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samedi 16 juillet 2011

Étude des frustrations précoces (2). Effets cliniques (la pathologie frustrationnelle), par P. C. Racamier, 1954.



I. — PRÉAMBULE

Il est des peuplades primitives où la règle veut que le nourrisson dont la mère est morte en couches soit sacrifié. C'est une règle cruelle, mais qui recèle une sagesse dont un important ensemble de travaux sur la frustration précoce a montré la profondeur.

Avant que soient envisagées ici les conséquences cliniques de la frustration précoce, cette notion devait être précisée dans sa définition,ses contours et sa matière (1).

Rappelons que la frustration précoce est frustration objective et externe, carence et préjudice ; c'est la frustration des besoins fondamentaux dont la satisfaction est nécessaire à l'édification de la personne sur un plan qui est, non pas seulement psychique, mais véritablement psychosomatique. L'importance de ces besoins, dont dérive directement la notion de frustration est elle-même à la mesure de l'immaturité physiologique du nouveau-né et du nourrisson, et de l'incapacité où il est
d'opérer seul et spontanément sa propre maturation.

Il en résulte que la pathologie de la frustration précoce est une pathologie de carence essentiellement, et c'est sous cet angle qu'en seront rapportées ici les différentes modalités cliniques.

Les connaissances dont nous disposons sur les effets de la frustration sont de valeurs très diverses : alors que les observations directes de nourrissons frustrés ont fourni des faits précis, sûrs, d'une valeur presque expérimentale, et dont il ne reste qu'à définir la théorie, d'autres faits, observés rétrospectivement chez l'adulte et dans des affections mentales ou somatiques données, ont ouvert des horizons, mais il reste encore bien souvent à en éprouver la valeur (2).

Toutes les traces que nous allons reconnaître suivent cependant une direction générale qu'il est dès maintenant possible d'apercevoir.

Les frustrations précoces s'exercent d'abord et avec la plus éclatante netteté sur le nourrisson et l'enfant dont elles vont jusqu'à compromettre l'existence, et chez qui elles déterminent les syndromes dont l'hospitalisme est le plus connu. Ce sont là, si l'on veut, les conséquences primaires de la frustration précoce (chap. II).

On s'aperçoit, en prolongeant l'observation, que le développement tout entier, somatique et psychique, est affecté d'une façon durable par les frustrations précoces, dont on constate alors les conséquences secondaires (chap. III). Il s'agit là d'une altération diffuse de la personnalité, dont une certaine forme de caractère (ou mieux vaudrait-il dire d'absence de caractère) constitue la forme la mieux définie, mais à laquelle se rattachent des orientations affectives et caractérielles à la fois moins graves, moins profondes et plus accessibles (chap. IV).

Plus avant, les voies de la frustration divergent et débouchent dans des troubles plus tardifs, mieux catégorisés et plus limités, tels que l'antisocialité (chap. V), le déséquilibre mental, les psychoses et tout particulièrement la schizophrénie (chap. VI), et, finalement, les évolutions psychosomatiques (chap. VII) ; dans toutes ces affections, si tant est que la frustration en soit une cause (3), c'est nécessairement à partir du syndrome secondaire (4). Les observations concernant les névroses (chap. VIII) mènent finalement à formuler des considérations générales que notre travail préliminaire laissait prévoir: ne peut être frustrationnel que ce qui n'est pas névrotique.


II. — LES TROUBLES PRÉCOCES


A) Démonstration étiologique

« Marasme » est un heureux terme, qui désignait au siècle dernier une étrange maladie dont sont morts un grand nombre de nourrissons esseulés, dans une consomption triste dont la cause était sans doute trop simple pour être simplement reconnue. Cependant, le problème inquiéta les pédiatres du début de ce siècle, qui avaient en particulier remarqué qu'un enfant allaité au sein par sa mère mourait moins facilement qu'un enfant au biberon seul (cf. 93). La trace de ces premiers pas semble s'être perdue, jusqu'à ce que, dans les années 30, la démonstration soit entreprise par plusieurs équipes de chercheurs des effets pathogènes immédiats de la frustration infantile (Spitz, Ribble, Bowlby, etc.).

À Spitz revient le mérite d'avoir le plus clairement apporté cette démonstration, par des observations qui sont maintenant connues de tous, et qui peuvent se résumer ainsi : les enfants en bas âge hospitalisés en orphelinat présentent un ensemble clinique de troubles du comportement, de retard du développement et de fragilité corporelle que ne connaissent pas des enfants bien maternés, et que l'auteur a désigné du terme d'hospitalisme (48).

L'expérience, car c'en est presque une, s'est déroulée dans des conditions qu'il faut rappeler :

D'une part, un orphelinat (foundling home) moderne, parfait sur le plan de l'hygiène, avantagé sur le plan de la surveillance médicale, divisé en boxes individuels. Soixante et un enfants y furent observés, dont les mères étaient psychiquement normales et vinrent les allaiter deux à trois mois ; ils vivaient dans leurs boxes séparés à visibilité très réduite, chaque infirmière s'occupant à la fois de 7 à 8 d'entre eux ,

Leur quotient de développement était au départ supérieur à la moyenne et supérieur à celui des 69 enfants du second groupe. Il s'agissait là d'une pouponnière recevant des filles-mères, des femmes enceintes, parfois des délinquantes ou des prostituées, qui s'installaient avec leur enfant et s'en occupaient toute la journée sous la surveillance de l'infirmière-chef ;

Sur tous les autres points, les conditions de vie étaient semblables pour les deux groupes d'enfants ;

Au bout d'un an de ce régime, les deux constatations majeures étaient  les suivantes :

1° Certains nourrissons avaient présenté les troubles graves de l'hospitalisme ; ils appartenaient tous au premier groupe ;

2° Le quotient moyen de développement, dans le premier groupe, était passé en dix mois de 124 à 72 (pour descendre à 45 à la fin de la seconde année), alors que, dans le second groupe, parti de 101, il était monté à 110, et s'était stabilisé aux environs de 105.

Cette différence, dont le hasard ne peut rendre compte, était liée à la seule variable qui différât d'un groupe à l'autre : l'apport de stimulations, la dose de soins maternels, ou de maternage.

La contre-épreuve complète la démonstration : les troubles provoqués par la carence affective précoce, si celle-ci ne dépasse pas une certaine durée, sont réversibles et guéris par le retour à un régime de. maternage
normal.

Qu'on rende l'enfant carence à sa mère, ou qu'on lui donne un bon substitut maternel, et, comme l'écrit Spitz, « les suites d'une pareille intervention sont tellement surprenantes qu'il faut les avoir vues pour y croire... Nous avons vu des enfants qui, douze jours après ce retour, étaient méconnaissables. »

Ainsi le montrait le cas déjà cité de Bakwin (3), cas dont l'observation se décompose en 4 temps :

1° Un nourrisson vit auprès de sa mère jusqu'à 2 mois ; à cet âge, il est normal et pèse 3 kilos ;

2° La mère, par suite d'une maladie intercurrente, doit quelque peu délaisser l'enfant et cesser l'allaitement au sein. Le bébé présente alors une gastro-entérite fébrile ;.

3° Il est hospitalisé. Tous les traitements imaginables sont pratiqués, mais l'enfant reste fébrile. Il est nourri au biberon de lait maternel, mais il maigrit. Il dépérit, respire faiblement, a l'apparence tragique d'un déporté ou d'un petit vieux apathique, pâle et ridé. À 4 mois, il pèse 2 kg. 700 ;

4° À ce moment, l'enfant, toujours fébrile, est remis à sa mère guérie. Plus aucun traitement, du lait en poudre. Aussitôt, l'enfant se met à sourire et à vocaliser ; la fièvre tombe ; la courbe de poids passe en flèche de 2.700 à 6.700 en trois mois. Il n'y paraît bientôt plus de son marasme de carence affective.


B) Syndromes précoces de frustration infantile

Les troubles provoqués par la frustration chez le nourrisson et l'infans sont reconnus et bien décrits sous les dénominations diverses de « troubles de carence émotionnelle » (Spitz), de troubles précoces de carence affective infantile durable (Porot), ou de syndrome précoce de frustration infantile (5).

B 1) Les troubles initiaux apparaissent transitoirement chez le nourrisson frustré dans l'un de ses besoins de base, privé en particulier de succion ou de stimulations sensitivo-sensorielles. Ils traduisent un état réversible de tension pré-anxieuse de l'organisme, disparaissant quand le besoin frustré vient à être satisfait, et constituent les signaux d'alarme de la frustration chez le nourrisson.

Le nourrisson qu'on n'a pas caressé ou qui n'a pas tété son content a un sommeil léger et coupé de cris ou de sursauts ; il crie, s'agite, ses muscles sont tendus, sa respiration se fait irrégulière et plus superficielle, il tète mal. La cause de cette tension peut être simplement la brièveté des tétées, la trop grande dimension des trous de la tétine, la brièveté des bains, la maladresse de la mère qui manque d'assurance dans ses gestes (1 et R).

B 2) Que le champ des frustrations et leur durée s'étendent, et les troubles se systématisent et rentrent dans le cadre général de l'hospitalisme (6).

On a décrit deux formes cliniques du syndrome précoce de frustration grave du nourrisson.

2. 1) La forme sthénique ou négativiste (Ribble, 44), ou d'excitation (Stern, 191) semble propre aux nourrissons nés avec de puissants besoins oraux ; elle se caractérise par une augmentation du tonus musculaire de base, avec hypertonie des muscles du cou, du thorax et des membres, une respiration irrégulière, étroite, parfois suspirieuse, de la constipation, de la turgescence du pénis (23, 191), un sommeil superficiel, de l'agitation et des cris, et un refus sthénique de prendre le sein ou le biberon, avec stagnation pondérale.

2. 2) La forme asthénique, ou de régression (44) ou catatonoïde (191), affectant surtout les nourrissons initialement peu actifs ou plus sévèrement carencés, se caractérise par une hypotonie musculaire généralisée, de la pâleur avec émaciation, une diminution de l'amplitude respiratoire, avec parfois rythme de Cheyne-Stokes, de la diarrhée et un amaigrissement progressif sans sous-alimentation, et de fréquentes ascensions fébriles sans atteinte infectieuse caractérisée ; le sommeil est stuporeux ; le nourrisson est apathique, indifférent, inactif et somnolent ; immobile, souvent couché sur le ventre, il montre un faciès triste et atone, ne réagit pas aux stimulations extérieures, se désintéresse complètement du sein ou du biberon et ne le garde pas ; il ne s'intéresse pas non plus à son propre corps, ne suce pas son pouce : l'instinct lui-même est gravement perturbé (cf. : 44, 3, 191, 188), avec l'ensemble des régulations neurovégétatives.

Il faut bien saisir que ce dernier syndrome est évolutif. On peut, avec Spitz, en distinguer deux phases, celle de la dépression anaclitique, dont les symptômes sont réversibles, et celle, plus grave, de l'hospitalisme proprement dit, état de sidération complète de l'activité organique et psychique, capable d'aboutir à la mort, et laissant de toutes façons des séquelles irréversibles (7).


C) Conditions d'évolution

Cette description clinique des syndromes de frustration précoce du nourrisson n'a pas tenu compte des conditions précises de la frustration qui les détermine. Il convient cependant de distinguer le cas de l'infans privé dès sa naissance, à un degré variable, des satisfactions du maternage, et celui de l'infans séparé, à un âge et pour une durée variables, de sa mère. C'est, de toutes façons, dans les institutions et hôpitaux qu'on observe le mieux et le plus souvent l'hospitalisme.

Il est particulièrement important de savoir si la frustration survient avant ou après l'âge approximatif de 6 mois, qui marque normalement l'accession de l'enfant à de véritables relations d'objet, et l'apparition de l'angoisse proprement dite (alors qu'on ne peut auparavant parler que d'état organique pré-anxieux : 21 b). L'angoisse apparaît alors par suite de la perte de l'objet, et chez l'enfant carencé elle prend des proportions envahissantes (Spitz, 187 ; et 62, 90, 158).

Mais l'apparition, la gravité et l'évolution de ce syndrome précoce de frustration grave dépendent d'un certain nombre de facteurs, tenant les uns à la constitution de l'enfant et à l'âge où il est frustré, les autres à l'intensité, à la durée et à la forme des frustrations. Quelques lois se dégagent des observations cliniques amassées durant ces dernières années.

C 1) La sensibilité du nourrisson à la frustration précoce est d'autant plus élevée qu'est plus bas le niveau inné d'intégration instinctivo-végétative.

C'est là un facteur proprement constitutionnel. On s'explique ainsi qu'un nourrisson supporte sans grand dommage telle frustration qui provoquera chez un autre d'impressionnantes perturbations. On a déjà dit qu'on pouvait, schématiquement, distinguer les nouveau-nés en deux catégories, selon qu'ils sont bien ou mal «intégrés » (cf. : R).

On ne doit pas oublier que la notion de frustration précoce se dégage d'un rapport entre la fragilité constitutionnelle et l'apport ambiant précoce à l'enfant ; c'est donc une notion relative à la constitution, et certes pas liée exclusivement aux facteurs exogènes. À la fois la grande puissance et la grande faiblesse innées des instincts exposent le nourrisson à être plus facilement frustré.

Dans la série des 5 Types d'activité congénitale que décrit M. Fries (sous-actifs, calmes, modérément actifs, actifs, suractifs), ce sont les enfants des deux catégories extrêmes dont le seuil de tolérance à la frustration est le plus bas (cf. : 107 bis).

C 2) «. Il y a un point au-dessous duquel les relations entre la mère et l'enfant ne peuvent être limitées pendant la première année de la vie de l' enfant, sans que ce dernier subisse un dommage irréparable » (Spitz, 49).

Il y a donc un seuil de tolérance à la frustration précoce des besoins de base. Le niveau moyen de ce seuil, encore une fois variable selon les cas, est difficile à préciser et ne l'a pas été. Il paraît situé très près du niveau d'un maternage normal : la marge de tolérance à la frustration précoce est très réduite chez le nourrisson humain (il a été exposé pourquoi dans le premier de ces deux travaux : R).

C 3) Les effets de la frustration sont d'autant plus marqués qu'elle atteint l'enfant plus tôt (ainsi en est-il de la carence thyroïdienne). La vulnérabilité de l'enfant à la frustration précoce décroît progressivement, au fur et à mesure que se perfectionne son organisation instinctive, affective et végétative.

Hunt en a fourni la preuve en pratiquant sur de jeunes rats l'expérience suivante (126) :

Un premier groupe de rats nouveau-nés est nourri convenablement de la naissance au 24e jour, puis insuffisamment du 24e au 37e ; la même frustration n'intervient que du 32e au 47e jour pour les rats d'un second groupe, tandis qu'aucune privation n'est imposée au 3e groupe. Tous sont remis ensuite au régime normal, lequel est au 5e mois augmenté de rations supplémentaires.

Les animaux font provision de ces pellets inutiles, mais à des degrés divers. Les ratons du premier groupe, les plus tôt privés, font plus de deux fois plus de provisions que tous les autres; seuls ils présentent des troubles durables du comportement ; chez certains le comportement instinctuel est altéré au point qu'une fois placés devant l'excès de nourriture, ils amassent des provisions au lieu d'assouvir immédiatement leur faim.

Cependant, jusqu'à l'âge de 2 ans, les effets de la séparation de l'enfant d'avec sa mère (par hospitalisation, par exemple) se manifestent avec évidence (75, 74).

C 4) Les effets de la frustration précoce sont d'autant plus marqués
qu'elle est plus durable.

Dans l'orphelinat déjà évoqué, Spitz a suivi la progression des troubles de carence selon la durée de séparation d'avec la mère. Il s'agissait d'enfants de plus de 6 mois et de moins d'un an, et il est bien entendu que la mère dont ils avaient été séparés était une mère efficace et dont l'enfant recevait satisfaction de ses besoins.

Après une séparation d'un mois, le nourrisson a une attitude exigeante et cramponnante, et développe avec excès le secteur dit des « relations sociales ».

Au bout de deux mois, il refuse le contact avec autrui, ne tolère pas les étrangers et ne surmonte pas l'anxiété qui le saisit à leur approche ; il cesse de se développer et maigrit.

Au bout de trois mois, c'est le tableau, bien décrit par Spitz, de la dépression anaclitique, qui comprend : - l'anxiété à la vue des visages étrangers,
- la craintivité,
- le désintérêt et même le rejet de l'entourage,
- la perte d'appétit et de poids,
- l'insomnie et la sensibilité aux infections,
- le retard général du développement et la baisse de réactivité,
- et enfin un état d'inertie parfois stuporeux dans la position pathognomonique du décubitus ventral.

Au bout de quatre mois, le tableau s'aggrave ; l'enfant, le regard absent et le faciès figé, stuporeux, pousse des vagissements qui n'ont rien à voir avec les cris adaptés du nourrisson sain. Le Q. D. subit une chute massive (à l'exception toujours du secteur social).

Le cinquième mois de séparation fait apparaître l'hospitalisme qui marque l'entrée dans une phase de décompensation irréversible (que Spitz a comparée à la phase d'épuisement du Syndrome Général d'Adaptation de Selye, et que Stem (191) compare à un état de shock).

C 5) Le seul traitement curateur du syndrome de frustration précoce est le maternage : soit le retour à la mère si c'est possible, soit le changement d'attitude de la mère, soit la remise entre les mains d'un substitut maternel efficace et stable (2, 49, 84,174, etc.).

C 6) Mais, au delà d'une certaine durée, la séparation précoce d'avec la mère produit des dommages irréversibles (48).

— Cette durée est évaluée par Spitz à cinq mois.

Passé ce terme, le maternage n'a plus d'effets ; les troubles continuent d'évoluer pour leur compte ; leur gravité n'est plus seulement d'ordre quantitatif, elle devient d'ordre qualitatif. Dans les catégories étiologiques, la frustration précoce intense et prolongée doit alors être assimilée aux lésions définitives. Et, plus tard, si la notion de frustration précoce n'est pas dégagée, les troubles présentés par le sujet pourront évoquer une imperfection constitutionnelle ; pratiquement, d'ailleurs, c'est bien à cela qu'ils se réduisent, à un déficit inscrit dans la structure même de l'organisme tout entier.

Le retour à une relation mère-enfant normale produit généralement une remontée du Q. D. Selon les mesures de Spitz et Wolf, l'étendue de cette remontée varie d'une façon inversement proportionnelle à la durée de la séparation et à la profondeur de la chute (étant de 25 points pour une séparation de moins de trois mois, de 12 pour une séparation de trois à cinq mois) ; le fait remarquable est qu'après une séparation de plus de cinq mois, le Q. D. continue de descendre malgré la restauration d'un maternage normal.

Il faut néanmoins apporter quelques restrictions à ces lois pessimistes.
En effet, L. Fisher (98) et Beres et Obers (67) ont vu se produire, au bout d'un temps parfois prolongé, des restaurations spontanées importantes,; mais il convient de remarquer que, dans ces cas heureux, la séparation était intervenue plus tard que les neuf premiers mois (un Q. D. tombé à 59 est ainsi remonté spontanément à 105 (67).)


D) Frustrations spécifiques

Telles sont les lois que nous savons régir les effets précoces et graves des frustrations sévères et massives.

Les frustrations partielles et sélectives ont des effets à la fois moins dramatiques et plus différenciés. Les connaissances concernant ce domaine sont moins assurées et ressortissent à deux catégories de faits.

D 1) Effets différenciés des conduites frustrantes.

C'est une observation intéressante de Spitz, qui demande d'ultérieures vérifications, que les diverses conduites frustrantes ont des effets spécifiques différenciés (50 et 189).

Au rejet primaire manifeste répondrait : le coma du nouveau-né ; à l'hypersollicitude primaire : les crampes intestinales des trois premiers mois ; à l'hostilité phobique : l'eczéma infantile (8) ; aux oscillations rapides entre la douceur et l'hostilité : un état d'inertie avec balancements stéréotypés ; aux variations cycliques à long terme de l'humeur de la mère : le retard avec jeux fécaux ; et enfin à l'hostilité compensée dans une doucereuse acidité : un retard social avec avance de l'habileté manuelle.

Ce problème de la spécificité d'effet des frustrations se retrouvera, avec une incertitude accrue, dans l'étude des effets à longue distance des frustrations précoces.

D 2) Frustrations sélectives de besoins différenciés.

— Dans une mesure relative en clinique, et d'une façon beaucoup plus précise par l'expérimentation peuvent être réalisées des frustrations électives de l'un ou l'autre des besoins de base de l'infans.

— L'effet premier est toujours la mise en tension de l'organisme ; si la frustration est transitoire, un comportement réactionnel et compensateur apparaît secondairement ; si la frustration est prolongée, de quelque nature qu'elle soit, il en résulte toujours une désorganisation végétativo-affective globale et une régression développementale.

La frustration des besoins de succion (des besoins oraux au sens restreint du terme) est la plus, sinon la mieux étudiée de toutes, et l'occasion ne manquera pas d'évoquer ses effets pathologiques.

Les frustrations motrices semblent être les moins nocives.

Sans doute cependant jouent-elles un rôle capital dans la genèse des névroses expérimentales.

L'immobilisation des nourrissons régulièrement pratiquée par certaines peuplades entraîne d'abord un état de tension avec crises de rage, puis un certain retard du développement psychomoteur (21 c ; R, 337). (Chez les animaux capturés et captifs apparaissent, on le sait, des comportements stéréotypés).

Des nourrissons privés à la fois de lumière et de mouvements ont présenté des états d'inertie stuporeuse rappelant certains états catatoniques (141 bis).

Quant à la frustration des stimulations sensitivo-sensorielles, elle est difficile à isoler car elle, intervient à la fois comme élément et comme mécanisme de base dans toute frustration digne de ce nom (89, 1,137).

De même qu'un chaton qui n'est pas léché par sa mère présente de graves troubles digestifs, de même a-t-on vu dépérir des nourrissons que leur mère ne caressait jamais (cf. R, 337).

C'était déjà l'impression de Durfee et Wolf (89) que les pouponnières les plus affectivement insalubres étaient les plus modernes, les plus chromées et les plus stériles. Spitz a confirmé que l'isolement des petits assistés confinés dans leurs boxes étanches est. l'un des mécanismes principaux de leur apathie et de leur retard de croissance.

Tout récemment, Me Guiton- Verjara a isolé là carence de bercement comme une cause d'importantes perturbations affectives ultérieures ; mais il paraît assez artificiel d'isoler complètement le bercement de l'ensemble des éléments du maternage ; et difficile d'accepter les vastes conclusions de l'auteur, qui va jusqu'à lier les mœurs sexuelles et les mœurs tout court de l'Américain moderne, au seul fait qu'il a été un nourrisson non bercé...

E) Discussion pathogénique

Alors que la clinique de l'hospitalisme, ou, si l'on préfère, du syndrome précoce de frustration affective, est dès maintenant connue et reconnue, étant pleinement entrée dans la clinique psychiatrique infantile et pédiatrique (Heuyer, 122; Lebovici, 31 ; Spitz, 189;Porot, 161) (9), la discussion reste ouverte sur l'analyse des causes et l'interprétation des mécanismes en jeu.

— C'est ainsi que par commodité on parle presque toujours de carence maternelle. On s'est parfois élevé contre l'usage étendu de ce terme de mère, qui, pour certains, évoque une « mythologie » psychanalytique inadéquate à leur mode de pensée (137) ; à la notion de mère, on a voulu substituer celle de stimulations externes. Mais la dispute n'a pas lieu d'être si l'on n'oublie point que la mère est l'agent normal de la satisfaction des divers besoins physiologiques de base du nourrisson (cf. R). Aussi irrationnelle qu'en paraisse la notion l'amour est le centre de ce débat.

— L'amour maternel a sur l'enfant des effets physiologiques.

— Ce fait premier, lorsqu'on l'a compris, permet de comprendre tous les autres.

— Par contre, on ne comprend qu'à peine les mécanismes physiopathologiques des effets précoces de la frustration. Défaut de maturation nerveuse et neuro-végétative par carence de l'apport en stimulations sensitivo-sensorielles, par désorganisation des rythmes respiratoires et déficit en oxygène sanguin ? Bouleversements hormonaux (10), carences vitaminiques, défaillances enzymatiques ? On ne saurait encore en décider ni même épuiser la gamme des hypothèses de travail que peuvent se proposer les recherches à venir.

La plupart des intermédiaires biologiques entre les deux termes extrêmes de la carence affective et de l'hospitalisme restent encore inconnus. Cependant, leur découverte constituerait la base vraiment fondamentale de la physiologie et de la physiopathologie psychosomatiques de l'avenir. Que l'on comprenne bien, en tout cas et en attendant, que les syndromes précoces de frustration précoce ne sont pas du seul domaine des hypothèses purement psychologiques. Les faits sont là, et leur articulation, si elle reste à découvrir, existe.

— S'il a fallu que des psychanalystes se fissent statisticiens pour en prouver l'évidence, il faudra maintenant qu'ils se fassent physiologistes pour en démonter les mécanismes.


III. — TROUBLES DU DÉVELOPPEMENT PAR CARENCE AFFECTIVE

A) Régression

La satisfaction des besoins fondamentaux de la prime enfance est un facteur nécessaire du développement de l'enfant. Par suite, les effets de leur frustration se comprennent d'une façon générale comme troubles du développement et de l'évolution de la personne.

Qui suit la frustration dans ses effets immédiats observe que le premier de tous est une régression, dont l'ordre est d'abord fonctionnel. Cette régression a ceci de particulier et de très important, que souligne Anna Freud (101), qu'elle est globale. Non seulement les pulsions, comme dans les névroses, mais aussi le moi entier, avec toutes ses capacités, régresse à un niveau inférieur, ou manque à se développer. C'est bien pourquoi les effets de la frustration précoce ne sont pas de créer des symptômes névrotiques (101).

Naturellement, ce sont les acquisitions les plus récentes et les plus fragiles qui sont perdues d'abord. Et, suivant l'intensité (relativement à l'âge et à la constitution, c'est-à-dire à la sensibilité frustrationnelle), et la durée de la frustration, la régression fait perdre à l'enfant des tranches de plus en plus élémentaires de son intégration comportementale et neuro-végétative.

À peu près tous les secteurs du développement se trouvent atteints par cette régression. À un moindre degré, elle diminue les capacités d'adaptation du sujet.

Comme on l'a déjà vu, l'angoisse envahissante est un des premiers signes de la carence affective infantile. Toute situation nouvelle devient source d'angoisse panique et de retrait pour l'enfant séparé de sa mère (62, 90, 187).

On sait, en vérité, que l'angoisse infantile est en quelque sorte un « symptôme physiologique ». Mais si cette angoisse « physiologique » est formatrice, l'envahissante angoisse frustrationnelle paraît purement désintégratrice. Loin d'armer le Moi, elle consacre et aggrave sa défaite.

Une observation confirmative a d'ailleurs été faite chez de jeunes chevreaux ; ces animaux sont très sensibles à l'obscurité, mais ils s'y adaptent habituellement sans grande peine. Or (avec Liddell, 142), prenons deux jeunes chevreaux jumeaux allaités par leur mère ; l'un en est séparé chaque jour durant une heure environ ; les deux animaux sont ensuite soumis à la privation périodique de lumière. Le chevreau non séparé s'adapte ; le chevreau séparé présente une inhibition massive de type catatoniforme et cesse de téter. Dans l'expérience, il advint qu'il en mourut.

(Cette histoire triste montre que si, à une privation maternelle partielle sans effets manifestes, on ajoute des traumatismes habituellement tolérés, il peut résulter de cette sommation d'effets désintégrateurs des perturbations régressives graves allant jusqu'à mettre la vie en danger).

Le langage est la première fonction que perde l'enfant qui l'a acquis ; puis le contrôle des émotions et le contrôle des sphincters (174); puis l'activité psychomotrice : l'enfant revient à des jeux primitifs, perd la capacité de jouer comme celle de marcher ; son activité se borne à des mouvements stéréotypés du type du balancement ; la capacité d'investir des objets extérieurs est alors perdue ; puis (toujours si la frustration se prolonge ou bien si elle survient plus précocement), l'activité instinctuelle la plus élémentaire disparaît, avec les mouvements spontanés de succion; et enfin même l'activité neuro-végétative peut, chez le nouveau-né, en venir à régresser à un type fœtal de fonctionnement (et c'est l'intégration neuro-végétative de la fonction respiratoire qui semble bien céder en premier lieu : Ribble, 1 et 44).

La régression frustrationnelle n'a donc pas le caractère spécifique et défensif des régressions névrotiques. C'est une régression globale, massive, envahissante ; à ce titre, elle présente les deux aspects principaux de la Régression capacitaire (des fonctions synthétiques du Moi) et de la Régression végétative.

Au début, la régression est fonctionnelle. Mais, passé un certain seuil (11), elle fait place au pur et simple déficit : nous passons alors du syndrome primaire au syndrome secondaire de frustration précoce.

En pratique, ces deux séries successives de phénomènes sont l'objet de méthodes de recherches distinctes : les études directes mesurent les effets immédiats de la frustration, laquelle constitue le facteur invariable de l'observation, alors que les études rétrospectives mesurent l'incidence de la frustration chez des enfants et des adolescents, dont c'est alors le retard de développement qui constitue le facteur invariable de l'observation (cf. 2).

La méthode la plus rigoureuse consiste à suivre l'enfant carencé dans son évolution ultérieure. Beres et Obers ont ainsi étudié l'évolution de 38 enfants séparés de leur milieu familial durant leurs premières années, le plus souvent dès les premiers mois. Il en est résulté : 4 retards intellectuels, 4 schizophrénies, 7 infantilismes affectifs, 12 impulsivités « névrotiques », 2 schizoïdies, 2 psychonévroses (un pourcentage moins que « normal »), et 7 bonnes adaptations.

— Il faut souligner, avant de les séparer pour la commodité de l'exposé, que les faces « psychique » et « somatique » des défauts du développement sont si étroitement intriquées (surtout chez le jeune enfant) qu'il est parfois difficile et arbitraire d'en opérer pratiquement le départ.


B) Troubles du développement somatique

Cette loi clinique peut être proposée :

La frustration précoce. détermine, sur le plan somatique, des effets négatifs portant à la fois sur le développement corporel et sur les résistances organiques.

Ce double effet peut être expérimentalement reproduit chez de tout jeunes animaux (O. Weininger, 197).

Soit deux groupes de 16 rats sevrés de même âge et de même poids moyen, tous séparés de leurs mères et tous nourris identiquement ; mais, durant vingt et un jours, et dix minutes par jour, les ratons de l'un seul des deux groupes ont été pris et caressés par l'expérimentateur. Tous furent ensuite placés dans des situations « stressantes », peu après encore immobilisés à jeun durant quarante-huit heures, puis enfin sacrifiés et autopsiés.
Par rapport aux animaux ayant bénéficié des soins de l'expérimentateur, les animaux « frustrés » présentèrent, en dehors d'une diminution de l'activité générale et d'une plus grande craintivité :

un notable ralentissement du développement pondéral et osseux ;

une moindre résistance au stress, comme en témoigna l'état des viscères et l'intensité de la réaction cortico-surrénalienne d'alarme consécutive au choc final.

Pareille observation peut être faite autrement : étant donné que les rats nouveau-nés d'une portée de 12 reçoivent 2 fois moins de soins maternels que des rats d'une portée de 6, si l'on observe les uns et les autres dans leur développement, on note que les rats « au douzième » atteignent un poids moindre, se dirigent moins vite vers la nourriture, amassent plus de provisions, s'adaptent moins bien aux situations nouvelles, et se montrent plus agressifs que les rats « au sixième » (183 bis ; cette étude comporte une validation statistique). Conformément à une loi déjà énoncée, si la répartition des portées intervient plus tard, il n'en résulte aucun effet secondaire.

Chez le nourrisson privé de maternage, on sait que la courbe pondérale opère, après un arrêt, une chute progressive dans laquelle est également entraînée la courbe du développement général (3, 49,
102). Cet effet hypotrophiant s'observe encore à 2 ans (12). Il peut être suivi chez l'enfant d'âge scolaire et jusque chez l'adulte.

Presque tous les troubles de croissance (en général des retards) observés. chez 800 enfants canadiens d'âge scolaire se sont révélés n'être dus qu'à des frustrations précoces, par absence d'un ou des deux parents ou par carence affective. Et c'est la conclusion de Binning que la frustration joue un rôle bien plus important dans les troubles de la croissance que la maladie organique.

Au début du siècle, on avait, paraît-il, à réformer beaucoup plus de conscrits dans les régions d'allaitement artificiel ou mercenaire ; on avait même été, dans des travaux évidemment très sujets à caution, jusqu'à déceler une proportionnalité directe entre la force des athlètes et la durée de l'allaitement maternel ! (cf. 93). On aurait constaté, en règle générale, que les enfants nourris au biberon étaient, quant à leur développement somatique et psychique, défavorisés par rapport aux enfants nourris au sein (95, 124). Mais cette assertion reste à démontrer (24). Il est très improbable en effet que le mode d'allaitement constitue en soi une variable indépendante et valable ; il en est de même, on le verra, de la durée de l'allaitement, ou de toute autre caractéristique isolée de la phase de maternage.

En amoindrissant l'ensemble des résistances organiques, la frustration précoce constitue un facteur très important de morbidité et de mortalité infantiles.

Les enfants affectivement carencés sont connus pour leur chétivité, leur sensibilité aux infections banales de cet âge, qui prennent chez eux une évolution inhabituellement redoutable (3).

C'est ainsi que l'orphelinat de Spitz perdit en deux ans 37 % de ses 91 enfants, dont 30 % durant la première année (la majeure partie lors d'une épidémie de rougeole).

Au début du siècle, on avait de plusieurs parts indiqué la prépondérance significative de la mortalité précoce chez les enfants privés de l'allaitement maternel (dans une ville anglaise dont j'ai oublié le
nom, plus de la moitié des enfants nourris au biberon mouraient avant 1 an) (cf. 93).

La frustration précoce empêche donc l'organisme de développer ses moyens de défense contre les agents habituels et inévitables d'agression organique. Cet affaiblissement psychosomatique est global et ne paraît pas spécifique. Sans aucun doute, il reste inscrit dans la constitution même de l'organisme tout au long de la vie du sujet frustré qui a survécu. Il faut le considérer comme l'un des plus importants facteurs de la mystérieuse prédisposition de certains sujets à des affections dont l'agent est couramment répandu, en particulier aux maladies infectieuses graves. Cette fragilisation précoce constitue le facteur de base, non spécifique sans doute et assurément non suffisant, des évolutions psychosomatiques sévères. (Il reste encore à déterminer si la localisation ou la forme particulière de la maladie psychosomatique dépend de facteurs purement organiques, constitutionnels ou accidentels, ou bien de la forme propre des frustrations précoces prédisposantes, ou encore du type des frustrations déclenchantes).


C) Troubles du développement psychique

Mais la frustration précoce, on peut le prévoir, affecte l'être dans sa totalité, et la preuve en est dans l'évolution généralement parallèle des altérations psychiques et somatiques du développement que détermine la carence affective (69, 102).

On doit encore énoncer comme loi clinique de premier plan que la carence affective précoce détermine un ralentissement ou un arrêt du développement psychique.

Les chiffres actuellement connus, qui mesurent l'abaissement du quotient de développement (aux baby-tests) chez les tout jeunes enfants, sont éloquents : le Q. D. des enfants suivis directement en institution par Spitz passe de 124 à 45 en deux ans. Chez des enfants de 1 à 4 ans, ayant vécu en partie ou en totalité en institution et comparés dans des études récentes à des groupes semblables d'enfants ayant vécu en milieu familial normal, le Q. D. moyen est toujours abaissé de 102 à 93 ( Simonsen), de 100 à 90 (Grindl),
de 96 à 58 (Goldfarb), de 95 à 59 (Roudinesco et Appell) (cf. Bowlby, 2). Sur un total de près de 200 enfants, le déficit moyen du Q. I. est donc de 13 points (85,7 contre 98,6).

MM. Roudinesco et Appell ont vérifié que le déficit est d'autant plus marqué que la carence a été prolongée. Elles ont également montré que le trouble de carence affective peut dans certaines limites, être réparé par la réalimentation affective : de fréquents contacts affectueux avec certains des assistés firent spectaculairement remonter le Q. D. (de 37 à 70 en trois mois pour l'un d'eux, et pour un autre jusqu'à 100 en un an). Anna Freud et D. Burlingham ont également remarqué qu'en trois semaines de vie familiale, les enfants peuvent faire autant de progrès qu'en trois mois de nurserie.

Mais, dans la plupart des cas, le déficit demeure, et se traduira par le retard scolaire, et, plus généralement, par le retard intellectuel pur et simple (Goldfarb, 114). (Une liaison positive aurait, par ailleurs, été décelée entre les troubles de l'allaitement et les difficultés scolaires ultérieures ; 172).

Il existe donc des débilités mentales, ou plus exactement des intelligences empêchées de se développer par suite de la frustration précoce. Ce processus, qu'on doit presque qualifier de démentiel, est fonctionnel, et réversible par un traitement réparateur, mais dans certaines limites seulement.

L'étendue et les conditions de cette réversibilité sont diversement appréciées. L'assertion la plus commune est que la réversibilité n'est possible :

1. Qu'au-dessous d'un certain seuil de frustration et de détérioration;

2. Par la restauration immédiate de relations affectives plus riches.

Cette assertion paraît trop pessimiste à certains, qui ont vu survenir des notables améliorations spontanément et longtemps après la période de frustration (à l'adolescence en particulier), et tiennent qu'on ne doit pas considérer le déficit frustrationnel comme immuablement fixé (67).

Ce point, dont l'importance n'échappe pas, devrait donc être précisé par de nouvelles études.

La débilité frustrationnelle doit, bien entendu, se distinguer de la pseudo-débilité névrotique ; elle dérive, non point d'un mécanisme de défense compréhensible et démontable, mais, selon l'expression de Tramer, inanitio mentis, dont la pathologie courante fournit le meilleur analogue dans les effets de la carence thyroïdienne.

Le retard intellectuel global est certes aisément mesurable ; mais on n'en doit pas pour autant oublier deux importantes caractéristiques des retards psychiques consécutifs à la carence affective précoce :

1) L'immaturation est globale et touche, bien qu'à des degrés divers, tous les secteurs de l'activité psychique.: non seulement intellectuel, mais psychomoteur, émotionnel, affectif, instinctuel et social ;

2) Elle présente des caractères spécifiques qui lui donnent sur le plan clinique un cachet qui ne trompe pas, et dont il est possible de déterminer le commun dénominateur.

1. Secteur intellectuel.

Le déficit, ici, paraît plus particulièrement atteindre les capacités d'abstraction et de conceptualisation (des mesures précises ont été effectuées dans ce domaine par Goldfarb : 112,115). Du défaut de plans d'action, de mise en forme de la réalité, ou tout simplement de sens pratique et de jugement résulte une activité peu coordonnée, une faible emprise sur la réalité, et une adaptation pratique moindre que celle que laisserait prévoir le chiffre du Quotient intellectuel (13).

Une nouvelle et importante source d'inadaptation pratique est fournie par le défaut de conceptualisation du temps et d'insertion dans la durée, qui frappe tant chez certains frustrés (64) ; le futur n'étant pas prévu ni même envisagé, les actes ne comptent que pour leurs conséquences immédiates ; l'expérience n'instruit pas, car, si les événements passés ne sont pas oubliés, ils ne sont cependant pas intégrés et n'orientent pas l'activité présente. Il y a, dans cet ensemble aux conséquences pratiques si graves, plus qu'une simple adhésion au seul principe de plaisir.

La maîtrise du corps est acquise imparfaitement et avec retard par le nourrisson carencé (89). Et c'est encore chez le nourrisson qu'on observe le mieux les retards, les régressions ou les déficits de l'activité psychomotrice, parfois diminuée, parfois excessive et incoordonnée, mais parfois aussi normale (114), ou bien même habile à l'excès quand il s'agit du maniement d'objets inanimés (28).

Le retard le plus important affecte le langage ; l'un des signes majeurs de la carence affective précoce est le retard du premier babil et des premiers mots comme du premier sourire ; et si cet enfant comprend son entourage, il reste longtemps à se servir de quelques mots seulement, tarde à construire une phrase, et, dans certains cas graves, se contente de cris inarticulés (Spitz, 49). Il n'a pas été rapporté, mais il ne serait pas surprenant, que longtemps le Je et le Tu restent ignorés de ces enfants.

2. Secteur affectif.

Le déficit des fonctions du langage et de maîtrise du corps, ces témoins essentiels des relations de l'enfant avec son entourage, dirigent l'attention vers le trouble des fonctions de relation avec autrui qui est véritablement au centre du syndrome psychique de frustration précoce.

Le premier résultat de la séparation du jeune enfant est une sorte d'exacerbation des activités relationnelles : le secteur dit social prend, dans la courbe de développement, une prépondérance marquée (49), l'enfant réagit avec excès et anxieusement à son entourage nouveau (187), il montre une avidité affective insistante et instable dans ses objets (75,187), il devient à la fois sangsue et papillon ; il ne se montre plus capable de contenir ses émotions (115).

Les choses peuvent en rester à ce stade préliminaire et fonctionnel (14), elles peuvent s'arranger si la situation s'améliore, ou. bien elles peuvent, si la frustration demeure appliquée, aller jusqu'au stade grave et peu réversible de l'incapacité relationnelle, qui constitue la plus significative et sans doute la plus grave des séquelles de la frustration affective précoce et prolongée.

L'amour que l'enfant exigeait si avidement au début de la frustration, à ce stade il ne le recherche plus et semble en avoir perdu jusqu'à la notion. Être aimé, aimer, n'ont et n'auront plus pour lui d'intérêt ni de sens : il ne peut pas plus donner d'amour qu'en recevoir. Chacun a observé ces enfants, ces adolescents et ces adultes que l'amour n'atteint pas, que la présence même et la conduite d'autrui ne touchent pas, qui ne connaissent personne et ne peuvent faire au mieux que nouer des liens aussi fragiles que variables. Purement formelles, leurs relations interhumaines sont vides d'émois. Qu'on les qualifie anaffectueux, isolés, psychologiquement gelés, leur inaccessibilité reste la même, qu'on retrouve identiquement soulignée dans toute une série de descriptions connues (Levy, 32; Pozvdermaker, 161 bis ; Lowrey, 146 ; Bowlby, 74; Bender, 64; Goldfarb, 114).

Pour démontrer l'origine de ce syndrome, Goldfarb a comparé 2 groupes de 15 enfants de 10 à 14 ans, dont les uns étaient passés vers 6 mois des mains de leur mère à un foyer adoptif où ils étaient demeurés ; les autres, plus carencés, ayant passé en institution le temps qui, de 6 mois à 3 ans et demi, s'était écoulé entre la séparation d'avec leur mère et l'entrée dans un foyer adoptif. Or, si la capacité d'établir avec l'entourage des relations affectives normales était intacte chez les 15 premiers enfants, elle ne s'était développée que dans 2 des 15 cas du second groupe.

Prenons maintenant, avec Bowlby, deux groupes de 44 enfants atteints de troubles du comportement ; un certain nombre d'entre eux (44) sont au surplus voleurs ; un certain nombre sont anaffectueux (14) ; un certain nombre enfin (19) ont une histoire de séparation du milieu familial de plus de 6 mois avant l'âge de 5 ans. Or, il existe entre ces 3 variables des corrélations statistiquement établies (mais dont la faiblesse tient dans la petitesse des échantillons). Les anaffectueux en particulier ont presque tous été séparés (12 sur 14). (Les facteurs héréditaires par contre n'interviennent pas 'd'une façon significative) (74).

L'anaffectuosité prend aisément un tour agressif et asocial. Mais elle n'est pas en soi un signe d'hostilité ou de tendresse réprimée, de refus du contact ou de refuge devant autrui. Elle est défaut d'affects vrais, incapacité d'échanges, perte d'aimance, non-connaissance d'autrui ; en un mot, elle est un déficit.

On conçoit qu'aux yeux de tels aveugles affectifs il y ait peu de sens et de valeur dans les actes interhumains, et l'on voit aisément là une condition première d'inadaptabilité sociale et une condition fondamentale d'antisocialité.

3. Considérations générales.

Du normal à l'anaffectueux s'échelonne donc toute une gamme de troubles des relations avec autrui, que notre étude nous amène finalement à rattacher aux variations des investissements narcissiques ; le maintien d'un tonus narcissique suffisant est relativement indépendant des conditions ambiantes chez le normal (et le névrosé) ; chez les frustrés mineurs, ce tonus du narcissisme de base reste très étroitement dépendant des conditions externes (la situation de fait du nourrisson est donc ici reconduite ; on voit en fait le niveau d'activité même de ces sujets varier selon qu'ils sont aimés ou non). Enfin, les frustrés majeurs, tant le narcissique normal est chez eux insuffisant, ne dépendent plus du tout du monde extérieur, à qui non seulement ils ne peuvent plus rien apporter, mais aussi dont ils ne peuvent plus rien recevoir d'affectif.

Si l'on veut synthétiser l'ensemble des altérations psychiques qui viennent d'être décrites, il faut écrire : immaturation de la personne. Encore une fois, cette immaturation, qui reste au début fonctionnelle et réparable, n'étant tout d'abord que retard ou régression, devient bientôt un déficit vrai, d'autant plus étendu et moins réversible que les frustrations qui l'ont imposé ont été plus précoces, durables et graves.

D'un point de vue structural et dynamique, cette immaturation porte essentiellement sur le moi. Le moi est pauvre, faible et imparfait. Si les sujets précocement frustrés sont incapables de conceptualiser leur pensée, d'intégrer leurs expériences passées, de prévoir le futur et d'y projeter leurs objectifs, s'ils sont instables dans leurs activités et leurs affectivités, incapables de contrôler leurs émotions, s'ils n'ont pas de « conscience » (64), ou si elle, présente, elle se montre inefficiente (Greenacre), si l'on ne trouve pas chez eux d'inhibitions, de sentiments de culpabilité et d'angoisse (112), si enfin ils n'ont pas de mécanismes de défenses, c'est leur moi, qui, par sa faiblesse et son inorganisation, en est responsable. Leur appareil psychique ne s'est pas organisé. D'où leur impuissance à l'endroit de la double réalité du monde extérieur et du monde intérieur.

Le moi n'est pas atteint seulement dans ses fonctions différenciées, il l'est dans sa masse, dans sa constitution. Cet investissement global du moi qui, selon Federn, confère à la personne le sentiment de sa propre unité, et lui permet de se poser dans le monde en tant précisément qu'une personne, ne s'est pas effectué ou ne l'a fait que faiblement chez le frustré ; c'est le terme d'apersonnalisation qu'il faudrait créer pour définir d'un mot ce déficit si difficile à caractériser, précisément parce qu'il est diffus et porte sur les fondations mêmes de notre existence dans le monde.

Le moi ne fonctionne que pour être à chaque instant alimenté et chargé, constamment investi d'énergies instinctuelles. Il ne l'est pas chez le frustré dont le moi est faible parce qu'il est pauvre. Un défaut des investissements narcissiques normaux et fondamentaux du moi semble bien être la base dynamique du syndrome psychique de frustration précoce. Après Federn, il est tentant de lui relier l'incapacité d'aimer des frustrés graves. Comment en effet connaître autrui sans en posséder le modèle intérieur ? Et comment conjuguer le verbe aimer si l'on ne dispose pas du « je » pour le faire ?

C'est des stimulations et de la nourriture affective qu'il reçoit de sa mère que le nourrisson tient la force de se faire un moi, puisqu'au départ il est bien évident qu'il n'en a point et qu'il n'a d'autre moi que le tuteur qui lui est offert par autrui. C'est par identification précoce avec les images aimantes de son milieu naturel que l'enfant édifie, constitué et diversifie son moi, en un mot qu'il se personnifie. Et ce sont précisément ces identifications formatrices, aussi primitives qu'elles puissent être, qui ne sont pas possibles à l'enfant frustré.

Telles sont les bases dynamiques et structurales qu'on peut proposer à cette immaturation grave qui détermine la carence affective précoce. On comprend que, faute d'instrument pour le faire, le frustré ne puisse pas édifier de système de défense valable, fût-il névrotique, et ne puisse même intégrer les différentes phases d'une évolution instinctuelle normale. Et, bien souvent, l' instinct même sera touché jusque dans sa nature la plus biologique et la plus vitale, jusqu'à l'incapacité pour le nourrisson frustré d'avoir envie de téter, alors même qu'il meurt de faim (15), jusqu'à la mort. Par quoi se confirme cette profonde assertion de Ferenczi, que le nourrisson n'est empêché que par beaucoup d'amour de retourner au néant proche d'où il vient.

Ces considérations générales, issues de l'analyse des faits cliniques, font accueillir avec faveur l'idée, déjà freudienne, et reprise par Federn d'un investissement instinctuel de base, neutre, du moi. Les apports affectifs primordiaux seraient précisément les fournisseurs ou les catalyseurs de cet investissement neutre, charge fondamentale qui permet au moi et de se former, et de digérer les instincts plus différenciés qui viennent l'assaillir. C'est là un point de théorie qu'on peut aborder sans doute aussi par les voies du monisme ou du dualisme instinctuels ; il ne nous appartient pas d'en discuter, et encore moins d'en décider ici.

Pour revenir au plan des faits cliniques, on aura sans doute aperçu que les éléments fondamentaux des séquelles psychiques des frustrations constituent la base la plus logique des t roubles plus différenciés, dont il est temps maintenant d'étudier les relations cliniques avec la carence affective précoce : délinquance et antisocialité, déséquilibre mental et psychoses évolutives, maladies psychosomatiques sévères. Mais il faut auparavant revenir sur le problème du caractère.


IV. — CARACTÈRE ET FRUSTRATION PRÉCOCE

Il y a des degrés dans l'inorganisation de la personnalité qui résulte des frustrations précoces, et l'altération frustrationnelle du caractère n'atteint pas toujours la forme extrême qui vient d'être décrite.

Si le frustré grave se montre inaccessible à l'influence interhumaine, littéralement aliéné du monde, il existe aussi toute une gamme de caractères dont le trait majeur est au contraire une excessive dépendance d'autrui ; dépendance dans le domaine de l'affection reçue ; l'observation clinique montre avec une certaine évidence que cette dépendance dérive en ligne directe des privations affectives précocement subies et toujours regrettées. De tels sujets, écrivait Pasche (38), à propos d'une certaine catégorie d'entre eux, s'éprouvent incomplets ; on peut, je crois, penser qu'en vérité ils sont incomplets.

La solitude est au centre de leur existence (151). Recevoir de l'amour est la tendance fondamentale, évidente ou cachée, qui oriente l'existence entière de ces sujets. Non pas n'importe quel amour, et non pas sous la forme adulte de l'échange génital, mais un amour maternel et inconditionnellement donné. Tout va bien s'ils reçoivent tendresse et protection ; mais que cet apport vienne à leur manquer, et c'est le monde et leur propre moi qui défaille dans une sorte d'asphyxie ; c'est alors la dépression, la maladie psychosomatique : une véritable diastole de la personnalité et de l'organisme même.

C'est en quoi ils dépendent réellement du monde extérieur. Celui-ci, qu'il s'approche ou se retire d'eux, a le pouvoir de les vivifier ou de les laisser pantelants comme un corps privé d'ossature ou comme le gui de son hôte. Leur existence affective est organisée sur le mode de la symbiose (190). Ils sont donc éminemment vulnérables.

Ils le sont bien différemment du névrosé vrai qui a organisé un système intérieur de défense clos et complexe dans lequel il s'isole, et aux lois duquel il soumet toutes ses relations avec l'extérieur. Leur existence ne se déroule pas dans un vase clos à l'équilibre énergétique minutieusement réglé, elle est tout entière exposée aux intempéries affectives. C'est pourquoi la dénomination de névrose d'abandon, créée par Odier et G. Guex pour désigner la plus grande partie de ces sujets, est bonne quant à son second terme, et nous paraît au contraire, quant à son premier terme, manquer de rigueur et prêter à confusion.

Sur un plan dynamique, on ne saurait dire que leur moi ait, comme celui des frustrés graves, définitivement perdu ses capacités intégratives et ses investissements narcissiques normaux ; ces investissements ne sont pas non plus réglés d'une façon quasi automatique à un niveau suffisant ; ici, ils varient avec les apports extérieurs : comme, d'un fleuve mal creusé et mal alimenté à sa source, le, niveau dépend étroitement des pluies. ,

On les a décrits sur les dénominations diverses d'abandonniques (Guex), d'affamés d'affects (D. Lewy, 140), ou de dépendants (Alexander et d'autres auteurs nord-américains) (cf. aussi : 144, 200).

Cliniquement, ils présentent d'abord, sans même qu'il soit besoin de chercher profondément, un sentiment, justifié et presque toujours conscient, de- frustration (16). Qu'importe pour l'instant qu'un tel sentiment s'exprime sur le mode de la résignation, du regret, de la plainte, de l'amertume, de la rancœur ou de la haine ; qu'importe encore que la frustration soit éprouvée sous la forme de l'abandon, de la solitude, de l'inassouvissement, de la froideur, du préjudice, etc. Il importe plus de relever que ce sentiment repose sur des faits objectifs et vérifiables, qu'il se résume souvent dans un premier souvenir qui exprime fidèlement la situation affective de l'enfant (165, 190), et qu'il soit en somme issu directement, sans élaborations, ou presque, de la prime enfance qui l'a déterminé.

La faim détermine l'avidité affective.

Impatiente, agressive et accusatrice, cette avidité réalise la revendication affective de ceux qui exigent réparation des préjudices subis et, réagissent par la rage aux déceptions nouvelles.

Passive, elle constitue la dépendance affective du nourrisson invétéré, mendiant d'amour, prêt à tous les sacrifices pour acquérir ou sauvegarder l'affection et la protection maternelles, dont il faut qu'il se sente entouré, enserré, enveloppé. Le suçage du pouce, l'absorption de nourritures, de connaissances, etc., servent à combler le vide que la réalité ne peut emplir : ce sont là conduites compensatoires (au sens de ce terme qui permet de dire qu'une cardiopathie est compensée).

Des démonstrations expérimentales ont été apportées de ces mécanismes de compensation d'affects (126, 139, 141, 178, 182, 183).

C'est ainsi que les chèvres privées de succion sucent l'oreille de leurs compagnes ; on peut même descendre jusqu'aux gallinacés : de jeunes poulets placés sur un sol uni, et par suite empêchés de picorer arrachent du bec les plumes de leurs compagnons (141) ; observations similaires chez de jeunes chiots (178).

De jeunes chiens allaités au biberon l'ont été, les uns avec des biberons à petits trous et à longues tétées, les autres avec des biberons à gros trous et à courtes tétées ; ces derniers se montrèrent instables avec une tendance à amonceler des objets inutilisés (D. Levy, 141).

Observations analogues chez les jeunes suceurs de pouce ; 28 l'étaient sur 112 enfants pris au hasard par D. Lévy (139) ; les suceurs étaient les seuls à avoir eu des tétées écourtées spontanément ou volontairement (21 % et 25 % contre 0 et 1 %), ou insuffisantes (18 % contre 0 % ; soit au total 64 % de frustration spécifique chez les suceurs de pouce). Il est bien plus rare que le nombre et que le temps des tétées ait été limité chez les non-suceurs (28 % contre 95 % et 25 % contre 62 %) ; enfin, chez les suçoteurs, peu de tétées nocturnes (44 contre 41 %) et jamais de sucettes (0 contre 20 %). (Cf. aussi : 183).

Il est des cas plus graves, où, pour des raisons parfois mal connues, le caractère s'est ainsi organisé qu'il devient difficile ou même impossible au sujet de combler son déficit affectif, lequel ne cesse de croître dans une chute qui se termine souvent par la maladie psychosomatique. En un trait, ce sont des sujets, qui, quels qu'en soient leur envie et leur besoin secret, ne peuvent se laisser aimer. Cette situation est réparable, sous la réserve de conditions extérieures favorables et d'être redressée à temps, quand ils ne font, que réprimer ou réfréner leurs besoins passifs et reculent devant tout lien gratifiant par une sorte de résignation masochique ou par crainte des déceptions renouvelées.

Mais, dans d'autres cas, le sujet s'est fixé avec une sorte de compulsion tragique, dans une position de frustration dont il est extrêmement difficile de le déloger ; il peut exiger de telles preuves d'amour pour être sûr d'autrui que l'entourage se décourage et l'abandonne à coup presque sûr ; plus souvent, il s'engage invinciblement dans des liens de plus en plus frustrateurs, ou bien il faut qu'il s'évade d'un milieu protecteur dont il sent qu'il pourrait menacer son autonomie ; ou semble n'avoir d'autre but que de faire encore et toujours la preuve amère et revendicatrice qu'il ne sera jamais aimé (cf. Bergler) ; on a enfin décrit le caractère suractif-oblatif des frustrés qui, loin de chercher à recevoir et à économiser, se précipitent à corps perdu dans une insatiable et dévoratrice dépense d'eux-mêmes, se surmenant et se sacrifiant sans compter et s'éperonnant sans ménagement (Pasche, 38, et Racamier, 40 et 166 d).

Il existe incontestablement des liens étroits et sans doute spécifiques entre un type d'attitude culturelle et maternelle à l'endroit des enfants et le type de caractère des adultes qu'ils deviendront plus tard. Les données anthropologiques s'ajoutent utilement au dossier des conséquences des frustrations précoces. Il est intéressant de comparer par exemple les mœurs de deux tribus de Nouvelle-Guinée étudiées par M. Mead (150).

Le pays des Arapesh est un véritable paradis d'oralité. Les intérêts érotiques des parents passent après les intérêts de l'enfant : un tabou interdisant le coït après une naissance jusqu'à ce que l'enfant sache marcher espace convenablement les naissances. La femme Arapesh, qui d'ailleurs ignore les nausées et les vomissements gravides, se consacre tout entière, durant la grossesse et après, durant au moins deux ans, à l'enfant nouveau-né. Comme si ce n'était pas suffisant, le père qui, par ailleurs se consacre, quoique sans passion, à des activités viriles, se comporte en véritable mère à l'égard du nouveau-né, dort auprès de lui, le soigne, etc. La mère va l'allaiter deux, trois ou quatre ans. L'enfant n'est jamais laissé seul, ou à crier ; il a toujours un parent proche ou éloigné pour le tenir, lui parler, le bercer, l'amuser, le caresser. Le sein maternel est à l'entière disposition de l'enfant, pour y téter, le suçoter ou jouer avec, et la mère elle-même y prend un grand plaisir. (Il est d'ailleurs à noter qu'on n'a jamais vu un petit Arapesh sucer son pouce.) Sevrage très progressif (et jamais tout à fait complet, car une mère Arapesh peut offrir son sein à un enfant de 8 ans qui a subi une contrariété). Durant qu'il tète, la mère entreprend d'intéresser l'enfant à d'autres nourritures, qu'elle lui donne petit à petit, à d'autres personnes, qu'elle lui apprend en chantant à considérer comme de secondes et bonnes mères, aux animaux, etc. La fierté montrée de ses nouveaux accomplissements est le seul encouragement à croître qu'on se permet de prodiguer à l'enfant.

Les Arapesh ont une extraordinaire confiance dans la bénévolence d’autrui et de la nature. « Placides, satisfaits, point belliqueux ni « compétitifs », sensibles, chauds, dociles et confiants », tels les décrit M. Mead. Pas possessifs non plus, au point de ne pas imaginer qu'une terre leur puisse appartenir, mais de penser qu'eux lui appartiennent. Pas de colère, sauf des enfants quand, par extraordinaire, on les contrarie ; pas de luttes dans une tribu qui se considère comme une vaste famille et partage tout ; pas de guerre, et un étonnement superstitieux devant les rares meurtriers (dont les victimes ne sont pas vengées). L'agressivité est du reste précocement découragée par un constant appel à l'affection et à la douceur.

Aux Arapesh « hypermaternés » dans leur enfance, et pour ainsi dire jamais séparés de la mère, par ailleurs étrangers à toute compétition, toute possessivité, toute agressivité et toute méfiance, s'opposent presque point par point les habitants d'un riche pays voisin, les Mundugumor.

Les Mundugumor étaient une tribu de cannibales adonnés à la guerre et à la chasse des bêtes, et qui avaient fait leur idéal de la violence. Pas de véritable communauté, mais des familles fermées, jalouses et fières de leurs propriétés, n'ayant entre elles que des rapports formels et des rapports commerciaux âprement discutés ; à l'intérieur de chaque famille d'ailleurs, tout un tissu de rivalités, de méfiances et de vengeances. Tout individu se fonde a priori sur le sentiment que le monde lui est hostile, et qu'il ne s'y maintiendra que par la violence.

Le temps de la grossesse est occupé à discuter si l'on gardera le nouveau-né ou si on le tuera et, de la part de la mère, à craindre le ressentiment ou l'abandon du père. Né dans un climat hostile, l'enfant est nourri sans tendresse et comme à regret par la mère qui l'allaite debout, hâtivement, sans l'aider ni le caresser, et le replace aussitôt dans un inconfortable panier où plus tard elle le laissera crier tout son saoul. Le sevrage est brutal et, d'un côté comme de l'autre, hargneux. La mortalité infantile est élevée.

À ces deux exemples caractéristiques, on peut ajouter celui des Indiens Pilagà, du Gran chaco argentin (27) : nourris au sein jusqu'à l'âge de 2 à 3 ans, sevrés brusquement avant la naissance de l'enfant suivant, et tout de suite mis au régime des enfants plus âgés, ils font preuve d'une grande avidité affective et d'une constante peur du rejet affectif.

Il apparaît donc, d'une façon presque schématique, qu'un régime riche en maternage donne plus tard des individus confiants et chauds dans leurs relations affectives, alors qu'un régime précoce de famine affective ne laisse pour ainsi dire pas place au développement d'un sentiment de sécurité normal.

Une opposition analogue a été dressée par Roheim entre les natifs du Centre de l'Australie, qui, pauvres mais bien maternés, sont confiants les uns en les autres et tous ensemble en la nature, et ceux de l'Île de Normandy, qui, riches, mais élevés durement, nourris au compte-goutte, sevrés brusquement, dressés agressivement, sont des pessimistes, désespérés, souvent anxieux, qui produisent un taux élevé de suicides et de mortalité infantile (17).

Pour intéressants que soient ces faits, ils n'en doivent néanmoins pas être interprétés avec prudence, bien d'autres facteurs éducationnels et culturels variant en même temps que le taux de maternage. Ils confirment cependant cette notion que les dégâts de la frustration précoce, s'ils sont pratiquement propres à l'espèce humaine, ne sont pas propres à une culture donnée.

C'est avec la même prudence qu'il convient d'aborder les faits concernant les rapports de la frustration précoce avec les troubles névrotiques d'ordre oral, et singulièrement avec le caractère oral. Il est certes bien connu que le sevrage en est l' argument central. Qu'il en soit la cause est une autre question.

Goldman a pensé mettre en évidence une corrélation positive et significative entre le « pessimisme oral » et la précocité du sevrage ; 100 adultes présentant les traits cliniques du pessimisme oral avaient presque tous été sevrés dans les quatre premiers mois. A priori, ces conclusions sont discutables et n'ont pas été confirmées par d'autres enquêtes (149, 157, 160).

C'est, on peut l'imaginer, les psychanalystes qu'une telle découverte surprendra le plus. Car le sevrage vient perdre ici, réduit à une date, toute la richesse et la complexité subjective que lui voit la psychanalyse. Bien d'autres facteurs extérieurs que sa date sont les éléments avec lesquels l'enfant vit et élabore le sevrage.

Une autre enquête n'a trouvé aucune corrélation statistiquement significative entre certaines conditions objectives de l'allaitement et du sevrage d'une part, et les traits oraux et la désadaptation d'autre part (ces conditions étaient les 3 variables suivantes : allaitement au sein — ou artificiel, allaitement à la demande — ou selon des règles établies d'avance, sevrage progressif — ou sevrage brusque, et l'enquête a porté sur 162 enfants , 184).

Il apparaît que ces travaux sont à reprendre sur des bases plus précises et selon des méthodes plus rigoureuses. Il est probable qu'en ces matières, notre connaissance la mieux établie concerne la difficulté de l'enfant à intégrer un sevrage très tardif et à s'individualiser (184).

Certes, il est difficile, en théorie comme en pratique, de séparer radicalement les troubles causés par les frustrations précoces de ceux que la clinique psychanalytique rapporte à l'oralité.

Et cependant, cette distinction nous paraît, au moins sur un plan schématique, nécessaire. À ce point de notre excursion dans le domaine de la frustration, il nous paraît nécessaire en effet d'admettre que les élaborations névrotiques, dont les orales font partie, et que la psychanalyse peut dénouer, se situent dans un plan différent de celui où les frustrations précoces sont causes de conséquences parfois irrémédiables; et que les phases instinctuelles forment les modalités d'une évolution, dont la satisfaction des besoins de base constitue la condition.

Nous pensons qu'il est une partie, la plus enracinée, des conséquences des frustrations précoces, les plus graves, qui n'a pas de sens, et relève purement et simplement du manque.


V. — DÉLINQUANCE, ANTISOCIALITÉ ET CARENCES AFFECTIVES

V. 1. La notion de frustration a été officiellement introduite dans le domaine de la délinquance, de l'antisocialité et même de la criminalité, par le biais de la carence familiale et du foyer dissocié (18). Toute une série d'enquêtes, menées pour le compte de la psychiatrie infantile et, en France, sous l'impulsion principale du Pr Heuyer, montrent avec une convaincante évidence qu'au moment des troubles ou du délit, l'adolescent caractériel ou délinquant a une famille dissociée, amputée, altérée dans sa structure même. Ce n'est pas le fait du hasard si de graves perturbations familiales se trouvent dans l'adolescence irrégulière avec une fréquence qui va jusqu'à 90 %, alors qu'elles ne dépassent pas celle de 20 % dans la population normale.

La notion de foyer dissocié, qui guide la plupart de ces enquêtes, désigne un milieu familial incomplet, ou anormal dans sa composition, ou grossièrement atteint dans sa cohésion, et recouvre donc la notion de frustration par absence.

Normalement, chez des enfants de tous pays, la fréquence moyenne de la dissociation familiale est d'environ 12 % (les pourcentages moyens exacts étant de 9,7 chez des enfants anglais (81), 11,8 chez 70.000 jeunes Parisiens (152), 12 chez les Algériens (161), 19,3 chez 3.000 jeunes New-yorkais (56) ; on a trouvé encore des fréquences de 17,4 % à 19 ans (143, 69 cas), 28 % à 15 ans (162, 50 cas), 32,2 % à 19 ans (156, 230 cas) et 34 % à 22 ans (127, 370 cas).

Chez les enfants et les adolescents caractériels et délinquants, la fréquence monte de 40 à 90 %, et s'établit, sur un total d'environ 7.500 cas groupant une douzaine de statistiques, à un pourcentage moyen de 57.

C'est ainsi que chez des caractériels, on a trouvé des pourcentages de 33 chez 214 enfants « difficiles » (Loosli-Usteri), 40 chez 600 caractériels (Lafon), 62 chez 1117 instables (51), 65,6 chez 839 caractériels (152).

Dans la délinquance, les pourcentages s'échelonnent ainsi : 40 (80 filles : 161 bis), 44 (966 cas : 111), 45 (1615 cas d'Otterstrôm), 45 (300 délits sexuels : 77), 49 (III cas de Fargeat), 51,5 (197 cas : 81), 55 (1000 cas de Gamet) ; 60 (1663 cas suédois d'Ahrsjö), 65 (418 cas de Verwaeck), 65 (654 cas : 161), 71,5 (500 cas français : 88), 88 (400 cas du Pr Heuyer).

Dans la fugue et le vagabondage, on trouve des proportions de 53 % (100 cas français : 66), 70 % (450 cas : 155) et chez les 660 fugueurs d'Armstrong, une proportion de 57 % de dissociation familiale existant dès l'âge de 6 ans (2).

V. 2. L'analyse. plus détaillée de ces enquêtes et l'expérience courante enseignent que le milieu familial des enfants irréguliers présente deux perturbations différentes et souvent associées :

1. Il est incomplet : le père manque très souvent, et le plus souvent par abandon, alors que le décès est la principale cause du défaut de la mère (88, 152) ;

2. Il est anormal et, au sens large du mot, perverti : il est fréquent que la mère soit remariée ou vive en concubinage, que le père soit faible, violent, irrégulier, que le milieu tout entier n'ait aucune vertu éducative (61).

Pour deux raisons, par l'absence d'un des parents au moins, par les altérations objectives de l'image du père ou (et) de la mère, l'enfant est donc incapable d'opérer des identifications satisfaisantes. Ce sont peut-être des familles qui donnent le « mauvais exemple », mais ce sont surtout des familles qui ne donnent pas d'exemple du tout. (Bowlby a pu dire que de mauvais parents valent mieux que pas de parents du tout.)

Cependant, pour intéressantes et convaincantes qu'elles soient, ces notions bien établies ne renseignent que très indirectement sur la carence familiale toute précoce (20). On va voir que celle-ci ressort d'études plus récentes. Les notions précédentes prennent donc un sens nouveau : celui d'une spécificité des frustrations menant à l'antisocialité : frustrations, non pas seulement précoces, mais prolongées et se poursuivant jusqu'à l'adolescence, et flagrantes, criantes, et, si l'on peut dire, révoltantes.

VI. 3. Reste à montrer que, du moins dans certains cas d'antisocialité, la frustration précoce est un fait assuré, et, de plus, qu'elle ne recouvre pas de simples faits d'hérédité.

Bowlby a noué le premier et le plus connu des maillons de cette démonstration. Son étude a consisté à comparer deux groupes analogues de 44 jeunes caractériels, un des deux étant au surplus constitué de voleurs. Des corrélations statistiques se démontrent entre les 3 variables du vol, de la séparation précoce et de l'anaffectuosité.

Quatre-vingt-huit sujets : 44 sont voleurs, 19 ont subi de 6 mois à 3 ans 1/2 une privation presque complète de tout contact affectif, et 14 sont anaffectueux. Les 14 anaffectueux sont voleurs et 17 des 19 séparés sont voleurs (74).

Ajoutons une intéressante observation : deux frères sont élevés dans le même milieu et doués de la même hérédité ; l'un d'eux n'a pas l'occasion de vivre une solide relation affective avec sa mère; c'est précisément celui-là qui devient délinquant (Healy et Bronner, cf. 104) (21).

Ceux des analystes qui ont tenté, et parfois réussi, la psychothérapie des délinquants, voire même des criminels, ont pu se convaincre que, au moins dans certains cas, la frustration grave a constitué chez leurs malades l'élément causal de base et l'axe d'une action thérapeutique apportant la preuve finale de l'étiologie. Cette tradition qui remonte à Abraham et Aichhorn est également illustrée par les noms d'Alexander, Gillespie, Friedländer, etc. .

Au regard de l'action psychothérapique interhumaine, les antisociaux semblent pratiquement devoir être distingués en deux catégories essentielles à définir. Dans l'une d'entre elles, la frustration n'a pas produit des dégâts tels qu'une réparation ne puisse être donnée de ses effets, qu'un lien compréhensible ne puisse être trouvé de l'une aux autres (bien qu'il soit possible d'envisager ce lien sous des points de vue divers, mais qui se ramènent au fond tous aux deux faisceaux de la vengeance et de la récupération) ; toute relation interhumaine vraie n'est pas perdue dans ces cas et l'effort thérapeutique peut être tenté.

Le grave et définitif déficit psycho-affectif qu'on a décrit forme la base d'une autre catégorie de troubles anti- et a-sociaux, dont le pronostic doit être considéré comme aussi fâcheux que s'ils étaient déterminés par quelque lésion cérébrale organique (L. Bender). Des traits appartenant au syndrome secondaire grave de frustration précoce : l'inaccessibilité interhumaine, l'incapacité de former des liens affectifs, la non-connaissance d'autrui, l'imprévision, bien mieux que la classique malignité foncière et constitutionnelle, rendent compte de ces désordres, dans lesquels on ne voit guère où l'on puisse jamais insérer aucun levier thérapeutique (163).

VI. 4. L'analyse du lien frustration précoce-antisocialité doit être poussée plus loin. Des preuves préliminaires ont été données qu'à la fois la gravité de l' antisocialité et l' inaccessibilité, thérapeutique vont de pair avec l'importance des frustrations subies.

Preuves d'ordre statistique, et qui attendent encore confirmation.
Mais, il est, par exemple, remarquable que la fréquence des foyers dissociés soit trouvée : de 33 % chez des enfants difficiles, de 60 à 65 % chez des délinquants mineurs, et de 89 % chez des délinquants dangereux (cf. 152).

Il est certain d'autre part que l'évolution des troubles dépend aussi des facteurs familiaux actuels ; dans un groupe donné (135 cas ; cf. 134), dont en moyenne la moitié a présenté en cinq ans une évolution favorable, ce coefficient s'abaisse à 1/3 pour les cas où il n'existe pas de vie familiale.

Mais l'évolution dépend aussi des conditions familiales précoces : d'un groupe de 37 caractériels suivis (71), aucun ne s'est amélioré de ceux qui avaient perdu leur mère par abandon ou décès, et bien peu l'ont fait dont le père manquait.

Quant à l'accessibilité thérapeutique, elle a été éprouvée par F. Powdermaker (161 bis) chez 80 jeunes délinquantes toutes soumises à la psychothérapie : 40 succès, 40 échecs. Ces mineures se divisent en 4 groupes selon le degré de frustration précoce, qui va de l'absence de rejet (I : lien favorable avec les parents), en passant par le rejet partiel (II : un lien familial peu solide), et par le rejet névrotique (III : ambivalence des parents), jusqu'à la carence complète (IV : absence de tout lien d'affection avec les parents). Dans ces 4 catégories, les résultats psychothérapiques se répartissent de la façon suivante :

I. (rejet nul) : 25 succès, aucun échec ;
II. (rejet partiel) : 12 succès, 10 échecs ;
III. (rejet « névrotique ») : 3 succès, 13 échecs ;
IV. (rejet complet) : aucun succès, 17 échecs.

Résultats qui n'ont besoin d'aucun commentaire (22) ; mais dont on serait heureux d'avoir la confirmation.

En somme, si le point de vue frustrationnel est admis et confirmé en matière d'antisocialité, on peut alors concevoir une genèse en deux temps : sur un fond d'altération caractérielle de tendance asociale et anaffectueuse déterminée par la frustration précoce (syndrome secondaire) survient ou persiste une situation actuelle, qui détermine l'éclosion des manifestations antisociales (syndrome tertiaire). Schématiquement, l'antisocialité révélerait deux aspects diversement composés : déficitaire et significatif.

La prédominance de ce dernier aspect détermine l'accessibilité thérapeutique : ainsi le vol de récupération symbolique, la fugue de fuite d'un lieu de privation vers un sein gratificateur (23) indiquent des altérations caractérielles au moins en partie réparables.

VI. 5. Mais ce ne sont pas là les seuls comportements antisociaux qu'on ait imputés à la frustration précoce. La pyromanie en ferait aussi partie, si l'on en croit les études montrant la fréquence de l'isolement et de la privation affective dans l'enfance des incendiaires (Oulès, Yarnell, Warner). La délinquance sexuelle et la prostitution doivent y être ajoutées d'après de vastes enquêtes récentes (Kemp, in : 2 ; Safier et coll.).

Certes, c'est l'agressivité qui est la réalisation la plus remarquée descomportements antisociaux de frustration grave (168). Agressivité parfois dévastatrice, et qui permet à la criminologie d'entrer dans le cadre de cette étude (136). Le suicide y entre avec le meurtre. Mais, si le suicide de l'enfant est à coup sûr le signe de frustrations, non seulement précoces, mais encore actuelles, graves et flagrantes (63, 138), les relations du meurtre et du suicide de l'adulte avec la frustration précoce, malgré de très démonstratives observations isolées, restent des problèmes entièrement ouverts à la recherche. Quant au lien entre la tentative de suicide et l'abandon affectif, P. Schneider présente des résultats personnels où cités dont il estime qu'aucune conclusion ne peut être dégagée.

VI. 6. C'est au psychanalyste qu'il incombe d'analyser dans quelles conditions se manifeste l'hétéro-agression des frustrés graves, et c'est un problème dont la complexité dépasse le cadre de cette étude. En plus du rapport de forces des pulsions entre elles et avec le surmoi, la carence du moi tient une place progressivement croissante dans les explications qui nous sont données ; car, non seulement l'antisocial par frustration précoce est un impulsif dont les pulsions traversent le moi sans résistance, mais encore une absence quasi totale de relations d'objets donne à ces impulsions un caractère « inhumain », et pour ainsi dire démentiel : tuer représente peu sans doute pour qui n'éprouve pas intimement, pour le pire comme pour le meilleur, le sens et la valeur de l'existence et de la vie d'autrui.

Avant d'abandonner un domaine qui nous introduit à celui des psychoses, il faut bien rappeler que le plus grand tort qu'on pourrait faire aux études naissantes et encore exploratrices sur les conséquences lointaines des frustrations précoces serait de voir celles-ci partout et d'en faire l'étiologie universelle de la psychiatrie.

Quel que soit le domaine qu'on explore, il s'agit concrètement de répondre d'abord aux 3 questions de savoir : si la frustration peut avoir un rôle causal ; dans quel type de cas et dans quelle mesure ; et si l'on y peut faire quelque chose.


VI. — PSYCHOSES ET FRUSTRATIONS PRÉCOCES

Fidèle à la distinction que Freud détermina entre les psychoses, névroses narcissiques, et les névroses proprement dites, fidèle aussi à l'impression de tous que la folie a des causes, on a récemment entrepris de rechercher ces causes, non pas dans l'hérédité seulement, non pas seulement non plus dans le piège qu'exercent les tensions actuelles du milieu intérieur ou extérieur, mais aussi et surtout dans les frustrations précocement imposées par le monde au futur malade.

Sur ces problèmes où la recherche en est encore à ses premiers pas, on ne peut guère apporter que des résultats préliminaires.

A) Ensemble des psychoses

La pratique quotidienne des hôpitaux psychiatriques fait souvent rencontrer des malades qui, non seulement sont actuellement dépourvus de toute famille, ou du moins de toute famille efficace, mais n'en ont pas non plus bénéficié dès leur prime enfance. Ces cas sont parmi les plus malaisés à manier, non seulement parce qu'il n'existe aucun centre familial qui raccorde le malade au monde extérieur, mais aussi parce que la fragilité, l'inconsistance particulière de la personnalité de ces malades oblige le thérapeute à reconstruire sur du sable. Pour qu'un résultat valable soit obtenu dans de tels cas, il faut que le milieu psychiatrique devienne et demeure après la sortie du malade une véritable famille substitutrice.

Nous pensons que la carence affective précoce est la principale responsable de cette inconsistance de base. C'est un tout autre problème de savoir si la frustration précoce est un des facteurs étiologiques des maladies mentales. Une enquête récente et d'assez grande envergure indique que le taux de la frustration précoce est sensiblement plus élevé chez les malades mentaux internés que dans la population normale.

La conclusion principale de Barry, qui a mené cette enquête, est qu'un malade mental a nettement plus de chances que l'homme moyen d'avoir perdu sa mère avant l'âge de 8 ans (59).

Dans la population générale, la fréquence de la perte de la mère croît avec l'âge de l'enfant selon une courbe régulière sensiblement parabolique. La même courbe, établie d'après 1683 malades mentaux non choisis des deux sexes, s'élève, durant les premières années, bien au-dessus de la courbe moyenne, qu'elle ne vient rejoindre que vers la dixième année. S'il n'y a pas de différence significative quant à la perte du père, il apparaît par contre que les malades mentaux perdent leur mère avant 8 ans 3 fois plus souvent que dans la population moyenne.

Les autres causes d'absence de la mère étant ajoutées au décès, ce type de frustration atteint les pourcentages de 5 % à 3 ans, près de 10 % à 7 ans et plus de 12 % à 11 ans. (On ne doit pas oublier les imperfections d'une telle étude, portant sur un matériel aussi hétérogène et complexe que peut l'être la population d'un hôpital psychiatrique, et dépourvue par ailleurs de tout calcul statistique).

Portant sur plus de 1200 malades mentaux divisés en catégories diverses, la recherche, poursuivie par ailleurs, d'antécédents de dissociation familiale avant l'âge de 20 ans a failli montrer des différences significatives avec un groupe de contrôle (Oltman et coll.) (mais nous avons dit, quant à la frustration précoce, l'imperfection de la notion de dissociation familiale).

B) Schizophrénie

C'est, on le sait, la schizophrénie dont les relations pathogéniques avec la frustration précoce sont le plus étudiées (24). Serrés de près, les faits actuellement connus se présentent dans l'ordre suivant de certitude décroissante :

B I. Il existe incontestablement des cas de schizophrénie où les frustrations précoces et graves jouent un rôle étio-pathogénique déterminant.

Ces cas sont décelés par une analyse biographique très minutieuse précisant avec rigueur la nature et l'étendue de la frustration, et, en suivant les effets, tout au long de la jeunesse du malade, jusqu'à l'apparition de la catastrophe schizophrénique. Une telle analyse demande qu'on appuie par l'étude directe des parents et du milieu ambiant les données fournies par le patient. Elle n'est bien faite qu'au sein d'une entreprise psychothérapique dont elle constitue précisément le premier pas. La psychothérapie des schizophrènes orientée analytiquement apporte la meilleure preuve indirecte du rôle des frustrations précoces ; non tant parce qu'elle montre que le problème capital est celui du contact affectif, que les problèmes essentiels à résoudre sont toujours de l'ordre de la frustration et que le thème de l'abandon est central dans le contenu de la psychose, que parce que l'attitude réparatrice de protection parentale et même de maternage, adoptée presque unanimement par les psychothérapeutes expérimentés, est précisément un facteur important de la restauration du malade (Séchehaye, Rosen, etc. ; cf. Racamier, 165).

Pour citer deux des principaux praticiens de la schizophrénie :
« Un schizophrène ne peut avoir eu une enfance heureuse » (F. Fromm-Reichmann).

« Un schizophrène est un sujet qui a toujours été élevé par une mère souffrant d'une perversion de l'instinct maternel » (J. Rosen).

« La schizophrénie est une maladie dont l'origine se situe entre la naissance et la fin de la période préverbale, et dont la cause est l'incapacité de la mère à aimer son enfant » (id. ).

Des opinions analogues sont soutenues par H. Sullivan, K. Menninger, M. Séchehaye, L. Despert, L. Eickhoff, Boss, Christoffel, etc.

En fait, les observations publiées sont rares, où la relation des processus schizophréniques avec la frustration précoce est clairement et indubitablement démontrée (25). Par ailleurs, si tout le temps passé entre la prime enfance et l'apparition de la psychose rend difficile à la fois l'observation et l'interprétation des faits, dans la schizophrénie infantile au contraire il est beaucoup plus facile de saisir la frustration précoce en action, et parfois, voir l'enfant frustré se développer dans le sens de la schizophrénie (85, 28, 91, 190).

Voici par exemple (91) le cas d'une fillette de 7 ans, dont la mère, dépendante et incapable d'amour, avait subi une dépression peu après la naissance de l'enfant, fardeau pénible dans un ménage mal assorti, dont elle s'occupait le moins possible et qu'elle avait confié d'abord à sa propre mère, puis à une nurserie après la mort accidentelle du père survenue alors que l'enfant avait 8 mois.

Les principaux types de frustration se trouvent associés dans ce cas. C'est par contre un type de frustration affective bien défini et dont on reparlera, qui, selon Kanner, détermine l'évolution de l'autisme infantile précoce.

B 2. À qui veut passer à un plan plus général se pose la question de savoir si la frustration précoce est un facteur étiologique certain et constant de la schizophrénie. Question dont la réponse ne peut être apportée que par le travail statistique. La fréquence des frustrations précoces, par absence ou affectives, ressort précisément d'une douzaine d'inventaires portant ensemble sur plus de 1000 schizophrènes, mais dont la rigueur, la précision et l'étendue ne sont pas telles que des recherches nouvelles ne soient nécessaires pour emporter unanimement
la conviction.

À notre sens, la frustration précoce s'avérera effectivement comme un facteur prédisposant très important, mais sans doute point exclusif dans l'étiologie complexe du groupe des schizophrènes. Il viendra sans doute un temps où il s'agira, non plus seulement de savoir si la frustration joue ou non un rôle dans la schizophrénie, mais quel type de frustration, dans quels cas de schizophrénie, et dans quelle mesure.

En dehors des psychothérapeutes plus haut cités qui, sans énoncer de chiffres, mais à partir de cas connus à fond, affirment que la frustration précoce est un fait constant chez leurs malades, l'évidence est apportée de plusieurs parts qu'une faible proportion de schizophrènes ont mené une enfance heureuse dans le cadre d'une famille normalement constituée et efficiente. Cette proportion, évaluée à 10 % (Lidz et Lidz, 50 cas), ou à 12 % (Wahl, 392 cas), est très nettement inférieure à la proportion normale d'une population quelconque.

B 3. Le problème qu'on peut déjà se poser est celui de l'éventuelle spécificité des frustrations propres aux évolutions schizophréniques.

Bien entendu, on rencontre d'abord les frustrations par absence, et bien souvent par défaut des deux parents (Blum et Rosenzweig, Pollock et coll. ; il y a selon Wahl, 25 % d'orphelins à 15 ans, 40 % à 19 ans selon Lidz et Lidz ; mais, selon d'autres recherches (156), il n'existe aucune différence significative avec la population normale). Mais on ne sait pas encore s'il existe un âge où la frustration est la plus « schizophrénogène » (bien qu'on soupçonne que ce soit le plus bas), ni de quels besoins les schizophrènes ont été le plus frustrés.

En réalité, la famille des schizophrènes se présente bien souvent sous des apparences normales. C'est par sa qualité et son efficience que ce milieu familial, lors d'une étude approfondie, se révèle insuffisant. Et, dans cet ordre des frustrations affectives, c'est la dysharmonie du couple par renversement des rôles parentaux qui apparaît le plus souvent et le plus clairement.

Pour certains, cette situation se rencontre 3 fois sur 4 (79 cas de Reichard et Tillman, 171). D'autres investigations ont également souligné cet effacement du père dominé par la mère (143, 119, 193, 86, 28).

Mais ce n'est pas là une situation de famille propre aux schizophrènes ; et, par ailleurs, c'est la mère qui est le plus souvent incriminée. Toutes les formes de frustrations affectives maternelles semblent pouvoir être rencontrées. Et la loi se retrouve ici, aux termes de laquelle a elle-même été frustrée celle qui frustre sa fille, qui, à son tour, devenue mère et schizophrène, ne peut faire qu'elle ne frustre son propre enfant.

On a parlé de mères « schizophrénogènes » ; adjectif qui schématise un point de vue, mais qui risque d'évoquer un mécanicisme traître à la complexité des faits. Quoi qu'il en soit, ces mères schizophrénogènes seraient tout simplement, soit des mères ouvertement rejetantes et gravement frustratrices, soit ces mères qu'on qualifie rapidement d'hyperprotectrices.

C'est ce second type de mère que les auteurs américains ont le plus souvent rencontré (Reichard et Iilman, 171; Tietze, 193 ; Kasanin et coll., 132; Wahl, 195; Prout et White, 162). Leur sollicitude excessive et envahissante marque leur fond d'hostilité, d'angoisse ou d'indifférence, et empêche doublement l'enfant d'acquérir une armature intérieure ; à ce prix, il paie le lait que, selon certains (1400 cas, 181), il recevrait souvent jusqu'à un âge indu.

Ces mères « schizophrénogènes », on en trouve à bien d'autres malades que des schizophrènes, on en trouve même à des individus sains. En fait, si l'inventaire des frustrations subies par les schizophrènes est si mêlé, ce n'est pas seulement parce que les auteurs, parfois, observent vite, ou manquent de termes précis pour décrire les faits, c'est aussi parce que les frustrations précoces sont ici réellement complexes, et ne procèdent pas d'un seul parent, d'une seule attitude ou d'un événement précis, mais bien d'une sommation de facteurs frustrants.

D'après les observations publiées, les cas de frustration totale par absence ne sont pas du tout les plus fréquents ; non plus que les rejets par hostilité manifeste. Le plus souvent, il existe un double rejet, paternel et maternel, et il s'agit avant tout d'un manque d'affection pour ainsi dire asymptomatique, d'une sorte d'anoxie affective, insidieuse mais complète, et combinée à l'absence de débouché pour les émotions tendres ou agressives de l'enfant. S'il existe un monde familial de
l'enfance des schizophrènes, c'est un monde sans chaleur, sans ossature, et fermé ; monde dont on ne reçoit rien de consistant, dans lequel on ne peut rien jeter, et auquel on ne peut s'identifier.

Ce monde-là est en tout cas celui dans lequel Kanner a vu se développer l' autisme infantile précoce : perfectionniste, intellectualisé et sans chaleur affective vraie, le milieu familial de ces jeunes malades remplace l'amour par l'ordre, et les caresses par les chiffres ; le sein, peut-être, mais mécaniquement ; pas de « traumatismes », mais pas non plus de relation affective consistante avec l'enfant ; du lait, mais toxique comme peut l'être un lait dont, en cherchant à tuer les microbes, on a détruit les vitamines.

Quoi qu'il en soit, si et quand les frustrations précoces jouent un rôle déterminant dans la constitution du terrain préschizophrénique, on peut assurer qu'il s'agit de frustrations sévères et prolongées. Des besoins multiples (et même, pour Hadjn-Gimes, 4 cas, le besoin alimentaire pur et
simple) se trouvent à la fois et longuement insatisfaits.

Peut-être y a-t-il proportionnalité directe entre la gravité des frustrations subies et la gravité de l'évolution schizophrénique (143,195). Si elle se confirmait, cette notion, qui répond au fait bien connu selon lequel plus les facteurs actuels sont intenses, et meilleur est le pronostic lointain d'une affection quelconque, fournirait un précieux élément d'évaluation du pronostic de la schizophrénie.

B 4. Il reste un dernier problème, le plus ardu, celui du mécanisme d'action des frustrations dans la genèse de la schizophrénie. Il a déjà été parlé de l'insuffisance globale du moi, par faiblesse des fondations narcissiques, par impossibilité d'identifications. Ces notions très générales forment en réalité les guides de la psychothérapie, et, pensons-nous, de toute thérapeutique valable de la schizophrénie.

Ce qu'on sait des effets précoces des frustrations permet d'affirmer qu'il n'y a pas entre elles et la schizophrénie que ces chaînons psycho-affectifs, mais qu'il faut les associer très étroitement à des chaînons somatiques, ou plus exactement psychosomatiques. (Ceux-ci restent très mal connus, mais c'est probablement en agissant sur eux que peuvent réussir les thérapeutiques dites biologiques de la schizophrénie.)

Répétons que le danger est grand de faire de la frustration précoce une étiologie passe-partout de la schizophrénie, de bâtir à partir de ce fait, dont la réalité et l'importance restent encore à apprécier, une psychogenèse facile et caricaturale de la schizophrénie. Entre la frustration précoce et une schizophrénie existent des chaînons dont certains seulement sont connus, dont les uns sont somatiques et les autres psycho-affectifs, et dont sans doute certains seulement sont du type des relations compréhensibles.

C) Déséquilibre mental, caractère psychopathique, alcoolisme

C 1. Déséquilibre. — Sous les rubriques du déséquilibre mental, des caractères psychopathiques, des cas marginaux (borderline cases), la psychiatrie range comme elle peut, avec un égal sentiment d'impuissance nosologique et thérapeutique, ces cas si nombreux qui échappent à la psychose et à la criminalité sans entrer dans la névrose vraie, ou qui, non rarement, vont en fait de l'une à l'autre tout au long d'une existence fragile, cahotante, et souvent soumise étroitement aux fluctuations de l'ambiance. On trouvera là les déséquilibrés, instables dans la forme même du déséquilibre, les immaturations affectives graves, les anxiétés « constitutionnelles » dont on n'a pas trouvé de flagrante caution organique, les formes dégradées des maladies mentales (dénommées en « oïde »), leurs formes larvées, et ces états préschizophréniques dont un pied fragile se tient dans la névrose alors que l'autre risque à tout instant de basculer dans la psychose.

Un point est certain sur le plan psychodynamique : la grande fragilité du moi de ces malades. Un autre l'est beaucoup moins sur le plan étiologique : le rôle exclusif des facteurs héréditaires. Un autre enfin prend corps à travers divers travaux récents : le rôle important des frustrations précoces dans la genèse de ces personnalités, fragiles au point de défier notre nosologie et nos efforts thérapeutiques habituels (cf. 51, 121, 123, 163). Une psychothérapie orientée sur cette découverte donne à celle-ci son poids, en révélant des succès d'ailleurs difficiles (165).

Peu d'enquêtes statistiques ici, mais qui soulignent la fréquence des carences familiales et affectives subies par les personnalités psychopathiques ou infantiles (121, 123).

Et, surtout, des observations isolées mais démonstratives, des impressions fondées sur l'expérience clinique, et des jugements tels que celui-ci, qui concerne les cas dits marginaux. « De tels sujets sont nés dans un entourage où les traumas sont pratiquement continuels et nous font penser à la première théorie de Freud de l'origine traumatique des névroses » (Stern, 190) (26).

Enfin, signalons que, parmi les 38 enfants précocement séparés de leur mère, qu'ont suivis Berès et Obers, plus de la moitié se sont développés dans le sens d'un « déséquilibre mental » de forme variable (7 cas d'infantilisme psycho-affectif, 2 cas de schizoïdie, 12 cas d'impulsivité « névrotique »).

C 2. Alcoolomanie. — Fouquet tenait récemment qu' « admettre comme base fondamentale de la propension à l'alcool une frustration archaïque au stade oral rend compte de l'incapacité d'indépendance de ces malades, de leur recherche obstinée d'indépendance et de leur perpétuelle protestation à cet égard ». On ne manque pas de se rappeler que l'alcoolique boit. Et Bergler range l'alcoolomanie parmi les nombreux aboutissants de sa triade orale.

Mais les faits de frustration précoce chez les alcooliques ? Ils sont moins bien connus : incontestables dans bien des cas, mais incertains et variables dans les enquêtes d'ensemble ; et il n'y a pas à s'en étonner si l'on tient compte de l'éminente hétérogénéité du « groupe » des alcooliques chroniques. En poursuivant les travaux dans ce domaine, on sera sans doute amené à délimiter une catégorie d'alcooliques dont le besoin toxicomaniaque est lié, d'une façon ou d'une autre, avec la frustration précoce.

C'est sans doute le cas de ces alcooliques ouvertement dépendants et avides passivement, dont la famille typique est composée d'un père indifférent, distant ou maternel, et d'une mère ambivalente et rivée à un rôle exclusif de nourrice (133, 196, cf. aussi : 99, 120).

Mais les travaux d'ensemble d'Amark, en Suède, ne laissent apparaître aucun trait vraiment propre à la famille des alcooliques.

Ici encore, des études ultérieures et plus circonstancées sont attendues.

Ce qui donne une certaine cohésion aux catégories disparates envisagées dans ce chapitre, ce n'est pas seulement la recherche commune d'antécédents frustrationnels précoces, c'est aussi, sur le plan structural, l'évidence d'une même immaturation globale du moi, d'une même faiblesse de base, d'une même souffrance devant la privation, d'un même besoin du monde extérieur, de la même nécessité qu'un tuteur transitoire ou définitif vienne étayer un moi qui n'a pu se former (cf. 165).


VII. — FRUSTRATIONS PRÉCOCES ET TROUBLES PSYCHOSOMATIQUES

Pour nous être éloignés de l'hospitalisme, n'oublions cependant pas qu'il constitue la première, la plus simple et la plus assurée des maladies psychosomatiques ; la plus grave aussi, qui peut aller jusqu'à la mort.

Ses manifestations sont rarement spécifiques et localisées ; il faut plutôt les concevoir sous le double aspect d'un amoindrissement général des résistances organiques et d'une désorganisation globale des intégrations neuro-végétatives ; quand une fonction précise est particulièrement perturbée, c'est plutôt et très simplement, chez le nourrisson, parce qu'elle est la plus fragile.

Mais ce nourrisson frustré survit quand même ; il survit peut-être, mais pas forcément, à bas régime, chétif et trébuchant sur toutes les maladies que colporte son entourage ; parvenu à l'âge adulte, il n'est devenu ni un délinquant, ni un aliéné, ni un déséquilibré. Va-t-il souffrir alors d'une de ces affections qu'on reconnaît aujourd'hui comme psychosomatiques ? La souffrance organique serait-elle la troisième et dernière solution permise au frustré précoce ?

Tel est le véritable problème, mais il n'a pas encore pu être étudié dans cette perspective, qui nécessiterait des observations en séries, suivies de la naissance à l'âge adulte. La seule question qu'on puisse se poser aujourd'hui est de savoir si la condition première, nécessaire et non suffisante, du développement de troubles psychosomatiques organisés et sévères peut être une perturbation profonde de la relation précoce de l' enfant avec son entourage ; une réponse affirmative est l'hypothèse dont il va falloir rechercher le soutien dans les faits actuellement connus. Il y aura lieu de tester par des études ultérieures l'hypothèse complémentaire selon laquelle la maladie somatique est en général d'autant plus grave et résistante aux thérapeutiques habituelles que la frustration précoce fut plus sévère. Enfin, lié au problème très controversé des personnalités spécifiques, se pose le problème encore incertain de la spécificité des frustrations précoces dans les affections psychosomatiques.

Ce dernier problème est de tous le plus difficile à résoudre. On verra que c'est la tentation presque universelle de lui chercher une solution. Il n'est guère, en ce qui concerne l'adulte, que pour l'obésité-boulimie que la solution actuellement proposée paraisse satisfaisante. Par ailleurs, et peut-être en raison de l'imprécision des données biographiques précoces, la plupart des observations qu'on peut lire donnent une décourageante impression de monotonie (27).

C'est par l'étude des troubles psychosomatiques très précoces qu'il faut engager la recherche, car alors la qualité des frustrations peut être exactement évaluée. Par cette méthode, Spitz est parvenu à des observations qui semblent valables ; il en résulte que la classique colique post-prandiale et douloureuse des trois premiers mois serait liée à une attitude maternelle de libéralité excessive et anxieuse (mère donnant et permettant tout et trop par crainte de nuire et de priver) ; la neuro-dermatite infantile (presque toujours eczémateuse) affecterait des nourrissons que leur mère n'ose pas toucher par la crainte anxieuse (d'ailleurs justifiée) qu'elles ont de le blesser par des maladresses inconsciemment agressives ; l'élan libidinal de l'enfant est arrêté et se déchargerait somatiquement au niveau même où il trouve à cet âge le moyen de s'écouler, et où le retient le recul anxieux de l'objet maternel (50 et 189).

Pour éclairer la voie des recherches, il faut préciser qu'une frustration peut être spécifique, soit par l'attitude de la mère frustrante (réactions dites psychotoxiques par Spitz), soit par la nature du ou des besoins électivement frustrés, soit aussi par l'intensité et l'étendue de la frustration (carence affective proprement dite), soit encore par l'âge où survient la frustration (ce qui implique une différenciation à la fois quantitative et qualitative), soit enfin par la combinaison de ces différents fauteurs (cf. R). D'où ressort la complexité du problème envisagé.

Revenons à des problèmes plus simples, et, laissant de côté les troubles mineurs se présentant comme de simples équivalents d'affects, n'envisageons que les troubles somatiques importants, étroitement liés à une profonde altération du destin des pulsions du malade, et capables de bouleverser son existence, voire même de la mettre en cause.

En matière d'affections digestives et cardio-vasculaires, il nous faudra nous contenter des considérations nord-américaines sur le besoin de dépendance et l'insécurité de base des ulcéreux, des angineux, etc. (53, 131, etc.).

Dans le domaine des troubles métaboliques et endocriniens, voici d'abord l'anorexie mentale, plus qu'une névrose, et parfois peu éloignée du suicide (145, 167). Son lien avec la frustration est net et clair chez l'enfant (73, 175) ; chez l'adolescente, il est plus complexe, mais ne manque pas d'être indiqué par l'existence fréquente du rejet maternel, parfois ouvert au point d'être connu de la malade, souvent masqué par la possessivité tyrannisante de la mère (145, 92).

Notre compréhension actuelle de l' obésité psychosomatique (l'obésité émotionnelle paradoxale étant exclue) en résume le dynamisme par un remplacement de l'amour par la nourriture, de la sécurité affective par la grosseur, et en général de l'affectif par le matériel. Cette substitution des signes extérieurs et trompeurs de richesse affective à l'affection, c'est la mère elle-même qui l'a réellement effectuée dès le premier âge du futur obèse en le gavant de nourriture à défaut de l'aimer. À cet élément de frustration maternelle affective par hostilité déguisée sous l'angoisse ou compensée par l'excès de soins matériels, s'ajoute un facteur complémentaire nécessaire : la frustration des premiers besoins d'activité (par les exigences possessives anxieuses de la mère), et, pour les garçons, l'incapacité d'identification masculine issue du renversement des rôles parentaux (cf. Racamier, 166 b). Il n'est que de séparer un jeune enfant de sa mère et de lui donner pourtant des soins substitutifs suffisants, mais en restreignant son champ d'activité, pour le voir grossir avec une rapidité surprenante.

Ce schéma défini par H. Bruch, Rascovsky (170) et d'autres est soutenu par l'étude de la famille de 140 jeunes obèses (Bruch et Touraine, 79) dont il résulte qu'une mère sur deux n'avait consciemment pas désiré l'enfant ; l'absence réelle ou affective de l'un des parents, du père surtout, avait été très fréquente ; dans 3 cas sur 4 (72 %), l'activité musculaire et génitale avait été restreinte ou interdite. La nourriture avait réellement été donnée à la place d'amour et de liberté.

Le diabète par contre ne semble pas se relier à quelque constellation familiale typique, et la frustration précoce, si elle s'y rencontre, n'apparaît cependant pas universellement déterminante (cf. 166 a).

Quand les frustrations précoces ont été indiquées (65, 80), il s'agissait surtout de frustrations très précoces et portant principalement sur le besoin oral. Peut-être les frustrations sont-elles ici tellement primitives qu'elles ont échappé aux investigations.

De nouveau, la maladie de Basedow, souvent explorée, apporte son contingent de facteurs frustrationnels. Facteurs qui semblent de tous les types et dont il paraît actuellement bien malaisé de dégager un schème spécifique.

Sont le plus souvent retrouvés les facteurs suivants (cf. Racamier, 164 à 166 a (28)) : perte précoce de la mère, foyers dissociés, possessivité doucereuse et dureté exigeante de la mère, faiblesse paternelle, rival plus jeune ouvertement préféré à l'aîné qu'est souvent le futur malade, engagement précoce et forcé dans les conflits parentaux et dans les responsabilités professionnelles : une sorte de forçage d'une plante en même temps mal nourrie.

Avec la stérilité fonctionnelle, de connaissance psychosomatique plus récente, on parvient au point où l'incapacité d'engendrer brise le cycle auto-entretenu des frustrations successives. Ceci, du moins, si se confirment des observations encore peu nombreuses (130, 135), aux termes desquelles la femme stérile a subi les frustrations affectives de sa mère, aggravées par la faiblesse du père et, facteur plus particulier, par la précoce dépossession au profit des enfants suivants.

Résumant son impression tirée de l'observation psychanalytique de 5 femmes stériles, M. Langer (135), écrit que « la faute première de la femme stérile est la haine », haine à l'endroit d'une mère affectivement frustratrice, et d'autant plus frustratrice qu'elle a le plus souvent eu des grossesses proches de la naissance de la malade, et haine d'autant plus angoissante que le père fut faible et que souvent la mort de la mère en couches ou la mort d'un frère est venue donner comme une confirmation magique de la toute-puissance agressive de l'enfant (cf. 166, e).

Passons par la dermatologie, où l'on trouve chez le nourrisson et avec Spitz un bel exemple d'un trouble somatique lié à une attitude frustratrice spécifique, et où s'inscrivent les sentiments de frustration et les frustrations objectives décelées chez des eczémateux (117, 177) et chez des urticariens (199), pour parvenir par la voie de l'allergie aux altérations de l'appareil qui, dès la seconde même de la naissance, constitue le lieu privilégié de la souffrance psychosomatique : l'appareil respiratoire.

Il faut mettre au compte de la frustration l'extrême sensibilité de certains enfants aux infections bronchiques (Backwin, 3), ainsi que la répétition des coryzas chez des enfants qu'on trouve presque toujours issus de foyers brisés (87) ; on peut encore considérer le spasme du sanglot, forme extrême de l'angoisse respiratoire, comme « un des signaux d'une relation mère-enfant troublée », variable et fondamentalement pauvre (28, 78).

La maladie asthmatique nous introduit à un domaine plus complexe et plus intéressant. D'après l'école de Chicago, d'après aussi des constatations qu'on peut faire surtout chez des asthmatiques graves, l'existence de frustrations est chez eux courante. Nos connaissances actuelles ne nous permettent guère de relier l'asthme à la frustration que par la voie d'une fragilisation somatique et d'une tendance à l'angoisse, dont la localisation respiratoire est encore un objet de recherches.

L'existence même des frustrations précoces, et la part qu'elles jouent dans l'asthme restent encore à préciser. Nous savons que 25 des 27 malades étudiés par French et Alexander auraient subi une attitude maternelle, soit ouvertement frustratrice, soit surcompensée, et que, sur 8 enfants asthmatiques, un seul avait une mère réellement maternelle (et encore n'en profita-t-il guère car sa naissance provoqua l'abandon du père et le ressentiment de la mère désemparée).

Cent enfants souffrant d'allergie respiratoire ou cutanée ont, par rapport à 63 enfants-contrôles, des antécédents nettement plus élevés de rejet maternel (97 pour 30 %), et d'hyperprotection (58 pour 2 %) (153 et 154).

La tuberculose pulmonaire vient en queue de liste, mais en tête des préoccupations qui m'ont encouragé à dépouiller le dossier touffu, parfois monotone et souvent fragile de la frustration précoce. À F. Pasche revient d'avoir attaqué le problème psychosomatique jusque-là timidement effleuré de la tuberculose pulmonaire, et d'avoir dégagé le sens général d'une vaste enquête clinique menée en 1948-1950 (cf. 38, 159, et Racamier, 40 et 166 d).

Je ne répéterai pas ici les chiffres qui sont venus appuyer nos impressions cliniques, puisqu'aussi bien aucune enquête de contrôle n'a encore permis de calculer de coefficient de corrélation.

Exceptionnels étaient les malades qui n'avaient pas souffert d'une forme quelconque de frustration. Il ne semblait pas y avoir de forme de frustration spécifique, et l'effet de la frustration semblait être surtout d'ordre quantitatif. J'ajoute que l'enquête effectuée sur 150 malades sanatoriaux s'est révélée exactement identique chez plus de 60 tuberculeux récemment hospitalisés (service du Pr Kourilsky). J'ajoute encore que ces résultats sont en accord avec ceux de Huebschmann et de Wittkower (198) et que Marty, Fain et coll. ont confirmé notre hypothèse en la précisant.

On peut proposer comme hypothèse que la carence affective et parentale précoce est un facteur nécessaire, sinon suffisant, de l'évolution d'une tuberculose pulmonaire. Sur le plan somatique, il en résulte une vulnérabilité globale ; il lui répond sur le plan psychique une sensibilité douloureuse et souvent consciente à toute privation d'amour, à toute atteinte narcissique grave, à toute perte de sécurité, et, précisément (148), le malade vit dans une zone de sécurité étroite et fragile, centrée sur le giron maternel, et dont il ne peut être exclus ou s'échapper sans que la bacillose éclate ou s'aggrave. Il semble en outre que la sévérité de l'atteinte pulmonaire soit en gros proportionnelle à celle des frustrations infantiles.

On n'ignore pas que des liens cliniques étroits réunissent la tuberculose et la démence précoce. Il nous paraît toujours plus que beaucoup de problèmes généraux posés par ces deux affections sont les mêmes : la frustration précoce en serait logiquement l'axe commun (29). Il est significatif à cet égard que 3 des principales conséquences éloignées que nous attribuons à l'aliénation du tout jeune enfant de son milieu nourricier, l'antisocialité, la schizophrénie et la tuberculose pulmonaire, mènent l'adulte, par la prison, l'asile ou le sanatorium, à une semblable situation d'aliénation du milieu social.

Plus nettement que de toute autre maladie organique, la genèse de la tuberculose pulmonaire tient à deux ordres de conditions : prédisposantes et déclenchantes. La prédisposition est une fragilité particulière de l'organisme. Mais, sur le plan psychobiologique, cette faiblesse répond à un abaissement du tonus libidinal qui, selon Freud, Tausk, Ferenczi, Federn, et bien d'autres, sous la forme du narcissisme biologique, charge avec une énergie variable l'organisme entier, et en garantit la vigueur et l'unité.

Ce tonus, on l'a vu, est naturellement insuffisant à la naissance et doit en quelque sorte être « complété » par l'amour maternel. Il est probable que, chez certains, par suite de conditions conjointement constitutionnelles et frustrationnelles, ce tonus reste établi à un niveau trop bas ou trop fluctuant (ou plutôt : à la fois trop bas et trop fluctuant).

Trop bas : le sujet est une victime toute désignée (et presque désignée d'avance et d'évidence) des agressions externes courantes.

Trop fluctuant : le tonus narcissique-biologique, qui ne peut se maintenir par une régulation autonome à un niveau suffisant (ce qui met le sujet à la merci du monde extérieur), s'effondre quand les conditions ambiantes affectives sont défavorables. C'est là sans doute ce qui explique la sensibilité des malades psychosomatiques aux événements extérieurs et aux conditions objectives de leur vie affective, qui déterminent chez eux des phénomènes de régression végétative.


VIII. — NÉVROSES ET FRUSTRATION

La masse des faits qu'on vient d'amalgamer ne prend de véritable, cohésion qu'opposée à la genèse des névroses (30) qui va nous servir de contrepoint final.

Les débuts de la psychanalyse ont porté la responsabilité des névroses sur des traumatismes pathogènes d'abord, et ensuite sur des parents traumatisants. Avec l'évolution des idées psychanalytiques, le mécanisme même de la névrose a été reporté du « dehors » au « dedans ». Mais une notion reste des premières conceptions freudiennes : c'est que les parents existent.

C'est pourquoi les frustrations qu'on a pu trouver chez les névrosés n'ont jamais l'intensité ni surtout l'authenticité de celles qu'on a pu citer jusqu'ici.

Il est commode de pouvoir opérer une distinction structurale, au moins schématique, entre les troubles antisociaux, psychiatriques et psychosomatiques, et les psychonévroses. Cette distinction se retrouve dans les conditions premières du développement infantile. Il nous paraît impossible de confondre la théorie psychanalytique des névroses et la théorie, encore en croissance, des conséquences des frustrations précoces.

Le principal travail de notre connaissance, qui appuie de chiffres ces évidences de la théorie et de la pratique clinique, est de K. Friedländer (103,106), qui fait ressortir qu'en opposition radicale avec les cas d'antisocialité, presque toujours en cas de névrose le malade a vécu son enfance dans une famille complète, intacte et efficiente.

Trente-quatre cas de troubles antisociaux et 33 cas de névroses typiques ont en effet été comparés quant aux conditions affectives de vie infantile.

Ont bénéficié d'une relation ininterrompue avec les 2 parents : 32 névrosés sur 33 (encore le 33e a-t-il été séparé de sa mère à 3 semaines pour être adopté par une famille favorable où il est resté), et 10 anti-sociaux, pour 8 desquels le milieu parental, bien qu'existant, était défavorable ; 12 fois la séparation de la mère avant 6 ans, et 12 autres fois l'absence prolongée d'un parent avant 6 ans ont été relevées chez les antisociaux, alors que ce type de frustration n'a jamais affecté les névrosés.

Si bien que 2 antisociaux sur 34 (6 %) ont bénéficié durant leur enfance d'un milieu parental complet, stable et favorable, tandis qu'un seul des 33 névrosés a subi quelques frustrations affectives.

Une étude statistique d'Ingham (127), indiquant des fréquences significativement élevées de séparations parentales, de frustration affective ou de rejet parental dans un groupe de « névrosés » (138, comparés à 380 normaux), perd sa signification en ce qui concerne les psychonévroses, car le groupe de malades étudiés était constitué d'une grande majorité d'anxieux.

Précisément, les anxieux dits constitutionnels ont le plus souvent vécu leur prime enfance dans un climat de frustration ou d'insécurité anxieuse et tyrannisante.

Une intégrité au moins relative du bloc parental est donc une condition nécessaire de l'éclosion de la névrose (108).

On ne peut pas s'empêtrer dans des liens qui n'ont jamais existé, on ne peut pas jouer le, jeu névrotique avec des images qui ne se sont jamais laissé capter.


IX. — CONCLUSION

Dans un travail comme celui-ci, il est bien évident qu'on ne peut proposer au lecteur des données d'une égale valeur scientifique.

Certaines données sont assurées, comme :

- la nécessité du maternage, facteur de survie et de maturation du, nourrisson et de l'infans ;

- les effets graves et diffus de la privation affective précoce, « aussi dangereuse pour le nourrisson que la privation alimentaire » (Spitz) ;

- l'existence de seuils de tolérance et de réversibilité dans les effets nocifs de la frustration précoce ;

- la proportionnalité de ces effets à la gravité, à la durée et à la précocité des facteurs de frustration ;

- et enfin, les effets réparateurs du maternage dans les syndromes de frustration où le seuil de réversibilité n'a pas été dépassé : base d'une thérapeutique des syndromes frustrationnels calquée schématiquement sur le modèle du traitement des syndromes de carence.

D'autres données restent à confirmer, comme :

- le rôle étiologique des frustrations précoces dans les (ou dans certaines) évolutions asociales,

antisociales, psychotiques ou psychosomatiques ;

- l'absence de frustrations graves chez les névrosés ;

- la gravité proportionnelle de la frustration précoce et de ses effets tardifs.

D'autres données encore restent à préciser, comme :

- la spécificité d'effets de certains types de frustration ;

- la pathogénie biologique des effets précoces des frustrations ;

- le mécanisme psycho-affectif d'action de la frustration précoce et son intégration aux données proprement psychanalytiques.

Si nous avons signalé au passage les réponses qu'on peut provisoirement donner à toutes ces questions, il apparaît bien évident que les études sur la frustration précoce en sont pour la plupart au stade du défrichement.

Cependant, elles connaissent un succès rapide, et semblent pénétrer dans les milieux psychiatriques et médicaux plus aisément que l'ont fait les données psychanalytiques ; ce n'est pas seulement qu'elles répondent à des évidences intuitives, c'est sans doute aussi parce qu'elles offrent un dessin simple, linéaire, presque schématique, et conforme aux traditions de la pathologie médicale, qui s'oriente toujours plus aisément vers la découverte de causes externes que vers la reconnaissance de mécanismes internes. Le psychanalyste, qui sait assez combien il est tentant d'inculper le monde extérieur des difficultés dont en réalité notre propre moi s'est fait le complice, voire le promoteur, accueille avec, prudence les faits relatifs à la frustration précoce. Mais en contester comme par principe la possibilité même serait, dans une négation contraire, méconnaître la vulnérabilité singulière qui fut originellement la nôtre, et que Freud n'a jamais cessé de démasquer.

C'est en vérité la situation même de la frustration précoce dans le corps de la psychanalyse, de la psychiatrie, et même tout simplement de la médecine, qu'il nous apparaît le plus important de préciser. La lecture de certains travaux donne à craindre que la frustration précoce ne devienne bientôt tout ce que les non-analystes se permettront de savoir de la psychanalyse. C'est une réduction par laquelle la psychanalyse risque de se faire défigurer et vider de sa spécificité. C'est pourquoi j'ai souligné la démarcation entre les conséquences, et les élaborations de la frustration (ou en termes jaspersiens, entre les relations de causalité et les relations de compréhension), n'ignorant pourtant pas combien parfois cette démarcation peut être schématique, que les faits sont en réalité complexes et plus mélangés, et qu'il est des frustrations dont s'analyse le déroulement des implications intrapsychiques : point qui, cependant, n'entrait pas dans mon dessein; il suffira ici de rappeler qu'il y a une grande différence générale entre le sentiment primaire de souffrance et de privation que cause là frustration, et le sentiment de frustration, développé, sans doute à partir de la situation précédente, mais comme mécanisme de défense, par un processus d'élaboration intrapsychique auquel la réalité « objective » est devenue étrangère.

On voit aisément quel est le danger d'une vue simpliste des données concernant la frustration précoce, et de leur intégration hâtive et abusive à la théorie psychanalytique des névrosés ; c'est celui d'un retour aux théories traumatiques, dont la psychanalyse a eu tant de peine à se dégager. Le terme de traumatisme n'a pas paru dans cet exposé, et ce n'est pourtant pas faute d'avoir été lu dans les travaux qui ont servi à son élaboration. On ne peut faire que la notion de traumatisme n'évoque et n'implique celle de réaction. Or, à la frustration, le nourrisson ne réagit pas longtemps, il ne le pourrait ; il ne tarde pas à purement et simplement la subir ; il est bien évident que la nocivité de la perte de la mère par le nourrisson n'est pas tant déterminée par cet événement en soi que par la perte qu'il constitue et la situation de carence durable qu'il détermine. On a déjà dit quelles réserves doit entraîner cette expression de Traumatisme de la Naissance, qui recouvre cependant des faits, réels ; mais c'est en jouant sur de telles expressions qu'on en peut venir à interpréter la crise d'asthme comme une répétition hystérique de l'asphyxie natale, et à prendre le suicide par pendaison d'un mélancolique pour la réaction à distance à une circulaire du cordon (il est bien évident que la critique porte ici non tant sur l'importance intrinsèque des faits que sur l'interprétation de leurs effets).

Dans ce travail, nous avons préféré (sans pour autant faire œuvre d'originalité) présenter la frustration sous l'angle de la carence, et ses effets cliniques sur le mode des syndromes de carence. Certes, cet aspect n'est pas d'une égale évidence dans les différents cas étudiés : l'évidence décroît en même temps que la solidité et la simplicité du lien entre la conséquence et la cause ; il est bien évident qu'on ne peut comprendre une schizophrénie, quelque frustrationnelle qu'elle puisse être, sur le modèle de l'hospitalisme (mais les syndromes de carence somatiques ne sont eux-mêmes pas aussi simples qu'on pourrait le croire).

Ce n'est pas sans doute rendre justice à la complexité des faits que de lier tout simplement la notion de carence à celle de frustration ; aussi bien la première n'a-t-elle servi dans ce texte que de guide et d'indication.

Toutefois, ce guide, aussi schématique soit-il, permet de situer plus clairement la pathologie frustrationnelle par rapport à la psychanalyse dans le cadre de la psychiatrie et plus simplement de la médecine, et d'en mieux comprendre la thérapeutique (31).


Bibliographie.

Ce travail fait suite à l'article précédemment paru dans la Revue française de Psychanalyse (1953, n° 3, p. 328-350) sous le titre : « Étude clinique des frustrations précoces », et signalé dans ce texte par l'indication (R) avec le numéro de la page de référence.

La présente bibliographie fait suite à celle qu'on trouvera dans cet article, et à laquelle on se référera pour les titres numérotés de 1 à 50.

51. ABRAMSON (J.), L'enfant et l'adolescent instables, Paris, P. U. F., 1940.
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57. AUBRY-ROUDINESCO (Me J.), Les détériorations profondes de la personnalité consécutives à la carence de soins maternels. L'évolution psychiatrique, 1954, n° 4.
57 bis. AUBRY (Me J.) et coll., La carence de soins maternels, P. U. F., Paris, 1955, 188 p.
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Notes.

(1) C'est ce que j'ai tenté de faire dans un travail préliminaire intitulé : Étude clinique des frustrations précoces (cette Revue, 1953, n° 3, p. 328-350).
(2) C'est pourquoi nous ne pourrons pas toujours nous contenter d'affirmer des faits et renvoyer le lecteur aux travaux originaux pour plus amples détails ; il sera souvent nécessaire d'apporter des justifications, des précisions, des statistiques, qu'un artifice typographiquepermettra au lecteur pressé d'enjamber sans pour autant perdre le fil de l'exposé.
(3) En effet, à. ce point où la sémiologie se précise en se compliquant, l'étiologie devient aussi plus complexe mais moins précise.
(4) Un peu à la façon dont la syphilis secondaire, qui procède de la syphilis primaire, est une étape nécessaire vers les localisations viscérales de la période tertiaire.
(5) Il est bon de rappeler que SPITZ distingue, dans les maladies psychogènes de la prime enfance, le groupe des affections dites psychotoxiques par altération des relations affectives de la mère avec l'enfant (les 6 syndromes qu'il comprend seront rapportés plus loin), et le groupe des affections par déficience des relations maternelles, qui comprend, selon que l'insuffisance est partielle ou totale, la dépression anaclitique et l'hospitalisme.
(6) Ce terme, qui désigne originellement « l'altération du corps liée à un long confinement dans un hôpital ou à la condition malsaine de l'atmosphère d'un hôpital », a été étendu aux effets nocifs du placement en institution durant le 1er âge (48). Ce terme simple et qui a fait fortune, est discutable, en- particulier parce qu'il existe des « hospitalismes familiaux » selon le terme d'HEUYER.
(7) Il n'existe, du moins à ma connaissance, aucun travail psychosomatique portant sur les toxicoses du nourrisson, fléau des services de pédiatrie. Il serait d'un haut intérêt que soit étudié, dans ses rapports avec la frustration, cet état grave de « marasme aigu » dont aucune étiopathogénie cohérente n'a encore pu être construite, et dont MARFAN soulignait qu'il ne s'observe pas chez l'enfant au sein (tirant de là, d'ailleurs, la conception pathogénique d'une infection exogène infirmée depuis lors). Il ne serait pas surprenant que ce syndrome complexe et dramatique, soit favorisé essentiellement par des carences graves concernant les besoins les plus vitaux du nourrisson. Si tel point de vue se trouvait affirmé par l'observation et la statistique, il resterait à trouver le point d'articulation entre la frustration et les mécanismes métaboliques, neuro-végétatifs et infectieux actuellement connus pour être responsables du tableau clinique des toxicoses.
(8) Observation confirmée par ailleurs chez des enfants eczémateux (177).
(9) Elle s'y prête d'ailleurs aisément, car elle obéit aux schèmes traditionnels de la pathologie médicale ; après tout, on peut décrire les syndromes de frustration infantile sur le même mode que les syndromes de carence vitaminique, et l'on en peut faire la même démonstration expérimentale.
(10) SPITZ (189 bis) a tracé une analogie, qui n'est sans doute rien de plus qu'une analogie, entre les syndromes de frustration infantile et le S. G. A.
(11) SPITZ en a clairement démontré l'existence chez l'enfant séparé à partir de 6 mois.
(12) Il semble bien, mais ceci reste sujet à confirmation, que les premiers effets portent sur le métabolisme hydrique. L'enfant frustré se déshydrate.
(13) Un autre facteur d'inefficience semble provenir du Scatter élevé des capacités intellectuelles des frustrés : fait à vérifier.
(14) On le verra dans le chapitre suivant.
(15) Comme s'il fallait, dans certains cas du moins, que l'instinct soit au départ amorcé par autrui, comme une pompe.
(16) Sentiment qui se distingue formellement du « c'est la faute de... » ou du « c'est lui qui... » dont se sert le névrosé.
(17) Soulignons que, contrairement à des études citées plus loin, ROHEIM donne des détails précis sur l'attitude affective de la mère nourricière. Par ailleurs, des corrélations du même ordre, concernant les relations du type d'éducation maternelle avec le caractère de l'enfant, ont été effectuées par JACKOW et Coll. (128) dans des cas individuels ; elles rejoignent le sens commun. s'ils sont pratiquement propres à l'espèce humaine, ne sont pas propres à une culture donnée.
(18) ESQUIROL il y a plus d'un siècle, avait déjà signalé des faits de cet ordre.
(19) On trouvera, dans les ouvrages de BOWLBY (2) et POROT (161), un compte rendu plus détaillé de la plupart de ces enquêtes.
(20) Elles sont de reste orientées vers une conception sociogénétique et réactionnelle de l'antisocialité, à quoi ne se réduit nullement l'hypothèse de la causalité frustrationnelle.
(21) On verra plus loin les résultats d'une enquête comparative de FRIEDLANDER.
(22) Un argument est souvent opposé à toutes ces statistiques : « Et l'hérédité ? ». BOWLBY prétend que sa propre étude n'est pas la seule dont le coefficient héréditaire ait été exclu ; BODMAN ne trouve pas de rapport significatif qu'avec l'hérédité ; BOWLBY déclare que l'étude de BODMAN manque de rigueur, etc. Non liquet.
(23) Inutile d'indiquer à quel point ces dynamismes sont ici simplifiés, et sans doute simplistes.
(24) Un seul travail, à notre connaissance, celui de POLLOCK et coll., concerne les maniaco-dépressifs, chez 155 d'entre lesquels a été relevée, au moment de l'examen, une proportion de foyers brisés sensiblement « normale » (16,7 %).
(25) SIVADON et coll. en ont publié récemment un cas (185).
(26) On trouvera la bibliographie concernant ce domaine dans notre article (165) qui renvoie aux travaux d'Alexander, de Bychowski, Eisenstein, Greenacre, Knight, Powdermaker, Rank, Schacht, Schmideberg. Travaux orientés sur la psychothérapie de ces états, et par où l'on voit qu'une conception frustrationnelle a le mérite d'inciter à l'action thérapeutique.
(27) M. GÉRARD, qui défend le point de vue général développé dans ce chapitre, donne, sur l'attitude spécifique de la mère dans divers syndromes somatiques, des précisions qu'on aimerait voir appuyées sur de plus nombreuses observations (110 bis).
(28) On s'y reportera pour la bibliographie.
(29) Ce n'est pas sans de sérieuses raisons que H. MENG préférait qu'on qualifiât les troubles psychosomatiques de psychoses d'organes plutôt que de névroses d'organes, et qu'E. GLOVER, I. MACALPINE (147) et d'autres se sont attachés à tracer le départ théorique entre les structures névrotiques et les structures psychosomatiques, trop souvent confondues entre elles.
(30) Entendons par là les névroses dans les termes d'une clinique psychanalytique rigoureuse.
(31) A ce sujet de la thérapeutique, on pourra se référer aux travaux de Aichhorn, J. Aubry, Clothier, Despert, Gérard, G. Guex, Levy, Mathis, Powdemaker et coll., Racamier, B. Rauk, Rosen, J. Roudinesco et Appell, Starr, Stern, Sechehaye..., liste bibliographique qui n'est pas exhaustive, puisqu'aussi bien le point de vue thérapeutique n'entre pas dans le cadre de ce travail.


Source.

P. C. Racamier, « Étude des frustrations précoces (II). Effets cliniques (la pathologie frustrationnelle) », Revue française de psychanalyse, tome 18, n° 4, octobre-décembre 1954, p. 576-632.

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