La Passion du Christ vécue par l’Église
Chers
Fils et Filles,
Ces
jours-ci sont pour vous, chers visiteurs, des jours de repos, de
distraction, de fête ; vous venez à Rome durant cette semaine, et
profitez, pour la plupart, des vacances scolaires ou professionnelles
qui vous sont accordées à l'occasion de Pâques.
Mais si vous
voulez, comme le démontre votre présence à cette audience,
participer quelque peu à l'état d'âme de l'Église durant cette
semaine qui précède la célébration du plus grand événement de
l'histoire et du destin de l'humanité, c'est-à-dire la résurrection
du Seigneur Jésus, vous trouverez l'Église non en fête, mais tout
entière plongée dans une méditation grave et douloureuse, celle de
la Passion du Christ, de ses souffrances ineffables, de sa Croix, de
sa mort.
Méditation très douloureuse, car elle oblige son esprit à
voir dans le Christ — le premier-né de l'humanité (cf. Romains 8,29
; Colossiens 1,15) — les mystères les plus obscurs et les plus révoltants,
et cependant très réels, ceux de la douleur, du péché, de la
mort. Cette méditation ne se fait pas seulement en référence à
Jésus et à l'inconcevable tragédie de la fin de sa vie terrestre,
mais aussi en référence à nous, à chacun de nous, dans un rapport
direct et inévitable au point de répéter et même de renouveler
d'une façon mystique en nous ce drame infini jusqu'à ce que nous le
saisissions — dans la mesure de nos possibilités — comme le
drame par excellence, le sacrifice de l'agneau de Dieu. Il est
encore le sacrifice de l'amour
incomparable du Christ pour nous, et en même temps comme la
source très aimée de notre destinée, c'est-à-dire de notre
Rédemption.
Fils
très chers, comprenez-Nous (cf. 2 Corinthiens 1,2).
L'Église, dans cette
liturgie mystérieuse, est prise d'une immense peine. Elle rappelle,
elle répète dans ses rites, elle revit dans ses sentiments la
Passion du Christ. Elle-même en prend conscience, en souffre, en
pleure. Ne troublez pas son deuil, ne détournez pas sa pensée, ne
vous moquez pas de son remords, ne prenez pas son angoisse pour de la
folie. Vous aussi, accompagnez de votre silence son cri de douleur ;
plaignez-la ; honorez-la de votre participation à son affliction
spirituelle.
À
cette invitation, que chaque fidèle ressent dans son cœur en cet
instant solennel et rempli d'amertume, « dies magna et amara
valde », comme le chante la liturgie avec une émotion toute
lyrique, Nous pouvons ajouter deux considérations.
La
Croix au centre du christianisme
La
première, comme il est de coutume dans nos rencontres hebdomadaires,
nous ramène aux enseignements du Concile.
On
a très justement noté qu'à partir du Concile s'est diffusée dans
l'Église et dans le monde une vague de sérénité et d'optimisme ;
un christianisme réconfortant et positif, pourrions-Nous dire ; un
christianisme ami de la vie, des hommes, des valeurs terrestres même,
de notre société, de notre histoire.
Nous
pourrions presque voir dans le Concile une intention de rendre le
christianisme acceptable et aimable, un christianisme indulgent et
ouvert, dépouillé de tout rigorisme médiéval, et de toute
interprétation pessimiste sur les hommes, leurs habitudes, leurs
transformations et leurs exigences. Ceci est vrai.
Mais
prenons garde. Le Concile n'a
pas oublié que la Croix se trouve au centre du christianisme.
Lui aussi s'est montré rigoureusement fidèle à la parole de saint
Paul : « Que ne soit pas réduite à néant la Croix du Christ » (1
Corinthiens 1,17) ; lui aussi, comme l'Apôtre, s'est dit à lui-même : « Je
n'ai rien voulu savoir parmi vous, sinon
Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié » (1 Corinthiens 2,2).
Nous
pourrions rappeler combien les pages conciliaires sont empreintes des
grandes lignes théologiques, mystiques et ascétiques destinées à
associer les fidèles à la Passion
du Seigneur (que l'on regarde par exemple, dans la grande
constitution dogmatique sur l'Église Lumen gentium les numéros 7,
8, 11, 34, 49...) ; que cette citation suffise : « Comme c'est dans
la pauvreté et la persécution que le Christ a opéré la
Rédemption, l'Église elle aussi
est donc appelée à entrer dans cette même voie pour communiquer
aux hommes les fruits du salut... » (ib., n°8).
La
Passion se renouvelle dans la vie de l'Église
Ici
se présente à notre esprit une deuxième considération qui dérive
de la première, c'est-à-dire du
rapport qui existe entre le Christ souffrant et son Église, entre la
Tête et le Corps mystique, entre l’Évangile de la Passion du
Seigneur et l'histoire douloureuse de l'Église,
- non seulement par le
témoignage qu'elle Lui rend par son enseignement et sa prédication
;- non seulement par l'imitation que l'exemple héroïque et généreux du Christ imprime sur les chrétiens, les poussant à Le suivre (cf. Abelard) ;
- non seulement par la communication sacramentelle qui confère à chaque fidèle une assimilation mystique à la mort et à la résurrection du Seigneur (cf. Romains 6,3) ;
- mais d'une certaine manière, elle se renouvelle, se reproduit, se répète ;
• et non seulement dans
chacun des disciples du Christ (cf. Colossiens 1,24) : « Je complète en ma
chair, dit saint Paul, ce qui manque aux épreuves du Christ »),
• mais dans l'Église
entière, considérée comme communauté, comme ensemble des membres
du Christ, comme sa vie prolongée dans l'histoire et ainsi
perpétuée.
Cette
Passion se perpétue et dure encore. Et dans cette période de
Pâques, l'Église, plus qu'à tout autre moment, prend conscience de
ses douleurs, les sent, les subit, les accepte humblement, cherche à
les sanctifier, et à en tirer la preuve de son identité au Christ
Seigneur et Maître, de son amour désireux de confondre ses propres
peines avec celles du Crucifié (cf. le thème revenant sans cesse
dans le « Stabat Mater ») ; elle cherche enfin à transformer
ses propres défaites en mérites de pénitence, de purification, de
rédemption, de plus grande vertu, de plus grand courage, de plus
grande espérance.
Les
souffrances actuelles de l'Église
En
est-il ainsi ? L'Église souffre-t-elle aujourd'hui ? Fils, Fils très
chers ! Oui, aujourd'hui l'Église est en proie à de grandes
souffrances ! mais comment ? Après le Concile ? Oui, après le
Concile ! Le Seigneur la met à l'épreuve.
-
L'Église souffre, vous le savez, de l'opprimant manque de liberté
légitime dans tant de pays du monde.
-
Elle souffre à cause de l'abandon de la part de tant de catholiques
de la fidélité que mériterait une tradition séculaire, et
que l'effort pastoral plein de compréhension et d'amour devrait
obtenir.
-
Elle souffre surtout du soulèvement
inquiet, critique, indocile et démolisseur de tant de ses fils, les
préférés — prêtres, enseignants, laïcs, dédiés au
service et au témoignage du Christ vivant dans l'Église vivante —,
• contre sa communion intime
et indispensable,
• contre son existence
institutionnelle,
• contre ses normes
canoniques, sa tradition, sa cohésion interne ;
• contre son autorité,
principe irremplaçable de vérité, d'unité, de charité;
• contre ses propres
exigences de sainteté et de sacrifice (cf. Louis Bouyer, La
décomposition du catholicisme, 1968).
-
Elle souffre par la
défection et le scandale de certains ecclésiastiques et religieux
qui crucifient aujourd'hui l'Église.
Fils
très chers, ne Nous refusez pas votre solidarité spirituelle et
votre prière. Ne vous laissez pas prendre par la peur, par le
découragement, par le scepticisme, et encore moins par le mimétisme
qui aujourd'hui détruit, par la suggestion des moyens de
communication sociale, tant d'esprits fragiles et impressionnables,
et parfois aussi des esprits forts et jeunes. Mais souffrez et aimez
avec l'Église. Avec l'Église, travaillez et espérez, et que vous
réconforte Notre Bénédiction Apostolique, avec Notre meilleur et
plus joyeux souhait de Pâques.
Source : http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/es/cub.htm
Remarque : La mise en forme du texte est le fait de l'auteur de ce blogue, afin de mieux faire apparaître la structure de la pensée du Saint-Père.
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