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mardi 17 juillet 2018

Le droit et le devoir de surveillance et de contrôle des parents vis-à-vis de leur enfant


Le droit de surveillance permet, et impose également aux parents de surveiller les fréquentations de leur enfant, qu’elles soient physiques ou virtuelles. 

Quel que soit l’âge de celui-ci, on ne saurait invoquer le droit à la vie privée du mineur pour empêcher cette surveillance qui peut tout à fait consister à surveiller les relations de l’enfant qu’elles soient téléphoniques, par Internet ou physiques

Ce droit de surveillance donne ainsi, au moins en théorie, au parent le droit d’interdire au mineur d’avoir des relations sexuelles, et ce même s’il a plus de 15 ans (1). 

Par ailleurs, le Code pénal réprime l’atteinte sexuelle sans violence sur mineurs de moins de quinze ans (art. 227-25 du Code pénal) et lorsqu’elles sont commises sur des mineurs de plus de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur le mineur (art. 227-26 du Code pénal) ([Adeline] Gouttenoire, 2011, p. 431). 

Selon la jurisprudence, exercent notamment un oncle par alliance de la victime à qui celle-ci avait été confiée par ses parents, le mari d’une institutrice assistant celle-ci dans ses fonctions, le concubin de la mère qui partage avec elle son habitation, le directeur d’un centre d’accueil pour jeune en difficulté. 

Un parent peut interdire et dénoncer les relations sexuelles qu’un adulte entretiendrait avec son enfant lorsqu’elles s’inscrivent dans une des hypothèses visées par le Code pénal. On peut même considérer qu’il s’agit pour eux d’une obligation.

Note

(1) Le fait que le Code pénal ne réprime que les relations sexuelles d’un mineur de moins de quinze ans avec un majeur n’exclut pas le droit des parents de surveiller les relations sexuelles de l’enfant même âgé de plus de quinze ans.

Source

Hélène Romano, (dir .), « La protection de l’enfant par ses parents », in Accompagner en justice l'enfant victime de maltraitance ou d'accident, coll. « Enfances », Dunod, janvier 2017, p. 35-36.


Rappel de l'article 371-1 du Code Civil

L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant.

Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.

Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. 

dimanche 19 novembre 2017

Remobiliser la jeunesse et réenchanter la liturgie de l'Église catholique, 1912


Enfant de chœur, par Julius Scholtz, 1854
Je vais peut-être en surprendre beaucoup, mais je le dirai comme je le pense : il faut tendre à replacer les jeunes gens dans le chœur de l'église, non pas en assistants désœuvrés, mais en figurants actifs et occupés, et à reconstituer toute la hiérarchie, d'ailleurs charmante, des enfants de chœur, acolytes, thuriféraires, maîtrisiens, chantres, etc.

Eh ! oui, il faudra cela, non seulement à la campagne, mais à la ville.

Autrefois, les clergés étaient très nombreux, même dans les moindres paroisses, et ils se suffisaient à toutes les cérémonies; il existait d'ailleurs plus qu'aujourd'hui, quant à la place à occuper dans les édifices religieux, une différence considérable entre les prêtres et les laïques.

En effet, le chœur, le sanctuaire était ordinairement séparé des nefs par des grilles, par des panneaux, par des jubés cloisonnés. L'office, dans sa partie la plus solennelle, se poursuivait en dehors du peuple, lequel rentrait dans l'église même moins comme dans le temple de Dieu que comme dans sa propre maison à lui-même. On sait assez que les cathédrales, autrefois, prêtaient leurs vastes édifices à mille usages qui n'étaient point religieux.

Le sanctuaire n'en était que plus strictement réservé et n'y entraient que ceux qui étaient ou se préparaient à être reçus dans les différents ordres sacrés.

Les cathédrales, et même de plus modestes églises, abritaient alors, de façon continue, tout un peuple qui leur appartenait déjà en propre, qu'elles employaient et qui vivaient d'elles.

Elles ne faisaient guère appel, alors, à un personnel mouvant et momentané qui serait venu, à certaines heures seulement, revêtir un surplis d'emprunt pour chanter, contre bons deniers comptants, les prières et les psaumes.

De ce fait, les offices étaient sans contredit plus beaux, plus hiératiques, plus dignes, mais le peuple, en beaucoup d'endroits, y participait moins effectivement.

Cependant, il devint bientôt impossible, sauf dans les chapitres et dans les abbayes, de maintenir partout cet état de choses, et de bonne heure, sous le nom de confréries de tout vocable et de tout attribut, les laïques furent admis plus ou moins directement à participer aux cérémonies dans le chœur de l'église.

Chaque église, en effet, voulut imiter de plus ou moins près les offices de la métropole, mais elle n'avait point le personnel sacré suffisant, elle dut y suppléer, et le chœur se peupla d'enfants, de jeunes gens, d'hommes et de vieillards qui fournirent une figuration variée aux offices divins.

Il semble bien que partout, au début du moins, ces fonctions furent regardées comme des plus honorables et restèrent honorifiques. Chacun se sentait trop honoré de chanter les louanges de Dieu dans les stalles, auparavant destinées aux seuls clercs et aux moines, pour réclamer d'autres... honoraires.

Mais avec le temps, dans les villes tout au moins, le recrutement des enfants de chœur, des chantres, ne se maintint pas au même niveau. Les hauts bourgeois restèrent marguilliers, mais ils ne revêtirent plus le surplis ; la fonction de chantre paraissant désormais moins honorable par elle-même, commença d'être plus... honorée pécuniairement et, en même temps, ceux-là mêmes qui auraient dû se sentir heureux et réclamer comme un privilège de chanter au chœur, laissèrent même en certains chapitres, si l'on en croit Boileau, à des chantres gagés le soin de louer Dieu.

De plus en plus, au cours des âges, la fonction devenant mercenaire se recruta, en ville surtout, dans un milieu social moins élevé.

Il convient d'ailleurs de dire que, même en beaucoup de villes, un assez grand nombre de fonctions d'enfants de chœur, de thuriféraires et même de chantres restèrent gratuites. En tout cas, le fait se produisit et persiste encore dans la presque totalité des paroisses rurales... où il y a des chantres.

Là, les habitudes d'autrefois ont survécu ; là, l'église est encore un centre d'activité ; là, de père en fils, on se transmet le tome noté et on se succède devant l'aigle doré du lutrin ; là, toute une hiérarchie de chantres, jaloux de leurs droits, et disputant volontiers sur les préséances, remplit les stalles et assure gratuitement le service des offices.

Ces chantres-là, non seulement ne touchent aucun salaire, mais, le plus souvent, s'ils reçoivent du curé leur livre de plain-chant, doivent s'offrir leur soutane et pourvoir au blanchissage de leur surplis ; il en résulte bien des disparates fâcheux dans les costumes et des insuffisances dans la dignité de la tenue, mais il ne ferait pas bon que le curé voulût se mêler de rectifier un pli ou de modifier l'intonation traditionnelle autant qu'inharmonique d'un psaume, les chantres ne tarderaient pas à rendre leur livre avec une dignité que rien ne ferait céder.

Mais cet hommage rendu, comme il convenait, à leur désintéressement, il faut bien convenir que le recrutement des chantres, dans la plupart des paroisses, ne donne point toute garantie au point de vue artistique et même, en certaines régions, au point de vue de la sobriété. N'y a-t-il pas un dicton insolent qui dit : « Ton âne sait-y point boire, fais-en un chantre, il boira ! »

La préparation artistique fait défaut, en tout cas ; les chantres ont des traditions de musique ; ils n'ont guère de méthodes de chant, tous s'arrêteront aux passages où s'arrêtaient les anciens, coupant aussi barbarement les mots, martelant les notes, comme ils battraient du fer sur l'enclume, grinçant les mots latins les plus harmonieux.

En certaines paroisses d'ailleurs, les chantres trop nombreux n'ont même plus la ressource des aveugles se soutenant entre eux tant bien que mal, et alors quelques vieux, demeurant plus fidèles que solides au poste, c'est le massacre abominable de l'office, des cris rauques et éperdus et toute la désharmonisation de la belle liturgie catholique.

Il aurait fallu une réaction énergique contre certains abus, il aurait fallu une énergique action en propagande pour relever le niveau du recrutement.

Car il est bien certain qu'à l'heure actuelle quelqu'un qui dans la bourgeoisie croit se respecter ne voudrait jamais être chantre, ne voudrait même pas laisser ses enfants être enfants de chœur, si ce n'est peut-être en quelques chapelles privilégiées, et il faut convenir que si les gens distingués ont eu tort de déserter le chœur des églises, ils n'y sauraient guère rentrer maintenant sans se commettre avec de braves gens, certes, mais d'une éducation insuffisante.

Les événements se sont chargés, comme presque toujours, mais comme presque toujours aussi brutalement, de solutionner le problème en faisant table rase du passé. L'Église s'est vue dépouillée injustement de ses ressources ; en beaucoup d'endroits, elle a vu, du même coup, disparaître la majeure partie de ses chantres gagés, lesquels ne faisaient qu'exercer un métier dont tout le monde avait perdu le sens comme eux-mêmes.

Si, en certaines régions plus pieuses, plus traditionalistes, les chantres non payés avant la Séparation [de l’Église et de l’État, en 1905] sont restés après, parce que rien n'était changé dans leur situation matérielle, en beaucoup d'autres le chœur des églises s'est vidé, les stalles sont devenues muettes, les chants liturgiques ont cessé en majeure partie. Le curé est resté à peu près seul, dans l'impossibilité de poursuivre l'office chanté et a été obligé de se contenter de célébrer une messe basse et de supprimer processions et cortèges.

(…)

Si donc le clergé ne trouve plus de chantres tout faits, il faut qu'il en fasse lui-même, il faut qu'il en forme. Or, il n'en pourra trouver que parmi les jeunes gens et comme, parmi les jeunes gens, il ne trouvera rien qui soit même ébauché, il pourra les former comme il voudra, d'après les meilleures méthodes, et, instruit par l'expérience des abus qui peuvent se glisser dans les plus sages institutions, au point de vue artistique et à tout autre, il avisera mieux au moyen de les garder dans un sens exact de l'art et de la bonne tenue.

Les jeunes gens des patronages, nous l'avons dit, peuvent et doivent devenir les meilleurs auxiliaires des curés dans les paroisses ; (…).

(…)

Mais il faudra que l'expérience du passé serve à quelque chose. Le service de l'autel, la participation effective aux cérémonies, le chant liturgique, tout cela devra être présenté et apparaître vraiment comme un honneur qu'il faut savoir apprécier et qui se paie par lui-même, sans autre émolument. Ce n'est pas par l'appât du gain qu'il faut ramener la jeunesse à reprendre l'aube de lin des lévites.

(…)

Il faudra donc — ce ne sera que justice et bon goût — rompre résolument avec des accoutrements presque burlesques, soutanes trop courtes, d'où sortent de longs bras étirés et de longues jambes, surplis bossus, cottes mal tirées. Tout ce travestissement qui sent la misère et que l'on n'ose exhiber au soleil. Il faudra rompre aussi avec la désinvolture ou la gaucherie des attitudes, avec ces contorsions du ventre qui constituent le salut de trop d'enfants de chœur.

Il faudra rompre avec ces criailleries nasillardes ou avec ces airs d'opéra qui forment toutes les extrémités des insuffisances liturgiques de nos jours.

Il faudra harmoniser toutes choses, les attitudes, les gestes, les évolutions, les chants, la démarche.

(…)

Aujourd'hui, en beaucoup d'églises, ou c'est le chant liturgique horriblement massacré ou le remplacement du chant liturgique par je ne sais quels motets, quels airs d'opéra plus ou moins déguisés.

C'est l'Ave Maria de Gounod devenu insipide et horripilant, parce qu'il n'est pas une messe de mariage ou une cérémonie soi-disant solennelle où une demoiselle ne vienne le minauder et le miauler sans même le comprendre.

On s'ingénie, semblerait-il, à dérouter les fidèles, à donner des entorses aux chants qui s'imposent et qui s'adaptent à la cérémonie.

On oublie que l'Église a des chants pour chaque fête et qui en rappellent l'origine, le but, le sens, les applications, et on se casse la tête pour composer des programmes pseudo-artistiques où n'entrera pas un seul chant qui y serait à sa place

« Saint-Père, demandait assez naïvement un bon directeur de maîtrise à Pie X, que convient-il de chanter pendant l'office ? » Et Pie X, finement, de lui répondre : « Pendant l'office, mon fils, ce qu'il convient de chanter, c'est l'office ! »

Que de gens ont été renversés à cette révélation. Adieu donc les fantaisies, les cantiques sur des airs de chevaux de bois, les rengaines qui se sifflent aussi bien sur le trottoir que dans l'église. C'est à ne plus s'y reconnaître.

(…)

Le recrutement mérite du soin : il doit se fournir dans l'élite, parmi ceux qui comprennent et qui doivent former le noyau rayonnant de l'art et de la piété. C'est dans la mesure aussi où ce recrutement sera sérieux et même sévère qu'il pourra, au bout d'un certain temps, devenir fécond.

(…) Les chantres, les enfants de chœur n'ont pas une bonne presse : on les juge mal. Si donc on veut ramener au chœur des jeunes gens d'une éducation meilleure, si on veut faire au Christ une cour plus prochaine, qui soit moins indigne de lui, il faut composer le chœur non pas avec les épaves, mais avec la fleur de la paroisse, et on n'y parviendra qu'en tenant fortement la main à une tenue irréprochable et on n'obtiendra cette tenue que par une éducation méthodique de la jeunesse des patronages et par sa formation en vue de la fonction, sublime après tout, qu'on lui destine.

La famille elle-même sera donc intéressée au recrutement : elle tiendra de nouveau à honneur de voir ses enfants et ses jeunes gens revêtir, momentanément tout au moins, les vêtements sacrés.

» Le résultat, on le devine. L'Église deviendra plus intéressante pour tous : les offices seront mieux suivis, mieux vus et mieux compris. L'assiduité pourra être exigée plus strictement par le prêtre et elle sera consentie plus facilement par les jeunes gens : leur fonction et leur piété les appelleront
simultanément auprès du Maître.

(…)

Certes, on ne saurait voir se rénover d'un coup la face de la terre ; mais n'y a-t-il pas quelque chose à tenter sérieusement ?

L'Église et la jeunesse sont faites pour s'entendre, toutes les deux ont des aspirations généreuses, les robustes espérances, la foi en la Beauté et en l'Amour.

Mais, pour s'entendre, il faut qu'elles se fréquentent et qu'elles se rencontrent. La jeunesse a déserté l'Église, l'Église est en train de reconquérir la jeunesse ; elle va vers elle ; mais il faut que ce soit pour la ramener à elle, pour lui faire reprendre le chemin des temples trop déserts, c'est pour que, de nouveau, aux grandes fêtes, toutes les deux puissent chanter ensemble et d'accord l’Alléluia vainqueur.


Référence

Edward Montier, « Les jeunes gens et la liturgie », in La Vie au patronage, 15 juillet 1912, p. 461-465, cité par Les Questions liturgiques et paroissiales, 2e année, 1911-1912, Abbaye du Mont-César, Louvain, p. 473-481.

vendredi 17 novembre 2017

La réalité de la messe paroissiale en France, en 1945, d'après Dom L. Beauduin



Messe solennelle aux Pays-Bas (date inconnue)


(...) quel est aujourd'hui l'état d'esprit et la pratique actuelle au sujet de la messe paroissiale. Une enquête sommaire permet d'établir quatre groupes.

1) Plusieurs paroisses ont abandonné ou à peu près la grand'messe. Je ne parle pas des dessertes ; mais des paroisses normales. Sauf à quelques très grandes fêtes la grand'messe n'existe plus. Quelquefois on donne le change par des auditions musicales et des chants pendant une messe basse ; ou bien le prêtre chante à sa fantaisie quelques pièces : Préface, Pater..., mais en réalité, la grand'messe a disparu.

Les prétextes ne manquent pas : réduction successive du personnel : organistes, chantres, enfants de chœur ; nécessité, dans les villes surtout, d'assurer le rythme régulier des messes basses, plus nécessaires pour l'obligation que la grand'messe ; nécessité plus grande de la prédication qu'il faudrait écourter à une grand'messe, etc.

Quelquefois la grand'messe a été avancée pour permettre aux fidèles d'y assister et de communier : initiative très louable en soi, mais qui pourrait amener, si l'on n'y prend garde, une regrettable réduction et même une insensible suppression de la messe solennelle.

Une sévère et rapide réaction est nécessaire ; sans quoi infailliblement ces paroisses perdront toute vie liturgique.

2) La catégorie des paroisses où la grand'messe se célèbre selon une respectable routine : tous, clergé, chantres, acolytes, fidèles, donnent l'impression d'être en service commandé : assistance muette et ennuyée ; acolytes distraits et dissipés ; aucun élan vivifiant : l'âme a déserté cette assemblée.

Cette fidélité machinale est méritoire sans doute. Grâce à elle, ce cadre cultuel est matériellement conservé.

(…)

3) Dans un nombre assez considérable de paroisses on trouve le louable souci de solenniser le dimanche ; mais les méthodes employées ne sont pas irréprochables. 

Au lieu de mettre en valeur la messe solennelle par les moyens authentiques et efficaces de l'Église et de respecter fidèlement les règles établies, on utilise de préférence les procédés modernes : programmes musicaux annoncés à l'instar de concerts avec le concours d'artistes profanes ; prédicateurs à la mode ; rites nouveaux ; assistance choisie ; bref, toute une action sans aucun rapport avec une assemblée liturgique.

Pour d'autres, d'ailleurs bien disposés, l'effort consiste à grouper dans le chœur, autour d'un harmonium et sous la direction d'une religieuse, une schola de jeunes filles. C'est admissible comme procédé d'initiation et d'entraînement ; mais souvent le système devient définitif, et c'est le pensionnat qui monopolise la participation. La liturgie tombe en quenouille ; la nef masculine surtout est plus silencieuse que jamais et, une fois de plus, la religion passe pour une occupation de femmes.

4) Enfin les paroisses de plus en plus nombreuses, qui utilisent la liturgie telle que l'Église nous la donne aujourd'hui, pour donner à la vie paroissiale et avant tout à la synaxe solennelle du dimanche son maximum de rendement spirituel. Sans attendre des réformes problématiques et assurément encore lointaines, ils-mettent en valeur, sans plus attendre, le missel actuel, avec la conviction que, tel quel, il renferme tant de trésors ignorés « et de richesses assimilables au peuple chrétien qu'un immense et très fécond travail peut et doit s'accomplir. Plusieurs paroisses ont été transformées par ces efforts persévérants : puissent-elles se multiplier encore !

Référence

Dom Lambert Beauduin, « La messe chantée, sommet de la vie paroissiale », in La Maison-Dieu, n°4, Éditions du Cerf, 1945, p. 120-122

jeudi 16 novembre 2017

La messe dialoguée, une description de 1945, par le chanoine Michaud



Messe dans la forme extraordinaire du rite romain (2009)


Il s'agit d'abord de définir avec précision ce que l'on entend par messe dialoguée, car il y en a plusieurs : la vraie messe dialoguée, c'est la messe solennelle chantée, celle où fidèles et schola jouent un rôle actif. À parler rigoureusement, c'est la seule vraie messe dialoguée dont il soit question dans le « Ritus celebrandi [in celebratione missæ] ».

Or ce n'est pas de celle-là qu'il s'agit. Il s’agit de l’extension à la messe basse d’une certaine participation des fidèles à la grand-messe.

Trois formes sont possibles :

a) La foule chrétienne, ou un groupe, tient la place du servant de messe quant aux répons. Il faut remarquer que jamais les prières du début de la messe n'ont été alternées avec le peuple, pour la simple et bonne raison qu'elles ne sont dans le missel que depuis saint Pie V. C'est une prière de préparation personnelle du prêtre qu'auparavant on récitait le plus souvent à la sacristie. On peut tolérer cet usage entièrement nouveau. Pour les autres répons, avec un peu de bonne volonté, on peut dire que ce dialogue non chanté est supposé par les rubriques du Missel (1).

b) En plus de ce qui précède (a), la foule chrétienne dit avec le prêtre Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei. C'est en effet la foule qui chante ces prières à la grand'messe. Rien de cela n'est prévu, dans le « Ritus celebrandi », pour la messe basse.

c) Dans certaines communautés, en plus de a) et de b), la communauté dit avec le prêtre — toujours à la messe basse — les prières de la grand'messe réservées au chœur ou aux chantres de la schola, à savoir l'Introït, le Graduel, l'Offertoire et la Communion. La plupart des auteurs ne sont pas favorables à cette extension de la messe dialoguée, car « ces formules d'exécution plus difficile reviennent sans doute aux fidèles, mais considérés comme scholistes, non comme foule ; il ne semble donc pas qu'il y ait lieu de les faire réciter par les assistants dans la messe basse dialoguée » (cf. Dubosq, Le Guide de l'autel, [ou directoire pratique pour toujours bien célébrer la messe, Desclée et Cie, 1938], p. 53). En fait, la chose est en usage dans certaines communautés... Et ce n'est pas du tout prévu pour la messe basse, dans le « Ritus ». Est-il besoin de le dire ? (cf. Cimetier, Consultations [de droit canonique, Vitte, 1942-1944, pp. 90-98).

(…)

On se borne ici à rappeler succinctement la réponse de la Congrégation (cf. Dubosq, Le Guide de l'autel, pp. 55-56). Elle réclame pour la messe dialoguée trois choses :

a) Que l'assistance soit apte à prendre part au dialogue, afin que les réponses collectives se fassent avec ordre et dignité.

b) Que les réponses n'apportent aucun trouble au prêtre qui célèbre et à ceux qui célébreraient dans la même église.

c) Que cette méthode soit autorisée par l'Ordinaire (réponse du 4 août 1922, Acta [Apostolicæ Sedis, vol. 14, Rome, 1922, p. 505).


Notes

(1) Voir sur cette question Dom Antoine Coehlò, « La messe dialoguée », dans Opus Dei, reproduit dans le Bulletin paroissial liturgique, 1933, pp. 200-301.

Référence

M. Michaud (chanoine), « La célébration de la messe face au peuple », in Maison-Dieu, n°2, Éditions du Cerf, 1945, p. 107-108

samedi 4 novembre 2017

Les jansénistes, partisans de la messe en français, par D. de Colonia, 1755


CANON de la messe en français.


Les faux zélateurs des rits anciens souhaiteraient ardemment qu'on célébrât la messe en français ; du moins est-il sûr qu'ils prennent des voies obliques qui conduisent à ce but.

Ils font imprimer et ils répandent un nombre inconcevable de petits livres de dévotion, tant à Paris, que dans les provinces, où la messe en français est insérée. Ils font même de nouvelles éditions de livres composés par des hommes qu'ils n'aiment guère (par exemple, de L'Imitation de J. C. traduite par le P. Gonnelieu) et ces éditions nouvelles sont augmentées d'un Ordinaire et du Canon de la messe.

Ils espèrent, sans doute, que cette lecture de l'Ordinaire et du Canon, étant devenue commune, portera bien des personnes à dire comme eux ; « qu'il faudrait que le prêtre célébrât aussi la messe en français, que par-là on s'entendrait, et que cela augmenterait la dévotion », etc.

Outre ces éditions, outre le Missel entier traduit en français, outre le pernicieux ouvrage de Le Tourneux, intitulé L'Année chrétienne, où ce missel est inséré, ils ont encore fait imprimer séparément l'Ordinaire de la Messe, le Canon de la messe ; et pour rendre ces livrets plus utiles , ils y ont ajouté des prières tirées de différents livres, surtout de S. Augustin ; car il faut bien qu'ils citent à toute occasion ce saint Docteur, pour faire croire aux imbéciles qu'ils en sont les disciples.

En attendant que cet extravagant dessein (de dire la messe en français) puisse réussir, ils exécutent par eux-mêmes celui de dire la messe entière et le Canon même à voix haute et intelligible aux assistants. Ils prétendent, par cette pratique, favoriser le peuple et l’accoutumer peu à peu au sacerdoce auquel ils veulent bien lui donner part.

C'est dans cette vue qu'ils firent autrefois imprimer le missel de Meaux, de façon que le mot « Amen », toutes les fois qu'il se trouve dans le Canon, était précédé d'un R. en lettre rouge, et que ce même mot ainsi précédé, était ajouté aux paroles de la Consécration et de la Communion du prêtre, pour signifier que dans ces endroits , c'est au peuple à répondre « Amen », et à ratifier ce qui a été dit ou fait par le prêtre. Ils avaient aussi expliqué ces paroles : «submissa voce [à voix basse]», par celles- ci : « id est, sine cantu [c’est-à-dire, non chanté] ».

Toutes entreprises scandaleuses, qui furent réprimées par un mandement de M. de Bissy, évêque de Meaux, du 22 janvier 1710, où il est « ordonné à tous les prêtres de prononcer d'une voix qui ne puisse être entendue du peuple, le Canon de la sainte messe, aussi bien que les autres endroits que les rubriques marquent de dire à voix basse ».

Et en effet tel est l'esprit de l'Église, Le concile de Trente a anathématisé ceux qui blâmeraient la coutume de prononcer à voix basse une partie du Canon et les paroles de la Consécration, ou qui disent que la messe ne doit être célébrée qu'en langue vulgaire. Et Innocent III (livre 3, chapitre 1, De sacro altaris mysterio), assure que ce qui a porté l'Église à défendre de réciter tout haut le Canon du Sacrifice de la messe, « c'est pour empêcher l'abus et la profanation de ces paroles sacrées, ce qui arrivait lorsqu'on les prononçait haut et que chacun [laïques et femmes] les savait ».

On doit donc se défier aujourd'hui de tout prêtre qui prononce à voix intelligible aux assistants, le Canon de la sainte messe et les paroles de la Consécration. On doit se défier même de tout livre où l'on trouve l'Ordinaire de la Messe avec le Canon, en français, et faire réflexion que la condamnation portée par le clergé, en France, contre la traduction du missel, ne peut manquer de s'étendre sur la partie essentielle de cet ouvrage, qui est la traduction du Canon de la messe.

Aussi plusieurs prélats ont-ils condamné en particulier cette partie du missel traduit en langue vulgaire, entre autres l'évêque-prince de Liège, qui défendit , le 15 d’avril 1704, « à tous et un chacun , de lire le Canon en français, et de le retenir dans leurs maisons ». Le motif qu'il en apporte, est qu'il y a excommunication portée par Alexandre VII dans sa Bulle du 12 janvier 1661 contre ceux, qui sacrosancti ritus majestatem latinis vocibus comprehensam, dejicere et proterere, ac sacrorum mysteriorum dignitatem vulgo exponere temerario conatu tentaverint [qui auront tenté d’abaisser et d’écraser la majesté des sacro-saints rites saisie par la langue latine et d’exposer au commun des hommes par une entreprise inconsidérée, la dignité des mystères sacrés].

On peut voir ci-après, sous la lettre M. l’article traduit en français par Voisin, et ce qui y est dit sur les traductions en langue vulgaire.

(…)


MISSEL romain traduit en français par M. Voisin, docteur en théologie, 1660.


L’Assemblée du clergé de France défendit en 1660, sous peine d’excommunication, cette traduction française du Missel romain et, non contente de cela, elle écrivit à tous les évêques du Royaume, pour les prier d’en faire autant, chacun dans leur diocèse, et sous les mêmes peines.

L’année suivante, ces mêmes évêques écrivirent au pape le 7 janvier et le prièrent d’appuyer leur décision de l’autorité apostolique. Ils disent, dans leur Lettre, que si, d’une part, il n’y a rien de meilleur et de plus utile que la Parole de Dieu, de l’autre, il n’y a rien de plus dangereux à cause du mauvais usage qu’on en peut faire. « D’où l’on doit conclure, Saint Père, ajoutent-ils, que la lecture de (…) la messe donne la vie aux uns et la mort aux autres, et il ne convient nullement que le Missel ou le Livre Sacerdotal, qui se garde religieusement dans nos églises, sous la clef et sous le sceau sacré, soit mis indifféremment entre les mains de tout le monde. »

Après cette décision, l’Assemblée s’adressa au roi, et en obtint le 16 un arrêt du Conseil pour faire supprimer le Missel français et en défendre le débit [=la distribution].

Le pape Alexandre VII le condamna le 12 janvier 1661. Il qualifie cette traduction française d’ »entreprise folle, contraire aux lois et à la pratique de l’Église, propre à avilir les sacrés mystères ». Ce Bref, fut suivie d’une Lettre de ce même Souverain Pontife, du 7 février 1661 par laquelle il réitère la défense de la défense de la traduction du Missel, sur la demande qui lui en avait été faite par le clergé.

Cette même traduction fut censurée le 1er avril et le 2e jour de mai par la faculté de théologie de Paris.

Toutes ces défenses ne purent empêcher le sieur Le Tourneux de l’insérer dans son Année chrétienne, qui eut le même sort (…).

Référence

Dominique de Colonia (1660-1741), s.j., Dictionnaire des livres jansénistes, ou qui favorisent le jansénisme, Jean-Baptiste Versussen, Anvers, 1755, tome 1, p. 211-215 ; tome 3, p. 131-132.

Note

L’orthographe et la ponctuation ont été modernisés par l’auteur de ce blogue.

lundi 13 mars 2017

Mgr Maurin condamne le tango et le fox-trot, Lyon, 1920


Louis-Joseph Cardinal Maurin (1859 - 1936)
Allocution de Son Éminence le Cardinal-Archevêque de Lyon à la clôture de la Retraite des Mères chrétiennes à la Chapelle de la rue Sainte-Hélène.

MESDAMES,

(…) Mais ce que vous pouvez, Mesdames, ce que vous devez absolument vous interdire, c'est de laisser s'introduire dans vos demeures des mises indécentes, c'est d'y laisser pratiquer des danses qui sont pour tout le moins très dangereuses, s'il est vrai qu'elles ne soient pas nécessairement coupables. 

Ce que vous devez également vous interdire, c'est de laisser aller sans contrôle dans des réunions mondaines, même appelées familiales, vos jeunes gens et jeunes filles qui sont encore sous votre tutelle.

Sans prétendre faire une énumération complète, m'en remettant pour tout le reste aux règles ordinaires de la Théologie et vous demandant avec instance de ne jamais vous départir d'une parfaite correction, je déclare condamnables et condamnées les danses connues sous le nom de tango, fox-trott et celles qui en dérivent alors même que l'on croirait pouvoir les exécuter d'une façon convenable. 

Car vous n'ignorez pas que les évêques ont le droit et parfois le devoir de condamner par une loi positive ce qui, même, sans être intrinsèquement mauvais, constitue un grave danger pour les âmes dont ils sont responsables devant Dieu.

Encore une fois, Mesdames, j'aime à le redire, vous faites partie de l'élite de la société lyonnaise. On sait que vous êtes chrétiennes et que, comme telles, vous êtes tenues d'observer religieusement les lois de l’Église. Je crois donc vous faciliter votre tâche en vous montrant clairement où est pour vous le devoir. Ma décision n'a été prise qu'après un mûr examen.

Si, comme je,l'espère, la règle tracée est fidèlement suivie, j'aurai conscience d'avoir rendu service aux âmes, à l’Église et à la France. (…).


Référence

Louis-Joseph Cardinal Maurin, « Allocution de Son Éminence le Cardinal-Archevêque de Lyon à la clôture de la Retraite des Mères chrétiennes à la Chapelle de la rue Sainte-Hélène », dans Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 27e année, n°8, 16 janvier 1920, p. 115.

dimanche 12 mars 2017

Sur les modes inconvenantes, Mgr Luçon, 1925


Louis-Joseph Cardinal Luçon (1842-1930)
Lettre pastorale de Son Éminence le Cardinal Luçon, Archevêque de Reims, au Clergé et aux Fidèles de son Diocèse.


NOS TRÈS CHERS FRÈRES,

Nous ne pouvons différer davantage de venir vous entretenir d'un abus que tous les gens sensés sont unanimes à déplorer : nous voulons parler des modes inconvenantes dans l'habillement des femmes.

Les publicistes, les conférenciers, les médecins ont eu beau protester, au nom de la morale, de l'esthétique et de l'hygiène, les plus hautes autorités ecclésiastiques au nom de la modestie chrétienne ; peine perdue : les traits de la satire, comme les arguments de la raison, se sont émoussés contre la tyrannie de la mode, le sentiment religieux lui-même n'a pas réussi à se faire obéir, et l'on voit des costumes et des nudités que la bienséance devrait interdire même dans la rue, pénétrer aujourd'hui dans nos églises et jusqu'à la Table Sainte, où elles sont plus déplacées que partout ailleurs. C'est ce qui nous met dans la nécessité de parler.

Il n'est point dans notre rôle, ni dans notre intention de critiquer sous le rapport de l'esthétique et de l'art ces manières extravagantes de s'habiller, et de faire ressortir ce qu'elles ont de ridicule et de contraire au bon goût dont notre pays s'est toujours glorifié d'être la meilleure école.

Nous ne les envisagerons point non plus sous le rapport de l'hygiène pour faire remarquer que certaines nudités ne sont pas sans danger pour la santé. Nous nous plaçons à un point de vue plus élevé.

I. – Nous observerons, en premier lieu, que les modes actuelles ne s'accordent pas avec l'honnêteté et la morale même simplement naturelle.

La modestie est la plus belle et la plus noble parure de la femme. Le respect de soi-même et le sentiment de sa dignité devraient lui inspirer le dégoût de ces costumes excentriques et de ces nudités qui semblent un défi à la pudeur, et qui ne conviennent qu'à des femmes auxquelles elles auraient honte de ressembler.

Si, il y a quelques années, elles avaient vu une personne en pareil accoutrement, avant qu'il fût devenu de mode, elles en auraient ri, et l'auraient peut-être méprisée ; à aucun prix, certainement, elles n'auraient consenti à l'imiter.

La mode n'a point changé le caractère intrinsèquement déshonnête de ces costumes indécents.

On réclame le relèvement moral du pays : ce n'est certes pas dans l'intention d'y contribuer qu'on a inventé et lancé les modes actuelles. Nées de la corruption, elles sont un des agents les plus efficaces de la dépravation des mœurs. Elles sont, par elles-mêmes, une provocation au mal, un excitant des passions. Nul ne peut de bonne foi en soutenir l'innocuité.

Ne laissez pas périr entre vos mains, femmes chrétiennes, ces belles traditions familiales de simplicité, de dignité de vie, de pureté de mœurs qui, dans les siècles passés, ont assuré l'honneur et le bonheur de vos foyers, et qui ont fait de la femme française le type de la distinction.

N'allez pas chercher vos modèles hors de chez nous. Depuis longtemps c'est la France qui donne le ton : maintenez-la digne de cette honorable prérogative.

En matière de toilette, le beau ne se sépare pas du bien, ni la distinction et l'élégance de la simplicité.

Veillez à ce que le costume de vos enfants soit toujours conforme aux règles de la décence, et ne permettez pas à vos filles de céder à l'entraînement des modes répréhensibles ; mais pour avoir l'autorité de leur faire accepter cette réserve, donnez-leur en vous-même l'exemple.

Tout se tient d'ailleurs : les concessions faites à la mode par trop de liberté et de frivolité dans le vêtement sont une brèche à la loi de la modestie ; par cette brèche s'introduira la facilité à se permettre toutes sortes de lectures, de spectacles, de divertissements, de fréquentations mondaines, au grand détriment des vertus domestiques et de la vie de famille.

II. En second lieu, il ne faut pas oublier que nous vivons en société et que nous avons les uns envers les autres des obligations, particulièrement celle de donner le bon exemple. Nous avons tous le devoir strict de ne pas scandaliser le prochain en le portant au mal par des exemples mauvais.

Ce devoir s'impose avec d'autant plus de rigueur que l'on appartient à une classe plus élevée de la société. Les classes inférieures, en effet, cherchent naturellement à se modeler sur les classes supérieures. Celles-ci doivent bien se garder de l'oublier, et ne donner jamais aux autres que des exemples qu'elles puissent imiter. Quelle autorité peuvent-elles avoir pour condamner dans le peuple un abus ou un désordre, si elles-mêmes se le permettent ?

Le peuple le comprend très bien : il a un sentiment inné, quoique confus peut-être, des convenances. Il se rend parfaitement compte que les personnes qui, à raison de leur naissance, de leur fortune, de leur culture, de leur profession, occupent dans la société un rang supérieur, sont obligées à une tenue en rapport avec la supériorité de leur rang ; et de même que l'étalage d'un luxe excessif et insolent sert de prétexte aux excitations anarchistes et révolutionnaires ; de même l'excentricité et l'indécence des modes tuent le respect que le peuple aurait pour les personnes des classes élevées, si elles avaient toujours une tenue digne de leur situation.

Les modes ridicules provoquent le mépris. Que les femmes auxquelles la Providence a donné parmi les autres un rang privilégié, évitent avec soin de donner prétexte à ce mépris ; qu'elles aient à cœur, au contraire, de mériter le respect par la dignité irréprochable de leur tenue : c'est un de leurs devoirs sociaux. :

III. Mais c'est surtout au sentiment religieux de nos femmes chrétiennes que nous voulons en appeler pour les détourner des modes indécentes ou même simplement inconvenantes.

De même que dans l'ordre des choses civiles, chacun tient à être vêtu selon que l'exigent les bienséances de son rang ou de son état, ainsi devons-nous observer dans l'ordre moral les bienséances de notre religion et de notre condition de chrétiens. Ces bienséances doivent se régler d'après les enseignements de notre foi.

Or, d'après les enseignements de notre foi, Dieu nous a fait l'honneur de nous créer à son image. Ne comprenons-nous pas l'obligation de respecter en nous cette divine ressemblance et de ne pas la déshonorer par une manière indécente de nous vêtir ?

Par le baptême Dieu nous a adoptés pour ses enfants. Si un enfant d'humble condition était adopté par un roi, ne serait-il pas tenu à ne porter que des vêtement s en rapport avec le rang auquel il aurait été élevé par une si haute faveur ? À combien plus forte raison, devons-nous honorer notre dignité d'enfants de Dieu, en nous interdisant toute mise qui ne s'accorderait pas avec une si surnaturelle condition ?

Nous devenons par la grâce sanctifiante les temples de l'Esprit saint, par la sainte Communion les sanctuaires vivants de la divine Eucharistie : est-ce que cela ne nous impose pas une tenue toujours digne des hôtes divins qui daignent nous honorer de leur visite et de leur présence permanente ?

« Ne savez-vous pas, dit saint Paul, que vos corps sont les temples de l'Esprit-Saint, les membres du corps mystique de Notre-Seigneur Jésus-Christ »: glorifiez donc et honorez par votre tenue extérieure Dieu présent en vous et en présence de qui vous êtes partout.

Enfin le Christianisme est essentiellement la religion de la Croix. Il comporte indispensablement une certaine gravité de mœurs, qui se résume en assujettissement de la chair à l'esprit. C'est à tous les croyants de son Évangile que Notre-Seigneur adresse ces. paroles : « Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il se renonce à soi-même, qu'il prenne ma croix et qu'il me suive. » Toute la vie du chrétien, son langage, sa tenue, ses mœurs doivent être marqués de l'empreinte de la Croix. Les modes frivoles et indécentes sont un retour aux mœurs païennes ; elles sont incompatibles avec l'esprit de l’Évangile, avec la morale chrétienne : une chrétienne doit se les interdire.

Nous exhortons donc nos fidèles diocésaines à ne pas se laisser entraîner au courant des modes inconvenantes, que réprouve le bon goût, aussi bien que la modestie naturelle à la femme honnête et sérieuse. Si les considérations que nous venons d'exposer ne réussissent pas à les convaincre et à les persuader toutes, nous ne doutons point qu'un grand nombre d'entre elles n'aient assez le sens chrétien pour en reconnaître la justesse et ne se fassent un devoir de s'y conformer.

Il est du moins un point sur lequel nous nous considérons comme certain de rencontrer une obéissance unanime : c'est que personne ne voudra plus se permettre de paraître à l'église avec ces toilettes inconvenantes, c'est-à-dire en robe décolletée ou les bras nus. S'il est un lieu où les modes frivoles et les nudités sont particulièrement déplacées, n'est-ce pas la Maison de Dieu ?

N'est-ce pas un inexcusable manqué de respect, pour ne point dire un défi ou une insulte à la sainteté de Dieu, que d'entrer dans son temple, et surtout de s'approcher des Sacrements dans une tenue si manifestement immodeste ? L'habitude qu'ont certaines personnes de ces sortes de toilettes les empêche sans doute de remarquer l'irrévérence qu'elles commettent en les portant jusque dans le lieu saint : Nous avons le devoir de le leur faire remarquer, et il n'en sera pas une qui, ainsi avertie, ne s'empresse, par respect pour la Maison de Dieu, de se conformer h nos recommandations.

En conséquence :

1° Nous exhortons instamment les femmes et les jeunes filles de notre diocèse à observer dans leurs vêtements les règles de la modestie chrétienne.

2° Elles doivent absolument s'interdire de paraître à l'église, surtout pendant les offices publics et pendant le saint sacrifice de la Messe, en robes décolletées ou les bras nus.

3° Elles ne seront pas admises dans cette tenue au saint Tribunal de la Pénitence ni à la sainte Table.

Et sera, la présente lettre pastorale avec le mandement qui la termine, lue et publiée au prône de la messe principale, dans les églises et chapelles de notre diocèse, le dimanche qui en suivra la réception.

Donné à Reims, en la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge, le 15 août 1925.

+ L.-J., Cardinal LUÇON,
Archevêque de Reims.

Par Mandement,

J. LECOMTE, Camérier de Sa Sainteté,
V. G., Secrétaire Général.

Référence

Bulletin du diocèse de Reims, 53e année, n°35, samedi 29 août 1925, p. 273-276.

Lettre de Son Éminence, le cardinal Dubois, contre les danses immodestes, 1920


Louis-Ernest Cardianl Dubois (1856-1929), en 1920
Hier matin [dimanche 19 décembre 1920] a été lu en chaire, dans toutes les églises du diocèse, l'avertissement suivant du nouvel archevêque de Paris, « contre les modes indécentes et les danses inconvenantes ».

À plusieurs reprises, Notre vénéré prédécesseur, le cardinal Amette, a rappelé aux femmes et jeunes filles chrétiennes le devoir qui s'impose à elles de s'abstenir des modes indécentes et des danses inconvenantes.

Nous maintenons et faisons Nôtres les avertissements et les défenses de notre vénéré prédécesseur.

Nous conjurons Nos diocésaines de réagir contre les modes opposées à la décence chrétienne.

Nous rappelons qu'en conscience les femmes et jeunes filles chrétiennes ne peuvent, sous quelque prétexte que ce soit, prendre part aux danses inconvenantes, la plupart de nom et d'origine exotiques.

Nous rappelons aux confesseurs qu'ils doivent appliquer, sur ces points comme sur tous les autres, les règles de la théologie morale.

Nous avons confiance que les femmes et jeunes filles chrétiennes de Notre diocèse, dont Nous connaissons l'esprit de foi, la piété et la docilité, auront à cœur de donner partout le bon exemple.

Référence

Le Figaro, 66e année, 3e série, n°354, lundi 20 décembre 1920, p. 2.

Contre les modes et les danses inconvenantes, Mgr Amette, 1919


Léon-Adolphe Cardinal Amette (1850-1920)
À plusieurs reprises Nous avons rappelé aux femmes et aux jeunes filles chrétiennes le devoir qui s'impose à elles de s'abstenir des modes indécentes et des danses inconvenantes.

Nous avons le regret d'être obligé de renouveler Nos avertissements et Nos défenses sur ce double objet.

Le Souverain Pontife Nous en donne l'exemple.

S'adressant récemment aux femmes catholiques d'Italie, Sa Sainteté Benoît XV insistait avec énergie sur l'obligation qu'a la femme chrétienne « de prouver son honnêteté par la façon de se vêtir ». « Nées de la corruption de ceux qui les lancent, disait-il, les « toilettes inconvenantes sont une funeste provocation au mal. »

Et il réprouvait « cet excès qui consiste à porter une mise indécente jusque dans le lieu saint ».

Nous faisons Nôtres ces paroles du Saint Père et Nous conjurons Nos diocésaines de réagir contre les modes opposées à la décence chrétienne. Ces modes s'étendent jusqu'aux enfants : les mères doivent veiller à ce que leurs filles soient habillées de manière à respecter toutes les délicatesses de la pudeur.

Il est un autre abus que les personnes chrétiennes ont le devoir de combattre : ce sont les danses inconvenantes, de nom et d'origine exotiques. Les femmes et les jeunes filles chrétiennes ne peuvent en conscience y prendre part.

Plusieurs, pour s'excuser, allèguent qu'elles peuvent le faire sans commettre aucun mal ; il n'en reste pas moins que ces danses sont un danger, aggravé encore par l'immodestie des toilettes, et une occasion de scandale.

On dit encore qu'on ne saurait s'en abstenir sans renoncer à aller dans le monde : il appartient aux femmes chrétiennes de bannir ces abus de la bonne société.

Les jeunes gens chrétiens les y aideront en s'interdisant à eux-mêmes ces sortes de danses, dont ils sont les premiers à reconnaître l'inconvenance.

Dans le discours que Nous avons cité, le Souverain Pontife exhorte les catholiques italiennes à « former entre elles une Ligue pour combattre les modes indécentes chez toutes les perte sonnes ou familles sur lesquelles leur influence peut s'exercer efficacement ».

Une ligue de ce genre a été fondée à Paris au printemps dernier. Nous la bénissons et Nous souhaitons vivement qu'elle se propage et comprenne dans son action la lutte contre les danses prohibées.

Il serait déplorable de vouloir allier des mises et dés divertissements que la modestie condamne avec des pratiques religieuses et même avec la communion fréquente.

Quand on fait profession d'être chrétienne, il faut l'être non seulement dans son for intérieur, mais aussi dans sa tenue extérieure et dans sa conduite tout entière. C'est ce que voudront faire, Nous en avons la confiance, les mères et les jeunes filles de Notre diocèse, dont Nous connaissons l'esprit de foi et la piété.

Cet avertissement sera lu en chaire le premier dimanche de l'Avent.

          Paris, le 24 novembre 1919.   
 + LÉON-ADOLPHE Cardinal AMETTE,
Archevêque de Paris. 
 
Référence  
Bulletin paroissial de Saint-Sulpice, 15e année, n°3, 25 décembre 1919, p. 38-39.

samedi 11 mars 2017

La condamnation du tango par divers évêques français, 1914


Léon-Adolphe Amette (1850-1920)
La Semaine religieuse du diocèse de Dijon publiera demain [11 janvier 1914] un mandement par lequel l’évêque de Dijon [Jacques Louis Monestès] condamne en termes sévères le tango, qu'il qualifie de « mode empruntée aux vachers de Buenos-Ayres ».

Nous nous élevons contre cette danse, ajoute le prélat, au nom de la dignité humaine, de la morale et de la religion. Ces abus sont réprouvés déjà par la bonne société des divers pays. Nous avons la ferme assurance qu'ils ne seront, pas acceptés par les familles sérieuses de la Côte-d'Or.

La Semaine religieuse du diocèse d'Arras publiera également demain un mandement de l'évêque d'Arras [Émile-Louis-Cornil Lobbedey], condamnant le tango comme un divertissement dangereux, interdit aux fidèles.

Mgr Chesnelong, archevêque dé Sens, interdit aussi le tango à ses fidèles.

Un avis publié dans la Semaine religieuse de Sens et d'Auxerre estime que cette danse est redoutable aux âmes chrétiennes.

Référence

« Le tango interdit », dans Le Figaro, 60e année, 3e série, n°10, samedi 10 janvier 2014, p. 4.


Nous avons publié, hier, les notes des évêques de Dijon, d'Arras et d'Auxerre prohibant le Tango.

Mgr Amette publie à son tour, dans la Semaine religieuse de Paris, la note officielle suivante :

À plusieurs reprises, dans nos Congrès et par l'organe de notre Comité diocésain, nous avons recommandé aux fidèles de réagir énergiquement contre les modes indécentes et contre les danses inconvenantes. Les abus qui se continuent nous obligent à insister de nouveau sur ce grave devoir.

Nous rappelons à nos diocésaines qu'elles doivent observer toujours dans leur mise les règles de la modestie chrétienne, qui sont trop souvent violées même à l'église, spécialement dans les cérémonies de mariage. Nous demandons aux femmes chrétiennes de se liguer pour abolir l'usage de certaines formes de vêtements contraires à la décence.

Nous condamnons la danse, d'importation étrangère, connue sous le nom de « tango », qui est, de sa nature, lascive et offensante pour la morale. Les personnes chrétiennes ne peuvent, en conscience, y prendre part.

Les confesseurs devront agir en conséquence dans l'administration du sacrement de Pénitence.

De Rome, relevant les approbations données par le Popolo Romano aux avertissements contenus dans la Semaine religieuse de Paris, contre les danses et costumes inconvenants, l'Osservatore Romano dit :

Nous applaudissons aux paroles et aux vœux de notre confrère, en associant notre voix aux protestations qui, de tontes parts, s'élèvent contre de telles indécences.

Référence

« L'interdiction du tango », dans Le Figaro, 60e année, 3e série, n°11, dimanche 11 janvier 2014, p. 4.


(…) J'ai été, ce matin à l’archevêché, rue de Bourgogne. L’abbé Gouget, fort aimablement, m’a renseigné :

Monseigneur avait été, depuis quelque temps, ému par la vogue persistante de cette danse, qu’il avait tout-de suite jugée inconvenante, mais dont il croyait l'engouement passager dans le monde. À plusieurs reprises, il exprima le vœu à la commission des congrès diocésains « que les familles catholiques réagissent énergiquement, contre l'usage des modes indécentes et celui des danses inconvenantes. »

Devant les abus croissants, Son Éminence a cru devoir intervenir de façon plus formelle et le numéro de la Semaine Religieuse de demain [11 janvier 1914] contiendra un avertissement officiel à ce sujet. C’est tout ce que je puis vous dire pour le moment.

(…)

Référence

Émile Deflin, « Mgr Amette, archevêque de Paris, condamne le tango ''pour sa nature lascive et offensante pour la morale'' », dans L'intransigeant, 34e année, n°12232, samedi 10 janvier 1914, p. 1.