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samedi 29 juillet 2017

Le renouveau de l'Église doit se faire dans la fidélité à sa tradition authentique et autorisée, selon le Bienheureux Paul VI, 1970






Audience publique du 12 août 1970

Le Bienheureux Paul VI - Portrait officiel


Chers fils et filles,

La religion ? Il faut la renouveler. C'est la conviction de tous ceux qui s'en occupent encore aujourd'hui, qu'ils soient à l'extérieur de son expression concrète — une foi, une observance, une communauté — ou qu'ils soient au contraire à l'intérieur d'une profession de foi, d'une discussion religieuse. 

 
Toute la question est de savoir ce que l'on entend par renouvellement ! Il faut renouveler sa propre conscience religieuse. C'est plutôt là une question qu'une objection, mais c'est une question polymorphe, polyvalente, c'est-à-dire qu'elle se présente sous des aspects très divers, avec des principes, des méthodes de travail des conclusions. différentes et facilement opposées entre elles. 

Le renouveau religieux peut être conçu comme : 

- un processus continu de perfectionnement

- ou comme un processus expéditif de dissolution

- ou encore comme une tentative de nouvelle interprétation, selon des critères donnés.


La religion est vie

Le thème est actuel. Nous avons tous accueilli la parole prestigieuse de « aggiornamento », comme un programme : programme du concile et de l'après-concile, programme personnel et communautaire. 

Signe évident que, justement au cœur de l'orthodoxie, doivent agir comme un ferment vital (cf. Matthieu 13, 33), 

- l'impulsion d'une nouvelle vie, 

- la respiration animatrice de la conscience, 

- la tension morale,

- l'expression actuelle et, comme l'amour, toujours originale.

La religion est vie et, comme notre vie biologique, elle doit être subjectivement en un continuel renouvellement, une continuelle purification, un continuel accroissement

Toute la discipline de l'esprit nous le rappelle ; S. Paul ne cesse de le répéter « l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour » (2 Corinthiens 4,16) ; « dépouiller le vieil homme, qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes, pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement et revêtir l'homme nouveau » (Éphésiens 4,22-23), « nous grandirons de toutes manières vers celui qui est la tête (le Christ) » (Éphésiens 4,15), toujours « en progressant dans la science de Dieu » (Colossiens 1,10), etc.

Ces exhortations incessantes constituent bien des éléments de ce que nous offre la vision originelle du fait religieux ; 

- elles signifient qu'il naît d'un minuscule commencement et qu'il doit se développer : rappelez-vous la parabole du semeur (Lu 8,5 ; Luc 8,11) ; 

- elles signifient que lui aussi est sujet aux décadences et aux perversions : rappelez-vous la polémique du Christ avec les Pharisiens (Mt 23,14) ; 

- qu'il a souvent besoin de réformes, et toujours de perfectionnement, et qu'il atteindra sa plénitude dans la vie future seulement

Tout cela est bien connu des disciples de la Parole divine, de l'école de la liturgie et de la vie ecclésiale. Donc volontiers nous acceptons l’« aggiornamento », et nous cherchons à en interpréter la signification et à en accueillir les conséquences rénovatrices.  

Primo dans l'intérieur des âmes (Éphésiens 4,23), et ensuite, si c'est nécessaire, dans les lois extérieures.


Le changement n'est pas un but en soi


Mais ce renouveau n'est certes pas sans danger

Le premier danger est celui du changement, voulu pour lui-même, ou en hommage au transformisme du monde moderne, du changement incompatible avec la tradition de l'Église, à laquelle on ne peut renoncer.

L'Église est la continuité du Christ dans le temps. Nous ne pouvons nous séparer d'elle, de même qu'une branche, qui veut s'épanouir dans les fleurs nouvelles du printemps, ne peut se détacher de la plante, de la racine, d'où elle tire sa vitalité. 

C'est un des points capitaux de l'histoire contemporaine du christianisme, un point décisif : ou dans l'adhésion fidèle et féconde avec la tradition authentique et autorisée de l'Église, ou dans la séparation mortelle. 

Le contact normal avec le Christ ne peut se faire pour celui qui veut s'accrocher à Lui selon des chemins qu'Il a lui-même choisis, en créant un vide doctrinal et historique entre l'Église présente et l'annonce primitive de l'Évangile

« L'esprit souffle où il veut » (Jean 3,8), bien sûr, le Seigneur l'a dit, mais le Seigneur a lui aussi institué un fil conducteur : « Recevez l'Esprit Saint » a-t-il dit après sa Résurrection à ses disciples, « ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jeann 20,23). 

Le Christ, certainement, demeure l'unique source, l'unique « vraie vigne », mais sa vie nous atteint à travers les branches vitales issues d'elle (cf. Jean 15,1 sq ; Luc 10,16).
L'Église n'est pas un rideau de séparation, qui met une distance, un obstacle dogmatique et légal entre le Christ et son disciple du XXe siècle

- Elle est le canal, le véhicule, le développement normal qui unit ; 

- elle est la garantie de l'authenticité, du voisinage de la présence du Christ parmi nous. « Je suis avec vous », a dit le Christ en prenant congé des Onze et en ouvrant devant eux la succession des temps «jusqu'à la fin du monde » (Matthieu 28,20).
On ne peut imaginer un christianisme nouveau pour le renouveler, il lui faut être tenacement fidèle

Et cette stabilité dans l'être, avec sa continuité dans le mouvement et sans le développement, cette cohérence existentielle, propre à tout vivant, ne peut pas être qualifiée de réactionnaire, d'obscurantiste, d'archaïque, de sclérosée, de bourgeoise, de cléricale, ou de n'importe quel titre méprisant, comme le fait pourtant une certaine littérature moderne, à cause de la phobie du passé, de la méfiance devant tout ce que le magistère de l'Église présente comme objet de foi. 

La vérité est ainsi : elle demeure. La Réalité divine, qui y est contenue, ne peut être modelée selon le bon plaisir d'un chacun, elle s'impose

Tel est le mystère ; celui qui a le privilège d'y entrer par la foi et la charité en jouit avec délices, il a une certaine expérience ineffable de l'effusion de l'Esprit Saint.


Progresser, oui ; démolir, non


Quelqu'un posera la question : mais alors il n'y a plus rien à renouveler ? L'immobilisme devient la loi ?

Non, la vérité demeure, mais elle est exigeante, il faut la connaître, l'étudier, la purifier dans ses expressions humaines : quel renouveau tout cela comporte ! 

La vérité demeure mais elle est féconde, personne ne peut dire l'avoir totalement comprise et définie dans les formules qui restent cependant intangibles dans leur signification ; elle peut présenter bien des aspects qui méritent la recherche ; elle projette sa lumière sur des domaines divers, qui intéressent le progrès de notre doctrine.

La vérité demeure, mais elle a besoin d'être traduite, formulée selon la capacité de compréhension de ses disciples, et ceux-ci sont des hommes d'âges différents, de cultures et de civilisations diverses. 

La religion admet donc un perfectionnement, un accroissement, un approfondissement, une science toujours tendue dans l'effort sublime d'une meilleure compréhension, ou d'une formulation plus heureuse.
Pluralisme alors ? 

Oui, un pluralisme qui tienne compte des recommandations du Concile (Optatam totius, n°16 ; Gravissimum Educationis, n° 7 et 10) et dans la mesure où il se réfère aux modes par lesquels les vérités de la foi sont énoncées, et non à leur contenu, comme l'a affirmé avec tant de force et de clarté notre vénéré prédécesseur le pape Jean XXIII, dans son célèbre discours d'ouverture du Concile (cf. Acta Apostolicae Sedis, 1962, p. 790, p. 792), en référence, tacite mais évidente, à la formule classique du Commonitorium de S. Vincent de Lérins (mort en 450) : 

 « Les vérités de la foi peuvent être exprimées de différentes manières, mais « avec la même signification » (Denzinger-Schönmetzer n° 2802). 

Le pluralisme ne peut engendrer de doutes, d'équivoques, de contradictions ; il ne doit pas légitimer un subjectivisme d'opinions en matière dogmatique, qui compromettrait l'identité et donc l'unité de la foi.

Progresser, oui, enrichir la culture, favoriser la recherche ; mais démolir, non.

Nous aurions tant d'autres choses à dire sur le thème du renouveau religieux, sur le progrès théologique, par exemple, sur les relations entre la doctrine religieuse et le milieu, soit historique, soit culturel (thème aujourd'hui très ressenti et très délicat), sur les enseignements moraux de l'Église et les mœurs changeantes des hommes, etc. 


Mais que suffise cette fois l'accent mis sur ce grand thème du renouveau religieux, afin qu'il soit lui aussi l'objet de votre réflexion stimulante, et qu'il vous fasse apprécier l'effort que l'Église est en train de faire ces temps-ci avec une grande fidélité et une bonté pastorale, afin de donner à la foi une protection jalouse et une ouverture aimante. Et aussi pour que ne manquent pas aux maîtres de la foi, évêques, théologiens, catéchistes, votre adhésion et votre reconnaissance. 

Avec notre Bénédiction Apostolique.


Remarque : La mise en forme du texte est le fait de l'auteur de ce blogue, afin de mieux faire apparaître la structure de la pensée du Saint-Père.

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