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samedi 29 juillet 2017

Le vrai sens de la liberté et en particulier de la liberté religieuse, selon le Bienheureux Paul VI, 1971


Audience publique, 18 août 1971
 
 
Le Bienheureux Paul VI - Portrait officiel
 

 
Chers Fils et Filles,


Nous avons déjà réfléchi ensemble sur les multiples enseignements du Concile. 
 
Rappelons, aujourd’hui, à votre attention les documents de Vatican II consacrés à la liberté religieuse (Dignitatis Humanæ), ce don naturel qui rend l’homme maître et responsable de ses propres actions.

Que de choses ont été dites et écrites à propos de la liberté ! 
 
Elle a été tantôt exaltée, revendiquée, tantôt niée, ramenée même à une illusion psychologique, victime d’un déterminisme implacable.

Dans tous les domaines de l’activité humaine, et surtout dans les milieux politiques, elle est une valeur inestimable que l’on veut sauvegarder à tout prix, mais que l’on n’hésite pas à réfuter par des systèmes de répression les plus variés. 
 
La liberté représente l’un des thèmes les plus prenants de la culture moderne, domaine où les hommes sont censés prendre position, mais où, hélas, ils finissent par se séparer plutôt que de s’unir dans cette marche vers le progrès historique et spirituel de la civilisation.

Quel est en réalité le véritable sens du mot « liberté » ? 
 
Il indique : maîtrise de soi, pouvoir d’option, autonomie (Liberum est quod causa sui est [: « Est libre ce qui est la cause de soi »], S. Thomas d'Aquin, Somme théologique, première partie, question 83, article 1 ; cf. Siracide 15,14 [: « Au commencement il a créé l'homme, et il l'a laissé dans la main de son conseil »]), et en appelle à la volonté

Tandis que l’intelligence est liée à la connaissance, la volonté l’est à l’action ; mais, si elle veut être humaine et non pas esclave des instincts, c’est dans la raison qu’elle doit motiver son choix et ce dernier sera alors orienté vers le bien (cf. Jean 8,32 ; S. Thomas d'Aquin, Somme théologique, deuxième partie de la première partie, question 17, article 1, ad 2). 

La liberté ne constitue pas une fin en soi ; elle nous guide dans la recherche des valeurs essentielles du Bien absolu et de notre bien.

Cette analyse psychologique du rapport raison-volonté revêt une extrême importance et mérite d’être approfondie afin que l’on puisse découvrir l’une des tares dont nous a marqués le péché originel. Le lien étroit entre raison et volonté n’est pas des plus parfaits, notre pensée et notre action ne sont pas toujours cohérentes (cf. Romains 7,15).

Nous voudrions, ici, analyser le processus par lequel la grâce pénètre mystérieusement dans notre âme, afin d’éveiller notre esprit, nos connaissances, d’orienter et d’affermir notre volonté, tout en gardant le profond respect de la liberté humaine : c’est là l’un des problèmes les plus complexes de la théologie ; S. Augustin lui a consacré des pages admirables.


L’usage extérieur de la liberté

Mais ce qui retient, aujourd’hui, notre attention, ce n’est pas cette délicate introspection de la liberté ; c’est plutôt l’usage extérieur, social et politique que l’on en fait. 
 
La liberté est pour certains un dogme, pour d’autres un danger. La marche vers l’épanouissement de cette liberté est parsemée d’obstacles. 
 
Un idéalisme noble et courageux — qui est d’ailleurs proche de notre pensée — pousse l’homme à la destruction de tout ce qui est susceptible d’arrêter le développement de sa personnalité et de son activité : esclavage, absence de droits civils, misère, ignorance. Bien des hommes, au courage lucide, luttent de nos jours pour cette cause. 
 
Mais il nous est tout aussi facile de constater que, parfois, l’usage de la liberté engendre le désordre : répression, désintégration de la communauté, etc. 
 
Si, sous prétexte de liberté, nous agissons à notre guise, nous verrons alors la décadence de la société et l’ordre moral laisser la place à la violence des instincts et des passions. 
 
C’est là que surgit, la contestation par l’Église des principes du libéralisme, dont elle reconnaît certains aspects positifs. 
 
Elle le condamne : 
 
- pour son agnosticisme à l’égard du transcendant ; 
 
- pour son optimisme quant à la valeur d’une lutte inévitable, où triomphe trop souvent la violence des forts surtout dans les domaines économiques et sociaux, 
 
- pour son naturalisme qui, aux dépens de la morale, favorise l’indifférence théorique à l’égard des souffrances du prochain
 
- Le Magistère condamne enfin le libéralisme pour son refus instinctif des lois, cause d’agitation sociale et source de révolution et de totalitarisme.


Les enseignements du Concile

Malgré cela, l’Église « a choisi la liberté ». Le Concile a voulu reconnaître à l’homme cette prérogative essentielle qu’est la liberté. 
 
La raison profonde de la liberté de l’homme réside encore dans sa dignité : La vraie liberté est en l’homme un signe privilégié de l’image divine. Car Dieu a voulu le « laisser à son propre conseil (Siracide 15,14) pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à lui, s’achever ainsi dans une bienheureuse plénitude » (Gaudium et Spes, n° 17). Privons l’homme de sa libre adhésion à Dieu et nous ôtons tout sens à sa liberté. 
 
De plus, les hommes ne doivent subir aucune contrainte de la part de l’État dans leur rapport avec Dieu, le domaine religieux ne relevant pas de la compétence des autorités civiles. C’est, là, le principe fondamental du Décret Conciliaire sur la liberté religieuse. 
 
Nous vous exhortons à faire bon usage de cette liberté : depuis toujours et aujourd’hui plus clairement encore, l’Église Catholique ne cesse de la prêcher et invite ardemment les chrétiens à accorder à la foi la place primordiale qui lui revient, en allant, s’il le faut, jusqu’au sacrifice de leur propre vie
 
Certes, nous savons bien qu’en ce qui concerne cette conception de la liberté, nombre de pages de l’histoire de l’Église méritent réserves et explications. Elles relèvent d’un contexte historique plus attentif à la mentalité de l’époque qu’aux valeurs de l’Évangile.


Conscience et responsabilité

Réjouissons-nous d’un nouvel enseignement, plus conforme à l’esprit du Christ
 
Veillons à ce que la liberté, ce bien si précieux, demeure toujours le reflet de Dieu en nous. La conscience doit être son guide, il est vrai, mais que cette conscience soit éclairée par les véritables valeurs divines et humaines : la vérité nous rend libres
 
La liberté elle, doit pouvoir s’exercer sans entraves, mais le bien doit être son but ; c’est ce que nous appelons sens de responsabilité et du devoir
 
La liberté est un privilège personnel mais elle n’en doit pas moins respecter les droits d’autrui. Elle ne peut se séparer de la charité qui, 
 
- non seulement nous soumet aux pouvoirs civils (cf. Romains 1,7) 
 
- mais nous interdit même ce qui est licite, dans la mesure ou il peut porter atteinte à notre prochain : la charité nous dépouille de tout égoïsme et transforme notre liberté personnelle en offrande à Dieu et en amour d’autrui. 
 
Avec notre Bénédiction Apostolique.
 
 
RemarqueLa mise en forme du texte est le fait de l'auteur de ce blogue, afin de mieux faire apparaître la structure de la pensée du Saint-Père.
 

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