Rechercher dans ce blogue

vendredi 17 juin 2011

L'école aux États-Unis en 1912.



III. — Séances de l'après-midi. (…)

B. — LE RÔLE DE L ÉCOLE AUX ÉTATS-UNIS

M. HENRI MARTY dit qu'aux États-Unis, le but avoué de l'école est d'arriver à assimiler les étrangers, à transformer les enfants des immigrants en citoyens américains.

Au début, les premiers colons anglo-saxons ont reproduit plus ou moins bien les écoles anglaises : écoles privées à caractère religieux ; puis, au fur et à mesure du développement de la richesse, écoles jouissant des revenus de fondations. Ces écoles constituaient un élément de conservation sociale, mais qui peu à peu devint de la routine, et l'on peut dire que les écoles américaines étaient tombées dans un état déplorable au début du XIXe siècle.

Or, c'est précisément au moment où la décadence des écoles se manifestait que l'Amérique vit se développer une véritable invasion d'ignorants, venus de tous les coins de l'Europe. Une réforme scolaire s'imposait, et Horace Mann en fut le promoteur. Cet homme d'origine modeste, quitta ses fonctions pour se vouer à la refonte des méthodes d'enseignement et à la création d'écoles populaires.

L'instruction est obligatoire jusqu'à quatorze ans et les pouvoirs locaux ont établi des écoles primaires gratuites, suivies d'écoles secondaires qui reçoivent des élèves externes de quatorze à dix-huit ans. Ces écoles sont administrées par des comités scolaires délégués par les pouvoirs locaux. L’État Fédéral a peu d'action sur l'enseignement, et le Comité central de Washington ne s'occupe guère que de recueillir des statistiques.

Les membres des comités locaux sont souvent des politiciens, mais ceux-ci ont le bon sens de laisser agir les spécialistes, instituteurs, médecins, etc. Il y a quelques écoles privées aux États-Unis, mais elles sont peu nombreuses et la plupart sont situées dans les anciens États de l'Est. Ce sont des internats du type anglais, ou des écoles religieuses, ou encore des écoles nouvelles où l'on veut expérimenter des méthodes d'éducation ou d'instruction.

Ce qu'il y a de plus important à discerner, ce sont les caractéristiques des écoles publiques, puisqu'elles forment la grande majorité des citoyens américains.

On peut remarquer tout d'abord que ces écoles n'ont pas le même souci que les écoles anglaises de former le caractère, le self-control et le sens de la responsabilité. Mais de la forte impulsion puritaine du début, elles ont conservé le souci moral et la croyance en la perfectibilité de l'homme. On oublie un peu trop les mauvais côtés de la nature humaine, mais il est indéniable que l'on a un grand respect de la personnalité, ce qui développe à un haut degré l'esprit d'initiative. A côté de cela, les associations et les clubs habituent à l'action concertée. L'école est neutre dans le sens anglo-saxon, c'est-à-dire qu'elle n'est pas anti-religieuse, et l'on cherche toutes les occasions pour développer le patriotisme, l'enthousiasme et la foi au progrès.

M. Ph. ROBERT demande si la co-éducation est un fait général dans les écoles primaires, et quels sont les avantages ou les inconvénients qu'on lui reconnaît, par exemple si elle contribue à développer le respect de la femme.

M. MARTY répond que la co-éducation est générale dans les écoles primaires, et on envisage comme normal et naturel le fait d'élever ensemble des garçons et des filles comme dans la famille. La co-éducation a certainement contribué à développer le respect de la femme. Dans les écoles secondaires, on fait certaines critiques au point de vue de l'instruction, car le développement intellectuel ne se fait pas de la même manière dans les deux sexes.

M. -MELIN demande si la co-éducation n'est pas due à la prédominance des femmes dans l'enseignement. Il y a notamment beaucoup de femmes qui sont institutrices et directrices d'écoles. On peut se demander aussi si une autre cause de la co-éducation n'est pas l'origine familiale des écoles, la plupart des écoles américaines étant dues à l'initiative des familles, où l'éducation des frères et des sœurs se fait en commun ?

M. DE CALAN fait remarquer qu'il faudrait savoir si la proportion des personnes des deux sexes employées dans l'enseignement était plus grande anciennement qu'actuellement pour déterminer l'influence que ce phénomène a pu avoir sur la co-éducation.

M. MARTY répond que la proportion des femmes dans l'enseignement va croissant et que ce phénomène est dû à la facilité qu'ont les hommes de trouver des carrières plus lucratives. A une autre question de M. Melin, M. Marty répond que l'éducation domestique est très développée dans les universités et les écoles américaines en général.

M. DE SAINTE-CROIX appelle l'attention sur ce fait que la plupart des méthodes pédagogiques ont été inventées en Allemagne, et que c'est surtout aux États-Unis qu'elles sont expérimentées et pratiquées. Mais il semble que tout soit essayé dans un certain chaos, ainsi la dactylographie apparaît à côté et sur le même pied que la poésie.

M. BLANCHON s'informe de la place qu'occupe la culture générale dans l'éducation américaine et du rôle des écoles techniques.

M. MARTY dit que l'on a l'impression  d'une grande anarchie intellectuelle. Tout est essayé trop facilement et sans discernement. La culture générale est très peu développée dans les écoles secondaires. Dans les collèges universitaires, on consacre quatre années à la culture générale pour passer l'examen de bachelier, après quoi, dans l'Université, chacun se spécialise dans une branche. 

« Congrès de la Société de Science Sociale », in La Science sociale suivant la méthode de F. Le Play, 27e année, 2e série, 95e fascicule, juillet-août 1912, p. 93 et suivantes.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire