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jeudi 14 juillet 2011

Le syndrome d'abandon, selon Germaine Guex (1).


Sauf à souffrir d’autisme avancé, nous sommes tous mus par le besoin, plus ou moins impérieux, d’obtenir des marques d’affection de la part de nos proches, amis et famille. Dans cette quête obligée de l’affection d’autrui, les individus empruntent des stratégies diamétralement opposées dont l’observation met en évidence deux grands types comportementaux. Chacun de ces types, soumis à une logique spécifique, a été superbement mis en pleine lumière par la psychanalyste suisse Germaine Guex dans son ouvrage, déjà ancien et toujours actuel, La névrose d’abandon (1). Elle y décrit sans concession deux types d’individu :

« (…) Le sujet en qui domine la rancune de ne pas avoir été aimé, que j’appellerais le type négatif/agressif, et celui qui, avant tout, recherche l’amour (activement) (2) que je nommerais le type positif/aimant. (…) Entre ces deux types extrêmes existent tous les dosages de ces deux éléments ».

Autrement dit, face au ressenti d’un déficit affectif et au besoin de comblement qu’il entraîne, le positif/aimant s’active et met tout en œuvre pour obtenir et mériter l’affection recherchée. Le négatif/agressif dans les mêmes circonstances, poursuivant le même dessein affectif, agit quant à lui négativement, avec violence, mais non sans quelque perfide ingéniosité. Alors que le premier avance, l’autre fait mine de reculer.

Les comportements négatifs/agressifs.

Les comportements négatifs/agressifs sont fréquemment objectivables chez certains enfants au travers de leur façon de solliciter l’attention familiale. Plutôt que d’emprunter une démarche de séduction pour obtenir de leurs parents les marques d’amour qu’ils souhaitent, ceux-ci font le choix de la colère, des pleurs ou de la fugue. Ainsi soumettent-ils leur entourage à toutes sortes d’épreuves qui visent à quérir des preuves d’attachement. Ils optent pour une stratégie de rupture afin de soumettre leur entourage à un test d’amour, argue Germaine Guex. La preuve par l’épreuve, en quelque sorte.

« Toutefois, poursuit-elle, il ne faut pas perdre de vue que cette agressivité, si forte et si tenace soit-elle, n’a pas son but en elle (…). Le mobile central de tels comportements consiste avant tout à une mise à l’épreuve. Il s’agit de savoir si l’objet (celui dont ils espèrent un témoignage d’affection (3)) tiendra bon. S’il aimera malgré tout le sujet, tel qu’il est, si désagréable qu’il puisse se montrer. La mesure de son endurance donne la mesure de son amour. »

Il y a bien peu d’autres explications aux réponses alcooliques de certains pères à la naissance de leur premier enfant. L’alcoolisme est pour eux moins un refuge qu’un pathétique appel. Il n’en va pas différemment des hommes qui molestent leur compagne. Si je frappe plus fort, se disent-ils inconsciemment, m’aimera-t-elle encore suffisamment pour me garder une place dans son cœur (4) . La perte de l’être cher par la rupture ou le fatal accident (issues quasi inéluctables) n’est hélas en rien salutaire pour le négatif/agressif. Ses nouvelles relations resteront inexorablement marquées du sceau de l’éternelle provocation : mettre les autres à l’épreuve pour s’assurer de leur amour.

Les comportements positifs/aimants.

Les comportements des positifs/aimants sont plus simples et moins pervers. On l’a compris le positif/aimant exprime les choses. Il demande ce qu’il souhaite et souhaite ce qu’il demande.

« Parviendra-t-il à se faire aimer, sera-t-il capable de maintenir le lien, réussira-t-il à écarter le spectre de la solitude et de l’abandon ? C’est sous cette forme, nous dit Germaine Guex, que le problème se pose à lui. »

Le positif/aimant possède un certain sentiment de valeur personnelle que ne ressent pas le négatif/agressif. Il bénéficie d’une bonne opinion de lui-même et se sent digne d’amour. Ce sentiment lui permet de créer des liens propres à lui assurer ce dont il a le plus besoin : sa sécurité affective. Son besoin de preuve d’amour est aussi vital et inextinguible que celui exigé par le négatif/agressif. À une différence près. Sa pathologie le rend oblatif et généreux envers les autres. Il est capable de réel dévouement et trouve ainsi ne retour le climat affectif nécessaire à son épanouissement. En bref, sa demande affective est impérieuse, il l’exprime clairement et ainsi la voit satisfaite. À l’opposé, le négatif/agressif, malgré son désir d’amour d’autrui tout aussi impérieux, lui, ne l’exprime pas. Il croit aux vertus d’une pensée magique qui comme par enchantement conduirait l’autre à deviner, voire anticiper son manque d’affection, sans avoir à le solliciter d’aucune manière. Il obtient moins que la dose nécessaire à étancher ses besoins affectifs. En résumé, contrairement au négatif/agressif qui pour obtenir des bisous multiplie fugues et colères, le positif/aimant, lui, fait choix de les demander sans détour : bisous maman, bisous...


Notes.

(1) La Névrose d’abandon, Germaine Guex, Presses Universitaires de France, Paris, 1950.
(2) Note de l’auteur.
(3) Note de l’auteur.
(4) Si cette observation ne les excuse pas, l’explication contribue à déchiffrer ce détestable comportement et d’y trouver peut-être le remède.

Source.

Pascal Py, Les commerciaux descendent de Cupidon et leurs clients de Vénus : la Vente Séduction en 20 leçons !, Maxima - Laurent Dumesnil Éditeur, Paris, 2008, p. 37-40

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