Eugenio Pacelli, dit Pie XII (1876-1958) |
(…)
D'une excessive liberté dans les spectacles et les divertissements à
un relâchement d'esprit et de conscience dans les lectures, il n'y a
qu'un pas.
Ici,
outre les attraits que Nous venons de relever, entre en scène un
appas plus subtil encore : l'amour tel que le décrivent les romans,
cet amour qui semble si bien rendre les sentiments, légitimes
certes, qu'éprouvent l'un pour l'autre les époux.
Le
romancier, ses héros et ses héroïnes disent avec tant de vivacité,
en des phrases si ferventes et si raffinées, ce qui même dans les
entretiens les plus confidentiels ne saurait ou n'oserait s'exprimer
avec pareille efficacité et avec la même flamme !
Si
ces lectures apparemment avivent l'amour, en réalité elles excitent
l'imagination et les sens, et l'esprit n'en est que plus faible
encore et plus désarmé en face des immanquables tentations. Ces
récits tour à tour d'infidélités, de fautes, de passions
illégitimes ou violentes, il n'est pas rare qu'ils enlèvent à la
mutuelle affection des époux quelque chose de sa pureté, de sa
noblesse, de sa sainteté ; les vues et les sentiments chrétiens en
sont faussés et l'amour conjugal se change en un amour purement
sensuel et profane, oublieux de la haute fin des noces chrétiennes.
Lors
même qu'ils n'auraient rien d'immoral ou de scandaleux, le fait de
se nourrir habituellement de lectures et de spectacles romanesques
établit la sensibilité, le cœur et l'imagination dans une
atmosphère de fantaisie, dans une atmosphère étrangère à la vie
réelle. Épisodes romanesques, aventures sentimentales, vie galante,
facile, commode, capricieuse, brillante, qu'est-ce que tout cela,
sinon des inventions fantaisistes d'auteurs qui ne surveillent point
leur talent, ne se soucient nullement des difficultés économiques
et ne se gênent pas de mettre leurs œuvres en contradiction sur
d'innombrables points avec la réalité pratique et concrète ?
L'abus
de pareilles lectures et de pareils spectacles, quand même, pris en
particulier, ils ne seraient pas répréhensibles, finit par fausser
le jugement et par tuer le goût de la vie réelle ; il ôte aux
époux cette sagesse que développe en eux une vie délicieusement
austère de travail, de sacrifice et d'attentive vigilance parmi les
soucis d'une famille florissante et nombreuse.
Considérez,
d'une part, le mari qui n'arrive point à gagner à la sueur de son
front de quoi suffire à toutes les dépenses d'une vie de luxe ; et
de l'autre, la femme qui, chargée d'enfants et de soucis, limitée
dans ses moyens, ne saurait changer d'un coup de baguette magique son
modeste foyer en un château de cartes de fées : dites si, à côté
de ces fantaisies romanesques, ces journées toujours égales, vides
d'événements extraordinaires, ne sembleront pas bien mesquines à
ces époux.
Pour
celui qui ne cesse de vivre dans un rêve doré, le réveil est trop
amer, et la tentation trop vive de le prolonger, ce rêve, et de le
continuer dans la vie réelle.
Que
de drames d'infidélité ont leur origine là et pas ailleurs !
Et
si, demeuré fidèle, l'un des époux pleure sans y rien comprendre
les égarements du coupable toujours cher et toujours aimé, il est
loin de soupçonner toute la part de responsabilité qui lui revient
à lui-même dans ce glissement qui a fini par amener la chute.
Il
ignore que, dès que l'amour conjugal vient à perdre sa sérénité,
gage de sa santé, sa forte tendresse et sa sainte fécondité, pour
ne plus ressembler qu'aux amours égoïstes et profanes, il est
facilement tenté de rechercher ailleurs sa pleine jouissance. (…)
Référence
Pie
XII, Discours aux jeunes époux,
18 novembre 1942 : 3e discours consacré à la « fidélité
conjugale ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire