[Orthographe modernisée. Version française des extraits en latin par l'auteur de ce blog.]
p. 498-499.
Et ceci nous mène jusques à l’an mil soixante. Mais comme en tyrannie sur l’Église, non moins s’avançaient-ils en corruption, et de mœurs et de doctrine. De mœurs ; car la Sodomie par ces lois de célibat, prend un tel pied dans le clergé romain, que Pierre Damien (1) lors retiré en son ermitage est contraint d’en faire un livre, intitulé Gomorreus, où il en déchiffre toutes les espèces ; et le dédie à Léon IX, l’adjurant d’y mettre ordre. Et Baronius (2) même l’avoue en ces mots :
« Les ronces et les orties avaient rempli le champ du père de famille ; toute chair avait corrompu sa voie, et n’était pas besoin seulement d’un déluge pour laver, mais d’un feu du ciel pour foudroyer comme à Gomorrhe. »
Et là dessus Léon avait fait quelques règlements, et ordonné quelques peines. Mais tôt après on le vit en la mal grâce de Léon. Et depuis venant Alexandre II au papat, il lui déroba son livre sous ombre de le bailler à l’Abbé de S. Sauveur à transcrire, prenant prétexte de ce qu’il en avait parlé trop salement, comme si telles ordures se pouvaient remuer sans puanteur ; dont le bon homme se plaint aigrement en une sienne épître au cardinaux Hildebrand et Estienne, et non sans évidente ironie leur dit : « Et c’est de vrai un indice de la netteté sacerdotale, ou plutôt un argument de la pureté papale ? » (…).
p. 1245
« Entre les maquereaux de ces derniers temps, dit Agrippa (3), fut remarquable Sixte IV qui construit à Rome un noble bordeau. Ainsi fut cet empereur Héliogabele qui chez lui nourrissait bandes de putains dont il fournissait à ses amis et serviteurs, etc. Et les courtisanes de Rome payent par chaque semaine un jule au pape duquel le revenu annuel passe quelquefois vingt mille ducats, et est tellement cet office affecté aux principaux de l’Église, que le loyer des maquerellages est conté avec les revenus des Églises. Car, dit-il, j'ai ouï autrefois faire le compte en cette sorte : il a deux bénéfices, une cure de 20 ducats, un prieuré de quarante, et trois putains au bordeau, qui lui rendent chaque semaine 20 jules. »
En quoi mieux pouvait-il avancer le règne de la Paillarde ? Ajoutons toutefois ce que dit de lui Wesselus de Groningue (4), docteur en théologie, en son livre des Indulgences papales, homme en ce temps recommandé de la connaissance des trois langues dont il était appelé Lux mundi, la lumière du monde, lequel vivait nommément sous ce Sixte :
« À la requête de Pierre Rière cardinal de S. Sixte et patriarche de Constantinople, et de Hiérôme son frère, et du cardinal de sainte Luce, qui avait été chef de la vénerie de Paul II, il permit d’exercer la sodomie, les trois plus chauds mois de l’année, juin, juillet et août, avec cette clause, fiat petitur, soit fait comme il est requis. »
Et pource disait son épitaphe par Johannes Sapuis,
« …............ deflent sua busta Cinædi
Scortaque, lenones, alea, vina, Venus.
Item,
Pædico insignis, prædo, fucosus adulter
Gaude Prisce Nero, etc. [Voir remarque 1]»
Dont la conséquence suit très à propos selon saint Paul, Romains 1 :
« Riserat ut vivens cœlestia numina Sixtùs
Sic moriens nullos credidit esse Deos [Voir remarque 2]»,
que vivant et mourant, il avait testifié qu’il ne croyait point de Dieu. (…).
Notes.
(1) Petri Damiani liber, qui inseribitur Gomorrheus cui præfixa epistola Leonis papæ.
(2) Baronius, volumen II, annus 1049, articulum 10 et seqq.
(3) Agrippa, De vanitate scientiarum, c. 64, de Lenoniæ.
(4) Wesselus seu Basilius Grœningensis in Tractatus de indulgentiis papalib.
Remarques.
1. Concernant l’épitaphe du pape Sixte, la citation complète est la suivante :
« Pasquin au pape mort :
Sixte, jaces tandem, fidei contemptor et æqui :
Pacis ut hostis eras, pace peremptus obis.
Sixte, jaces tandem, lætatur Roma tuo quæ
Passa sub imperio est funera, bella, famem !
Sixte, jaces tandem nostri discordia secli :
Sævisti in superos, nunc Acheronta move !
Sixte, jaces tandem, fraudisque, dolique minister.
Et sola tantum proditione potens.
Sixte, jaces tandem, deflent tua busta cinædi,
Scortaque, lenones, alea, vina, Venus !
Sixte, jaces tandem, summorum infamia, fexque,
Pontificum, tandem perfide Sixte jaces !
Sixte, jaces tandem, vos hunc lacerate, Quirites,
Dentur et impastis membra scelesta feris ! »
Ce que l’on pourrait rendre par :
« Sixte, tu gis enfin, toi qui méprisais la foi et l’équité.
Tout comme tu étais l’ennemi de la paix, tu t’en vas, détruit par la paix.
Sixte, tu gis enfin, [et] Rome est en joie, [elle] qui souffrit sous ton empire, funérailles, guerre, faim !
Sixte, tu gis enfin, toi la discorde de notre siècle.
Tu t’acharnas sur les dieux d’en haut, va maintenant aux enfers !
Sixte, tu gis enfin, serviteur de la fraude et de la ruse
et si puissant par la trahison seule !
Sixte, tu gis enfin ; qu’ils pleurent tes cendres, les mignons, et les prostitué(e)s, les proxénètes, les jeux de hasard, les vins, les plaisirs de l’amour.
Sixte, tu gis enfin, [toi], l’infamie et la lie des saints pontifes, tu gis enfin, Sixte trompeur !
Sixte, tu gis enfin ; citoyens romains, déchirez les membres [de ce corps] et qu’il soient donnés aux bêtes affamées !
Et enfin :
« Quid pia functo fuerunt solemnia Sixto ?
Tradita sunt sceleri vota precesque note.
Riserat ut vivens cœlestia numina Sixtus,
Sic moriens nullos credidit esse Deos.
Sixte, jaces tandem superis invisus et imis,
Inclusus gravido ventre necandus eras ! »
Que l’on pourrait rendre par :
« Pourquoi y eut-il pour Sixte de pieuses solennités ?
Les vœux et les prières ont été délivrées pour un criminel notoire.
Vivant, Sixte s’est moqué des volontés célestes,
Ainsi, en mourant, il a cru qu’il n’existe aucuns dieux
Sixte, tu gis enfin, haï par ceux d’en haut et ceux d’en bas ;
On aurais dû te tuer [encore] enfouis dans le ventre maternel. »
Source : Pasquino et Marforio, Les bouches de marbre de Rome, traduits et publiés pour la première fois par Mary Lafon deuxième édition, A. Lacroix et Cie, Paris, 1876, p. 20 et 21.
2. Concernant la deuxième citation, le texte complet en est le suivant :
« Leno vorax, pathicus, meretrix, delator, adulter,
Si Romam veniet illico cretus erit.
Pædico insignis, prædo furiosus, adulter,
Exitiumque urbis, perniciesque Dei, Gaude prisce Nero, superat te crimine Sixtus,
Hic scelus omne simul clauditur et vitium. »
Que l’on pourrait rendre par :
« Le proxénète vorace, l’homosexuel passif, la prostituée, le délateur, l’adultère,
s’il vient à Rome, aussitôt sera distingué.
Enculeur remarquable, pilleur délirant, adultère,
et [toi], la ruine de la Ville, et le fléau de Dieu, réjouis-toi, antique Néron, par la faute, Sixte l’emporte sur toi,
Ici, est enfermé tout crime aussi bien que [tout] vice. »
Ce texte latin est donné par Louis Joseph de Potter qui avait précisé auparavant au sujet de Sixte :
« Il vendit aussi les bénéfices ecclésiastiques et quelques chapeaux de cardinal ; il en accorda d'autres par protection ou par des motifs moins louables encore, comme lorsqu'il combla de biens et décora de la pourpre Jacques de Parme, beau mais ignorant jeune homme de vingt ans, qui, de page (Ragaccius) du comte Jérôme, était devenu camérier du cardinal de saint Vitale, puis chambellan du commandant du château Saint-Ange, et enfin, favori du pape. ».
Source : Louis Joseph Antoine De Potter, L'esprit de l'église ou considérations philosophiques sur l’histoire des conciles, tome 2, E. Babeuf, Parmentier, Paris, 1821, p. 181-182, note 2.
3. On trouve le texte suivant à propos du pape Sixte chez les annalistes Jacobus Volaterrani ou Stephanus Infessura :
[Jacobi Volaterrani Diarium Rom. [Annales de Rome, par Jacobus Volaterrani] in Muratorii XXIII, p. 198, ou Stephani Infessurae Diarium urbis Romae [Annales de la ville de rome, par Stephanus Infessura] in Eccardi Corpus histor. medii aevi [Corpus historique du moyen-âge, par Eccard] II, p. 1938.]
« (…) et—XII. d. Aug.—mortuus sit Sixtus IV. In quo felicissimo die Deus ipse omnipotens ostendit potentiam suam super terram, liberavitque populum suum Christianum de manu talis impiisimi et iniquissimi regis, cui nullus Dei timor, nullus regendi populi Christiani amor, nulla caritatis et dilectionis affectio ; sed solum voluptas inhonesta, avaritia, pompa, seu vana gloria semper et continue praecipue viguit, et in consideratione fuit. Hic, ut fertur vulgo, et experientia demonstravit, puerorum amator et Sodomita fuit. Nam quid fecerit pro pueris, qui serviebant ei in cubiculo, experientia docet, quibus non solum multorum millium ducatorum donavit reditus, verum Cardinalatum. et magnos Episcopatus largiri ausus est. Nam et non propter aliud, ut dicunt quidam, dilexit Comitem Hieronymum, et fratrem Petrum, ejus germanum, ac post Cardinalem s. Sixti, nisi propter Sodomiam. (...) »
Que l’on pourrait rendre par :
« Et le 12 août, mourut Sixte IV. En ce jour heureux au plus haut point, Dieu tout-puissant lui-même manifesta sa puissance sur la terre, et libéra son peuple chrétien de la main d’un roi tel, impie et injuste au plus haut point, qui n’avait aucune crainte de Dieu, aucun amour pour régir le peuple chrétien, aucun sentiment de charité et d’amour réfléchi ; mais seules la volupté déshonnête, l’avarice, la pompe, ou la vaine gloire furent en vogue et considérées avant toutes choses, toujours et continuement. Celui-ci, comme il est rapporté par le commun, et comme l’expérience l’a montré, fut amateur de garçon et Sodomite. En effet qu’a-t-il fait en faveur des garçons qui le servaient dans [sa] chambre à coucher, l’expérience l’enseigne, il [leur] a non seulement donné le revenu de plusieurs milliers de ducats, mais il a osé [leur] donner largement le cardinalat et les grands épiscopats. En effet, ce n’est pas pour autre chose, comme certains [le] disent, que pour la sodomie, qu’ils a distingué le comte Jérôme et son frère germain Pierre, ensuite [devenu] cardinal de S. Sixte. »
Source : Dr. Johann Karl Ludwig Gieseler, A compendium of ecclesiastical history, 4e édition révisée et augmentée, traduite depuis l’allemand par le révérend John Wistanley Hull, vol. 4, T. et T. Clark, Édimbourg, 1853, p. 385.
Source générale.
Philippe de Mornay, Le Mystère d'iniquité, c’est-à-dire l’histoire de la papauté, Philippe Albert, Genève, 1612.
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