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mercredi 6 juillet 2011

Foi et hommage que le vassal doit porter au seigneur, selon la Jurisprudence, 1782.

 
[Orthographe modernisée.]


Foi et Hommage,  
(Droit féodal.) 


Qu'on appelle aussi foi ou hommage, en latin fides et hominium ou homagium, est la soumission et reconnaissance que le vassal fait au seigneur du fief dominant, pour lui marquer qu'il est son homme, et lui jurer une entière fidélité.

On peut encore définir la foi et hommage, avec M. le président Bouhier, observations sur la coutume de Bourgogne, chap. 43, la promesse de fidélité solennellement faite par le vassal à son seigneur, avec les marques de soumission et de respect prescrites par les coutumes, ou réglées par l'usage des lieux.

La foi et hommage est un devoir personnel dû par le vassal à chaque mutation de vassal et de seigneur ; en sorte que chaque vassal la doit au moins une fois en sa vie, quand il n'y aurait point de mutation de seigneur, et le même vassal est obligé de la réitérer à chaque mutation de seigneur.

Anciennement on distinguait la foi de l’hommage. La foi consiste dans la prestation du ferment de fidélité, l’hommage, dans la reconnaissance faite par le vassal, qu'il est l'homme de son seigneur, c est-à-dire son sujet.

La foi était due par le roturier pour ce qu'il tenait du seigneur, et l'hommage était dû par le gentilhomme, comme il paraît par un arrêt du parlement de Paris rendu aux enquêtes, le 10 décembre 1238. Le serment de fidélité se prêtait debout après l'hommage, il se faisait entre les mains du bailli ou sénéchal du seigneur, quand le vassal ne pouvait pas venir devers son seigneur ; au lieu que l’hommage n'était dû qu'au seigneur même par ses vassaux.

La forme la plus ordinaire de l'hommage était que le vassal fût nue tête, à genoux, les mains jointes entre celles de son seigneur, sans ceinture, épée ni éperons ; ce qui s'observe encore présentement ; et les termes de l’hommage étaient : 

je deviens votre homme, et vous promets feauté dorénavant comme à mon seigneur envers tous hommes (qui puissent vivre et mourir) en telle redevance comme le fief la porte, etc.

Cela fait, le vassal baisait son seigneur en la joue, et le seigneur le baisait ensuite en la bouche : ce baiser, appelé osculum fidei, ne se donnait point aux roturiers qui faisaient la foi, mais seulement aux nobles. En Espagne, le vassal baise la main de son seigneur.

C’est avec juste raison que nous avons dit que telle était la forme la plus ordinaire de l’hommage, car il paraît, par d'anciens monuments historiques, que les circonstances qui l'accompagnaient, ont varié suivant les temps et les lieux. Si l'on en croit Guillaume de Malmesbury, du temps de Charles le Simple, celui qui recevait un bénéfice, baisait le pied de son seigneur. On lit dans une convention faite entre Guillaume, duc d'Aquitaine, et Hugues de Lusignan, qu'un évêque d'Angoulême fit hommage au duc, en lui baisant les bras. Dans le recueil des actes du règne d’Édouard III, on trouve que Jean Leukner et Elisabeth son épouse, après avoir fait la foi et hommage, en la cour du commun banc, en posant leurs mains sur un lieu qui leur avait été désigné, ont baisé le lieu où leurs mains avaient été posées.

Quand c'était une femme qui faisait l'hommage à son seigneur, elle ne lui disait pas, je deviens votre femme, cela eût été contre la bienséance, mais elle lui disait, je vous fais l'hommage pour tel fief.

De même lorsqu'un chef d'une communauté religieuse faisait hommage à son seigneur, il ne lui disait pas, je deviens votre homme, parce que sa profession est d'être tout entier à Dieu, mais je vous fais hommage, je vous serai fidèle et loyal, et je reconnaîtrai toujours tenir de vous seul les fonds donc vous êtes seigneur. Présentement on confond la foi avec l'hommage, et l'un et l'autre ne sont dus que pour les fiefs.

Il n’y a proprement que la foi et l’hommage qui soit de l'essence du fief ; c'est ce qui le distingue des autres biens. Un fief existe comme tel, par cela seul qu'il soumet le propriétaire à l'obligation d'être fidèle au seigneur dominant feudumjn solá fidelitate consistit. Elle est tellement attachée au fief, qu'elle ne peut être transférée sans l’aliénatíon du fief pour lequel elle est due. 


§. I. Ancienneté et divisions de l’hommage. 

On trouve des exemples d'hommage dès le temps que les fiefs commencèrent à se former ; c'est ainsi qu'en 734, Eudes, duc d'Aquitaine, étant mort, Charles Martel accorda à son fils Hérald la jouissance du domaine qu'avait eu son père, à condition de lui en rendre hommage et à ses enfants.

De même en 778, Charlemagne, étant allé en Espagne pour rétablir Ibinalarabi dans Sarragosse, reçut dans son passage les hommages de tous les princes qui commandaient entre les Pyrénées et la rivière d'Ebre.

Mais il faut observer que dans ces temps reculés la plupart des hommages n'étaient souvent que des ligues et alliances entre des souverains ou autres seigneurs, avec un autre souverain ou seigneur plus puissant qu'eux ; c'est ainsi que le comte de Hainaut, quoique souverain dans la plupart de ses terres, fit hommage à Philippe-Auguste en 1290.

Quelques-uns de ces hommages étaient acquis à prix d'argent ; c'est pourquoi ils se perdaient avec le temps, comme les autres droits.

Au reste le plus connu des hommages faits dans ces anciens temps, est celui rendu par Tassillon, duc de BavièreChantereau le Fevre prétende que ce n'est qu'un simple ferment de fidélité, tel que celui dont tous les sujets sont tenus envers leurs souverains. Telle est la manière dont il est rapporté dans nos anciennes annales : 

illuc et Tassilo, dux Bajariorum, cum primoribus gentis suæ venit, et more Francorum, in manus regis, in vassaticum, manibus suis semetipsum commendavit ; fidelitatemque tam ipsi regi Pipino, quàm filiis ejus Carolo et Carlomano, jurejurando supra corpus S. Dionisii promisit. 

Lorsque l'usage des fiefs fut entièrement établi en France, et généralement dans toute l'Europe, et que par les actes d'inféodation, on eut imposé au vassal des obligations différentes, plusieurs espèces d'hommage. On connut alors l'hommage simple, l'hommage ordinaire, et l'hommage lige ou plein. 

L'hommage simple est celui où il n'y avait pas de prestation de foi, ni d'obligation de service particulier, confirmée par serment, il consistait seulement dans l'hommage rendu au seigneur nue tête, les mains jointes avec le baiser. On l’appelait simple par opposition à la foi à l'hommage que le vassal doit faire les mains jointes sur les évangiles avec les serments requis. Il marquait que le possesseur de la chose, qui composait le fief, n'était assujetti envers le suzerain à aucun service, soit de cour, de plaids ou d'ost ; en sorte que le vassal en était quitte pour lui demeurer fidèle, ne prendre parti contre lui, ni directement, ni indirectement ; et que le suzerain ne pouvait lever aucune taille, capitation ou autre taxe sur les hommes de son vassal simple. 

L’hommage ordinaire, qui était exprimé par le terme homo, assujettissait le vassal à trois choses :

1°. à la fiance envers son suzerain, ce qui s'exprimait en latin par le mot fiducia, c'est-à-dire, à lui donner conseil en son âme et conscience lorsqu'il tenait ses plaids généraux ;

2°. au ressort de la justice, ce qui s'exprimait par l’unique mot justitia ; 

3°. à servir le suzerain en guerre pendant quarante jours, à compter du jour qu'il lui avait indiqué par son acte de semonce, pour le rendez-vous général au camp : cette obligation du vassal était exprimée par le mot servitium, et c'est ce qu'on appelait être sujet à l’ost de quarante jours. 

L’hommage lige ou plein, était celui où le vassal promettait de servir son seigneur envers et contre tous.

On l’appelait lige, parce qu'il était dû pour un fief lige, ainsi appelé à ligando, parce qu'il lie plus étroitement que les autres. Il y en avait autrefois de deux sortes, l'un par lequel le vassal s'obligeait de servir son seigneur envers et contre tous, même contre le souverain, comme l’a remarqué Cujas, lib. a feud. tit. 5, et lib. 4, tit. 31, 90 et 99, et comme il paraît par l’article 50 des établissements de France ; le second, par lequel le vassal s'obligeait de servir son seigneur contre tous, à l’exception des autres seigneurs dont le vassal était déjà homme lige. Il y a plusieurs de ces hommages rapportés dans les preuves des histoires des maisons illustres.

Les guerres privées que se faisaient autrefois les seigneurs, furent la principale occasion de ces hommages liges.

Plusieurs ont cru que l'hommage lige n'avait été introduit que vers le douzième siècle, ainsi que nous l’avons dit sous le mot Fief lige. Cependant il paraitrait que le mot lige commençait à être en usage dès la fin du onzième siècle; car on trouve dans un synode, tenu par Lambert, évêque d'Arras, en 1097, un article tiré du concile de Clermont de 1095, conçu en ces termes: nec episcopus, nec sacerdos regi vel alicui laico in manibus ligiam fidelitatem faciat. S. Antonin et le jésuite Maturus paraissent être de cette opinion, puisqu'ils ont expliqué le mot liga par obsequium, et par les mots legitimam ei facientes fidelitatem faciat. Mais on peut croire que ces auteurs se sont servi d'une expression usitée de leur temps.

Si on s'arrêtait aux termes d'un diplôme de Charles-le- Chauve, de l’an 845, rapporté par D. Bouquet, histoire du Languedoc, tom. 8, pag. 470, où le comte Vandrille est qualifié homme lige, homo ligias ; il faudrait dire que l’hommage lige était usité en France dès le neuvième siècle, et avant l’établissement des fiefs. Le comte Vandrille ne possédait alors que des bénéfices civils et des alleux, et il n'est pas fait mention de fiefs. Les bénéfices civils étaient des terres concédées à la charge du service militaire, les alleux des terres converties en bénéfices par le moyen des recommandations usitées sous les deux premières races, et dont l’effet était que le possesseur d'un alleu se mettait sous la protection de quelque seigneur puissant, et se rendait son homme.

On voit dans un ancien hommage rendu à un seigneur de Beaujeu, qu'en signe de fief lige, le vassal toucha de sa main dans celle du procureur général du seigneur. Baudry, qui a achevé sa chronique de Cambrai et d'Arras, vers l'an 1082, parlant d'un châtelain de Cambrai, qui vivait sous Henri I, dit que ce chevalier était homme lige du comte de Flandre. S'il n'y a pas de faute dans ces textes, il faudrait convenir que le mot lige a commencé d être employé au onzième siècle, et n'est devenu commun que dans le douzième.

Les femmes faisaient aussi l’hommage lige. On voit, par exemple, dans un terrier de 1351, qu'à Chalamont et Dombes, une femme se reconnut femme lige, quoique son mari fût homme de noble homme Philippe le Mesle.

Depuis l'abolition des guerres privées, l’hommage lige n'est proprement dû qu'au roi ; et s'il était rendu à d'autres grands seigneurs qu'au roi, il faudrait excepter le roi de l'obligation de servir le suzerain envers et contre tous.

L’hommage lige doit être rendu en personne, de quelque condition que soit le vassal.

Nous n'avons rien de plus propre à nous instruire de la manière dont se rendait l’hommage lige, que ce qui se passa en 1230, entre Philippe de Valois et le roi d'Angleterre Édouard III. Suivant la chronique de Froissard, liv.I, chap. 25, le roi d'Angleterre vint en France, et se rendit en la ville d'Amiens, où le roi et toute sa cour l'attendaient pour le recevoir à la prestation de sa foi et hommage ; et étant sur le point de l'exécution, le roi Édouard ne le voulut jamais faire que de bouche, et de parole seulement,

« sans les mains mettre entre les mains du roi de France, ou aucuns princes ou prélats de par lui députés, et ne voulut à donc le roi d’Angleterre procéder plus avant, qu'il ne fût retourné en Angleterre, pour voir les anciens titres, et pour montrer comment et de quoi le roi d'Angleterre devait être homme du roi de France ». 

Le roi de France, Philippe de Valois, ne trouva point à redire sur la difficulté que lui faisait le roi d'Angleterre, et lui répondit : 

« mon cousin, nous ne voulons point vous décevoir, et nous plaît bien ce que vous nous en avez fait à présent, jusqu'à ce que vous soyez retourné en votre pays, et que vous ayez vu par les scellés de vos prédécesseurs, quelle chose vous en devez faire ».

Le roi d'Angleterre, étant de retour en son palais, excité par-une solennelle ambassade du roi Philippe de Valois, expédia des lettres-patentes, que Froissard rapporte tout au long, par lesquelles il reconnaît que son hommage doit être rendu li ement, et explique la forme qui sera observée à l’avenir en ce» termes :

« le roi d'Angleterre, duc d'Aquitaine, tiendra ses mains ès mains du très noble roi de France ; et celui adressera ses paroles au roi d'Angleterre, duc d’Aquitaine, et qui parlera pour le noble roi de France, dira ainsi : vous devenez homme lige au roi monseigneur qui est ici, comme duc de Guienne et pair de France ; et lui promettez foi et loyauté porter ; dites voire : et le roi d'Angleterre, duc de Guienne, et aussi ses successeurs, diront voire ; et lors le roi de France recevra le roi d'Angleterre et duc de Guienne audit hommage lige, à la foi et à la bouche, sauf son droit et l'autrui ».

Les auteurs parlent encore de différences espèces d'hommage, tel que celui de dévotion, de paix, de foi et service en marche, etc. Nous en parlerons sous le mot Hommage. 


§. 2. Des engagements qui résultaient de la foi et hommage. 

Ils sont détaillés dans deux lettres de Fulbert. Ce prélat, dans celle qu'il écrit au duc d'Aquitaine, les réduit à six ; conservation, sûreté, honnêteté, utilité, facilité et possibilité; c'est à-dire, que le vassal ne doit porter aucune atteinte à la personne de son seigneur ; ne point révéler son secret, ni préjudicier à la sûreté de ses forteresses ; ne point lui faire de tort du côté de sa justice et de ses honneurs, ni de ses possessions ; ne point lui susciter des obstacles qui rendraient difficile ou impossible ce qu'il a la facilité ou la possibilité d'entreprendre et d'exécuter.

Mais un vassal n'a pas rempli toute justice en ne nuisant pas à son seigneur ; il lui doit encore conseil et aide dans toutes les occasions qui peuvent l'intéresser.

Le seigneur, de son côté, doit remplir les mêmes obligations à l'égard de son vassal : s’il y manque, il est coupable de mauvaise foi, comme le vassal qui ne s'acquitterait pas de ses devoirs envers son seigneur, serait coupable de perfidie et de parjure.

Un vassal, en s'engageant ainsi à défendre son seigneur immédiat envers et contre tous, devait excepter le cas de fidélité envers le roi ; de même que celui qui aurait possédé des fiefs dans différentes mouvances, faisait la réserve de la fidélité envers son principal seigneur. C'est ce que nous apprend une autre lettre de Fulbert à un des vassaux de l'église de Chartres.

Chantereau le Fevre, dans son traité de l'origine des fiefs, chap. 15, parle également des obligations respectives des seigneurs et des vassaux. Ce qu'il dit mérite d'être rapporté.

« Par tous les titres que j'ai vus, et que je rapporte en très grand nombre, du douzième et treizième siècles, où le droit des fiefs était en sa vigueur, il se reconnaît qu'il y avait une grande liaison d'amitié et d'intérêt entre le seigneur dominant et ses vassaux ; en sorte qu'ils se secouraient mutuellement en leurs besoins : le seigneur s'obligeait et cautionnait ses vassaux quand ils promettaient quelque chose, ou empruntaient quelque somme de deniers, jusqu'à la concurrence de la valeur du fief ; et les vassaux rendaient un pareil office à leur seigneur dominant, tellement que cet établissement était d'une merveilleuse utilité aux uns et aux autres: ce qui fît que sitôt que l'ouverture en fut faite, chacun en voulait être. Un seigneur était grand et puissant, à proportion du nombre, de la quantité, et des moyens de ses vassaux ; et le vassal était respecté, par la considération de la puissance et des richesses de son seigneur dominant ».

Il ne faut pas oublier ce qu'observe Dumoulin, que dans l'acte de foi et hommage, et du serment de fidélité, il n'est pas nécessaire de spécifier les obligations auxquelles on s'engage par-là, et qu'il suffit de promettre la fidélité, telle qu'elle est due de droit. Aussi serait-on assez embarrassé de les spécifier, depuis que ces engagements, qui étaient anciennement fort considérables, ont été, par l'abolition des guerres privées, réduits à presque rien, du moins à 1’égard des particuliers.

C'est pour cela qu'Hevin a soutenu, avec beaucoup d'apparence et de raison, qu'il serait peut-être à propos d'abolir la formalité de l'hommage, non seulement à l'égard des particuliers, mais du roi même : car pour les particuliers, puisque le service militaire est interdit à leur égard, il ne paraît pas trop convenable qu'ils exigent de leurs vassaux une promesse de fidélité, qui n'est due qu'au souverain. Et à l'égard du roi, l'hommage n'est qu'une vaine cérémonie, puisque tous ses sujets, soit vassaux ou autres, sont également obligés à lui être fidèles, et y sont portés autant par inclination que par devoir. Ainsi l'hommage n'est bon aujourd'hui qu'à procurer des droits aux officiers qui le reçoivent sur les vassaux auxquels ils sont sont à charge,et qu'à renouveler le souvenir des temps malheureux, où, à cause des diverses factions qui régnaient dans l'État, les rois étaient obligés de s’assurer de la fidélité de leurs vassaux, et de les lier par la religion du serment. Et il ne faut pas dire que l'intérêt du roi et des seigneurs en souffrirait ; car il serait suffisamment à couvert par les aveux et dénombrements des vassaux, où leurs engagements pourraient être expliqués. 


§. 3. Forme de la foi et hommage. 

C’est un principe général, en matière de prestation de foi et hommage, qu'on doit suivre scrupuleusement les formalités prescrites par la coutume du lieu, ou par le titre d'inféodation. L'hommage doit encore se faire toujours au chef-lieu de la seigneurie dominante ; ailleurs il serait nul, quand bien même il le serait à la personne du seigneur, à moins qu'il ne veuille bien l'agréer, par la raison que tout est réel dans cette matière, non persona personæ, sed res rei subjicitur.

Nous trouvons l'ancienne forme des hommages dans les établissements de S. Louis, deuxième partie, chap. 18. En voici les termes : 

« quand aucun veut entrer en foi de faingneur si le doit requierre, si comme nous avons dit ci-dessus et doit dire en tele manière ; sire je vous requiex comme à mon saigneur, que vous me meté en vostre foi et en vostre homage de tele chose assisse en votre fié que j'ai achetée, et li doit dire de tel home, (et doit cil estre présent, qui est en la foi du seigneur ), et se ce est par achat, ou se ce est d'eicheoite ou de descendüe, il le doit nommer, et jointes meins, dire en tele manere : sire, je devien vostre homme, et vous promet feauté d'orénavant comme à mon seigneur envers tous hommes (qui puissent vivre ne mourir ) en telle redevance comme li fies la porte en fesant vers vous de vostre rachat, comme vers seignieur. Et doit dire de quoi, de bail ou d'écheoite, ou d'héritage, ou d'achat, et li sires doit présentement respondre, et je vous reçois et preinz à hons, et vous en bese en nom de foi, et sauf mon droit et l'autruy selon l'usage de divers pays ; et li sires püet prendre large place de la moitié et des rentes se il ne tine du rachat et ausis des relevoisons ». 

Ce baiser, ainsi que nous l'avons dit plus haut, n'était accordé qu'aux vassaux nobles, et non aux vilains ou roturiers.

La forme actuelle de l'hommage est consignée dans l'article 63 de la coutume de Paris. Cet article est conçu en ces termes : 

« le vassal, pour faire la foi et hommage, et ses offres à son seigneur, est tenu aller vers ledit seigneur au lieu dont est tenu et mouvant ledit fief, et y étant, demander si le seigneur est au lieu, ou s'il y a autre pour lui ayant charge de recevoir la foi de lui, et hommage et offres, et ce faisant doit mette un genouil en terre, tête nue, sans épée et éperons, et dire qu'il lui porte et fait la foi et hommage qu'il est tenu de faire à cause dudit fief mouvant de lui, et déclarer à quel titre ledit fief lui est avenu, ce requérant qu'il lui plaise le recevoir. Et où le seigneur ne seroit trouvé, ou autre ayant pouvoir pour lui suffit faire foi et hommage et offres devant la principale porte du manoir, après avoir appellé à haute voix le seigneur par trois fois, et s'il n'y a manoir au lieu seigneurial dont dépend ledit fief, et en cas d'absence dudit seigneur, ou de ses officiers, faut notifier lesdites offres au prochain voisin dudit lieu seigneurial, et laisser copie ». Article 63 de la coutume de Paris, ajouté. 

La forme adoptée par cet article de la coutume de Paris, est presque générale par tout le royaume, à l'exception néanmoins de la génuflexion, qui paraissait à Dumoulin devoir être réservée au roi, étant trop indécente à l'égard des particuliers.

Les notaires du châtelet mettent ordinairement dans ces actes de foi faits à la porte, ces seuls mots en état de vassal, sans décrire davantage les cérémonies prescrites par la coutume, ce qui cause souvent des procès ; ce n'est pas que cette expression ne puisse être suffisante, étant relative à ce qui est ordonné par cet article ; mais le plus sûr est de détailler les formalités tout au long. C'est l'avis de Duplessis, des fiefs, liv.1, chap. 3.

Chorier, sur Guy-Pape, dit que c'est un privilège de la noblesse d'être debout en faisant la foi, à moins que le contraire ne soit porté par le titre du fief, suivant l'exemple qu'il donne de la terre de la Beaume, pour laquelle Charles de la Beaume de Suze, nonobstant la naissance illustre, fut condamné, par arrêt du parlement de Grenoble, de le rendre à genoux.

La foi et hommage lige due au roi, se fait toujours à genoux ; il y en a plusieurs exemples remarquables dans Pasquier et autres auteurs.

Tel est celui de Philippe, archiduc d'Autriche, lorsqu'il fit la foi à Louis XII, entre les mains du chancelier Guy de Rochefort, pour les comtés de Flandre, Artois et Charolais : le chancelier assis, prit les mains de l'archiduc ; et celui-ci voulant se mettre à genoux, le chancelier l'en dispensa, et en le relevant, lui dit, il suffit de votre bon vouloir ; l'archiduc tendit la joue, que le chancelier baisa.

Le comte de Flandre fit de même la foi à genoux, tant à l’empereur qu'au roi de France, pour ce qu'il tenait de chacun d'eux.

La même chose a été observée dans la foi et hommage faite pour le duché de Bar par les ducs de Lorraine à Louis XIV, et à Louis XV.

Revenons à la manière de prêter l'hommage. Dumoulin décide, avec raison, que le vassal doit déclarer dans l'acte pour quels fiefs il rend le devoir ; si c'est pour le tout ou pour partie de la chose féodale ; et en cas que ce soit pour une partie, il doit dire s'il la possède divisément ou indivisément ; car s'il offrait seulement l'hommage pour cc qui est mouvant du seigneur en général, sans rien spécifier davantage, le seigneur serait en droit de le refuser, comme il a été jugé par un arrêt du parlement de Toulouse du 23 octobre 1606. La raison est qu'il est de son intérêt de savoir au vrai quelles sont les choses que son vassal tient de lui, soit pour régler le dénombrement qui lui en sera donné dans la suite, soit pour la conservation de ses droits et de son domaine direct.

Par la même raison, le vassal doit faire exhibition à son seigneur, et même lui laisser une copie en forme, s'il le désire, soit de son contrat d'acquisition du fief, soit de l'investiture de son prédécesseur, s'il tient le fief par succession, faute de quoi le seigneur serait bien fondé à refuser l'hommage, à moins que le vassal ne justifiât d'une possession trentenaire.

Et c'est aussi la raison pour laquelle à chaque mutation de vassal, il est dû un nouvel hommage au seigneur féodal : formalité qui a été introduite à l'exemple des reconnaissances des cens, soit emphytéotiques ou autres, comme l'a observé M. de Chaffeneuz. Autrement il pourrait arriver par succession de temps, que le seigneur ne saurait plus, ni ce que serait devenue la chose féodale, ni en quelles mains elle aurait passé, ni du moins quelle en serait la consistance . 


§. 4. Quelles personnes doivent la foi et hommage. 

La foi doit être faite par tout propriétaire de fief servant, soit laïque ou ecclésiastique, noble ou roturier, mâle ou femelle ; les religieux la doivent aussi pour les fiefs dépendants de leurs bénéfices ou de leurs monastères ; et personne ne peut s'exempter de ce devoir, à moins d'abandonner le fief ; à l'exception du roi qui ne doit point de soumission à ses sujets, ou lorsque par le titre d'inféodation, le vassal en a été dispensé à perpétuité.

Lorsque le vassal possède plusieurs fiefs relevants d'un même seigneur, il peut ne faire qu'un seul acte de foi et hommage pour tous ses fiefs.

Ainsi la foi est due toutes les fois qu'il y a mutation de la part du vassal, soit par succession, donation, vente, échange ou autrement ; et dans tous ces cas, il n'est pas besoin de réquisition de la part du suzerain, parce que c'est un axiome de notre droit, que tout nouveau vassal doit la foi à son seigneur, et lui faire reconnaissance. Mais lorsque la mutation procède du chef du seigneur dominant, le vassal n'est point obligé de porter la foi à son nouveau seigneur, s'il n'en est par lui requis.

Quoique tout vassal soit tenu de faire la foi à son seigneur, cependant comme il y a quelques différences à cet égard entre les vassaux, il est nécessaire d'entrer dans quelques détails.

I. L'engagiste d'un fief faisant partie du domaine de la couronne, n'est pas assujetti à l'hommage envers le roi, parce qu'un engagement n'est pas une inféodation ; l’engagement n'est qu'une aliénation précaire et révocable ad nutum, et l'inféodation est de sa nature perpétuelle.

De même que l'engagiste n'est pas tenu de rendre hommage au roi, il ne peut pas non plus recevoir en foi les vassaux mouvants du fief qu'il tient à titre d'engagement.

La raison de cette exclusion de l'engagiste, de recevoir la foi, est qu'il n'est point le seigneur de la terre qui lui est engagée, dont il n'a que la simple faculté de recevoir les fruits ; et la maxime est si constante, qu'une clause précise d'un engagement qui serait contraire n'aurait aucune exécution, comme il a été jugé en 1676, par arrêt du conseil, contre le sieur de Falleville.

En effet, il n'y a que le seigneur qui puisse recevoir les vassaux en foi ; et l'engagiste n'a constamment point cette qualité, comme Loiseau le reconnoit, des offices, 4, c. 9, n. 28 et suivant.

Cet auteur, après avoir décidé que l'engagiste ne peut prendre la qualité de duc ou de comte, ou même de seigneur du domaine engagé, observe qu'il peut prendre la qualité de seigneur par engagement d'un tel domaine. Voyez Bacquet, des Droits de justice, 12 (?), n. 15 ; et la Lande sur Orléans, 63. 

II. Quand le fief appartient à plusieurs copropriétaires, tous doivent porter la foi; mais chacun peut le faire pour sa part, ce qui ne fait pas néanmoins que la foi soit divisée, car de sa nature elle est indivisible. Dans ce cas, le copropriétaire qui porte la foi, doit spécifier pour quelle partie du fief il la rend.

Il en est de même lorsque le fief est à partager entre plusieurs cohéritiers, tous sont tenus de lui présenter hommage, mais il doit les investir à mesure qu'ils se présentent.

III. La propriété du fief étant contestée entre plusieurs contendants, chacun peut aller faire la foi et payer les droits. Le seigneur doit les recevoir tous, et celui qu'il refuserait pourrait se faire recevoir par main souveraine.

Il suffit même qu'un d'entre eux ait fait la foi et payé les droits, pour que le fief soit couvert pendant la contestation ; mais après le jugement, celui auquel le fief est adjugé doit aller faire la foi, supposé qu'il ne l'ait pas déjà faite, quand même il y en aurait eu une rendue par un autre contendant ; autrement il y aurait perte de fruits pour le propriétaire.

IV. Lorsque le propriétaire du fief servant est mineur, c'est-à-dire,qu'il n'a pas l'âge requis pour faire la foi, le délai, pour la rendre, est en suspens ; le tuteur ne peut pas la faire pour lui, il doit seulement payer les droits, et pour la foi demander souffrance jusqu'à ce que le mineur soit en âge. La demande même suffit, quoiqu'elle n'ait pas été accordée. Mais jusqu'à ce que l’oreille du seigneur en ait été frappée, il peut user de son droit, c'est-à-dire, saisir féodalement le fief, par faute de foi.

La forme de cette réquisition est de demander souffrance, par un acte signifié au seigneur, contenant l'âge et le nom du propriétaire mineur, ou des propriétaires, s'il y en a plusieurs..Comme cet acte n'est pas un service de fief, mais plutôt une exception contre celui qui est à faire, il peut être fait par procureur, et signifié à la personne, ou au domicile du seigneur, sans que l'huissier soit tenu de se transporter au principal manoir du fief dominant. Voyez Souffrance.

V. Le mari, comme administrateur des biens de fa femme, doit la foi pour le fief qui lui est échu pendant le mariage, et payer les droits s'il en est dû ; en cas d'absence du mari, la femme peut demander souffrance. Elle peut aussi dans le même cas, ou au refus de son mari, se faire autoriser par justice à faire la foi, et payer les droits.

Quand la femme est séparée de biens d'avec son mari, elle doit faire elle-même la foi et hommage. Il en est de même lorsqu'il n'y a point de communauté établie entre eux par la coutume, ou par leur contrat de mariage. Le mari peut néanmoins dans ces cas, porter la foi et hommage pour sa femme, en vertu d'une procuration spéciale.

Après le décès du mari, la femme, pour laquelle le mari a fait la foi et hommage, à raison des fiefs qui lui sont échus pendant la communauté, ne doit point de nouveaux droits, mais seulement la foi, au cas qu'elle ne l'eût pas déjà faite en personne. Pour ce qui concerne les fiefs acquis pendant la communauté, elle ne doit point de foi pour sa part après le décès de son mari, pourvu que celui-ci eût porté la foi, par la raison que la femme étant conquéreur, il n'y a point de mutation en sa personne.

VI. Il n'est pas dû de foi et hommage par la douairière pour les fiefs sujets au douaire ; la veuve n'étant qu'usufruitière de ces biens, c'est aux héritiers du mari à faire la foi. Tel est le droit le plus généralement observé ; il y a cependant quelques coutumes qui autorisent la femme à faire la foi, pour les fiefs dont elle jouit pour son douaire. Mais lorsque les héritiers du mari ne font pas la foi, ou ne paient pas les droits, la veuve peut la porter elle-même à leur place, après néanmoins qu'elle les a fait sommer de satisfaire à ce devoir de fief.

VII. Lorsqu'un fief advient au roi par droit d'aubaine, déshérence, bâtardise, confiscation, il n'en doit point la foi au seigneur dominant par la raison qui a déjà, été dite ; mais il doit vuider ses mains dans l'an de son acquisition, ou payer une indemnité au seigneur, lequel néanmoins ne peut pas saisir pour ce droit, mais seulement s'opposer.

Tel est le droit que nous suivons à cet égard, depuis l'ordonnance de Philippe-le-Bel, en 1302 ; car auparavant lorsque le roi possédait un fief dans la mouvance de quelque seigneur particulier, il lui en rendait hommage de la même manière que tout autre seigneur eût fait. Lorsque Herpin vendit la vicomté de Bourges au roi Philippe I, celui-ci en fit rendre hommage en son nom au comte de Sancerre, pour la portion des terres qui en relevaient. On trouve même postérieurement à Philippe-le-Bel, des exemples qui prouvent que dans ce cas, le roi faisait porter la foi par un fondé de procuration.

Le roi Charles V acheta de Jean de Lorris, vers l'an 1365, la terre de Beaurain, relevant du comté de Saint-Pol. Depuis l'acquisition, Charles V, sur la remontrance du comte de Saint-Pol, commit le 2 janvier 1366, Raoul de Bonneval pour rendre en son nom à ce comte la foi de cette terre ; le 17 juin 1368, Beaurain fut uni à la couronne. Les lettres-patentes d'union portent qu'il est assis au bailliage d'Amiens, et que cette union est faite par des raisons particulières: ces lettres patentes furent déposées à la chambre des comptes ; c'était l'usage de ce temps-là, on n'en faisait pas d'autre enregistrement.

Postérieurement à cette union, le roi Charles VI crut qu'il devoir avoir égard à la remontrance qui lui fut faite par le comte de Saint-Pol, que la terre de Beaurain relevait de lui: il commit, le 10 janvier 1396, Wallerand de Bonneval son chambellan, pour rendre en son nom la foi au comte de Saint - Pol ; Wallerand de Bonneval, en vertu du pouvoir qu'il en avait du roi, en fit la foi le 29 de janvier 1396, au nom du roi, au comte de Saint-Pol.

VIII. Le donataire entre vifs d'un fief, même avec rétention d'usufruit en faveur du donateur, est tenu de faire foi, parce qu'il y a changement de personne par rapport à la propriété du fief, que le changement donne ouverture au fief, et que le seigneur est dans le droit d'user de main-mise, si le nouveau vassal ne couvre pas son fief par la prestation de foi, dans les délais prescrits par la coutume.

IX. Le simple usufruitier n'a pas le droit d'entrer en foi, et de demander que le seigneur l'admette à ce devoir, qui regarde uniquement le propriétaire. Telle est la disposition précise des coutumes de Paris, art. 40 ; d'Anjou, art. 125 ; du Maine, art. 125 ; de Poitou, art. 264, et de plusieurs autres. C'est aussi l’avis de Dumoulin, Chaffeneuz et d'Argentré.

Cependant si le propriétaire du fief servant négligeait de faire la foi et hommage et de payer les droits, et que le fief fût saisi féodalement par le seigneur, je ne vois pas par quelles raisons on pourrait empêcher l'ufufruitier de faire la foi et hommage, de payer les droits pour avoir main-levée de la saisie, et éviter la perte des fruits. Dans ce cas, l'usufruitier aura son recours contre le propriétaire pour ses dommages et intérêts ; et comme ce n'est pas pour lui-même qu'il fait la foi, il sera tenu de la réitérer à chaque mutation de propriétaire qui se trouvera dans le même cas.

X. Les corps, chapitres et communautés d'hommes séculiers et réguliers, qui possèdent des fiefs, sont obligés d'en porter la foi. Leur manière de la faire est réglée par les articles 110, 111 et 112 de la coutume d'Anjou, et par les articles 121, 122 et 123 de celle du Maine, et elle se réduit à cette disposition.

Si le corps ou chapitre a un chef, comme un doyen, un abbé, un prieur, ce chef fera la foi pour le corps ou chapitre ; et en cas de légitime empêchement, elle sera faite par un député ou commis à cet effet.

Pour les corps et communautés qui n'ont point de chef principal, comme les fabriques, hôpitaux, etc. la foi et hommage doit être faite par l’homme vivant et mourant, et pour les bénéfices particuliers par les titulaires ; ce qui est conforme au droit commun du royaume.

Pour les religieuses, nous avons une décrétale qui porte que si elles possèdent quelque fief, elles doivent tâcher d'être admises à en faire le devoir par procureur, mais que si elles ne peuvent l'obtenir du seigneur féodal, l'abbesse et la prieure du monastère doivent aller en personne prêter la foi et hommage avec le plus de décence qu'il fera possible. En France elles sont dispensées de rendre ce devoir en personne, et l'on exige seulement qu'elles s'en acquittent par procureur, soit que ce soit l'homme vivant et mourant qu'elles ont donné au seigneur, ou un autre ayant charge d'elles. Voyez^ homme vivant et mourant..

Outre le serment de fidélité, les évêques doivent également au roi la foi et hommage pour les fiefs qu'ils tiennent de lui, à cause desquels, comme vassaux, ils étaient tenus anciennement d'assister le roi de gens à la guerre, comme on voit dans les épîtres de Lupus, abbé de Ferrières, dans les écrits d'autres anciens auteurs, et dans les preuves des libertés de l'église gallicane. On y trouve que l'archevêque de Sens devait quatre chevaliers, 1’évêque d'Orléans deux, l'évêque de Chartres trois, l'évêque de Paris trois, l'évêque de Troyes deux, l'évêque de Noyon cinq, l'évêque de Beauvais cinq, l'évêque de Lisieux vingt, l'évêque de Bayeux vingt, l'évêque d'Avranches cinq, et le semblable presque en la plupart des abbayes du pays de Normandie. C'est pourquoi, en l'exemption de la régale, que Philippe-Auguste accorda aux évêques d'Auxerre en l'an 1206, il ajouta particulièrement cette réserve: salvo servitio nostro equitationis, exercitûs et subventionis, sicut epíscopi Altissiodorenses nobis fecerunt, etc. et en celle de Nevers, de l'an 1208 : præterea exercitûs et procurationis, sicut nos et prædecessores nostri ea solens et debens habere.

Il nous reste plusieurs hommages rendus aux rois par les évêques. On y distingue très bien le ferment de fidélité et l'hommage proprement dit. Nous n'en rapporterons qu'un exemple: c'est le serment prêté par Hincmar, évêque de Laon, à Charles-le-Chauve. Voici les termes dans lesquels il est conçu. On le trouve dans Aymoin, de gestis Francorum, liv. 4, chap. 24.

Ego Hincmarus, Laudunensis ecclesiæ episeopus, amodo et deinceps domino seniori meo Carolo regi sic fidelis et obediens, secundum ministerium meum ero, sicut homo sup seniori et episcopus per rectum suo regi esse debet. 

Ces termes, sicut episcopus per rectum suo regi esse debet, témoignent la fidélité ; et ceux-ci, sicut homo suo seniori, la foi et hommage qu'il faisait au roi son seigneur, comme vassal, à cause des fiefs dépendants de son évêché ; car senior, qui est un mot latin de ce siècle-là, ne signifie autre chose que seigneur ; et le mot homo signifie vassal, d'où vient le mot latin hominium pour hommage ; et en termes de fiefs, saisir un fief à faute d'homme, c'est-à-dire, à faute de vassal.

Le passage que nous allons transcrire, achèvera d'établir la dépendance féodale des évêques envers le roi, et l'obligation où ils sont de lui faire hommage du temporel de leurs églises. Ce passage est tiré du traité des régales de M. le Maître.

« Le serment de l'archevêque de Reims Arnoul, est encore considérable par-dessus les autres, en ce qu'il fait foi notamment, que la peine de l’infidélité d'un évêque français envers son roi, a été, même sous la troisième race de nos rois, la perte de son évêché, comme nous avons dit ci-devant, ni plus ni moins que la peine d'un vassal qui désavoue son seigneur dominant, ou le dément, ou l'appelle en duel, est la perte de son fief. C'est sur quoi se fonda ce grand parlement de Paris, lorsque le 16 février 1595, il jugea qu'il y avait ouverture de régale, par la rébellion du cardinal de Pelue, archevêque de Sens, comme, le 15 février 1594, auparavant, il avait jugé à Tours, en l'audience, que l'évêque, par sa rébellion, si elle est publique et notoire, perd son évêché, ipso jure et non expectata sententia, et que la régale est ouverte du jour de la rébellion ; plaidant Robert pour M. Antoine Messalin, pourvu en régale d'une prébende de Senlis, par la rébellion de l'évêque dudit lieu, nommé M. Rose ».

On ne peut donc pas douter du droit que nos rois ont d'exiger la foi et hommage de la part des évêques, à raison des fiefs qu'ils possèdent. Mais il serait peut-être difficile de trouver un acte de foi et hommage, rendu par un évêque, depuis celui de Louis de Poitiers, évêque et comte de Valence et de Die, fait par lui en 1456, au dauphin, depuis roi sous le nom de Louis XI.

« Depuis ce temps-là, dit le P. Thomassin, en sa discipl. ecclès. part. 4, liv. 2, chap. 53, il ne paraît plus d’hommages rendus, mas de simples serments de fidélité ; ces serments de fidélité ont même quelque chose plus honnête et plus honorable pour la probité de ces derniers siècles envers les princes souverains. Quelques-uns ont cru que 1’hommage s'était confondu avec le serment ; mais un arrêt du conseil-privé en 1652, en faveur de l'évêque d'Autun, nous donne d'autres lumières. Cet évêque, ayant prêté son serment de fidélité au roi, eut peine de le faire enregistrer dans la chambre des comptes, parce qu'elle exigeait encore de lui l’hommage et le dénombrement des fiefs et domaines qu'il tenait ; il présenta requête au roi conjointement avec les agents du clergé, et elle contenait que par tes lettres patentes de Charles IX, Henri III, Henri IV et Louis XIII, enregistrées au parlement et en la chambre des comptes, les ecclésiastiques de ce royaume auraient été déclarés exempts de faire la foi et l’hommage, et donner, par aveu et dénombrement, leurs fiefs, terres et domaines, attendu les amortissements faits d’iceux en 1522 et 1547 par les rois Français I, et Henri II.... le roi prononça en faveur de l'évêque ».

D'ailleurs il est certain que le clergé a obtenu divers arrêts de surséance pour la foi et hommage des fiefs qu'il possède mouvants nuement du roi ; il y en a plusieurs indiqués dans Brillon au mot Foi, n°. 8, et rapportés dans les mémoires du clergé : mais il ne paraît pas que cette surséance s'étende aux fiefs mouvants des seigneurs particuliers. On peut voir dans le Commentaire d'Auroux Despommiers, prêtre, docteur en théologie, et conseiller-clerc en la sénéchaussée de Bourbonnais, et siège présidial de Moulins, sur la coutume de Bourbonnais, art. 380, qu'il pense que la forme de la foi et hommage, de la part des gens d'église, n'est point différente, nonobstant la dignité de leur caractère, qui semblerait les exempter de cet abaissement envers un laïque ; parce qu'en ce qui concerne les choses temporelles, ils sont sujets au droit commun.

Nous n'avons jamais admis en France la prétention des papes, et d'une grande partie du clergé étranger, consignée dans plusieurs canons des conciles, par laquelle les évêques soutenaient n'être tenus envers les souverains, pour les fiers dépendants de leurs bénéfices, qu'au serment de fidélité, sens charge d'hommage.

Les décrets du concile de Clermont de 1097, et de celui de Latran de 1215, qui défendent aux laïques d'exiger des personnes ecclésiastiques le ferment d'hommage et de fidélité, n'ont jamais eu d'autorité parmi nous, ou n'ont pu y être entendus, que du cas où l'on aurait exigé le serment d'hommage, pour raison du bénéfice ecclésiastique, c'est-à-dire, à raison de la spiritualité du bénéfice ; parce qu'en effet l'hommage rendu pour la spiritualité d'un bénéfice, ne pourrait être regardé que comme une simonie : indignum est ut pro spiritualibus facere quis homagium compellatur : pro habendis spiritualibus homagium facere simoniacum est. Cap. ex diligenti, et cap. fin. de reg. juris.

Dans les onzième, douzième et treizième siècles, la vanité se trouvait si flouée de l'espèce d’assujettissement de celui qui faisait hommage, à celui qui le recevait, que l'usage s'était introduit dans le clergé, d'exiger des hommages de ceux qui étaient dans un rang inférieur. Il existe une lettre du pape Pascal II, écrite au clergé de Paris, dans laquelle il se récrie avec violence contre cette coutume.

Les abbés, n'ayant point d’ecclésiastiques qui leur fussent assujettis, et voulant, d'un autre côté, imiter les souverains, exigèrent des curés le serment de fidélité, lorsqu'ils les instituaient dans les paroisses, eu égard aux dîmes qu'ils leur cédaient. Un concile de Chicester de l'an 1289 s'éleva contre cet abus, et dit, en parlant de ces abbés : fidelitatis exigunt sacramentum et nec exactores sinimus impunitos cum simoniacam contineant pravitatem. 

XI. Quand un fief est saisi réellement, et qu'il y a ouverture survenue, soit avant la saisie réelle ou depuis, pour laquelle le seigneur dominant a saisi féodalement, le commissaire aux saisies réelles ou autre établi à la saisie, doit aller faire la foi, et payer les droits au nom du vassal partie saisie, après l'avoir sommé de le faire lui-même.

Le seigneur dominant doit recevoir le commissaire à faire la foi, ou lui donner souffrance; s'il n'accordait pas l'un ou l'autre, le commissaire peut se faire recevoir par main souveraine, afin d'éviter la perte des fruits.

XII. Le vassal étant absent depuis longtemps, et son fief ouvert avant ou depuis l'absence, le curateur créé à ses biens peut faire la foi ; le vassal absent peut aussi demander souffrance s'il a quelque empêchement légitime. Voyez Souffrance.

XIII. Le délaissement par hypothèque d'un fief ne faisant point ouverture jusqu'à la vente, n'occasionne point de nouvelle foi et hommage ; mais si le fief est ouvert d'ailleurs, le curateur créé au déguerpisse ment doit faire la foi, et payer les droits pour avoir main levée de la saisie féodale, et empêcher la perte des fruits.

Si c'était un déguerpisse ment proprement dit du fief, le bailleur qui y rentre de droit, doit une nouvelle foi et hommage, quoiqu'il l'eût faite pour son acquisition. Loyseau, du déguerp. liv. 6, chap. 5, n. 12.

Dans une succession vacante où il se trouve un fief, on donne ordinairement le curateur pour homme vivant et mourant, lequel doit la foi et les droits au seigneur.

XIV. En succession directe, le fils aîné est tenu de faire la foi, tant pour lui que pour ses frères et sœurs, soit mineurs ou majeurs, avec lesquels il possède par indivis, pourvu qu'il soit joint avec eux au moins du côté du père ou de la mère dont vient le fief.

S'il n'y a que des filles, l’aînée acquitte de même ses sœurs de la foi.

Après le partage, chacun doit la foi pour sa part, quoique l'aîné eût fait la foi pour tous.

Si l’aîné était décédé sans enfants et avant d'avoir porté la foi, ce serait le premier des puînés qui le représenterait ; s'il y a des enfants, les fils de l'aîné représentent leur père ; s'il n'avait laissé que des filles, entre roturiers, l'aînée serait la foi pour toutes ; mais entre nobles,ce serait le premier des puînés mâles.

Il y a plusieurs cas où l'aîné n'est pas obligé de relever le fief pour ses puînés, c'est-à-dire, de faire la foi pour eux, savoir :

1°. Lorsqu'il a renoncé à la succession des père et mère, et dans ce cas, le puîné ne le représente point.
2°. Quand il a été déshérité.
3°. Lorsqu'il n'est pas joint aux puînés du côté d'où leur vient le fief ; car en ce cas, il leur est à cet égard comme étranger.
4°. Lorsqu'il est mort civilement.

Quand l’aîné renonce à la succession, le puîné ne peut pas porter la foi pour son aîné ni pour ses autres frères et sœurs, parce qu'il ne jouit pas du droit d'aînesse ; mais l'aîné même peut relever le fief, parce que ce n'est pas la qualité d'héritier, niais celle d'aîné qui autorise à porter la foi pour les puînés.

Si l'aîné a cédé son droit d'aînesse, le cessionnaire, même étranger, doit relever pour les autres, et les acquitter.

L'aîné, pour faire la foi, tant pour lui que pour les autres, doit avoir l'âge requis par la coutume, sinon son tuteur doit demander souffrance pour tous.

En faisant la foi, il doit déclarer les noms et âges des puînés.

La foi n'est point censée faite pour les puînés, à moins que l'une ne le déclare; il peut aussi ne relever le fief que pour quelques-uns d'entre eux, et non pour tous.

Lorsqu'il fait la foi, tant pour lui que pour eux, il est obligé de les acquitter du relief, s'il en est dû par la coutume, et en vertu de quelque titre particulier.

L'aîné n'acquitte ses frères et sœurs que pour les fiefs échus en directe, et non pour les successions collatérales, où le droit d'aînesse n'a pas lieu. 


§. 5. À qui la foi est-elle due ? 

La foi et hommage doit être faite au propriétaire du fief dominant, et non à l'usufruitier, lequel a seulement les droits utiles.

Lorsque le seigneur est absent, le vassal doit s'informer s'il y a quelqu'un qui ait charge de recevoir la foi pour lui.

Le seigneur peut charger de cette commission quelque officier de sa justice, son receveur ou son fermier, ou autre, pourvu que ce ne soit pas une personne vile et abjecte, comme un valet ou domestique.

S'il n'y a personne ayant charge du seigneur pour recevoir la foi, quelques coutumes veulent que le vassal se retire par devers les officiers du seigneur, étant en leur siège, pour y faire la foi et les offres ; ou s'il n'a point d'officier, que le vassal aille au chef-lieu du fief dominant avec un notaire ou sergent, pour y faire la foi et les offres. Celles de Paris, article 63, et plusieurs autres semblables, portent simplement que s'il n'y a personne ayant charge du seigneur pour recevoir la foi, elle doit être offerte au chef-lieu du fief dominant, comme il vient d'être dit.

Lorsqu'il y a plusieurs propriétaires du fief dominant, le vassal n'est pas obligé de faire la foi à chacun d'eux en particulier ; il suffi de la faire à l'un d'eux au nom de tous, comme à l'aîné ou à celui qui a la plus grande part ; mais l'acte doit faire mention que cette foi et hommage est pour tous.

Au cas qu'ils se trouvassent tous au chef-lieu, le vassal leur ferait la foi à tous en même temps ; et s'il n'y en a qu'un, il doit recevoir la foi pour tous.

Les propriétaires du fief dominant n'ayant pas encore l'âge auquel on peut porter la foi, ne peuvent pas non plus la recevoir ; leur tuteur doit la recevoir pour eux et en leur nom.

Les chapitres, corps et communautés qui ont un fief dominant, reçoivent en corps et dans leur assemblée la foi de leurs vassaux ; il ne suffirait pas de la faire au chef du chapitre ou d'un autre corps.

Le mari peut seul, et sans le consentement de fa femme, recevoir la foi due au fief dominant, dont elle est propriétaire ; néanmoins s'il n'y avait pas communauté entre eux, la femme recevrait elle-même la foi.

La foi due au roi pour les fiefs mouvants de sa couronne, tels que sont les fiefs de dignités doit être faite entre les mains du roi, ou entre celles de M. le chancelier, ou à la chambre des comptes du ressort.

À l'égard des fiefs relevants du roi à cause de quelque duché ou comté réuni à la couronne, la foi se fait devant les trésoriers de France du lieu en leur bureau, à moins qu'il n'y ait une chambre des comptes dans la même ville, auquel cas on y ferait la foi.

Les apanagistes reçoivent la foi des fiefs mouvants de leur apanage ; mais les engagistes n'ont pas ce droit, étant considérés plutôt comme usufruitiers que comme propriétaires.

Quand il y a combat de fief entre deux seigneurs, le vassal doit se faire recevoir en foi par main souveraine. Pour cet effet il obtient en la chancellerie établie prés la cour souveraine ou le présidial, dans le ressort de laquelle est situé le fief servant, des lettres adressées aux baillis, aux sénéchaux, par lesquelles il leur est enjoint de recevoir le vassal en foi par main souveraine. Voyez ce mot. Quarante jours après la signification de la sentence, s'il n'y a point d'appel, ou après l'arrêt qui a jugé le combat de fief, le vassal doit faire la foi à celui qui a gagné la mouvance, à moins qu'il ne la lui eût déjà faite.

Le seigneur ayant saisi le fief du vassal, s'il y a des arrière-fiefs ouverts, et que le seigneur suzerain les ait aussi saisis, la foi doit lui en être faite.

Le propriétaire d'un fief peut-il exiger et recevoir la foi de ses vassaux, avant que d'avoir rempli lui-même ce devoir envers son seigneur dominant ? Loisel et les anciens jurisconsultes français ont pensé qu'un propriétaire de fief ne pouvait recevoir la foi de son vassal, avant d'être lui-même entré en foi : ils se fondaient à cet égard sur la constitution originaire des fiefs, qui ne regardait le vassal en possession du fief, que du moment où il en avait reçu l'investiture. Buridan, sur l'art. 58 de la coutume de Rheims ; Lalande, sur Orléans, art. 60 ; le président Bouhier, sur Bourgogne, art. 45, ont embrassé le même sentiment.

La coutume de Nivernais, tit. des fiefs,.art. 54, a une disposition contraire, qui a été adoptée par Coquille, Duplessis, de Laurière, Ragueau et Guyot. Je me rangerai volontiers à cet avis, parce que le propriétaire du fief dominant n'est pas moins véritablement propriétaire, avant d'avoir été investi par le suzerain, et qu'il peut faire tous les actes qui appartiennent à la qualité de propriétaire et de maître du fief.

Cependant cette décision ne peut s'appliquer qu'au cas où le seigneur suzerain dort, c'est-à-dire, n'a point fait saisir le fief de sen vassal à défaut de foi et hommage. Car s'il avait fait saisir féodalement, le saisi ne pourrait, pendant la durée de la saisie, exiger la foi de ses vassaux qui seraient tenus de la porter à leur suzerain. 


§. 6. Où la foi doit-elle être portée ? 

C'est une maxime générale, ainsi que nous l’avons déjà dit §. 3, que la foi n'est légitimement faite qu’au chef-lieu de la seigneurie dominante. Ainsi le vassal, pour remplir ce devoir, doit se transporter au château ou principal manoir ; et s'il n'y en a point, au chef-lieu du fief dominant.

Si le seigneur a fait bâtir un nouveau château dans un autre lieu que l'ancien, le vassal est tenu d'y aller, pourvu que ce soit dans l'étendue du fief dominant.

S'il n'y a point de chef-lieu, le vassal doit aller faire la foi devant les officiers du seigneur, ou s'il n'y en a point, au domicile du seigneur, ou en quelque autre lieu où il se trouvera, ou dans une maison ou terre dépendante du fief dominant.

Le seigneur n'est pas obligé de recevoir la foi, ni le vassal de la faire ailleurs qu'au chef-lieu ; mais elle peut être faite ailleurs, du consentement du seigneur et du vassal.

S'il n'y a personne au chef-lieu pour recevoir la foi, le vassal doit la faire devant la porte, au lieu principal du fief, assisté de deux notaires, ou d'un notaire ou sergent, et de deux témoins.

À l'égard du temps où l'hommage peut être fait, M. de Chaffeneuz observe, avec raison, qu'il se doit faire tempore congruo, et qu'ainsi le vassal ne doit pas choisir pour cela le temps de la nuit, ou celui des repas du seigneur, à moins qu'il n'y soit contraint par quelque nécessité pressante. 


§. 7. Du délai dans lequel la foi doit être portée. 

Dans les pays coutumiers, le vassal a quarante jours francs pour porter la foi, et rendre hommage ; le seigneur ne peut exiger de lui aucun droit avant l'expiration de ce délai qui est tellement donné en faveur du vassal, qu'il ne peut être ni réduit ni diminué.

Les quarante jours se comptent du moment de l'ouverture du fief, c'est-à-dire, du jour du décès du vassal, si la mutation est par mort ; si c'est par donation, vente, échange, du jour du contrat ; si c'est par un legs, du jour du décès du testateur ; si c'est par décret, du jour de l'adjudication ; et si c'est par résignation d'un bénéfice, à compter de la prise de possession du résignataire.

Mais si la foi est due à cause de la mutation du seigneur dominant, le délai ne court que du jour des proclamations et significations que le nouveau seigneur a fait faire à ce que ses vassaux aient à lui venir faire la foi.

La minorité ni l'absence du vassal n'empêchent point le délai de courir.

Si le nouveau possesseur d'un fief vient à décéder pendant les quarante jours qui lui sont accordés pour porter la foi, son successeur aura de son chef, un nouveau délai de quarante jours, à compter du jour du décès du défunt, parce que le temps qui s'est écoulé pendant la vie du premier vassal, ne doit pas être compté à son successeur, qui ne vient pas par le bénéfice du défunt, mais en vertu d'un certain droit successif.

Dans les pays de droit écrit, les vassaux ont un an pour porter la foi et hommage. Ce délai n'est point fatal, comme dans le pays coutumier, il n'emporte aucune peine ; et lorsqu'il est expiré, le seigneur ne peut faire saisir féodalement, qu'après avoir constitué son vassal en demeure par trois sommations, et avoir obtenu contre lui un jugement de commise.

Il résulte de ce que nous venons de dire, que la foi et hommage sont dus non seulement aux mutations des vassaux, mais encore toutes les fois que le fief dominant change de propriétaire ; que dans le premier cas, le vassal est tenu de porter la foi dans les quarante jours de l'ouverture du fief ; et dans le second, qu'il n'est tenu à ce devoir que quarante jours après qu'il en a été sommé par le nouveau seigneur, et que, jusqu'à l'expiration de ce délai, il ne craint pas la saisie féodale.

Quelques coutumes cependant permettent au nouveau seigneur de saisir le fief de l'ancien vassal ; mais cette saisie ne tient lieu que de sommation, sans emporter la perte des fruits. Mais si le vassal néglige de se mettre en règle, et que le seigneur saisisse de nouveau, il gagne les fruits échus depuis la première saisie. 


§.8. Des conditions requises pour rendre la foi valable, et de ses effets. 

La foi et hommage doit être pure et simple, et non pas conditionnelle.

L'âge requis pour faire la foi est différent, selon les coutumes: à Paris, et dans la plupart des autres coutumes, l'âge est de vingt ans accomplis pour les mâles, et quinze ans pour les filles ; coutume de Paris, art. 32.

En cas de minorité féodale du vassal, son tuteur doit demander souffrance pour lui au seigneur, laquelle souffrance vaut foi, tant qu'elle dure. Voyez Souffrance.

La plupart des coutumes veulent que le vassal fasse la foi en personne, et non par procureur, à moins qu'il n'ait quelque empêchement légitime ; auquel cas le seigneur est obligé de le recevoir en foi par procureur, à moins qu'il n'aime mieux lui accorder souffrance.

Quand la foi a été faite par procureur, le seigneur peut obliger le vassal de la réitérer en personne, lorsqu'il a atteint la majorité féodale, ou qu'il n'y a plus d'autre empêchement.

La réception en foi et hommage, qu'on appelle aussi investiture, est un acte fait par le seigneur dominant, ou par ses officiers ou autre personne par lui préposée, qui met le vassal en possession de son fief.

Il y a encore deux autres principaux effets de la réception en foi ; l'un est que le temps du retrait lignager ne court que du jour de cette réception en foi ; l'autre est que le seigneur qui a reçu la foi, ne peut plus user du retrait féodal.

Le seigneur dominant n'est pas obligé de recevoir la foi, à moins que le vassal ne lui paie en même temps les droits, s’il en est dû. •

Quoiqu'il y ait combat de fief, un des seigneurs auquel le vassal se présente, peut recevoir la foi, sauf le droit d'autrui auquel cet acte ne peut préjudicier.

Lorsque le vassal se présente pour faire la foi, il est au choix du seigneur de recevoir la foi et les droits, ou de retirer féodalement.

Si le seigneur refusait, sans cause raisonnable, de recevoir la foi, le vassal doit faire la foi, comme il a été dit, pour le cas d'absence du seigneur,et lui notifier cet acte.

L'obligation de faire la foi et hommage au légitime seigneur, est de sa nature imprescriptible ; mais s'il y a désaveu bien sondé, le vassal peut être déchargé de la foi que le seigneur lui demande.

Au reste on doit dresser un acte authentique de la prestation de foi et hommage, et en laisser une copie en forme au seigneur s'il est présent, et en cas d'absence, à quelqu’un de ses officiers. Ces deux expéditions doivent être signées du vassal, de la personne publique et des témoins : elles sont nécessaires au seigneur pour la conservation de ses droits, au vassal pour le mettre dans le cas de justifier qu'il a rempli le devoir de fief.

Mais ces formalités n'ont lieu qu'à l'égard des foi et hommages rendues à des seigneurs particuliers ; car la réception de celles qui sont portées au roi, est constatée par l'arrêt de la chambre des comptes, dont le double est expédié au vassal. 


§. 9. De la manière dont la foi et hommage est portée au roi, par ceux qui relèvent immédiatement de la couronne. 

Les possesseurs des grands fiefs du royaume, qu'on peut appeler les hauts-vassaux, tels que les princes et les ducs, prêtent communément l'hommage à la personne du roi même, ou à celle de M. le chancelier, les autres peuvent aussi le faire entre les mains de ce dernier ; mais comme il leur est plus commode de s'acquitter de ce devoir dans leurs provinces, nos rois commettaient anciennement pour cette fonction les baillis et sénéchaux, qui y furent confirmés par l'article 4 de l'édit de Crémieu donné en 1536 ; l'attribution en fut faite dans la suite aux chambres des comptes, et depuis aux trésoriers de France par l'édit du mois d'avril 1617.

Enfin, par un arrêt du conseil d'État du 19 janvier 1668, il a été réglé que la chambre des comptes de Paris continuerait de recevoir les foi et hommages des vassaux de la couronne, comme elle avait ci-devant fait, et qu'elle aurait le dépôt général de tous les actes d'hommage qui seraient rendus à la personne du roi, à M. le chancelier et aux bureaux des finances, et néanmoins que les officiers des bureaux de Châlons et de Bourges continueraient pareillement de recevoir les foi et hommages des vassaux du roi dans leurs ressorts, à quelque somme que le revenu des fiefs se montât, à l'exception toutefois des duchés, comtés, marquisats, vicomtés, baronnies et châtellenies vérifiées, dont les hommages seraient rendus à la personne du roi ou de M. le chancelier, ou à la chambre des comptes. Cela s'observe dans toutes les généralités qui sont dans l'étendue de la chambre des comptes de Paris.

Dans le Lyonnais, le Forez et le Mâconnais, presque tous les fiefs relèvent du roi. À Lyon, l'hommage se rend par devant les trésoriers de France ; à Montbrison, par devant le lieutenant général, en qualité de juge du domaine ; et dans le Mâconnais à la chambre des comptes de Dijon, parce que le Mâconnais fait partie des états de Bourgogne.

Dans le Beaujolais, les fiefs relèvent presque tous de M. le duc d’Orléans, en qualité de sire et baron de Beaujeu ; l'hommage se fait par devant les officiers du bailliage de Villefranche.


Encyclopédie méthodique. Jurisprudence dédiée et présentée à Monseigneur Hue de Miromesnil, garde des sceaux de France, tome 4, Panckoucke, Paris ; Plomteux, Liège, 1782, p. 555 a – 566 a.

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