ARROGANCE (vice), Arrogant.
L'arrogant, comme le mot l' indique, ad se rogare, est celui qui s'attribue spontanément la supériorité, ne pensant pas même qu'elle puisse lui être contestée, tant il est sûr de lui-même et de son droit, comme le lion de la Table qui s'adjuge la première part, parce qu'il s'appelle lion. Il veut en outre que les autres reconnaissent hautement ce qui lui parait si évident, et de là ses prétentions à leurs hommages. Aussi le reconnaît-on facilement à ses manières hautaines, à ses prétentions hardies, à sa fierté, à son orgueil, à sa présomption, à sa morgue ; car il réunit le plus souvent quelques-uns de ces vices et quelquefois tous. Ce qui a fait dire avec raison que l'arrogance se trouve dans les manières, les prétentions, etc., qu'affectent les personnes arrogantes.
L'arrogance est de tous les vices celui qu'on supporte le moins dans autrui ; il blesse l'amour-propre de tout le monde, à cause de sa supériorité qu'elle voudrait lui imposer; et comme elle jouit de l'humiliation de tous, elle leur devient vexatoire. L'arrogance excite plus d'irritation que la hauteur, car celle-ci se renferme souvent dans le silence ou ne s'exprime que par le regard ; l'autre est plus exigeante, tracassière; elle demande de la soumission ; il faut qu'on se découvre et qu'on plie le genou devant elle: il ne faut donc pas les confondre.
L'arrogance doit être toujours mal accueillie; je ne dis pas que si un individu se distingue ou s'est déjà distingué par ses talents et ses brillantes qualités, il ne doive accueillir avec satisfaction, avec joie, les hommages que la foule s'empresse à lui rendre, et que le peuple rend d'autant plus volontiers qu'on l'exige moins ; c'est tout naturel: mais témoigner par son ton, par son langage, que l'on a droit à des hommages et qu'on y prétend, c'est du dernier ridicule.
Que doit-il résulter de ce travers d'esprit? Rien de bon pour l'arrogant; au contraire, puisque l'homme né libre et indépendant dans ses volontés, l'homme qui a du sens et de la raison, refuse obstinément ce qu'on exige de lui, ce qu'il aurait accordé de son propre mouvement si l'on n'avait pas montré les prétentions de l'y contraindre. Mieux vaut donc laisser les hommes libres de suivre leurs inspirations.
Nous avons signalé les inconvénients de se poser en arrogant; rien de mieux, pour ne pas s'exposer à le devenir, que d'éviter par l'éducation le développement de ce vice en celui qui y serait disposé. Et pour obtenir ce résultat, il faudra lui montrer l'arrogant en proie au chagrin d'être haï et méprisé de ceux-là même dont il recherche les suffrages ou les hommages ; lui dire que le moindre mal qui puisse lui revenir de son arrogance, c'est d'être mécontent des autres, qui, eux aussi, seront très-mécontents de lui. Et comme il n'y a pas de position plus pénible, nul ne voudra s'y exposer, à moins que son intelligence soit inaccessible à de bonnes inspirations.
Félix-André-Augustin Poujol, Dictionnaire des facultés intellectuelles et affectives de l'âme: ou l'on traite des passions, des vertus, des vices, des défauts, etc., J. P. Migne éditeur, 1857, col. 254.
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