconde épître aux Corinthiens [« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, (…). (2 Corinthiens 1, 3) »] et de celle aux Éphésiens en même terme : « Béni soit Dieu le Père de notre Seigneur Jésus Christ (Éphésiens 1, 3). » Dieu est de toute éternité par sa nature Père de Jésus-Christ quant à sa divinité ; mais Il l’est encore quant à l’humanité que Dieu en trois Personnes a formée dans le sein de la bienheureuse Vierge Marie par l’opération du Saint-Esprit. Dans l’Ancien Testament, Dieu s’appelait le Dieu d’Abraham pour se distinguer par cette marque de toutes les fausses divinités ; mais depuis qu’Il s’est manifesté au monde dans Jésus Christ, il ne veut plus être connu que dans ce « Fils bien-aimé en qui Il a mis toute [Son] affection (Matthieu 17, 5) ».

Ainsi les apôtres usent de cette expression pour nous remplir du souvenir de « ce grand mystère de la piété [où Dieu] a paru revêtu de chair (1 Timothée 3, 16) », pour procurer aux hommes le salut éternel. Quand saint Paul parle de ce mystère, il ne trouve point de termes pour en concevoir l’excellence et le mérite : « afin — dit-il en parlant aux Éphésiens — que vous puissiez comprendre quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de ce mystère ; et connaître l’amour de Jésus Christ envers nous qui surpasse toute connaissance. »

Mais saint Pierre en parle aussi avec une majesté bien digne de la gravité du prince des apôtres : c’est — dit-il — par la pur motif de Sa miséricorde infinie qu’Il a voulu réparer le malheur de notre première naissance en Adam par une nouvelle naissance plus heureuse, et « nous a régénérés par la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts (1 Pierre 1, 3). » On peut voir ce qui a été dit de cette régénération sur le v[erset] 18 du ch[apitre] 1 de l’épître de saint Jacques [: « De Sa propre volonté, Il nous a engendrés par la parole de la vérité, afin que nous soyons comme les prémices de Ses créatures. »].

Mais comment est-ce plutôt par la résurrection de Jésus Christ que par Sa passion que nous avons été régénérés ? C’est — dit saint Paul — « qu’Il a été livré à la mort pour nos péchés ; mais qu’Il est ressuscité pour notre justification (Romains 4, 25). » Ce n’était pas assez de mourir pour effacer nos péchés ; il fallait aussi qu’Il triomphât de la mort par Sa résurrection ; et comme « notre vieil homme a été crucifié avec lui (Romains 6, 6) », afin que, « comme Il est ressuscité d’entre les morts par la gloire de Son Père, nous marchassions aussi dans une nouvelle vie. Car si nous avons été entés en lui par la ressemblance de Sa mort, nous y serons aussi par la ressemblance de Sa résurrection (Romains 6, 4b-5). » Les membres doivent suivre leur chef ; ainsi nous devons être animés d’une espérance vive qui nous donne une grande confiance que nous arriverons à la vie éternelle où Il nous a précédés.

Cette espérance de la part de Dieu est aussi certaine que l’est Sa fidélité même et Sa vérité sainte, qui ne peut point se démentir. C’est ce qui fait dire à saint Paul que « nous avons entrée par la foi à cette grâce dans laquelle nous demeurons fermes et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire des enfants de Dieu (Romains 5, 2). » Il en parle même comme d’une chose faite et qui est déjà arrivé : « Il nous a ressuscités avec lui et nous a fait asseoir dans le Ciel avec Jésus Christ (Éphésiens 2, 6) » dit ce saint apôtre ; et pour arrhes de cette assurance, Il nous a donné Son Esprit Saint qui « rend lui-même témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Que si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus Christ (Romains 8, 16-17). »

 
Source

Louis Isaac Le Maistre de Sacy, prêtre, Epistres catholiques traduites en françois, avec une explication tirée des SS. Peres et des Auteurs ecclésiastiques, Guillaume Desprez, Paris, 1703, p. 166-171.

L’orthographe et la ponctuation ont été modernisés par l’auteur de ce blogue. Les références scripturaires ont été quelquefois rajoutées quand elles manquaient dans le texte original.

mardi 17 juillet 2018

Le droit et le devoir de surveillance et de contrôle des parents vis-à-vis de leur enfant


Le droit de surveillance permet, et impose également aux parents de surveiller les fréquentations de leur enfant, qu’elles soient physiques ou virtuelles. 

Quel que soit l’âge de celui-ci, on ne saurait invoquer le droit à la vie privée du mineur pour empêcher cette surveillance qui peut tout à fait consister à surveiller les relations de l’enfant qu’elles soient téléphoniques, par Internet ou physiques

Ce droit de surveillance donne ainsi, au moins en théorie, au parent le droit d’interdire au mineur d’avoir des relations sexuelles, et ce même s’il a plus de 15 ans (1). 

Par ailleurs, le Code pénal réprime l’atteinte sexuelle sans violence sur mineurs de moins de quinze ans (art. 227-25 du Code pénal) et lorsqu’elles sont commises sur des mineurs de plus de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur le mineur (art. 227-26 du Code pénal) ([Adeline] Gouttenoire, 2011, p. 431). 

Selon la jurisprudence, exercent notamment un oncle par alliance de la victime à qui celle-ci avait été confiée par ses parents, le mari d’une institutrice assistant celle-ci dans ses fonctions, le concubin de la mère qui partage avec elle son habitation, le directeur d’un centre d’accueil pour jeune en difficulté. 

Un parent peut interdire et dénoncer les relations sexuelles qu’un adulte entretiendrait avec son enfant lorsqu’elles s’inscrivent dans une des hypothèses visées par le Code pénal. On peut même considérer qu’il s’agit pour eux d’une obligation.

Note

(1) Le fait que le Code pénal ne réprime que les relations sexuelles d’un mineur de moins de quinze ans avec un majeur n’exclut pas le droit des parents de surveiller les relations sexuelles de l’enfant même âgé de plus de quinze ans.

Source

Hélène Romano, (dir .), « La protection de l’enfant par ses parents », in Accompagner en justice l'enfant victime de maltraitance ou d'accident, coll. « Enfances », Dunod, janvier 2017, p. 35-36.


Rappel de l'article 371-1 du Code Civil

L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant.

Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.

Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. 

jeudi 26 avril 2018

Mon mérite, c'est la compassion du Seigneur, S. Bernard de Clervaux, XIIe siècle




S. Bernard de Clervaux, place S. Bernard, Dijon
3. (…) L’homme sage bâtit sa maison sur le roc, parce que, là, il ne craint ni les dommages [causés par] les vents, ni les inondations (Matthieu 7, 24-25). [Y a-t-il] quelque chose [qui ne soit] bon dans le roc ? Sur le roc, je me tiens bien élevé, sur le roc je me tiens hors de danger, sur le roc je me tiens solidement. [Je suis] hors du danger de l’ennemi, protégé de tout accident, et tout cela parce que je suis élevé loin de la terre. En effet, tout ce qui est terrestre est incertain et périssable. 

Fréquentons les Cieux, et n’ayons peur ni de tomber ni d’être mis à bas. Le roc est dans les Cieux, en lui est la solidité et la sécurité. « Le roc est le refuge des hérissons » (Psaumes 103, 18). Et, où, pour les faibles, [se trouvent] effectivement une solidité et un repos fermes et sûrs, si ce n’est dans les blessures du Sauveur ? Autant je m’y tiens plus sûr, autant est-Il plus puissant pour [me] sauver. 

Le monde gronde, le corps comprime, le diable tend ses pièges : je ne tombe pas ; je suis, en effet, fermement établi sur un roc solide. J’ai commis un grand péché : ma conscience [en] sera troublée, mais non profondément bouleversée puisque je me souviendrai des blessures du Seigneur. 

N’a-t-Il pas été « blessé à cause de nos iniquités » (Isaïe 53, 5) ? Qu’y a-t-il de si mortifère que le Christ n’ait pas payé par Sa mort ? 

Si donc je viens à connaître un médicament si puissant et si efficace, je ne peux, dès lors, être épouvanté par le caractère malin d’aucune maladie.

4. Et par conséquent, est-il évident qu’il [Caïn] se trompait celui qui affirme : « Mon iniquité est trop grande pour que je mérite le pardon (Genèse 4, 1) ». Si ce n’est qu’il n’était pas l’un des membres du Christ et que ce que le Christ a mérité ne s’étendait pas jusqu’à lui, de telle sorte qu’il l’aurait présumé sien, qu’il aurait dit sien ce qui était à Lui, comme le membre vis-à-vis de ce qui appartient à la Tête.

Mais moi, pour ce qui me fait défaut à moi-même, je me sers avec assurance de ce qui provient des entrailles du Seigneur, puisqu’elles surabondent de miséricorde ; et les ouvertures par lesquelles elles s’échappent ne manquent pas. Ils ont percé Ses mains et Ses pieds, et ils ont perforé Son côté par une lance : et par ces fentes, il m’est permis de sucer « le miel du roc, et l’huile du rocher le plus dur » (Deutéronome 32, 13) ; c’est-à-dire de goûter et de voir « combien le Seigneur est doux » (Psaumes 33, 9). Il cultivait dans Son Esprit « des pensées de paix » (Jérémie 29, 11), et moi je ne le savais pas. « Qui, en effet, connaît la manière de penser du Seigneur ? Et qui a été son conseiller (Romains 11, 34) ? »

Mais le clou qui pénètre s’est révélé [être] pour moi une clé qui ouvre afin que je vois la volonté du Seigneur. Pourquoi ne [la] verrais-je pas à travers le trou ? Le clou crie, la blessure clame que Dieu est vraiment, dans le Christ, en train de ramener le monde à Lui. Le fer a traversé Son âme, et s’est approché de Son cœur, afin que désormais Il sache compatir à mes faiblesses. Le secret du cœur est devenu visible à travers les trous ; ce grand sacrement de la tendre fidélité a été révélé, «les entrailles des miséricordes de Dieu » sont mises à découvert, « par lesquelles le Soleil levant nous a visité d’en haut » (Luc 1, 78). Pourquoi les entrailles ne seraient-elles pas devenues visibles au-travers des blessures ? Par quoi de plus manifeste, en effet, que par Tes blessures aurais-Tu révélé que Toi, Seigneur, tu es doux et agréable, et prodigue en miséricordes ? Personne, en effet ne possède une plus grande compassion que celui qui donne Sa vie pour les esclaves de la mort et les réprouvés.

5. Ainsi donc, mon mérite, c’est la compassion du Seigneur. Je ne serai pas complètement dépourvu de mérite, aussi longtemps qu’Il ne le sera pas de ses compassions. Et moi, je ne suis pas moins riche en mérites que les miséricordes du Seigneur sont multiples. Qu’en est-il si j’ai conscience de nombreuses fautes ? « Là où la faute a abondé, la grâce n’a-t-elle pas surabondé » (Romains 5, 20) ? Et si « la miséricorde du Seigneur est de toujours à toujours » (Psaumes 102, 17), moi aussi, « je chanterai pour toujours les miséricordes du Seigneur » (Psaumes 88, 2). Est-ce qu’il s’agira de ma [propre] justice ? « Seigneur, je me souviendrai de ta seule justice » (Psaumes 70, 16). Elle-même, en effet, est la mienne ; n’es-Tu pas devenu pour moi justice [provenant] de Dieu ? Est-ce que je dois craindre qu’elle ne suffise pas pour les deux ? Il ne s’agit pas de ce « court manteau » qui, selon le prophète, ne peut couvrir deux personnes (Isaïe 28, 20). « Ta justice, c’est une justice qui dure pour toujours » (Psaumes 118, 42). Qu’y-a-t-il de plus long que l’éternité ? Et la justice éternelle et abondante [nous] couvrira Toi et moi pareillement. Et en moi, en tout cas, elle couvre la multitude de [mes] péchés ; mais en Toi, Seigneur, [que cache-t-elle] sinon des trésors de tendre fidélité, des richesses de bonté ? Ce sont elles qui sont déposées dans les ouvertures du roc. Qu’elle est grande, en celles-ci, l’excès de ta douceur, cachée – il est vrai – à ceux qui sont perdus ! Pourquoi, en effet, donner ce qui est saint aux chiens, et des perles aux pourceaux (Matthieu 7, 6) ? Mais Dieu a dévoilé cela pour nous par l’Esprit Saint et même, Il nous a introduit dans [ses] mystères par l’ouverture des trous. Que ne trouve-t-on pas dans l’excès de [Sa] douceur, dans la plénitude de [Sa] grâce, dans la perfection de [Ses] vertus ?

Texte original latin

3. (…) Vir sapiens ædificat domum suam supra petram, quod ibi nec ventorum formidet injurias, nec inundationum (Matthæus 7, 24-25). Quid non boni in petra ? In petra exaltatus, in petra securus, in petra firmiter sto. Securus ab hoste, fortis a casu; et hoc quoniam exaltatus a terra. Anceps est enim et caducum, terrenum omne. 

Conversatio nostra in cœlis sit, et nec cadere, nec dejici formidamus. In cœlis petra, in illa firmitas atque securitas est. Petra refugium herinaciis (Psalmi 103, 18). Et revera ubi tuta firmaque infirmis securitas et requies, nisi in vulneribus Salvatoris ? Tanto illic securior habito, quanto ille potentior est ad salvandum. 

Fremit mundus, premit corpus, diabolus insidiatur : non cado ; fundatus enim sum supra firmam petram. Peccavi peccatum grande: turbabitur conscientia, sed non perturbabitur, quoniam vulnerum Domini recordabor. 

Nempe vulneratus est propter iniquitates nostras (Isaias 53, 5). Quid tam ad mortem, quod non Christi morte solvatur ? 

Si ergo in mentem venerit tam potens tamque efficax medicamentum, nulla jam possum morbi malignitate terreri.

4. Et ideo liquet errasse illum qui ait: Major est iniquitas mea, quam ut veniam merear (Genesis 4, 13). Nisi quod non erat de membris Christi, nec pertinebat ad eum de Christi merito, ut suum præsumeret, suum diceret quod illius esset ; tanquam rem capitis membrum.

Ego vero fidenter quod ex me mihi deest usurpo mihi ex visceribus Domini, quoniam misericordia affluunt; nec desunt foramina, per quæ effluant. Foderunt manus ejus et pedes, latusque lancea foraverunt : et per has rimas licet mihi sugere mel de petra, oleumque de saxo durissimo (Deuteronomium 32, 13) ; id est, gustare et videre quoniam suavis est Dominus (Psalmi 33, 9). Cogitabat cogitationes pacis (Ieremias 29, 11), et ego nesciebam. Quis enim cognovit sensum Domini ? aut quis consiliarius ejus fuit (Romanos 11, 34) ?

At clavis reserans, clavus penetrans factus est mihi, ut videam voluntatem Domini. Quidni videam per foramen ? Clamat clavus, clamat vulnus, quod vere Deus sit in Christo mundum reconcilians sibi. Ferrum pertransiit animam ejus, et appropinquavit cor illius, ut non jam non sciat compati infirmitatibus meis. Patet arcanum cordis per foramina corporis ; patet magnum illud pietatis sacramentum, patent viscera misericordiæ Dei nostri, in quibus visitavit nos oriens ex alto (Lucas 1, 78). Quidni viscera per vulnera pateant ? In quo enim clarius quam in vulneribus tuis eluxisset, quod tu, Domine, suavis et mitis, et multæ misericordiæ? Majorem enim miserationem nemo habet, quam ut animam suam ponat quis pro addictis morti et damnatis.

5. Meum proinde meritum, miseratio Domini. Non plane sum meriti inops, quandiu ille miserationum non fuerit. Quod si misericordiæ Domini multæ, multus nihilominus ego in meritis sum. Quid enim si multorum sim mihi conscius delictorum? Nempe ubi abundavit delictum, superabundavit et gratia (Romanos 5, 20). Et si misericordiæ Domini ab æterno et usque in æternum (Psalmi 102, 17), ego quoque misericordias Domini in æternum cantabo (Psalmi 88, 2). Nunquid justitias meas ? Domine, memorabor justitiæ tuæ solius (Psalmi 70, 16). Ipsa est enim et mea ; nempe factus es mihi tu justitia a Deo. Nunquid mihi verendum, ne non una ambobus sufficiat ? Non est pallium breve, quod, secundum prophetam, non possit operire duos (Isaias 28, 20). Justitia tua, justitia in æternum (Psalmi 118, 142). Quid longius æternitate ? Et te pariter et me operiet largiter larga et æterna justitia. Et in me quidem operit multitudinem peccatorum; in te autem, Domine, quid nisi pietatis thesauros, divitias bonitatis ? Hæ in foraminibus petræ repositæ mihi. Quam magna multitudo dulcedinis tuæ in illis, opertæ quidem, sed in his qui pereunt! Utquid enim sanctum detur canibus, vel margaritæ porcis (Matthæus 7, 6) ? Nobis autem revelavit Deus per Spiritum suum, etiam et apertis foraminibus introduxit in sancta. Quanta in his multitudo dulcedinis, plenitudo gratiæ, perfectioque virtutum !


Référence :

S. Bernard de Clervaux, Sermones in Cantica Canticorum, Sermo LXI, [Sermons sur le Cantique des Cantiques, n° 61], chap. 3-5.

La traduction française est le fait de l’auteur de ce blogue.

mercredi 7 mars 2018

Le tabernacle liturgique, d'après l'abbé Robert Lesage, 1935


Tabernacle en forme d'arche d'alliance, Séminaire de S. Sulpice
Au début de l'ère chrétienne il n'y avait pas de tabernacle . L'idée de conserver le Saint-Sacrement dans les églises ne put venir aux chrétiens qu'après la période des persécutions. Aux époques troublées, les fidèles emportaient chez eux les saintes Espèces et les cachaient dans leurs maisons.

Lorsque l’Église put, sans danger de profanation, avoir une Réserve eucharistique en chacun de ses sanctuaires, elle le fit avec la plus maternelle charité en faveur des malades et des prisonniers.

Sans doute, le lieu et la disposition du coffre où elle conserva ce précieux dépôt varia au cours des siècles. On connut de modestes niches creusées dans le mur de l'abside ou du chœur, l'armarium sacré aux formes diverses ; la tour eucharistique, isolée dans une nef ; la colombe d'or ou d argent qui est encore en usage à Solesmes, à Saint-Julien-le-Pauvre de Paris et en quelques autres sanctuaires. Mais la discipline actuelle [1935] exige que le tabernacle soit scellé au milieu d 'un autel.

Pour la forme et la matière, les artistes jouissent d'une très grande liberté. Le tabernacle peut être carré, rond, hexagonal, octogonal, en forme de tente ou de coffre, d armoire ou d'arche d'alliance, de tour ou de façade d'église. Il peut être de bois — qui est le matériau traditionnel — de pierre ou de marbre, d'or ou d'argent, de bronze ou de tout autre métal. Toute matière solide peut être employée, pourvu qu'elle soit digne de l'Hôte divin. Fermé de tous côtés, sans autre ouverture que la porte, il suffit que le regard ne puisse pénétrer à l'intérieur.

À côté de cette extrême liberté de construction, l’Église demande toutefois de respecter certains principes qui lui sont chers. Il convient que l'artiste les connaisse. Le bon sens et la tradition chrétienne les justifient pleinement ; les livres liturgiques et les décrets de la Congrégation des Rites les ont nettement promulgués.

1° - Il n’y a qu’un tabernacle par église.

Le besoin des malades, pour lesquels l’Église conserve l'Eucharistie après la Messe, n'exige qu'un tabernacle par édifice religieux. Toute paroisse doit avoir cette sainte Réserve, mais en un seul endroit. Bien que les autels secondaires se soient multipliés depuis le Moyen-Âge, afin de faciliter les messes privées, l'unité de l'autel n'en demeure pas moins un principe liturgique. Les Orientaux l'ont jalousement gardé jusqu'à nos jours et la plupart de leurs églises ne possèdent qu'un autel unique. Chez nous, un autel principal occupe toujours le centre de l'église, parce que le Saint-Sacrifice est le centre du culte catholique.

La Réserve étant la prolongation du Sacrifice opéré sur l'autel-majeur, il convient qu'un lieu particulier soit consacré à l'Eucharistie conservée. D'où la distinction de deux autels : le maître-autel où s'accomplit la Messe ; et l'autel de la Sainte Réserve où se prolonge la Messe.

Quant à placer des tabernacles sur d'autres autels, surtout lorsqu'on est certain qu'ils ne serviront jamais, c'est un abus qui vient de l'ignorance. On a cru, à force d'en construire, que le tabernacle était une partie essentielle de l'autel, que celui-ci comme nous l'avons vu dans un ouvrage de vulgarisation, était destiné à supporter celui-là.

Dans une petite église de village, nous avons même compté neuf autels, surmontés d'autant de tabernacles. Or, le curé a toujours été seul, il ne se sert que de l'autel-majeur, et, au prêtre de passage qui lui demande de célébrer dans son église, il n'en offre pas d'autre. Ne pouvons-nous pas conclure que sept autels et sept tabernacles au moins sont absolument inutiles ?

Il va sans dire que certaines circonstances peuvent autoriser à conserver l'Eucharistie à l'autel principal, mais alors, (la loi est formelle), elle ne peut être gardée nulle part ailleurs. Il serait certainement mieux de ne célébrer jamais sans nécessité en présence de la Sainte Réserve.

« Le cérémonial dressé par les papes, dit Mgr de Cormy, nous atteste qu'on a même évité pendant longtemps de célébrer aux autels où la Réserve se trouvait enfermée et il approuve que l'on demeure fidèle à cette délicatesse ».

Dans toutes les cérémonies présidées par un évêque, les règles liturgiques veulent aussi que le Saint-Sacrement ne demeure pas au tabernacle, fût-il habituellement au maître-autel. Dès son arrivée, on conduit le prélat à l'autel de la Sainte Réserve, où il fait quelques instants d'adoration avec ses assistants. Il n'est introduit au chœur qu'après cette pieuse visite.

Le nombre des tabernacles est donc limité dans une même église. On évitera surtout d'en placer sur des autels qui ne servent jamais ; on se gardera encore davantage d'en simuler par un bloc de pierre ou de bois, comme si le milieu de l’ autel devait nécessairement être marqué par une élévation.

L'autel chrétien est une table qui n'a nul besoin de gradins et de tabernacle. Lorsque celui-ci est nécessaire, il doit être bas afin de souligner la ligne horizontale de la table d'autel.

2° - Le tabernacle est un coffre et non un support.

Le respect dû à cette armoire précieuse exige qu'elle ne serve jamais de support à quoi que ce soit. Il est vrai que le ciborium qui couvrait autrefois nos autels et même le baldaquin qui, en France, l'a souvent remplacé, n'existe plus guère. Son usage est tombé en désuétude, bien que les lois liturgiques en aient conservé l'obligation, au moins pour l'autel où se conserve le Saint-Sacrement. Pour exposer solennellement celui-ci, il a donc fallu dresser sur l'autel un trône d'exposition, afin qu'il fût abrité. Rien de plus normal, dans ces conditions, de placer ce trône sur le tabernacle, s'il y en a un. N'est-ce pas le même Seigneur que l'on sort soigneusement du coffre sacré et que l'on dispose plus haut, afin de donner aux fidèles la satisfaction de voir les Apparences sous lesquelles Il se cache ?

Mais il est absolument défendu de laisser ce trône en permanence ; autrement dit, on doit le retirer dès que l'exposition est achevée. Les artistes ne le feront par conséquent jamais de pierre, de marbre ou de toute autre matière lourde. Ils s'efforceront de le construire aussi léger que possible, afin que les clercs ou les employés chargés de le placer et de le retirer puissent accomplir aisément leur fonction et que la loi du moindre effort, que nous connaissons tous, n'y fasse point obstacle.

Le tabernacle n'est pas un support et l’Église défend formellement d'y placer des tableaux, images ou statues, des candélabres, des vases de fleurs, des reliques et même celle de la vraie croix.

Le crucifix, qui doit dominer l'autel et en occuper le centre, doit régulièrement être placé derrière le tabernacle et non dessus. Les deux exemples qui illustrent cet article montrent clairement la position de cette croix d'autel. Tel est l’esprit des lois liturgiques, sinon une prescription formelle. Mais il est interdit d'une façon absolue de placer la croix sous le trône d'exposition, car l'image du divin Crucifié ne peut recevoir les mêmes hommages que sa personne. Or, nous la croyons présente réellement dans l'Eucharistie et l'expositoire amovible lui est spécialement consacrée.

3° - Le tabernacle doit être entièrement voilé.

Tabernacle, église Saint-Julien-le-Pauvre, Paris

Tous les peuples ont employé et emploient des parasols, pavillons et dais portatifs, sous une forme ou sous une autre, pour couvrir et protéger les personnes et certains objets qu'ils reconnaissent dignes de respect et qu'ils veulent honorer.

Le ciborium, auquel nous faisions allusion plus haut, n'avait pas d'autre but : il couvrait l'autel du sacrifice. N'est-il pas naturel d'abriter également le coffre qui contient le Souverain Maître du Temple catholique ? Cela convient d'autant plus que le dit ciborium ou dais est souvent absent.

Le tabernacle a, d'ailleurs, une forme bien particulière, qui ne ressemble en rien aux monuments lourds et pesants qu'on décore aujourd'hui de ce nom. Il suffit qu'ils aient un peu plus de la hauteur des ciboires qu'on veut y conserver.

Certains tabernacles modernes sont d’une hauteur exagérée : ils écrasent la table d’autel et nuisent à sa ligne, nécessairement horizontale, par une élévation massive. Quand nous délivrera-t-on de ces disgracieux blocs de pierre, encastrés dans d'épais gradins ?

Un retour à la conception du tabernacle sera l'unique solution. Une tente, de guerre ou de voyage, est en proportion de ceux qu'elle abrite. Or le tabernacle est avant tout une tente. Le mot tentorium que l'on donne au voile qui l'enveloppe, le mot pavillon, que certains auteurs emploient comme synonyme de conopée, ne prêtent pas à une autre interprétation.

Cette étoffe n'est-elle pas la tente elle-même et le tabernacle, primitivement de bois, n'en est-il pas le bâti, le simple support ?

Toute notre attention devrait donc se porter sur cette tenture, qui fait honneur à celui qu'elle abrite et qui cache aux regards des fidèles le vase sacré ? C'est une loi générale de voiler ainsi tous les vases destinés à recevoir l'Eucharistie : calice, ciboire, etc... L'ostensoir lui-même, qui n'est pourtant pas un vase sacré proprement dit, doit être recouvert d'un rectangle de soie blanche, lorsqu'il ne contient pas les saintes Espèces.

Le conopée est donc le manteau royal de notre Maître. Qui donc oserait l'en priver? On le met dès qu'on dépose la sainte hostie dans le tabernacle et on le retire lorsque celle-ci en est ôtée. Il sera le signe authentique, le seul signe de la présence réelle. Beaucoup mieux que les lampes, dont reliques, statues et icônes saintes peuvent recevoir l'honneur, le conopée marquera avec certitude que l'Hôte divin est là.

L'obligation de cette enveloppe ne peut faire aucun doute, puisque plusieurs décrets de la Congrégation des Rites l'ont expressément rappelée. L'usage contraire ne peut être conservé. Aucune décoration, même précieuse, ne peut en dispenser, et, comme ce conopée peut aussi bien être de lin ou de chanvre que de soie, de laine ou de coton que de drap d'or ou d'argent, la pauvreté de l'église ne peut être invoquée pour s'en exempter.

Un orfèvre sans religion pourrait sans doute regretter que son œuvre fut ainsi vouée à une obscurité définitive. Nous ne saurions le blâmer. Mais l'artiste chrétien, qui croit en la présence du Prisonnier volontaire, se réjouit au contraire d'avoir œuvré, pour Lui seul, une demeure précieuse. Pour lui, ce manteau d'honneur qui le cache aux yeux de la foule et que soutient le marbre immaculé fouillé par son ciseau ; pour Lui seul, ces ornements de bronze ou d'or qui courent autour du pavillon royal ; pour Lui seul, cette porte ciselée, martelée, où triomphe le monogramme du Christ ; pour Lui seul, cette étoffe de soie blanche ou ces panneaux dorés qui ornent l'intérieur de son petit palais.

Référence

Abbé Robert Lesage, « Le Tabernacle liturgique », in L’Art sacré, n°1, juillet 1935, p. 26-27.

L'auteur était le cérémoniaire du cardinal-archevêque de Paris, Jean Verdier (1929-1940).

jeudi 15 février 2018

Ce Jésus...

 
Salvator Mundi, Léonard de Vinci, v. 1500


Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu'il n'a rien épargné, jusqu'à s'épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par les irrévérences [manques de respect] et les sacrilèges, par les froideurs et les mépris qu'ils ont pour moi dans ce Sacrement d'amour. 

[Jésus à Marguerite Marie Alacoque (juin 1675)]

 (...) le cœur de Jésus, dont tous les mouvements, tous les sentiments ont été pour notre salut, qui a été triste jusqu'à la mort à la vue de l'ingratitude des hommes, qui a été percé pour nos crimes, qui palpite encore d'amour pour nous, et qui est toujours ouvert pour nous recevoir et nous pardonner !

(...) comment ne pas aimer le cœur d'un Dieu dont l'amour immense l'a porté à s'abaisser jusqu'à se faire homme, à mourir pour nous sur une croix, à s'unir à nous dans le Sacrement de l'autel, et cela, quoiqu'il vît d'avance les mépris et les outrages que les hommes ingrats opposeraient à tant d'amour !... 

Oui, c'est ce Jésus qui est venu éclairer, sanctifier, et sauver le monde, ce Jésus qui eut tant de miséricorde pour les pécheurs, tant de compassion pour les malheureux, qui partagea toutes nos misères pour soulager toutes nos douleurs ; ce Jésus qui a passé, en faisant du bien à tous et ne faisant de mal à personne, et qui serait encore le plus grand des sages et le premier des bienfaiteurs de l'humanité, s'il n'en était pas le Sauveur et le Dieu ; ce Jésus, en un mot, dont les charmes divins, les vertus et les bienfaits devraient ravir les hommes, comme ils ravissent les anges ; c'est ce Jésus qui est indignement méconnu et persécuté sur la terre, où l'on rend à son cœur la haine pour l'amour, et les outrages pour les bienfaits ; ce qui lui arrachait cette plainte touchante : 

« Ils m'ont haï (...) [gratuitement] »

ʿʿodio habuerunt me gratisʾʾ
 
[Jean 15, 25]



Référence

Instruction abrégée sur la dévotion au Sacré Cœur de Jésus, J. J. Blaise l'aîné, librairie, Paris, 1821, p. 5-6 et p. 10-11.

L'orthographe a été modernisée.