Eugenio Pacelli, dit Pie XII (1876-1958) |
Le
6 octobre [1940], environ 20 000 jeunes filles appartenant à la
Jeunesse féminine italienne d'Action catholique étaient rassemblées
dans la cour Saint-Damase pour offrir leurs dons au Souverain Pontife
et recevoir sa bénédiction.
Vivement
ému, le Pasteur suprême prodigua à la vibrante assemblée ses
directives et ses encouragements dans le discours que voici :
(…)
4.
— Linge d'autel, nappes d'autel, ces fins travaux sont sortis
blancs et purs de vos mains ; blancs et purs ils serviront aux saints
mystères qui ne supportent pas de contact impur. Regardez l'autel et
le tabernacle : l'un entièrement recouvert d'une nappe de lin
retombant sur les deux côtés ; l'autre voilé du conopée.
Vous
donc qui revêtez si pieusement l'autel et la demeure de
Jésus-Christ, n'oubliez jamais que vous portez Dieu en vous par la
grâce qui revêt votre âme ; n'oubliez pas que cette divine
présence fait, non seulement de votre âme, mais aussi de votre
corps, un temple saint.
« Ne savez-vous pas, écrivait l'apôtre
saint Paul dans sa première lettre aux Corinthiens, que vos corps
sont les membres du Christ ?... Ne savez-vous pas que vos membres
sont le sanctuaire de l'Esprit Saint, qui habite en vous, auquel vous
appartenez de la part de Dieu, sans plus vous appartenir à
vous-mêmes ? » (1 Corinthiens 6,15 et 19)
La
pensée consciente de cette inhabitation divine, de cette
incorporation au Christ, a fait naître et a développé à travers
les siècles chez les peuples dociles à l’Évangile un religieux
respect du corps qui se traduit dans un ensemble d'arrangement de la
personne, des manières, du maintien, des paroles sagement réglées
et mesurées : la modestie.
Et
dès le commencement de l’Église le même apôtre voulait que les
femmes portassent le voile dans les réunions sacrées et disait dès
lors aux Corinthiens :
« Jugez-en donc par vous-mêmes : convient-il
à la femme de prier Dieu la tête découverte ?... C'est une gloire
pour la femme d'entretenir sa chevelure ; parce que les cheveux lui
ont été donnés par manière de voile. » (1 Corinthiens 11,13 et
15)
Vous
avez inscrit cette année en tête de vos projets et de vos
initiatives la grande croisade de la pureté, cette pureté dont la
gardienne est la modestie. Comme la nature a mis en chaque créature
un instinct qui la pousse et la porte à défendre sa propre vie et
l'intégrité de ses membres, ainsi la conscience et la grâce qui ne
détruit pas mais perfectionne la nature, infusent dans les âmes
comme un sens qui les met en garde vigilante contre les dangers qui
menacent leur pureté.
Cela
est spécialement caractérisé chez la jeune fille chrétienne. On
lit dans la Passion des saintes Perpétue et Félicité, considérée
à bon droit comme un des plus précieux joyau de l'ancienne
littérature chrétienne, que, lorsque dans l'amphithéâtre de
Carthage la martyre Vibia Perpétue lancée en l'air par une vache
très féroce retomba dans l'arène, son premier soin et son premier
geste furent de rajuster sa tunique, qui s'était déchirée, sur le
flanc pour le recouvrir, plus attentive encore à la pudeur qu'à la
douleur, pudoris potius memor quam doloris.
...
et de la modestie.
Mode
et modestie devraient bien aller et marcher ensemble comme deux
sœurs, puisque les deux mots ont la même étymologie, du latin
modus qui veut dire juste mesure, en deçà et au-delà de
laquelle ne peut se trouver le juste ou le raisonnable (Horace,
Sermones [Satires] I, 1, 106-107).
Mais
la modestie n'est plus de mode ! Semblable à ces pauvres aliénés
qui, ayant perdu l'instinct de la conservation et la notion du
danger, se jettent dans le feu ou dans les fleuves, bien des âmes
féminines, oublieuses dans leur ambitieuse vanité de la modestie
chrétienne, courent misérablement au-devant des dangers où leur
pureté peut trouver la mort. Elles subissent la tyrannie de la mode,
même immodeste, d'une manière telle qu'elles paraissent n'en
même plus soupçonner l'inconvenance ; elles ont perdu le sens
même du danger, l'instinct de la modestie.
Aider
ces malheureuses à reprendre conscience de leurs devoirs sera votre
apostolat, votre croisade au milieu du monde : « Que votre modestie
paraisse à tous les regards » (Philippiens 4,5).
Votre
apostolat agira avant tout par l'exemple. Il appartiendra à votre
très aimée présidente, à vos sages dirigeantes de vous apprendre
comment, avant de porter un vêtement vous devez demander à votre
conscience de quelle façon le jugera Jésus-Christ ; de vous avertir
qu'avant d'accepter une invitation, vous devez considérer si votre
invisible et céleste ange gardien pourra vous suivre en semblable
rendez-vous sans se couvrir la face de ses ailes. Elles vous
indiqueront quels spectacles, quelles compagnies, quelles plages vous
devez éviter ; elles vous montreront comment une jeune fille peut
être moderne, cultivée, sportive, pleine de grâce, de naturel et
de distinction, sans se plier à toutes les vulgarités d'une mode
malsaine, conservant un visage qui ignore les artifices comme l'âme
dont il est le reflet, un regard sans ombres ni intérieures ni
extérieures, mais à la fois réservé, sincère et franc.
Pour
la défense, généreusement active, de votre pureté, Nous vous
recommandons par-dessus tout la prière et d'une façon spéciale le
culte de la sainte Eucharistie et de la Vierge immaculée à laquelle
vous êtes consacrées.
Dans
l'Eucharistie vous trouverez Dieu qui est la pureté même, parce
qu'Il est l'infinie perfection quand Il se donne à vous. Il Nous
plaît de répéter les paroles du prophète — comme « le froment
des élus et le vin qui fait germer les vierges » (Zacharie 9,17),
Notre-Seigneur « qui est le resplendissement de la lumière
éternelle et le miroir sans tache » (Sagesse 7,26) purifie votre
âme et ses facultés, votre corps et ses sens. Plus une créature
s'approche de Dieu et s'unit à Lui, plus elle est pure : plus elle
aspire vers la pureté, plus elle tend vers l’Être infiniment pur.
Quand
le Verbe voulut s'incarner et naître d'une femme, il jeta son regard
sur la créature la plus idéalement parfaite ; une enfant dans la
grâce de sa virginité. Après qu'à cette grâce vint s'ajouter,
par un miracle unique, celle de la maternité divine, elle apparut
d'une si sublime beauté que les artistes, les poètes, les saints
tentèrent ardemment, mais toujours en vain, d'en faire le portrait.
L’Église
et les anges la saluent des noms de Reine et de Mère ; les titres
dont la piété des fidèles a ceint son front comme d'un diadème
aux mille feux ou rayons, sont innombrables. Mais entre tous ces noms
et titres de gloire, il en est un qui lui est particulièrement cher
et qui suffit à la désigner : la Vierge.
Puisse
cette Vierge des Vierges, Marie, Reine du très saint Rosaire, être
votre modèle et votre force, dans toute votre vie de jeunes
catholiques et spécialement dans votre croisade de la pureté.
Avec
ce souhait et comme gage de sa protection maternelle et des plus
abondantes grâces divines, de tout cœur Nous donnons à vous, et
aussi aux personnes, aux œuvres, aux saintes entreprises pour
lesquelles vous l'avez demandée, Notre Bénédiction apostolique.
Référence
Pie XII,
Allocution aux jeunes filles de l'Action catholique,
6 octobre 1940.
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