[Orthographe modernisée]
p. 13-17 : Entre les avis salutaires que Saint Éloi Évêque de Noyon donne à ses peuples, il leur dit, selon le rapport de saint Ouen Archevêque de Rouen dans sa vie :
« Avant toutes choses, mes frères, je vous avertis et je vous conjure de ne garder aucunes coutumes païennes ; de n'ajouter foi ni aux Graveurs de préservatifs, ni aux Devins, ni aux Sorciers, ni aux Enchanteurs, et de ne les point consulter pour quelque sujet, ou quelque maladie que ce soit : parce que celui qui commet ce crime, perd aussitôt la grâce du Baptême. N'observez point les augures, ni les éternuements ; et quand vous ferez en chemin, ne prenez pas garde au chant de certains oiseaux ; mais soit que vous cheminiez, soit que vous fassiez quelque chose, faites le signe de la Croix sur vous, et récitez avec foi et piété le Symbole et l'Oraison Dominicale, et l'ennemi ne vous pourra nuire.
Qu'aucun Chrétien ne remarque à quel jour il sort de sa maison, ni à quel jour il y entre, parce que Dieu a fait tous les jours. Ne vous attachez ni au jour, ni à la lune, lorsque vous avez quelque ouvrage à commencer. Ne pratiquez point les cérémonies sacrilèges et ridicules que les Païens font aux Calendes de Janvier, soit avec une génisse, ou avec un faon, soit en dressant des tables de nuit, soit en donnant des étrennes, soit en faisant des buvettes superflues. Ne croyez point aux bûchers, et ne vous asseyez point en chantant, parce que toutes ces pratiques sont des ouvrages du Démon. Ne vous arrêtez point aux solstices, et qu'aucun de vous ne danse, ne faute, ni ne chante des chansons diaboliques le jour de la fête de saint Jean, ni de quelque autre Saint.
Qu'aucun de vous n'invoque les noms des démons, ni ceux des fausses divinités, et n'ajoute foi à de semblables folies. Ne passez point le Jeudi dans l'oisiveté, soit pendant un autre temps, à moins qu'il n'arrive ce jour-là quelque fête. Ne chômez que le Dimanche. Ne portez point des flambeaux aux temples des Idoles, aux pierres, aux fontaines, aux arbres, ni aux carrefours, et ne faites des vœux à aucune de ces choses. N'attachez point de ligatures au cou des femmes ni des bêtes, quand même vous verriez des Ecclésiastiques en user ainsi, et que l'on vous dirait que cette pratique serait sainte, et qu'elle ne renfermerait que des paroles de l'Écriture, parce qu'un tel remède ne vient pas de JÉSUS-CHRIST, mais du Démon. Ne faites point d'expiations, n'enchantez point des herbes, et ne faites pas passer vos troupeaux par des arbres creux, ni dans de la terre percée, d'autant qu'il semble que ce soit les consacrer au Démon.
Qu'aucune femme ne pende à son cou de l'ambre, et n'invoque ni Minerve, ni aucune autre malheureuse personne, soit pour filer, soit pour teindre, soit pour faire quelque autre ouvrage, mais plutôt qu'elle implore la grâce de JÉSUS-CHRIST dans toutes ses actions, et qu'elle mette toute sa confiance dans la vertu de son nom. Qu'aucun ne crie lorsque la lune éclipse, parce qu'elle éclipse en certains temps par l'ordre de Dieu. Qu'aucun ne fasse difficulté d'entreprendre des ouvrages dans la nouvelle lune, d'autant que Dieu a crée la lune pour marquer les temps, et pour modérer les ténèbres de la nuit, non pas pour arrêter les ouvrages de qui que ce soit, ni pour rendre les hommes insensés, comme s'imaginent certains fous, dans la pensée qu'ils ont que ceux qui sont possédés par les Démons sont tourmentés par la lune.
Que personne n'appelle son maître le soleil ou la lune, et ne jure par ces deux astres, qui sont des créatures de Dieu, et qui, selon qu'il l'a ordonné, servent aux nécessités des hommes. Que personne ne croie au destin, ni à la fortune, ni à l'Astrologie judiciaire, en sorte qu'il juge de toute la vie des hommes par le point de leur naissance, parce que Dieu veut (1 Tim. 2) que tous les hommes soient sauvés, et qu'ils viennent à la connaissance de la vérité, et qu'il a réglé toutes choses avec sagesse avant la création du monde.
S'il vous arrive quelque maladie, n'ayez pas recours ni aux Charmeurs, ni aux Devins, ni aux Sorciers, ni aux Graveurs de préservatifs. Ne vous attachez ni aux fontaines, ni aux arbres, ni aux carrefours, pour faire des phylactères diaboliques ; mais que celui qui est malade ait confiance en la seule miséricorde de Dieu, qu'il reçoive avec foi et avec dévotion le corps et le sang de JÉSUS-CHRIST, et qu'il demande à l'Église le Sacrement de l'Extrême-Onction, afin que les Prêtres prient pour lui ; selon le langage de l'Apôtre saint Jacques (c. 5.), l'oignant d'huile au nom du Seigneur, que la prière de la foi sauve le malade, que le Seigneur le soulage, en lui rendant non seulement la santé du corps, mais aussi celle de l'âme, et qu'il accomplisse en lui les promesses qu'il a faites dans son Évangile (Matth. 2.) : Quoi que ce soit que vous demandiez dans la prière, vous l'obtiendrez, si vous le demandez avec foi. »
p. 33 : Lorsque l'on invoque manifestement les Démons par le moyen des morts, cela s'appelle Nécromancie. Lorsque l'on emploie les choses saintes à d'autres usages qu'à ceux auxquels elles sont destinées, cela s'appelle Superstition.
Ainsi il y a de la Superstition à faire boire de l'eau bénite aux malades, à en répandre sur les champs afin de les rendre fertiles, et à en donner à boire aux animaux ; à prendre du cierge Pascal et de l'eau des fonts baptismaux pour produire certains effets ; à ne point manger de têtes en l'honneur de sainte Appoline ou de S. Blaise ; à se servir du cierge béni et d'une croix de bois faite d'un rameau, pour se préserver de certains maux ; à se baigner la veille de Noël et du mercredi des Cendres, pour n'avoir point de fièvres, ni le mal des dents ; à ne point manger de chair le jour de Noël, afin de n'être point malade des fièvres ; à honorer S. Nicolas, afin d'avoir des richesses ; à faire un voyage à S. Valentin en demandant l'aumône, contre le mal caduc ; à peser un enfant avec du seigle ou de la cire ; à porter dans le printemps une croix par les champs contre les tempêtes ; à faire certaines offrandes sur un autel, comme des pierres le jour de S. Étienne, et des flèches le jour de S. Sébastien.
Il se commet aussi diverses Superstitions par le moyen des paroles mêlées avec certaines choses ; par le moyen des maléfices diaboliques, qui donnent de la haine ou de l'amour ; par le moyen d'une, aiguille qui a touché la robe d'un mort ; par le moyen d'un morceau du bois d'un gibet ou d'une potence ; par le moyen de certains bois joints ensemble contre les fièvres ; par le moyen d'une hostie non-consacrée, contre le même mal et contre la jaunisse ; enfin par le moyen de l'urine, des poussins et d'autres semblables folies.
Jean-Baptiste Thiers, Traité des superstitions selon l'Écriture sainte, les décrets des Conciles et les sentiments des Saints Pères et des Théologiens, 3e édition, revue, corrigée et augmentée, tome 1er, Antoine Dezallier, Paris, 1712.
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